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L'UN N'EST PAS L'AUTRE

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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QUE SAVEZ-VOUS DU SEXE OPPOSÉ ?

L'UN N'EST PAS L'AUTRE

Anne de Kervasdoué

' I înée d'une famille de six filles et d'un seul garçon, élevée

A

par des parents qui, avant chaque naissance, ne rêvaient , | que de garçon et de surcroît par un père aux opinions peu féministes, je ne savais pas grand-chose des hommes, si ce n'est qu'ils appartenaient à une espèce rare et convoitée. Dans mes jeux d'enfants s'opposaient le clan des filles et celui des garçons qui, lorsqu'ils avaient décidé de s'intéresser à nous, venaient casser nos cabanes patiemment construites en poussant des hurlements de Sioux, effacer nos marelles, détruire nos châteaux de sable, etc.

Ils suscitaient nos cris et semaient la zizanie. Garçon était pour moi synonyme de désordre, agitation incontrôlée, vacarme, bagarres.

Restée jusqu'en terminale dans un lycée exclusivement fémi- nin, je voyais peu d'adolescents sinon lors de soirées très conve- nues où je m'ennuyais ferme. Seuls leurs aînés m'attiraient, mais ils restaient pour moi lointains, inaccessibles, objets de crainte et de fantasmes. Ma connaissance du sexe opposé n'avait guère progressé.

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En revanche, je savais à quoi devrait ressembler l'homme futur. Il serait fort, protecteur, responsable et apaisant. Avec lui, tout serait simple en comparaison de mon univers féminin com- plexe et tourmenté, faible par essence. À dix-huit-vingt ans, je n'étais pas loin de partager le point de vue de mon père sur les femmes : bavardes, émotives, indécises, incapables de maîtriser leurs sentiments. Elles pensaient tout haut, conduisaient mal, n'avaient aucun sens de l'orientation et ne savaient pas lire les cartes ! De l'homme seul, son complément indispensable, dépen- daient son avenir et la réussite de sa famille. À celle-ci de bien le choisir. Avec le temps, j'ai découvert une réalité plus complexe...

Toutefois, s'ils m'apparaissent infiniment plus proches qu'il y a trente ans, les hommes n'ont jamais cessé de m'étonner.

Devenue depuis gynécologue, mon univers quotidien reste très féminin..., mais l'écoute des femmes m'apprend tous les jours davantage sur le comportement des hommes. Pour parler d'eux, je me limiterai au champ de mes consultations.

Quand une petite fille de trois à quatre ans entre dans mon bureau avec sa maman en panne de baby-sitter, elle reste assise sur une chaise, concentrée sur un livre ou sur un jeu et, si elle bouge, elle se déplace prudemment dans un périmètre limité, en posant des questions. Le petit garçon, lui, dans les mêmes circonstances et le même laps de temps, saute immédiatement de sa chaise, glisse sous le bureau, monte plusieurs fois sur la balance, ouvre les pla- cards et la poubelle, tourne autour des chaises, tire sur les fils du téléphone et de l'ordinateur, ou encore manipule les boutons du radiateur. En quelques instants, sans dire un mot, il a exploré tout l'univers de mon bureau.

Plus tard, lors d'une échographie, la future maman s'émeut sans se lasser devant les gestes et les battements du cœur de son bébé ; le futur père, une fois la première émotion dissipée, est fas- ciné par le fonctionnement de l'appareil. L'un n'est pas l'autre.

En consultation, l'homme expose, en une ou deux phrases courtes et directes, le motif de sa visite et résume brièvement les faits. Le vocabulaire est précis. Sur son visage, on y lit peu d'émo- tion. Mais on la devine réelle, car un homme ne consulte pas volontiers une femme gynécologue. Il faut bien souvent qu'il y soit

« encouragé ». À l'inverse, avant de donner la raison de sa visite, la

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femme raconte. Elle raconte à partir d'un événement clé, qui remonte parfois à plus de dix ans, non seulement les faits sans omettre une étape, mais aussi et surtout ses propres émotions, et son visage exprime toute une palette d'expressions, y compris les pleurs. Il m'arrive parfois au bout de dix minutes de ne pas encore savoir au juste le motif de sa consultation !

Quitte à en agacer certaines, je voudrais rappeler ici quelques évidences que l'on cherche trop souvent à nier et qui fondent l'atti- rance et l'incompréhension mutuelles des deux sexes.

L'homme entretient avec son corps des rapports relativement harmonieux. Il y pense peu, n'en parle jamais et surtout pas à ses amis, ne se plaint qu'avec réticence, consulte le plus tardivement possible un médecin et rarement un psychiatre. Adolescent, il est, à quelques exceptions près, plutôt satisfait de son physique. La jeune fille trouve beaucoup de défauts au sien : seins trop petits ou trop gros, cellulite, acné, jambes lourdes et surtout poids excessif.

Sur dix anorexiques, neuf sont des femmes. Son premier rapport sexuel le contente pleinement, la jeune fille au même âge le regrette dans 75 % des cas.

Il est plus fragile sur le plan psychobiologique

Une fois passée l'ébullition hormonale de la puberté, aucun

événement biologique ne viendra lui rappeler son corps : ni gon-

flement mammaire ou abdominal, ni règles, ni douleurs cycliques,

ni troubles inexpliqués de l'humeur, ni grossesse, ni privation hor-

monale brutale aux deux tiers de sa vie. Il souffre peu de

migraines, de varices, de maux de ventre et, exceptionnellement,

de son sexe. Chez la femme, même en bonne santé, ces plaintes

somatiques sont fréquentes, répétées, voire obsessionnelles. Il n'a

nul besoin de planifier contraception, grossesse, cycles, consulta-

tions, et de suivre régulièrement des traitements antalgiques et hor-

monaux. Seuls 10 % des hommes connaîtront les désagréments de

l'andropause, alors que 100 % des femmes sont privées d'hor-

mones au-delà de cinquante-cinq ans, avec toutes les consé-

quences que cela implique. Contrairement à la femme, l'homme

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reste longtemps très indulgent à l'égard de sa prise de poids. Il réagira plus tard, sous la pression d'une femme, d'un médecin ou à l'occasion d'une alerte cardiaque. Ce n'est qu'à l'approche de la cinquantaine, à l'apparition des premières marques du vieillis- sement, et surtout d'un fléchissement de ses performances sexuelles, qu'il commence à prendre conscience de son corps. Malade, il répugne à consulter, à la grande désolation de sa compagne consciente du danger. Il attend des jours meilleurs, pense que tout va s'arranger, se renferme en lui-même ou devient d'humeur exé- crable. L'homme est physiquement plus fort et curieusement plus fragile sur le plan psychobiologique (mortalité périnatale supé- rieure et moindre longévité). Les hommes vivraient-ils plus long- temps s'ils consultaient plus tôt ? On peut le penser.

L'homme n'éprouve que tardivement un désir d'enfant. Si les circonstances ne le bousculent pas, il pense qu'il a toute la vie, et biologiquement il a raison. Il préfère s'investir dans sa carrière. C'est pour la femme aimée qu'il se laisse convaincre car, préparée à cette idée depuis son enfance, elle sait qu'elle a peu de temps, même si ce n'est pas le bon moment. Il cherchera à gagner du temps, s'il le peut. Dans une union libre, il exprime plus facilement sa préfé- rence, car « il ne se sent pas encore assez mûr ». C'est un peu tôt, toujours trop tôt pour lui. En revanche, à partir du jour où il se sera décidé, il s'impatientera. Il ne sait pas encore qu'il faut cinq mois en moyenne pour obtenir une grossesse à vingt-cinq ans, et un an à quarante ans. Les femmes vivent mal ces contraintes et cette pres- sion sur un phénomène qu'elles ne contrôlent pas, à un moment où il leur faudrait justement une grande sérénité. Lui ne réalise pas tou- jours le dilemme permanent de la femme qui travaille et cherche à avoir un bébé. Il peut accepter quand il veut, où il veut, aux condi- tions désirées, un nouveau travail. Il bénéficie d'un laps de temps plus long pour planifier sa vie ; il ne reste que quinze ans à la femme, une fois ses études terminées, pour faire des enfants et réussir sa vie professionnelle.

L'homme n'assumera pas physiquement une grossesse non désirée, mais il ne pourra pas non plus s'opposer à la volonté d'une femme qui souhaite la poursuivre malgré lui. La pire blessure qu'un homme puisse infliger à une femme dont il prétend être amoureux, c'est de lui refuser l'enfant qu'elle souhaite ou, pire,

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celui qu'elle attend, surtout passé trente-cinq ans. Cette situation n'est pas rare, elle est même de plus en plus fréquente quand, encore marié ou non, il a déjà, lui, plusieurs enfants. Si la femme est contrainte d'interrompre sa grossesse, elle ne le lui pardonnera jamais. Il en sera tout étonné et parfois contrit, mais trop tard. Les pères de famille ne devraient s'intéresser qu'aux femmes déjà mères ou plus âgées ! Enfin, pour devenir père, l'homme a besoin de la femme, et seule la parole de la mère l'assurera d'être le père de l'enfant.

La sexualité des hommes paraît infiniment plus simple et facile à satisfaire que celle des femmes, bien qu'ils soient toujours dans l'obligation de prouver. Jeune homme, « il ne pense qu'à cela » et « ne veut qu'une seule chose » : d'abord du sexe. Son désir est si impérieux qu'il peut faire l'amour sans souci de confort ou de romance. Pour lui, les préliminaires sont inutiles. Pendant l'amour, totalement concentré, il parle peu et reste insensible aux bruits extérieurs qui affectent les femmes : pleurs d'un bébé, pas furtifs derrière la porte de la chambre. Son plaisir est vif et rapi- dement obtenu. Il mesurera ses talents d'amant à l'aune du plaisir feint ou réel de sa compagne, sans trop bien percevoir la nature et la qualité réelles des émotions qu'elle ressent à cet instant précis.

Après l'amour, moment très attendu des femmes, le plus souvent il s'endort.

Quand les attentes diffèrent

Tout paraît simple pour lui : une incitation visuelle, la nudité

et la disponibilité totale de la femme suffisent à son bonheur. Mais

les attentes des femmes diffèrent des siennes. Pour satisfaire plei-

nement une femme sur le plan sexuel, l'homme doit se donner du

mal. Il lui faut masquer l'urgence de son désir tout en le manifes-

tant, procéder par étapes : l'envelopper de paroles douces à ses

oreilles pour la mettre en confiance et la rassurer, lui parler d'elle-

même, stimuler son imaginaire erotique. Bref, quand tout bouillonne

en lui, il doit la caresser sur tout le corps, laisser monter en elle la

tension du désir, attendre son plaisir alors qu'il obtient le sien en

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trois minutes. Après l'amour, malgré son épuisement, quand Morphée lui tend délicieusement les bras, il doit rester éveillé avec elle pour la cajoler encore.

Avec du talent, l'âge et l'expérience, les désirs et les plaisirs de chacun s'équilibrant, il apprendra à son contact à satisfaire ses exigences. Par ailleurs, l'homme ne peut s'empêcher de « mater » en présence de sa compagne, d'avoir des aventures qui ne « comptent pas » et de trouver inimaginable qu'elle en fasse de même. L'engagement lui fait peur ; il ignore sa valeur symbolique et erotique auprès des femmes qui aiment les preuves d'amour. Le clivage sexe-sentiment semble plus facile à gérer pour lui que pour elle qui les confond volontiers. Est-ce un produit de notre culture - la femme habille ses désirs sexuels en sentiments par peur d'être mal jugée ou rejetée - ou une réalité physiologique ? Le débat reste ouvert ; mais je peux témoigner ici de l'omniprésence du sentiment de culpabilité chez elle.

Quand la sexualité pose un problème, ce n'est pas lui qui l'exprime. Le plus souvent, elle s'impute la responsabilité de l'échec : « Je n'éprouve pas de désir », « je suis frigide », « je me bloque », « j'ai mal », et jamais directement : « Il est trop rapide »,

« maladroit », « pervers », etc. Peut-être que les hommes ressentent aussi des sentiments de culpabilité, je ne sais ; ils ne les expriment que rarement, reportant plutôt sur autrui leur agressivité.

Les femmes reprochent aux hommes de n'exprimer qu'avec parcimonie leurs sentiments et de moins bien percevoir ce que ressent l'autre. Ils semblent ne jamais les écouter quand elles parlent, rester impassibles et comme indifférents devant leurs émotions (la testo- stérone émousse l'expression émotionnelle). Dans une situation de stress, l'homme se tait ou se distrait en faisant quelque chose, alors que la femme éprouve à ce moment-là le besoin de parler indéfiniment. Lorsque les circonstances sont tragiques, elle en conçoit une frustration et une douleur profonde et tenace. La femme est plus volontiers angoissée et dépressive, particulièrement pen- dant les périodes de vulnérabilité hormonale, et l'homme coléreux ou agressif.

Je n'ai appris que plus tard le rôle considérable joué par l'hor- mone mâle, la testostérone. C'est elle qui transforme l'embryon encore non sexué en petit garçon, et qui imprègne son système nerveux. À la puberté, elle le transforme en homme, tout en exer-

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çant une action directe sur son cerveau. Plus tard, sécrétée de façon continue et non cyclique, et ce, jusqu'à la fin de sa vie, elle influencera en permanence les comportements et l'expression des émotions.

Ce que je sais du sexe opposé, c'est qu'il est et restera diffé- rent. Vivent nos différences ! C'est un fait biologique indéniable et indispensable à la survie de l'espèce. L'égalité, elle, est un droit qui reste à établir. Je pense comme Alain Braconnier que « seul l'amour

profond et sincère des différences est le chemin paradoxal et obligé

qui mène à la véritable égalité des sexes ».

Anne de Kervasdoué *

* Gynécologue, attachée à la maternité de Saint-Vincent-de-Paul, Anne de Kervasdoué est l'auteur de Questions de femmes, Jours de femmes, Questions d'hommes (en collabo- ration avec Jean Bélaïsch), Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres (en col- laboration avec Janine Mossuz-Lavau).

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