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CHAUSSY : FORTERESSE ou RÉSIDENCE ? Une habitation seigneuriale du Vivarais à la fin du Moyen Âge.

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CHAUSSY : FORTERESSE ou RÉSIDENCE ? Une habitation seigneuriale du Vivarais à la fin du Moyen

Âge.

Cédric Avenier

To cite this version:

Cédric Avenier. CHAUSSY : FORTERESSE ou RÉSIDENCE ? Une habitation seigneuriale du Vi-

varais à la fin du Moyen Âge.. Revue du Vivarais, Revue du Vivarais, 2006. �hal-01872641�

(2)

Cédric AVENIER, Dr histoire de l'art, Laboratoire Cultures constructives, ENSAG.

A rticle publié in R evue du V ivarais , 1

e r

trim estre 2006, pp. 275-293.

CHAUSSY : FORTERESSE ou RÉSIDENCE ?

Une habitation seigneuriale du Vivarais à la fin du Moyen Âge.

Les terres de Chaussy, situées à Ruoms, firent l’objet de recherches archivistiques médiévales et modernes dont nous devons la mise au clair à L. de Montravel dans le seul article qui ait été consacré au sujet

1

. Il cite une charte du X

ème

siècle conservée aux Archives départementales de l'Ardèche (inutile pour notre étude), des actes notariés de l'étude Peschier de Vallon-Pont-d'Arc pour faire l'historique des familles qui ont habité le site, et des archives municipales de Ruoms, de la période révolutionnaires, utiles pour la description du château de Chaussy qui nous intéresse

2

. Les Archives départementales de l'Ardèche semblent dépourvues de documentation complémentaire. Il est donc difficile de connaître précisément la nature et l'ampleur de la fortune des châtelains de Chaussy à la fin du Moyen Age, époque de la construction du château. En revanche, nous avons pu établir un relevé et une étude précise des structures de ce qui était autrefois appelé le Ranc et aujourd'hui Chaussy. Aussi, et en l'absence par ailleurs de fouilles, l'archéologie du bâti est-elle la seule source de cette étude.

I Les seigneurs de Chaussy à la fin du Moyen Âge et à l'époque Moderne : A l'image du comté

3

, le lieu de Ruoms fut longtemps divisé par les dispersions de pouvoir et l'appartenance du lieu, l'église et le village dans ses fortifications, à l'abbaye de Cluny a sans doute facilité le désir d'implantation de pouvoirs laïcs concurrents sur les hauteurs

4

. Au XIV

èmes

siècle, les évêques de Viviers réussirent à prendre le titre de comtes du Vivarais et laissèrent les seigneurs agrandir leurs fiefs pendant la Guerre de Cent Ans. Au début du XV

ème

siècle, le Vivarais bénéficiait "d'un calme relatif"

5

qui engageait ces seigneurs à rénover leurs constructions

6

. Les proches abords de Ruoms furent ainsi divisés en deux petites seigneuries.

Les premières mentions de ces deux seigneuries, celle du Ranc autrefois appelée les Conches, au sud, et celle de Chaussy (appelée aujourd'hui Petit-Chaussy), plus à l'est, datent du début du XV

ème

siècle. Il s'agit pour le Ranc du contrat de mariage d'André, fils de noble Louis du Ranc (certainement fils de Jean du Ranc, notaire et mari

1

MONTRAVEL, L. de, "Chaussy", in Revue du Vivarais, Tome VII, 1899, p. 457 sqq.

2

Nous remercions la famille Chardès pour son accueil et son obligeance.

Nota : Aucun acte ne mentionne Chaussy comme castrum, castellum ni mandamentum. D'ailleurs aucun acte ne le mentionne directement. Nous ne connaissons que des seigneurs, fonciers ou banaux, de Chaussy. Le doute est donc permis entre château ou maison-forte mais nous utiliserons par commodité le vocable de château.

3

LAFFONT, P.-Y., Atlas des châteaux du Vivarais, (Xe-XIIIe siècles), D.A.R.A., n° 25, Lyon, 2004, p.

17 sqq.

4

Á partir de 1220, les droits seigneuriaux de Ruoms, furent possédés par Astorgie de Chanaleilles, qui les donna en dot à Bertrand I

er

d'Adillon, co-seigneur de Saint-Alban-sous-Sampzon. Le seigneur temporel de Ruoms était le prieur mais les droits seigneuriaux appartenaient au co-seigneur de ce village voisin (MONTRAVEL, L. de, art. cit.).

5

REGNE, J., Histoire du Vivarais, Largentière, 1914, livre II, p. 230.

6

BESSON, Ch. et MICHAUX, A.-M., "Au XV

ème

siècle, la rénovation des fortifications et la fin de la

Guerre de Cent Ans dans la montagne du Vivarais", in Revue du Vivarais, 2001, n°3, p. 244.

(3)

de Catherine de Rochessauve) et de Brunette de Saint-Genest, avec demoiselle Françoise de Lespinasse, le 6 février 1442. André du Ranc eut un fils, connu par une quittance datée du 6 juin 1468. La famille du Ranc à la fin du XIV

ème

siècle habitait dans une maison forte, las Taulas de Ranc (qui existe encore), avant de faire bâtir le château du Ranc aux alentours de 1400. La seigneurie de Chaussy fut, elle, tenue par les Venduol avant 1400. Ces deux seigneuries furent réunies sous le nom de Chaussy à la fin du XV

ème

ou au début du XVI

ème

siècle, puisqu'en 1552, noble Jean de Venduol, seigneur de Chaussy, épousa Blanche d'Odillon de Sampzon et dans leur acte de mariage, Jean demeurait déjà au château. Les Venduol durent s'allier à la famille du Ranc avant 1552 ou acquérir

7

leur château et les droits seigneuriaux. Étant seigneurs de Chaussy, ils donnèrent leur nom au domaine. Le château du Ranc est ainsi devenu le château de Chaussy. Balthazar de Chaussy, fils de Jean de Venduol, épousa Guigonne de Balazuc, dont vinrent Loys, Léonarde et Claudine. Loys étant mort jeune, la seigneurie de Chaussy allait à Léonarde et donc à son époux Louis de Bonas, de Valvignères, vers 1570. Ainsi, Louis de Bonas, un des chefs catholiques pendant les guerres de religion, est devenu seigneur de Chaussy au début des troubles

8

.

II La description des grands ensembles constitutifs du château :

La château de Chaussy se situe sur un mamelon de terre, à 500 mètres environ au sud du bourg de Ruoms, isolé, visible et accessible car au nord, à l'est et au sud le terrain est plat. Au proches abords du nord coulent les ruisseaux Aoûle et Brame qui se rejoignent pour longer l'édifice à l'ouest, en contrebas d'un escarpement d'une dizaine de mètres de hauteur. Plus loin à l'ouest coule l'Ardèche et à l'est se trouve la route de Vallon-Pont-d'Arc.

Le corps central ou aula fut construit par la famille du Ranc vers 1400, sur un plan carré de plus de 20 mètres de côté, élevé sur trois étages de 4 mètres de hauteur chacun. Il est flanqué de deux tours circulaires massives aux angles sud-ouest et nord- est et deux échauguettes aux deux autres angles du deuxième étage. La circulation horizontale s'effectue par le moyen d'un seul mais grand couloir par étage, de 3,5 mètres de large, qui divise en deux, d'ouest en est, chaque étage identique aux autres. Dans la partie nord on trouve toujours deux pièces communicantes, sauf au rez-de-chaussée, et au sud trois pièces, quatre pour le rez-de-chaussée, toujours communicantes. Le château est donc composé de six secteurs, deux par étage. La circulation verticale est conçue grâce à un seul escalier, à rampes droites et à paliers, situé à l’ouest. Pour passer d'un étage à l'autre, il faut passer le couloir central et prendre l'escalier. Les tours ne sont pas munies de passages verticaux mais voûtées en berceau ou en arête

9

. Chaque étage de tour n'est qu'une annexe à la pièce avec laquelle il communique.

Cet ensemble est assez homogène sauf quelques modifications. Des créneaux couronnant l'édifices ont été ôtés en l'An 2. Sur la façade sud, des ouvertures ont été percées au rez-de-chaussée et des fenêtres à l'étage ont été agrandies vers 1700. Au début du XX

ème

siècle, cette façade sud a reçu un balcon avec escalier et une de ces fenêtres fut transformée en porte afin de créer une entrée principale et compléter la petite entrée du rez-de-chaussée située à l'est. Contre cet escalier, placé à l'angle sud est,

7

Les Venduol ont dû racheter le Ranc car le fait que noble Pons du Ranc fut prieur de Saint-Alban-sous- Sampzon en 1570, tend à prouver que cette famille n'était pas tombée en quenouille.

8

MONTRAVEL, L. de, art. cit.

En 1659, Jean de Bonas vendit le château et les droits seigneuriaux à Scipion de Beauvoir du Roure, ses descendants les revendirent à Jean-Baptiste Tourre de Peyroche en 1785.

9

Les appareils sont visibles ; aucune trace de vis.

(4)

a été bâti une sorte de garage en forme de tour qui reprend grossièrement l'appareil des murs médiévaux.

Ce corps primitif de l'édifice a été augmenté à l'est, au cours du XVI

ème

siècle et probablement par les Bonas au début des guerres de religions – Louis de Bonas commandait une garnison de trente hommes –, par un mur d'enceinte muni de deux tours. Elle forme une cour ou basse-cour et servait de barbacane dont l'entrée se trouve au nord. Elle protégeait la porte d'entrée trop exposée, ce qui élimine l'hypothèse de fossés et surtout des douves. Une muraille percée de nombreuses arbalétrières a aussi été bâtie au XVI

ème

siècle. Elle longe le ruisseau au sommet de l'escarpement ouest pour remonter au nord jusqu'au pont qui permet le passage de Ruoms à Vallon-Pont-d'Arc.

Elle enceint un moulin à eau, aujourd'hui écroulé, dont la tour circulaire faisait quatre mètres de diamètre, puis redescend à l'est du château.

Une partie de la barbacane a été aménagée en cellier et bâtiment de ferme à l'époque Moderne. Des ouvertures ont été percées dans les murs et des accès extérieurs ont été établis. Un peu plus loin à l'est et à la même époque fut construit une bergerie. Cette barbacane fut ouverte au sud en même temps qu'on a créé le balcon et la nouvelle porte du château au début du XX

ème

siècle.

III Les aménagements à vocation militaire :

L’unique entrée de l'aula, au milieu de la façade est, petite sans être massive, (1,70 m de haut par 1 m de large) est austère et surmontée d'un linteau faiblement saillant. L'encadrement est doté de quelques petits gonds qui soutiennent encore deux portes en enfilade. Aucune trace de frottements ne laisse supposer des fermetures lourdes, épaisses, encore moins un système complexe comme la herse d'où la construction postérieure de la barbacane.

Les murs du château ont 1,70 m d'épaisseur au rez-de-chaussée et un mètre aux étages, en galets de l'Ardèche fendus en deux et en pierres rectangulaires calcaires pour les chaînages d'angles, fenêtres et meurtrières. Ces murs devaient être crépis à la chaux, comme souvent, afin de ne pas laisser apparaître les faiblesses de l'appareil. Au rez-de- chaussée, seulement une à deux arbalétrières sont installées dans chaque pan de mur. De l'extérieur, situées à 3 m de hauteur, ces arbalétrières carrées mesurent 40 cm de côté et sont renforcées par un croisillon de fer forgé. A l'intérieur, elles sont aménagées avec un rebord (non un coussiège) afin qu'un homme puisse s'y poster. Elles mesurent 2 mètres de haut pour 1,5 mètres de large. Les tours sont dotées des mêmes ouvertures, moins larges, comme des meurtrières. La tour nord-est possède une ouverture circulaire, percée à posteriori, située de manière à pouvoir utiliser les nouveaux bâtons à feu et couleuvrines et défendre l'entrée. Elle correspond aux ouvertures inventées lors des guerres de religions

10

. Le premier étage, d'habitation ou noble, possède de grandes arbalétrières mais trop hautes pour défendre à l'horizontale et trop basse pour défendre à la verticale

11

. Le second étage est muni de dix arbalétrières placées au dessus de chaque fenêtre ou paire de fenêtres du premier étage.

La première tour regarde Ruoms et la seconde Vallon-Pont-d'Arc. Les échauguettes en poivrières sans mâchicoulis mais avec fenestrons contrôlent deux angles. Ces

10

DIELTENS, D., "Les forteresses de campagne au temps des Guerres de Religion", in ESQUIEU, Y.

(ss.dir.), Du gothique à la Renaissance. L'introduction de la Renaissance en Vivarais et Dauphiné (1520- 1550), seconde partie des actes du colloque de Viviers (20-23 septembre 2001), Revue du Vivarais, n°

spécial, t. CVII, janviers-mars 2003, pp. 33-44.

11

Elles ont été agrandies en fenêtres à l'époque moderne, empêchant toute analyse sérieuse.

(5)

dispositions permettaient un champ de vision de 360° et les tirs croisés. Une bretèche est posée au sommet de la façade est, à l'aplomb de la porte. Des créneaux coiffaient les tours plus hautes que le toit

12

. Enfin, parce que les murs sommitaux sont trop fins pour recevoir des créneaux, que le sol du dernier étage est en bois et que des trous de boulin sont alignés aux sommets des murs des façades nord, ouest et sud, il pût y avoir des hourds.

Les murs de la barbacane et de ses tours ont un mètre d'épaisseur, en galets de l'Ardèche entiers. Ils ont été bâti pour protéger la porte d'une frappe manuelle directe grâce aux archères mais ils n'auraient pas résisté à une sape à la poudre, toujours plus utilisée, d'autant que les tours n'ont pas de chemises contrairement aux règles de la poliorcétique en cours.

La muraille qui encercle la propriété devait interdire l'approche des nouvelles machines de sièges en suivant le ruisseau à l'ouest et au nord, longeant la route de Vallon à l'est puis en contournant le château par le sud. La qualité de cette muraille n'est pas celle d'une enceinte. Elle est épaisse de plus d'une coudée, soit environ cinquante centimètres, et munie d'archères mais n'est protégée par aucune tour. Les hommes pouvaient circuler pour riposter avant de se retrancher en cas d'attaque plus sérieuse.

Le château de Chaussy fut donc élevé vers 1400 par la famille du Ranc et détient tous les éléments nécessaires à la défense. C'est un bloc compact, percé de petites ouvertures : "le château tout entier devient comme un vaste donjon"

13

. Pourtant Chaussy ne fut pas élevé comme parangon de la guerre. L'organisation des pièces suffit à le montrer. L'ampleur des couloirs et de l'escalier créait une importante faiblesse et puis l'unique escalier aurait obligé les défenseurs à se cantonner à leurs étages, ce qui aurait limité leurs actions. Enfin, les accès par la plaine à l'est et au sud sont faciles.

D'abord notaires de Ruoms puis petits seigneurs avant de s'allier à quelques familles importantes, les Du Ranc édifièrent leur château pour s'implanter à proximité d'un pôle économique existant, un bourg ecclésial, non pour conquérir un territoire à la manière des édifications castrales antérieures. L'aspect fortifié et défensif de l'aula primitive de 1400 est ici symbolique. D'ailleurs, les familles de Venduol ou de Bonas participèrent peu aux conflits armés et ont dû apporté des modifications défensives comme la barbacane et les remparts. Louis de Bonas est allé prendre quelques forteresses aux nombreux protestants de la région mais l'unique bataille de Chaussy fut une défaite qui obligea sa famille à habiter une maison de Ruoms : en 1570, l'amiral de Coligny et le prince de Nassau, protestants bien armés, ont rapidement pris et saccagé l'édifice sur leur chemin de Montauban à Paris

14

.

Chaussy semble faire partie des constructions ayant servi la politique défensive du royaume initiée par Charles V mais s'il est conçu à la manière des châteaux de la guerre de Cent Ans : strictement carré avec deux tours et doté de peu d'ouvertures, caparaçonné pour le siège, la structure interne de cette bastide imprenable en apparence traduit la demeure d'apparat.

IV Les aménagements à vocation résidentielle :

12

Ils ont été détruits durant la période révolutionnaire (Archives communales de Largentière : Délibérations du conseil municipal de Ruoms, f°1, 17 Octobre An 2).

13

VIOLLET-LE-DUC, E.-E., in Chatelain., A, Evolution des châteaux forts dans la France du Moyen- Age, p. 220.

14

MONTRAVEL, L. de, art. cit.

(6)

Á l'évidence Chaussy pouvait recevoir quelques hommes d'armes mais n'était pas un fort de garde. Le château fut construit dans un souci d'aisance et doté de réels espaces de vie communautaire, d'autant que le Moyen Âge laissait très peu de place à la vie privée. Les fonctions seigneuriales ou notariales présument en outre d'une vie civile et administrative. Notons ici que les trois premières familles qui se sont succédées à Chaussy devaient se rendre à Ruoms pour les offices religieux. Il y aurait eu une chapelle mais elle n'a pas été identifiée et les Venduol possédaient la chapelle Sainte- Catherine de l'église de Ruoms dans laquelle Léonarde de Venduol plaça les "corps des martyrs d'Aubenas"

15

.

La cuisine et les réserves sont au rez-de-chaussée comme souvent car cet étage est sombre et frais. Toutes les pièces possèdent néanmoins une cheminée, sauf une probablement réservée à la conservation des denrées alimentaires. Les pièces et le couloir sont voûtés en berceau sauf la cuisine, pièce centrale voûtée en arête, qui dispose en outre de la cheminée la plus importante : 3,7 m de long pour 2 m de hauteur et 1,5 m de profondeur, avec son potager de calcaire gris. Une partie du potager est dans le foyer, constitué d'encaissements pour les casseroles ou cassolettes. L'autre partie, à l'extérieur, forme un brasero de pierre troué de manière à chauffer ou cuire six plats.

Sur la droite de la cheminée on trouve un lavabo, ou un évier, de marbre jaune, au- dessous duquel est aménagé un petit foyer. Ce lavabo, tout en restant petit (1m x 1m x 1m), servait à faire de l'eau chaude. Il paraît être à hypocauste, typique des châteaux- résidences et à peine postérieur au premier du genre d'Avignon en 1350

16

. Sous l'escalier du rez-de-chaussée, l'espace voûté en berceau devait abriter un puits à la manière du château de Largentière. Aujourd'hui bouché, l’endroit est constamment humide et le mamelon est riche en petits puits. Il n'existe pas de latrines bâties mais sur le premier palier de l'escalier, un espace clôt avec fenestron aujourd'hui consacré aux latrines pût l'être autrefois.

Pour moudre Chaussy possédait un moulin à eau dans ses remparts. Il était accessible de Ruoms à quelques pas du village en passant par un pont.

Le premier étage, piano nobile, plafonné de bois à la française

17

est le plus ouvert. Chaque pièce a trois voire quatre fenêtres dont la base arrivait au niveau des hanches et le sommet un mètre plus haut que la tête, ainsi qu'une cheminée. Tous les foyers ne sont pas visibles, ni médiévaux, néanmoins les conduits aménagés dans les murs permettent de comprendre l'organisation originelle. La deuxième cheminée en importance est celle de la salle d'apparat : la plus grande pièce du premier étage située au nord-ouest. Les pièces du sud-ouest et nord-est devaient être des chambres avec chacune un étage de tour en guise d'annexe. Celle de l'angle sud-ouest, en face de la salle d'apparat et attenant la tour dotée d'une cheminée – ce qui paraît unique car les tours ne sont d'ordinaires pas chauffées – possède les atouts d'une chambre seigneuriale.

De part ses fonctions, le château se trouvait au centre d’affaires publiques. Ainsi le sombre couloir d'entrée, l'escalier à volées droites et effet monumental, et le couloir de l'étage voûté en arête ont une importance considérable. Ils constituent l'épine dorsale architectonique et forment un lieu de théâtre de l'édifice mettant en scène l'arrivée à la salle d'apparat.

15

MONTRAVEL, L. de, art. cit.

16

MESQUI., J, Châteaux forts et fortifications de France, p. 11.

17

Les entailles dans les pierres de tailles laissent supposer qu'il en a toujours été ainsi. Nous ne

connaissons pas la date des poutres et solives peut-être médiévales.

(7)

Le premier couloir, particulièrement sombre, est voûté en berceau et aujourd'hui vierge d’ornementation. Il n'en avoir jamais eu. Au fond, se trouve l'escalier. L'axe de la première volée est orné d'une colonne engagée à base approximativement ionique et chapiteau cubique. Le premier palier est éclairé par une fenêtre à meneaux et traverses protégée par des ferrures surmontées de fleurs de lys. L'axe de la seconde volée est orné d'une seconde colonne, identique à la première mais le chapiteau est sculpté de quelques palmes. Le palier du couloir, au sommet de la seconde volée, supporte une colonne avec un chapiteau à grappes de vigne dans les angles, une palme et deux cercles. Le couloir de l'étage est lumineux grâce à la grande fenêtre à meneaux de l'escalier d'un côté et à l'ouverture aménagée sous la bretèche de l'autre. Il est voûté en arêtes. En arrivant à l'étage, tout de suite à gauche, une porte à linteau, basse et portant une palme encadrée par deux fleurs et deux volutes éoliennes, permet l’entrée à la salle.

Ce parcours d'arrivée procède du passage de l'obscur à la lumière, du bas vers le haut, du sobre à l'orné (toutes proportions gardées). Ces quelques ornementations sévères voire frustes au caractère étonnamment roman pour l'époque, n'ont pas la richesse de l'église de Ruoms du XII

ème

siècle et sont plus symboliques que décoratives

18

. Quand bien même l'iconographie peut répondre à la fonction de l'édifice, nous ne pouvons pas négliger l'idée de remplois médiévaux religieux pour ces colonnes et chapiteaux. Les grappes de vigne, fruits très répandu sur les coteaux de l’Ardèche, renvoient sans conteste au Sang du Christ et les palmes éventuellement à l'église Notre-Dame-des- Pommiers autrefois Notre-Dame-des-Palmiers.

La salle d'apparat est la plus spacieuse (12 m x 7 m x 4 m) et la plus lumineuse, la seule ouverte par des fenêtres à meneaux et traverses. La taille des ouvertures pourrait contredire l'aspect défensif évoqué mais elles surplombent l’escarpement du nord-ouest.

De fait, ces ouvertures n'étaient pas de véritables faiblesses. Puis, l'orientation de la pièce dominant le bourg de Ruoms et la cheminée

19

située en face de l'entrée, logée entre deux fenêtres, se conforment à la disposition des pièces de justice comme à la maison des Chevaliers de Pont-Saint-Esprit

20

.

Conclusion :

Chaussy est une forteresse de plan carré avec deux tours et de deux échauguettes, des meurtrières, située à l'intérieur d'un rempart, édifiée pour résister aux conflits des XIV et XV

ème

siècles. Ce château avait les capacités militaires de répondre aux petites attaques et des capacités résidentielles importantes, peut-être inspirées des nouveautés de la vie avignonnaise encore glorieuse. Mais les constructeurs de Chaussy, des hommes de robes enrichis, devaient encore imposer leur nouveau pouvoir. Leur château était donc une demeure peut-être un peu courtisane et s'apparente aux châteaux- résidences postérieurs à la guerre de Cent Ans, époque où les "Princes des fleurs de lis"

bâtissaient profusément ; même si le décor sculpté est modeste et roman plutôt que gothique et abondant. Le parcours d’entrée exprime nettement la volonté de dominer le visiteur, homme de troupe, vassal ou justiciable.

Chaussy est un habitat confortable formant une transition "vers le château de plaisance de la Renaissance"

21

. Surtout, on doit voir que l'escalier est devenu un

"morceau triomphant autour duquel gravite le château tout entier", spécialité française, mais aussi une œuvre à rampes droites, spécialité italienne que l'on trouvait seulement

18

Un cœur est aussi gravé sur la clef de voûte de la cheminée de la cuisine.

19

Reconstruite dans un style néo-classique probablement au XVIII

ème

siècle.

20

Bien qu'il ne reste à Chaussy aucune peinture murale.

21

ROCOLLE, P., Le temps des châteaux forts : Xe-XVe siècle, Paris, A. Colin, 1994, p. 128.

(8)

dans la France de l'Ouest

22

et qui semble ainsi annoncer précocement la Renaissance.

D'ailleurs la disposition symétrique des pièces en enfilade rappelle mieux les châteaux italianisants de la Renaissance française

23

que le modèle médiéval français, au plan irrégulier et nombreux escaliers à vis, pourtant encore très présent à l'hôtel de Jacques Cœur de Bourges.

Sources et Bibliographie :

Archives de l'étude Peschier, Vallon-Pont-d'Arc.

Archives de Largentière, Registre des délibérations du Conseil municipal de Ruoms, f°1,17 Octobre An 2.

Archives privées du château de Chaussy.

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-XIII

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22

BABELON, J.-P., Châteaux de France au siècle de la Renaissance, Paris, Picard, 1989, p. 10.

23

Voir PEROUSE de MONTCLOS, J.-M., Architecture à la française, Paris, Picard, 2001, 350 p.

(9)

Fig. 1 Vue aérienne, façade est.

Fig. 2 Plan de situation.

(10)

Fig. 3 Plan au sol du rez-de-chaussée (vers 1400).

Fig. 4 Plan au sol du premier étage (vers 1400).

Fig. 5 Plan au sol du second étage (vers 1400).

(11)

Fig. 6 Façade sud avant les travaux de construction du balcon.

Fig. 7 Échauguette (angle nord-ouest). Fig. 8 Bretèche au dessus de

la

porte d'entrée (façade

est).

Fig. 9 Arbalétrière (façade ouest) Fig. 10 Ouverture aménagée dans la tour

nord-est pour défendre la porte d'entrée

(12)

Fig. 11 Potager de la cuisine. Fig. 12 Lavabo de la cuisine.

Fig. 13 Fenêtre de l'escalier (façade ouest) Fig. 14 Chapiteaux de l'escalier

Fig. 15 Linteau de la porte de la salle d'apparat.

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