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L'homme : espèce d'animal

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Academic year: 2021

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Salon du livre scientifique à Ivry

Table ronde Sciences et Philosophie organisée par le SNES L'homme : espèce d'animal

Trois intervenants étaient invités à aborder ce thème, chacun dans leur domaine différent : Wanda Kaminsky, physicienne, Jean-Jacques Kupiec, biologiste et Philippe Descamps, philosophe.

Wanda Kaminsky a lancé la réflexion en nous proposant un petit voyage illustré dans l'histoire des relations entre physique et croyances depuis le XVIII° siècle, montrant combien la science a du mal à lutter contre le désir de croire parfois au miracle.

Le premier exemple développé portait sur la confusion entretenue entre magnétisme et électricité statique, alors qu'on en connait la différence depuis 1600, et ses effets soi-disant bénéfiques pour l'organisme, du "mesmérisme" très en vogue à la cour d'Autriche au XVIII

ème

siècle, aux thérapies pseudo scientifiques qui fleurissent encore aujourd'hui sur Internet (masques magnétiques antirides et aimants de "magnétothérapie").

Autre exemple vertigineux, celui de la découverte de la radioactivité.

L'uranium était connu depuis les romains et utilisé dans la coloration du verre ou de la porcelaine pour ses oxydes permettant des colorations vitrifiables. La découverte de la radioactivité de l'uranium et du radium (qualifiée de "réaction chimique subatomique" à l'époque où l'atome était considéré comme la brique fondamentale de la matière) fait renaitre la crainte de l'alchimisme (citation de L. Kelvin : "On ne va tout de même pas revenir à l’époque des alchimistes qui promettaient de transformer le plomb en or !"). L'attirance de Pierre Curie pour le spiritisme ne clarifiait certainement pas les chose. Première application pratique de la radioactivité, la radiographie par rayons X rencontra de fortes résistances de la part des médecins ("on ne va pas se transformer en photographes !") mais permit de secourir plus d'un million de blessés durant la Grande guerre, grâce aux centaines de postes de radiographie fixes et mobiles mis en place sous l'impulsion de Marie Curie. La découverte de son action dans la lutte contre le cancer permit toutes les dérives : produits cosmétiques, crèmes de bain, tisanes et tricots contenant des produits radioactifs permettait de conserver une éternelle jeunesse, en allant jusqu'à l'alimentation des volailles enrichie en radium ou des appâts radioactifs "attirant les poissons comme un aimant" ! Marie elle-même prenait des bains radioactifs…

Jean-Jacques Kupiec s'attaquait ensuite à la notion d'espèce (la réflexion avait commencé dès le matin au cours de l'atelier animé par D. Orange et P.-H. Gouyon sur l'enseignement de la notion d'espèce, où il était ressorti que la notion d'espèce pouvait actuellement être considérée comme un obstacle à l'avancée scientifique).

Cette question est quasiment d'ordre métaphysique. On peut se poser la question de sa réalité, par opposition à l'individu - entité unique mais éminemment variable entre eux…

Darwin a radicalement bouleversé la notion d'espèce, en la définissant comme résultat du processus de l'évolution, la rendant par essence mouvante. Par la suite, les découvertes de Mendel et de la génétique ont abouti à une conception génétique de l'hérédité : à un gène correspond un caractère phénotypique discret, et chaque individu peut être "découpé" en une somme de ces caractères transmis génétiquement.

Mais pour J.-J. Kupiec, cette théorie est loin d'être satisfaisante et la "révolution copernicienne" de la biologie, initiée par Darwin, reste à réaliser. En effet, on sait depuis plus de 70 ans que cette association entre gènes et caractères phénotypique est loin d'être systématique :

- un gène peut déterminer plusieurs caractères,

- un caractère peut être déterminé par plusieurs gènes,

- un gène peut s'exprimer différemment selon l'environnement,

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- les gènes ont une expression probabiliste.

Dans les années 40, Morgan lui même avait noté les relations statistiques entre caractères et chromosomes.

Aucune des théories génétiques "déterministes" ne permet d'expliquer l'ensemble des observations : après le "tout ADN", le développement des théories épigénétiques et le rôle de la stéréo-spécificité des protéines sous entendent toujours un certain déterminisme au cours des cascades de régulations de l'expression des gènes. Au niveau de la démarche scientifique, le séquençage complet du génome humain n'a pas résolu les problèmes attendus, et il est hautement probable que les programmes très ambitieux de recensement de l'ensemble des ARN et protéines, avec leur configuration tridimensionnelle, ne soient aussi décevants. Le problème n'est pas tant une accumulation de données qu'une révision radicale de la théorie génétique.

J.-J. Kupiec propose, à l'opposé, une théorie "probabiliste" de l'expression des gènes, l'ontophylogenèse, fondamentalement basée sur le hasard et la sélection naturelle appliqués au comportement cellulaire.

Inutile de dire que l'intervention de Jean-Jacques Kupiec n'a pas manqué d'aiguiser les esprits, les a parfois même choqués.

Pour compléter cette réflexion, le philosophe Philippe Descamps s'est proposé de nous montrer avec énergie et humour à quel point la notion d'espèce humaine est problématique.

Le travail de P.-H. Descamps est une réflexion sur l'éthique et le droit à partir d'une étude précise de la mutation de la lettre et de l'esprit du droit à partir du 29 juillet 1994, date de la première loi de bioéthique. Ce jour là un alinéa de taille a été ajouté au code civil : « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine ».

Cette interdiction est une première car jusqu'alors le code civil se préoccupait de la protection des droits et des libertés individuels, pas d'interdire. À l'origine de cette disposition se trouvent les craintes que l'intégrité du génome humain soit menacée par les développements techniques rendus possibles par le progrès scientifique : mais que signifie "intégrité", alors que le seul fait de faire un enfant revient à créer un nouveau bagage génétique !

La protection de l'espèce humaine a été encore renforcée en 2004 avec l'apparition dans le code pénal du "Crime contre l'espèce humaine", pour lutter contre l'eugénisme et le clonage reproductif, ce qui en fait le crime le plus puni du droit français (mis à part le crime contre l'humanité du droit international). Le code pénal sanctionne ainsi toute pratique eugénique, mais le législateur semble avoir oublié que seuls les jumeaux homozygotes constituent des clones parfaits, et qu'un clone nucléaire n'est jamais génétiquement identique ! Un tel crime concernerait alors aussi bien les parents donnant naissance à de vrais jumeaux que les médecins qui aident à la naissance, si la loi est prise à la lettre. Mais comment alors ne pas la prendre à la lettre ?

Plus absurde encore sur le point juridique : la criminalisation de l'intention portée par cette loi rend l'action de faire naître plus grave - et plus réprimée - que celle de faire mourir ; reprenant l'exemple des vrais jumeaux, il vaudrait mieux tuer le second jumeaux que de le laisser naître ! On peut aussi se poser des questions sur la criminalisation d'intentions… ou devra-t-on s'arrêter ? Dans le cas de la naissance d'un enfant artificiellement cloné, quelle serait aussi l'attitude à observer ? L'enfant constitue en même temps le mobile du crime et la pièce à conviction.

Enfin, parler d'espèce humaine dans cette loi est un non sens ; la biologie parle de taxon de rang homo sapiens, et il ne faudrait pas confondre le contenant (regroupement) et le contenu (individus).

Un problème de connexion se pose entre doit et biologie : le droit fait la distinction entre choses et personnes, mais l'espèce humaine n'est ni une chose ni une personne morale non plus (auquel cas il faudrait être capable de désigner un représentant de l'espèce humaine qui parlerait en son nom…).

En faisant dépendre la science juridique d'une autre discipline, on lui retire toute autonomie. La loi de bioéthique est ainsi inféodée à la biologie, avec toutes ses incertitudes actuelles.

Le temps de parole et de questions accordé à l'auditoire est très restreint.

Un premier point concerne la "bagarre" à mener pour faire apparaître l'épigénétisme dans les

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programmes scolaires de SVT et relativiser la notion trop "déterministe" de la théorie génétique actuelle, qui ne reste qu'une théorie scientifique de l'hérédité. J.-J. Kupiec pointe le fait qu'en sciences physiques, lorsqu'une théorie scientifique est mise en défaut par les faits d'observation, celle-ci est remise en cause, ce qui doit être réalisé maintenant en biologie concernant l'hérédité : la théorie génétique est réfutée par les faits, il faut donc l'abandonner. Une remarque est faite aussi sur les programmes transcriptome et protéome, extrêmement coûteux et à l'utilité discutable.

On peut enfin réfléchir sur la notion de nature humaine, porteuse d'enjeux importants sur la liberté ou la place de l'Homme dans son environnement.

Bibliographie :

Kupiec Jean-Jacques, L'Origine des individus, Le Temps des Sciences, Fayard, Paris, 2008

Descamps Philippe, Le sacre de l’espèce humaine. Le droit au risque de la bioéthique, PUF, Paris,

2009.

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