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L'identité européenne à l'épreuve des crisesUne analyse de l'influence descrises économiques et migratoires sur l'identité européenne des citoyensbelges francophones

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Academic year: 2021

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L'identité européenne à l'épreuve des crisesUne analyse de l'influence des crises économiques et migratoires sur l'identité européenne des citoyens belges francophones

Auteur : Bleys, Esther

Promoteur(s) : Dodeigne, Jérémy

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en sciences politiques, orientation générale, à finalité spécialisée en politiques européennes Année académique : 2016-2017

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/3468

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UNIVERSITÉ DE LIÈGE

FACULTÉ DE DROIT, SCIENCE POLITIQUE ET CRIMINOLOGIE

L’identité européenne à l’épreuve des crises

Une analyse de l’influence des crises économique et migratoire sur l’identité européenne des citoyens belges francophones

Mémoire réalisé par Esther Bleys en vue de l’obtention du diplôme de Master en sciences politiques, à finalité spécialisée en études européennes.

Promoteur : Mr. Jérémy Dodeigne Lecteurs : Pr. Marco Martiniello et Pr. Quentin Michel

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier mon promoteur, Monsieur Jérémy Dodeigne, pour ses précieux conseils et son accompagnement attentif tout au long de cette année.

Je tiens également à remercier mes deux lecteurs, Messieurs Quentin Michel et Marco Marti-niello, pour le temps qu’ils auront consacré à la lecture de ce travail et pour leur considération. Enfin, je remercie mes proches qui m’ont aidé dans la réalisation de ce travail, par leurs marques de soutien, leurs conseils et leur aide, notamment pour la relecture.

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Table des matières

Introduction ... 1

Partie I : L’identité au cœur de la théorie ... 3

Chapitre 1 : L’identité européenne. Un débat. ... 3

L’identité européenne en quête de définition ... 3

Des Européens en question(s) ... 7

Chapitre 2 : Une identité particulière ... 13

Le lien entre identité et intégration européenne ... 13

Le changement identitaire des individus ... 17

Chapitre 3 : L’Europe face aux crises économique et migratoire ... 19

Les discours de ‘crises’ de l’Union européenne ... 19

L’influence des ‘crises’ économique et migratoire ... 22

Partie II : Une approche empirique ... 25

Chapitre 4 : Les Européens au sein de la population belge ... 25

Une analyse quantitative ... 25

Des belges qui se disent ‘Européens’ ... 29

Chapitre 5 : Ce que signifie ‘être Européen’ pour les citoyens belges francophones ... 35

Une analyse qualitative ... 35

Analyses et conclusions préliminaires ... 40

Conclusion ... 55

Bibliographie ... 57

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Introduction

Cette année 2017 commémore les 60 ans de la signature de deux traités fondateurs de l’Union européenne (UE) : les Traités de Rome. L’un crée la Communauté économique européenne (CEE), l’autre la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Pourtant, ce n’est pas de cet anniversaire dont il est question au sein des discussions actuelles autour de l’UE. Le 23 juin 2016, près de 52 % des Britanniques votaient en faveur du Brexit, marquant le début des négociations sur la sortie de leur pays de l’UE. En mai dernier, la plupart des démocrates avaient les yeux rivés sur les élections présidentielles, puis législatives, se déroulant chez nos voisins français tant ils redoutaient une montée en puissance du Front National, parti d’extrême droite.

Ces faits d’actualité sont profondément marqués par la recrudescence de discours nationalistes et extrémistes, s’opposant à l’intégration européenne et considérant l’Union européenne comme une incarnation de la mondialisation. Ces discours s’alimentent notamment des inquiétudes ci-toyennes envers deux crises moins récentes auxquelles l’UE est toujours confrontée : la crise économique et financière de 2008, ainsi que la crise migratoire de 2010. Ils font également appel aux sentiments identitaires des citoyens et à leur attachement à la nation et par là, mettent à mal la légitimité de la construction européenne. Face à de tels enjeux, ce travail a pour objet d’interroger l’influence éventuelle de ces discours sur les sentiments identitaires des citoyens belges (francophones) vis-à-vis de l’Union européenne. Cette réflexion a dès lors été traduite en un questionnement de recherche : le contexte de crises économique et migratoire influence-t-il l’identité européenne des citoyens belges francophones?

Pour répondre à cette question, ce mémoire adopte une démarche bottom-up, encore peu ex-ploitée par le monde scientifique à l’égard de l’identité européenne. Il vise à expliquer, grâce notamment à la méthode qualitative des focus groups, d’une part, ce que signifie concrètement, pour les citoyens belges, se sentir plus ou moins européens. Pour se faire, ce mémoire repose sur le postulat que ce sentiment d’identification est corrélé à leur position envers l’intégration européenne. D’autre part, il souhaite rendre compte de l’influence éventuelle des ‘crises’ éco-nomique et migratoire sur ces sentiments identitaires. Comme le montre la dernière section analytique de ce travail, cette question soulève nécessairement celle de la dynamique identitaire européenne.

Ainsi, ce mémoire se divise en cinq chapitres, eux-mêmes répartis en deux parties. La première partie fait office de cadre théorique et est scindée en trois chapitres. Le premier développe le

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2 débat autour de la définition de l’identité européenne et identifie, dans la littérature, les carac-téristiques contribuant à une définition de soi en tant qu’européen. Le deuxième chapitre expose les liens existant entre identification à l’UE et intégration européenne, ainsi que les facteurs de changement identitaire des individus. Le troisième chapitre développe les caractéristiques du contexte de crises économique et migratoire, de même que l’influence que ce contexte a sur l’identité européenne des citoyens. Ensuite, la seconde partie de ce travail présente les résultats empiriques obtenus, d’une part sur la base de données statistiques, et d’autre part, sur la base des enseignements de deux focus groups. Ces résultats sont rapportés et analysés dans les deux derniers chapitres de ce travail. Les méthodes utilisées y sont également développées en détails.

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Partie I : L’identité au cœur de la théorie

Avant de s’intéresser plus en profondeur à la question que pose ce mémoire, il convient d’ex-poser et de définir certains éléments théoriques afin de fournir au lecteur des clés de compré-hension pour la suite. Cet état de l’art est également essentiel car il fournit un cadre théorique utile à l’analyse ultérieure de données quantitatives et qualitatives. De la sorte, ces résultats empiriques sont directement confrontés à la littérature dans la suite de ce travail.

Ainsi, cette première partie théorique se divise en trois chapitres. Le premier tente de définir le concept d’identité européenne et identifie ensuite, d’après la littérature, les caractéristiques des populations se définissant comme ‘Européennes’. Le deuxième chapitre, toujours d’après la littérature, approfondit le lien entre identification à l’UE et intégration européenne, ainsi que les facteurs de changement identitaire des individus. Enfin, le troisième chapitre met en exergue les caractéristiques du contexte de crises économique et migratoire qui nous intéresse et quelle influence celui-ci pourrait avoir sur l’identité européenne des citoyens.

Chapitre 1 : L’identité européenne. Un débat.

L’approche adoptée par ce travail est, ainsi que nous l’avons indiqué en introduction,

bottom-up. Par-là, ce mémoire cherche donc à comprendre d’une part, qui ‘se sent’ européen et

pour-quoi et, d’autre part, à en saisir la signification pour les individus. Ce deuxième objectif est développé au sein du chapitre final de ce travail, nommé ‘Ce que signifie ‘être Européen’ pour les citoyens belges francophones’.

Ce premier chapitre présente donc, comme exposé précédemment, la controverse autour de la définition du concept d’identité européenne. Les caractéristiques de ceux qui se définissent comme Européens sont ensuite développées dans une deuxième section.

L’identité européenne en quête de définition

Définir le plus précisément possible l’« identité européenne », thème central à ce travail, est indispensable pour plusieurs raisons. La première découle de la polysémie du concept même d’« identité ». En effet, il n’y a pas de réel accord au sein de la littérature sur la définition de ce terme. Comme le souligne Dorais, « il existe probablement autant de façons de définir l’identité que de spécialistes en sciences sociales » (2004, 1). D’autre part, une seconde raison réside dans l’ambiguïté inhérente à la notion d’identité, soulignée par Drouin-Hans (2006) : l’identité marque à la fois la ressemblance et la différence, l’unicité et la distinction. On retrouve ainsi

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4 les mêmes difficultés avec l’identité européenne dont la définition est loin de faire l’unanimité quand elle n’est pas tout simplement niée. En effet, Belot (2010) rappelle combien certains auteurs doutent de l’existence d’une identification à l’Europe, comme Habermas et Smith. Follesdal (2007, 268) cite également David Miller, sceptique quant à l’existence d’une identité européenne par rapport aux identités nationales.

Toutefois, nous formulons l’hypothèse de l’existence d’une identité européenne ou plutôt d’une identité comprise comme coexistence d’identités plurielles, diversifiées, dynamiques, proces-suelles et inachevées. De nombreux auteurs pensent que l’identité européenne existe, bien que toujours en construction pour une partie d’entre eux (Cram et al., 2011). Fligstein, Polyakova et Sandholtz (2012) expliquent ce caractère inachevé par le constat que les identités nationales ont pris des centaines d’années pour évoluer, alors que les Européens n’interagissent entre eux à grande échelle que depuis environ 25 ans. Cependant, Risse (2010) ajoute que nous n’obser-vons pas l’émergence d’une seule et même identité européenne, située en-dessous et au-dessus des différentes identités nationales. Selon lui, nous assistons plutôt à l’« européanisation des autres identités collectives locales, nationales et des genres » (2010, 5). Cette européanisation signifie que l’Europe et l’UE sont intégrées aux principes fondamentaux servant de base au sentiment d’appartenance des individus (Risse, 2010, 45).

Afin d’éviter toute confusion liée aux difficultés inhérentes au terme « identité », développées précédemment, Sophie Duchesne (ainsi que Delmotte, 2008, 549) propose d’utiliser le terme « identification » plutôt qu’« identité ». Cette dénomination est plus logique selon elle car nous nous intéressons à l’aspect individuel de l’identité. De plus, le terme « identification » se rap-porte plutôt à un processus, alors que le terme « identité » renvoie à un état, quelque chose d’immuable (Duchesne, 2006, 1-11). Dans le cadre de ce travail, les termes « identité », « sen-timent d’appartenance » et « identification » européenne seront utilisés comme synonymes se rapportant toutefois au processus lié au fait de se sentir ou non européen.

Ensuite, se pose la question de savoir à quelle « Europe » cette identité européenne fait réfé-rence. En nous intéressant à l’identité individuelle des citoyens ainsi qu’à leur opinion envers l’intégration européenne, nous nous référons à l’Union européenne et ses institutions plutôt qu’à l’Europe géographique. Il n’est donc pas question dans ce travail d’envisager une identité européenne s’étendant au continent européen. Ce serait, d’une certaine manière, la considérer comme « donnée ». Au contraire, nous la lions aux rapports qu’entretiennent les citoyens avec les institutions de l’Union européenne, ainsi qu’avec l’intégration européenne.

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Ce travail se concentre donc sur l’identité européenne comme une identité politico-institution-nelle plutôt que sociale et culturelle. Certes, l’identité sociale s’appuie sur un rapport entre « Nous » et « Eux » et se réfère aux groupes dont l’existence est structurée sur la capacité à se gouverner et agir ensemble (Duchesne, 2006, 7). Elle est utilisée pour se référer au lien psycho-logique existant entre les individus et les groupes sociaux, les communautés auxquelles ils ap-partiennent. Mais ce rapport « nous-eux » se révèle toutefois insuffisant pour appréhender l’identité européenne en question, selon Castiglione, notamment (2009, 29). L’identité politique d’un individu est définie par Michael Bruter comme « son sentiment d’appartenance à des groupes humains et des structures politiques politiquement pertinents » (2005, 1). L’identité politique est donc « étroitement liée à la légitimité d’un régime politique [et est] fondée d’une part sur un régime soutenu par les citoyens, d’autre part sur la ‘bonne politique’ » (Pfetsch, 1992, 262). Pour qu’il en soit de même pour l’Europe, Pfetsch estime que l’UE doit dépasser sa finalité économique, bien que « prospérité politique se conjugue avec prospérité économique » (1992, 271). Si l’économie ne mène pas à la construction d’une identité européenne, elle y participe de manière indirecte.

Bruter (2003 ; 2004) ajoute une distinction entre ce qu’il estime être les deux aspects de l’iden-tité politique : un aspect culturel et un aspect civique. Le premier aspect se rapporte au senti-ment d’appartenance d’un individu envers un groupe particulier, en fonction de sa culture, de ses similarités sociales, éthiques ou ethniques. Il fait écho à des valeurs traditionnelles telles que la paix, l’harmonie et la coopération. Ensuite, la perspective civique fait référence à l’iden-tification d’un citoyen avec une structure politique et renvoie à des éléments tels que la prospé-rité, la libre circulation, la démocratie ou la politique environnementale. De plus, alors que la distinction entre les composants civiques et culturels des identités politiques au niveau national est difficile car Etat et nation se superposent, le cas de l’Europe est différent. Le composant culturel se réfère plutôt au continent européen, à la civilisation européenne, alors que le com-posant civique se rapporte à l’Union européenne et ses institutions. Ainsi, puisque l’Europe et l’UE ne se chevauchent pas forcément dans l’esprit des citoyens, il est plus aisé d’identifier distinctement l’aspect civique de l’aspect culturel de leur identité politique. Aussi, quand les citoyens répondent à des questions sur leur identité européenne en général, ils font en fait le plus souvent référence à leur identité civique européenne, selon Bruter (2003 ; 2004).

Ensuite, le rapport entre identité nationale et identité européenne fait l’objet d’un quasi-consen-sus. Effectivement, un nombre considérable d’auteurs s’accordent désormais sur la thèse selon

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6 laquelle les identités nationales et européennes sont multiples. Ils prônent ainsi la complémen-tarité des différentes identités des individus (Belot, 2010 ; Bruter, 2004 ; Duchesne, 2006 ; Do-rais, 2004 ; Italiano, 2008). Selon Duchesne et Frognier, l’identité nationale n’est pas un frein au développement de l’identité européenne. Au contraire elle « constitue, sinon un préalable, du moins une disposition favorable au développement d’un sentiment d’appartenance à l’Eu-rope » (2002, 538). Stephanou (1992) et Dumont (1992), quant à eux, justifient cette complé-mentarité par le fait que l’identité nationale est plutôt vue comme culturelle, alors que l’identité européenne est plutôt politique. Ainsi, n’étant pas du même type, elles ne peuvent être incom-patibles. Risse (2010) va dans le même sens lorsqu’il affirme que l’identité européenne n’a pas les mêmes caractéristiques que l’identité nationale, ses composantes restant floues. Comme le souligne Risse, même « la devise de l’UE, ‘Unité dans la diversité’, prône [cette] multiplicité des identités se chevauchant » (2010, 24). Enfin, selon Pfetsch, « être européen signifie avoir une identité à la fois locale, régionale, nationale et européenne » (1992, 280). Par ailleurs, Ita-liano et Jacquemain (2014) nous apprennent qu’un individu mobilise une de ses possibles iden-tités en fonction de sa saillance et en fonction du contexte immédiat dans lequel il se trouve à un moment donné. Il existe donc une hiérarchie entre les différentes identités mobilisables par les individus. Ainsi, la « disponibilité des identités se construit à la fois sur les caractéristiques héritées (sociales, culturelles ou biologiques) et des expériences de vie d’une personne » (De-flandre, Héselmans, Italiano et Jacquemain, 2005, 2).

De plus, Catala (2009) souligne que les symboles ont une place importante dans la définition de l’identité européenne. Plusieurs éléments sont ainsi mis en place, depuis les années 1980, pour introduire une symbolique ainsi que pour favoriser la construction d’une identité euro-péenne : le drapeau européen (souvent aux côtés de drapeaux nationaux), les passeports (sur lesquels il est fait référence à la fois à l’UE et au pays d’origine), l’hymne européen, et l’Euro (les billets et les pièces représentant toujours sur une de leur face des symboles nationaux). Ces symboles renvoient également à l’idée qu’identités nationales et européennes ne sont pas op-posées mais bien concomitantes (Risse, 2010), coexistantes, sans que l’on ne puisse, à notre sens, parler d’effets de sommation ou d’agrégation des identités entre elles. Ces symboles sont également instaurés afin de créer une citoyenneté européenne.

En effet, le concept d’identité européenne est étroitement lié, voire parfois confondu, avec celui de citoyenneté européenne. Cela a sans doute à voir avec le fait que l’identité est un des deux éléments constitutifs de la citoyenneté, en plus des droits qui y sont associés (Lehning, 2001,

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242). Cette citoyenneté « fait référence à des droits civiques aujourd’hui reconnus sur l’en-semble des territoires des quinze pays membres de l’Union Européenne » (Albarran Cano, 1992, 365). Parmi ces droits, nous retrouvons notamment le droit de participer aux élections, le droit de protection consulaire, le droit de pétition au Parlement européen, le droit de s’adresser au médiateur de l’UE, ainsi que les droits de libre circulation et de résidence au sein des Etats membres (EM). De plus, la citoyenneté européenne est, au contraire de l’identité européenne, clairement définie et délimitée à l’article 20 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE (TFUE). Effectivement, bien que le concept d’identité européenne ait été évoqué par certaines versions antérieures des Traités, il n’a jamais été défini clairement par ceux-ci. La notion d’identité ap-paraît actuellement dans le préambule et à l’article 4 du Traité sur l’Union européenne (TUE). Toutefois, ces articles ne procurent pas une définition de l’identité européenne en tant que telle. Il s’agit plutôt d’« une double affirmation du concept d’identité : d’une part, celle de l’Union dans le contexte international ; d’autre part, celle des Etats membres » (Pfetsch, 1992, 260). Les Traités donnent donc, selon Pfetsch (1992) une définition de l’identité de l’Union par opposi-tion aux autres plutôt qu’une identité intrinsèque, propre aux citoyens de l’UE. Le seul docu-ment adopté par les institutions européennes ayant défini clairedocu-ment l’identité européenne était la Déclaration sur l’identité européenne de 1973. Cette identité européenne devait, selon ce document, évoluer concomitamment à l’évolution du processus d’intégration européenne (Pfetsch, 1992).

Des Européens en question(s)

Outre le débat sur la définition de l’identité européenne, une autre interrogation émerge : qui sont les « Européens » ? Qui sont ces citoyens qui disent « se sentir européens » ? En effet, afin de comprendre pourquoi certains se sentent plus européens que d’autres, il faut d’abord déter-miner qui ils sont.

Comme précisé antérieurement, l’identité européenne dont il est question ici est de type poli-tico-institutionnel. Or, Deflandre et al. nous apprennent que les identités institutionnelles sont sensibles à l’orientation politique ainsi qu’à « une série de déterminants sociologiques ; […] [notamment] le genre, l’âge, le niveau d’études et l’aisance financière » (2005, 13). Les ana-lyses des Eurobaromètres de Gitrin et Sides leur permettent de confirmer ces dires et de faire ressortir les caractéristiques générales de ceux qui tendent à se définir comme plus pro-euro-péens (2004, 172). Dès lors, ceux-ci se situent plutôt parmi les jeunes, possèdent un haut niveau d’éducation et sont issus de milieux assez favorisés. Peu de différences apparaissent entre les hommes et les femmes. Enfin, ils tendent à se situer à gauche sur l’échiquier politique.

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8 Fligstein et al. (2012) nous fournissent plus de détails encore et nous apprennent que les per-sonnes se définissant comme Européennes appartiennent aux plus hauts groupes socio-écono-miques de la société, tels que des propriétaires d’entreprises, des managers, des professionnels et des travailleurs en col blanc. Ils voyagent à travers l’Europe dans le cadre de leur travail ou vivent dans un autre pays européen durant un certain temps. Ils possèdent un haut niveau d’édu-cation et maîtrisent au moins deux ou trois langues. Sont également plus susceptibles de se sentir Européens les jeunes qui voyagent au-delà des frontières, que ce soit pour leur éducation, pour du tourisme ou pour trouver un emploi. Ce sont donc les personnes qui ont une probabilité plus grande d’interagir avec leurs semblables à l’échelle européenne. Enfin, selon Risse (2010), l’attachement envers l’UE est aussi corrélé à des attitudes fortes telles que le fait de posséder des valeurs cosmopolites, d’avoir une attitude positive envers les migrants et de se placer plutôt à gauche sur l’échiquier politique. En somme, les ‘Européens’ semblent rencontrer davantage les critères d’une identité qu’il faut bien qualifier de « libérale », d’une identité européenne plus processuelle (mobilité, jeunesse, dynamisme, niveau d’études élevé, forte individualisation, pluralisme, cosmopolitisme, etc.) que réellement substantielle ou catégorielle.

À partir de ces informations, il est possible de distinguer trois groupes parmi les citoyens euro-péens. Le premier est celui de ceux qui ont plus de chances de se sentir européens, d’être atta-chés à l’Europe et de placer leur identité nationale après leur identité européenne. Il s’agit du groupe décrit ci-dessus, des plus éduqués, jouissant d’un statut socioéconomique plus élevé. Risse (2010, 48) et Favell (2009, 178) les appellent les « Eurostars ». Le deuxième groupe est constitué de ceux qui ne jouissent pas de la même manière des bénéfices apportés par l’UE (pas de nouveaux emplois créés, pas de meilleurs salaires, etc.) tels que les moins éduqués, les tra-vailleurs en col bleu, appartenant à la classe moyenne inférieure voire défavorisée. Ils tendent à penser que l’UE est un projet élitiste qui ne profite qu’aux plus éduqués. Appartiennent éga-lement à ce groupe les plus âgés, qui ont tendance à être plus conservateurs, et vivent avec le souvenir de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont moins enclins à interagir avec des personnes venant d’autres pays, et ont tendance à voir les immigrés comme une menace à leur quotidien ainsi qu’à leur nation (Fligstein et al., 2012). Ces aînés, de même que les personnes avec des revenus plus faibles et les moins éduqués, sont moins susceptibles de voyager et donc de ren-contrer et interagir avec d’autres européens (Fligstein, 2008). Risse les appelle les « nationa-listes exclusifs » (2010, 48-49). Ils ont plus tendance à se sentir exclusivement nationanationa-listes et à rejeter l’UE. Enfin, un troisième groupe, se situant entre les deux précédents, se constitue de

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ceux qui positionnent l’UE comme une identité secondaire, nommés les « nationalistes inclu-sifs » (Risse, 2010, 49). Ils empruntent leurs caractéristiques aux deux autres groupes, en fonc-tion des cas.

Plusieurs autres facteurs expliquent les variations entre les citoyens européens au niveau de leur identification à l’UE. Risse (2005) souligne notamment l’existence d’un écart important entre l’élite et les citoyens. Ce décalage s’explique, selon lui, par le fait que l’Europe est une entité très réelle pour les élites politiques, économiques et sociales. Elles partagent des valeurs com-munes, un destin commun, et ne connaissent plus de limites, de frontières. Alors qu’au con-traire, l’UE demeure une entité plus distante que l’Etat pour une majorité de la population, et ce pour trois raisons. La première est que même si l’UE érige des règles, ce sont très souvent les Etats membres qui les appliquent. Les citoyens ne se rendent donc que rarement compte que la règle émane de l’UE et pas de l’Etat. Ensuite, les frontières de l’UE restent floues pour eux, alors que pour qu’une communauté soit réelle et effective dans la vie des gens, il lui faut des limites. Enfin, la troisième raison est que le discours que tient l’élite envers l’UE est ambivalent. Si l’UE est à la base de quelque chose de positif, les Etats vont se l’attribuer, alors que si quelque chose tourne mal, l’aspect intergouvernemental va disparaitre pour ne blâmer que l’UE (Risse, 2005). Concernant cette variation d’identification entre élites et citoyens, Checkel et Katzens-tein affirment qu’« au-delà des élites et de leurs projets, les identités sont aussi conçues et po-litisées par les processus sociaux en cours relatifs aux expériences vécues par les européens » (2009, 2-3).

Cela est directement lié à l’argument de Breakwell (2004), selon lequel l’identification à l’UE dépend, d’une part des actions de ses institutions et d’autre part, de la rencontre par l’UE des intérêts des membres qui la composent. Cette vision se rapporte aux théories de l’utilitarisme économique : si les citoyens perçoivent les bénéfices économiques associés à l’UE, ils auront plus de chances de développer, voire de renforcer, leur identité européenne (Verhaegen, Hooghe & Quintelier, 2014, 297). Aussi, les citoyens développent-ils plus souvent un sentiment d’appartenance à l’Europe s’ils la reconnaissent comme efficace dans ses actions relevant de domaines traditionnellement dévolus aux Etats et s’ils estiment qu’elle rencontre leurs besoins (Belot, 2010, 30). Fligstein (2008) soutient également que ceux qui ont quelque chose à gagner de l’Europe sont plus enclins à être en faveur de ses actions : les professionnels, les managers, les personnes éduquées, etc. En bref, les personnes dotées de capitaux sociaux, économiques, politiques, culturels. Delanty (2005) et Fligstein (2008) s’accordent aussi sur l’argument selon lequel les citoyens soutiennent l’UE car ils pensent que leur pays retire des bénéfices du fait

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10 d’être membre de l’UE. Et ce, même s’ils ne s’identifient pas d’abord comme européens. Ce-pendant, Delanty (2005) ajoute que, selon lui, les citoyens soutiennent de plus en plus l’UE pour des raisons d’identification aux valeurs qu’ils lui associent.

Toutefois, Fligstein (2009) maintient que la principale source d’identité européenne est l’op-portunité d’interagir positivement et régulièrement avec des individus provenant d’autres pays européens. Toutefois, elle « […] est distribuée différemment parmi les classes sociales » (Fligstein, 2008, 124). Ainsi, puisque seule une certaine partie de la population peut profiter d’une telle opportunité, tout le monde n’a pas la même probabilité de développer une telle iden-tité. En clair, la mobilité et les possibilités de contacts avec des étrangers ne sont pas distribuées de manière homogène au sein de la population. Les personnes travaillant dans le monde des affaires, les académiques, les avocats, les employés gouvernementaux, les étudiants, sont plus susceptibles de voyager et donc de rencontrer leurs semblables de nationalités différentes. Il existe donc un lien fort avec le niveau d’éducation ou l’occupation professionnelle et donc, indirectement, avec le niveau socioéconomique, qui permettent tous trois de voyager. Kuhn (2015, 145), partage cette opinion. Elle ajoute que la santé économique de l’EM dont les indi-vidus font partie, ainsi que sa taille, influencent également la possibilité de dépassement des frontières. Cette opportunité d’interagir avec d’autres européens est liée, selon Delanty, au fait de partager des valeurs cosmopolites. Chacun considère les citoyens d’autres EM comme ses semblables (Delanty, 2005).

De plus, selon Risse, il existe un écart en fonction du genre en ce qui concerne l’identité euro-péenne des individus. Les hommes ont, selon lui, plus tendance à se sentir européens que les femmes, malgré le fait qu’elles aient retiré plus de bénéfices de l’intégration européenne que les hommes : égalité de traitement, égalité salariale et intégration des genres. Les bénéfices matériels ne semblent pas, toujours d’après lui, conduire à une identité européenne plus forte (2010, 46). Cependant, il émet un doute quant au fait que se sentir européen ait un lien avec le niveau de connaissance de l’UE, lié à son apprentissage lors des études secondaires notamment. Pour lui, cela a plutôt à voir avec les valeurs et attitudes générales qui accompagnent la socia-lisation au sein de l’éducation supérieure. De plus, il faut garder à l’esprit que la formation de l’identification à l’UE est également influencée par l’« exposition quotidienne aux normes, symboles et pratiques liés à l’UE » (Cram et al., 2011, 6).

Cependant, il faut encore retenir que les différentes significations de l’identité européenne va-rient entre les Etats membres. Plusieurs auteurs soutiennent en effet que « l’Europe signifie différentes choses en fonction de l’identité nationale à laquelle elle est apparentée » (Delanty,

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2005, 16 ; voir également Fligstein, 2008, 137-138). Risse (2010) ajoute même qu’une distinc-tion est à établir entre nouveaux et anciens Etats membres. Ceci nous ramène à ce que soutient Risse (2010) dans le premier chapitre de ce travail. Nous ne connaissons pas une seule et unique forme d’identité européenne. Dans ce sens, Delanty, déclare qu’« à cause de la mosaïque d’identités nationales, régionales et politiques […] il n’y a pas d’identité européenne globale […] qui inclut tous les Européens » (2005, 17). L’identité européenne n’est pas « plaquée sur les pays européens mais inhérente à leur existence et à la richesse de leurs identités respectives » (Delanty, 2005, 17). C’est en cela que nous avons parlé de coexistence d’identités plurielles, dynamiques et inachevées.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la Belgique, il semble que « le genre a peu d’effets statistiquement notables sur les sentiments d’appartenance » (Deflandre et al., 2005, 13), bien qu’il y a un peu moins d’identification à l’Europe chez les femmes. Deflandre et al. (2005) proposent comme explication à ce léger écart la moindre politisation des femmes par rapport aux hommes, les affaires européennes étant peu abordées en dehors des cercles politiques. Tou-jours selon eux, il apparaît difficile de conclure à un effet d’âge ou de génération sur le senti-ment d’appartenance à l’Europe. Ensuite, ils confirsenti-ment que l’aisance financière ainsi que l’élé-vation du niveau d’études favorisent l’identification à l’Europe. Pour les étudiants, les univer-sitaires et les personnes hautement qualifiées, l’UE est certes une abstraction mais une abstrac-tion construite et saisissable à partir de connaissances, d’échanges, de rencontres. Alors que pour les personnes issues de milieux plus populaires, l’UE demeure un espace virtuel et distant, qu’il faut borner, circonscrire. Pour eux, c’est avant tout cette opposition cols blancs/cols bleus qui structure le sentiment d’appartenance en général (Deflandre et al., 2005, 14).

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Chapitre 2 : Une identité particulière

Ce mémoire s’attèle à comprendre les liens éventuels existants entre identité européenne, sen-timent vis-à-vis de l’intégration de l’UE et la possible influence des crises économiques et mi-gratoires sur ceux-ci.

Dès lors, ce deuxième chapitre vise à présenter la littérature existante concernant les liens entre identité européenne et intégration européenne. Une seconde section développe les facteurs de changement identitaire des individus.

Le lien entre identité et intégration européenne

Cette section s’attache à répondre à deux nouvelles interrogations : le fait d’être en faveur de plus ou moins d’intégration européenne implique-t-il que l’on se sente plus ou moins européen ? Les préférences institutionnelles des individus sont-elles en lien avec une identité européenne ? Cette question concernant les liens entre identité et intégration européenne fait l’objet d’un dé-bat entre les chercheurs. Alors que plusieurs auteurs s’accordent autour de l’existence d’une relation exponentielle entre intégration européenne et identité européenne, d’autres affirment le contraire. Ainsi, les premiers partagent l’hypothèse selon laquelle l’intégration européenne aug-mente continuellement et est corrélée positivement à un sens commun d’identité européenne (Luhmann, 2017, 2 ; Fligstein et al., 2012). Or, pour les seconds, comme Bruter (2004, 205), bien que les résultats empiriques prouvent qu’il y a en effet une corrélation entre identité euro-péenne et intégration euroeuro-péenne, ce niveau est assez relatif. Nous devrions, selon lui, tout de même les considérer comme des variables distinctes.

Toutefois, un récent travail d’analyse de données empiriques renforce l’opinion soutenue par le premier groupe de chercheurs. Un lien exponentiel existerait bel et bien entre intégration euro-péenne et identité euroeuro-péenne. Nous devons cette contribution à Sybille Luhmann (2017) qui adopte une conception néo-fonctionnaliste liant intégration européenne et identité européenne à travers les processus d’interactions des individus avec l’intégration européenne. Selon elle, plusieurs concepts amplifient l’effet de l’intégration européenne sur l’identité, à savoir la mo-bilisation cognitive (abordée par Inglehart, 1970) et le soutien envers l’UE, ainsi que l’opti-misme, bien que dans une moindre mesure (Luhmann, 2017, 1). Elle explique que les niveaux d’études les plus élevés ainsi que les plus bas tendent à se sentir plus européens à mesure que l’intégration avance. En affirmant cela, elle admet entrer en contradiction avec Fligstein, pour qui cela est possible uniquement chez les individus hautement éduqués. Luhmann se justifie en

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14 faisant l’hypothèse que pour se sentir européen, il n’est pas nécessaire de comprendre l’UE. Être engagé et voyager en son sein suffisent, en plus de la monnaie commune, des passeports et du drapeau partagés. Pour les moins éduqués, les choses du quotidien sont suffisantes, selon elle, pour leur rappeler qu’ils font partie du plus grand ensemble qu’est l’UE. Mais les per-sonnes avec un plus haut niveau d’éducation et plus mobilisés cognitivement tendent à se sentir plus européens que les personnes disposant d’un moindre niveau d’études. Le soutien envers l’UE joue également un rôle important. Des croyances telles que le fait d’être plus satisfait avec la démocratie européenne que celle de son propre pays et le fait de vouloir accélérer l’intégra-tion influencent le lien entre intégral’intégra-tion et identité. Enfin, l’optimisme a également sa place. D’après Luhmann, les optimistes se sentent moins européens au départ, puis au fur et à mesure de l’intégration, se sentent plus européens. Pour les pessimistes, c’est le contraire : plus leur pays est intégré, moins ils se sentent européens (Luhmann, 2017, 14-18).

Ce lien entre identité européenne et intégration européenne s’explique également, selon Fligstein (2008), par les interactions transnationales, déjà abordées dans la section précédente. Selon lui, les groupes sociaux les plus disposés à interagir au-delà des frontières sont aussi les plus disposés à soutenir l’intégration européenne. Ainsi, selon Kuhn (2015), des évidences dé-montrent que participer à un Erasmus, par exemple, renforce l’identité européenne. Elle ex-plique cela par un « effet-plafond » : les étudiants de l’éducation supérieure forment un groupe qui, dans l’ensemble, se sent fortement européen. De plus, les structures sociales desquelles ils ressortent et les origines socio-économiques de leurs parents ont une influence, ainsi que les opportunités offertes par leur établissement scolaire (Kuhn, 2015, 6).

Indépendamment du débat autour du lien entre identité et intégration européenne, plusieurs ap-proches nous permettent tout de même de comprendre les variations concernant le niveau de soutien des citoyens envers l’intégration européenne. Celui-ci est défini « comme une attitude positive envers une plus grande coopération entre les Etats membres de l’UE » (Verhaegen et

al., 2014, 298). Ce soutien est considéré comme diffus, plutôt que spécifique, car il « reflète le

soutien pour la caractéristique principale de ce système politique qui est le fait d’être membre de l’UE » (Verhaegen et al., 2014, 299) et non pas seulement le soutien envers certaines poli-tiques et leurs résultats. Parmi les théories expliquant les variations de ce support, nous distin-guons une perspective utilitariste (similaire à celle abordée plus haut), une perspective identi-taire ainsi que la théorie dite des signaux politiques.

D’après la théorie utilitariste, nous nous attendons à ce que l’identité européenne soit influen-cée, dans une certaine mesure, par le degré auquel les citoyens pensent que leur pays et/ou eux–

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mêmes bénéficient de l’intégration européenne (Verhaegen et al., 2014,298). Les individus font un calcul coût-bénéfice des conséquences économiques de l’intégration européenne pour eux et/ou pour leur pays, ce qui motive donc leur attitude envers cette dernière (Hooghe & Marks, 2005 ; de Vries & van Kersbergen, 2007). Ainsi, les individus possédant le plus de capitaux économiques et culturels, c’est-à-dire les plus éduqués et avec les meilleurs revenus, profitent de l’intégration européenne ainsi que de la libéralisation des échanges commerciaux et de la facilitation de la mobilité qu’elle implique. Ils sont donc plus susceptibles d’être pro-européens et d’être plus sensibles à une identité européenne d’inspiration libérale. D’un autre côté, les perdants de cette libéralisation sont ceux qui possèdent moins de ressources et un ni-veau plus faible d’éducation. En effet, ce libéralisme engendre l’insécurité de leurs emplois et fait pression sur les systèmes de sécurité sociale. Ces perdants présentent donc plus de « chances » d’avoir une attitude eurosceptique envers l’intégration UE (Hooghe & Marks, 2005, 421).

Le soutien envers l’intégration européenne ne peut pas être expliqué uniquement par des va-riables telles que la classe et les bénéfices perçus. Les statistiques montrent, selon Risse, un effet important de la variable identitaire sur le soutien envers l’intégration européenne (2010, 47). Ceux qui se sentent au moins partiellement européens « tendent à soutenir l’intégration européenne bien plus que les individus qui adhèrent seulement aux identités nationales » (Risse, 2010, 5). Ainsi, toujours selon Risse (2005, 295), mais aussi d’après Hooghe et Marks (2005, 424), la distinction principale se situe entre les nationalistes exclusivistes et les nationalistes inclusivistes. Les premiers voient leur identité nationale comme exclusive et sont donc moins enclins à soutenir l’intégration européenne, qu’ils perçoivent comme une menace. Les seconds, qui s’identifient au moins partiellement à l’Europe et qui possèdent donc des identités multiples, sont plus disposés à être en faveur de l’intégration européenne. Ainsi, à titre d’exemple, l’iden-tité européenne proposée par les partis extrémistes de droite est plutôt exclusive car ces partis s’appuient sur des enjeux tels que l’immigration et la protection sociale, auxquels sont plus sensibles ceux qui n’ont pas profité des bienfaits de l’intégration de l’UE (Fligstein et al., 2012, 120). Il est effectivement démontré par Mc Laren (2012) que l’antipathie voire la peur envers d’autres cultures est un élément explicatif important de l’hostilité envers le processus d’inté-gration européenne. Le fait de considérer les autres cultures comme une menace envers le sys-tème de sécurité sociale ou la religion nationale augmente la probabilité d’être opposé à l’inté-gration européenne. Ces considérations sont étroitement liées à un attachement nationaliste fort.

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16 Dans le même courant, le travail de de Vreese et Boomgarden (2005) atteste du lien causal existant entre la peur envers l’immigration et la réticence envers l’intégration européenne. De Vries et van Kersbergen proposent comme mécanisme causal à ces deux premières perspec-tives, utilitariste et identitaire, l’allégeance politique (2007, 312). En échange des bénéfices majeurs apportés par leur gouvernement, à savoir la sécurité et le bien-être, les citoyens font allégeance aux institutions politiques et sociales de ce gouvernement. Ainsi, l’allégeance poli-tique est « le mécanisme qui connecte les dirigeants aux dirigés » (de Vries & van Kersbergen, 2007, 313). L’allégeance envers une institution supranationale comme l’UE émerge directe-ment de la première allégeance envers le gouvernedirecte-ment national. L’intégration européenne per-met aux gouvernements nationaux de respecter leurs promesses de sécurité et de bien-être au-près de leurs citoyens et ainsi assure l’allégeance nationale et donc, dans le même temps, pro-voque un second sentiment d’allégeance envers l’UE. En effet, les citoyens comprennent que cette intégration européenne permet à leur gouvernement de tenir leurs engagements envers eux. Ainsi, lorsque les citoyens ont le sentiment que le processus d’intégration européenne ren-force la capacité de leur gouvernement à leur fournir sécurité et bien-être, ils soutiennent plus aisément l’intégration européenne, et inversement (de Vries & van Kersbergen, 2007, 313). Toutefois, les identités nationales sont variables car fortement politisées, contestées et cons-truites et donc influencées par le contexte national. Dès lors, selon une troisième théorie dite des signaux politiques (« political clues »), les citoyens, manquant de connaissances sur l’UE, comparent celle-ci au contexte national dans lequel ils vivent (ils font du « benchmarking »). Ainsi, s’ils se sentent proches d’un parti politique au niveau national, ils tendent à adopter l’opi-nion qu’a ce même parti sur l’intégration européenne (Hooghe & Marks, 2005). Semblable-ment, dans les pays où l’élite politique est en désaccord sur la question de l’intégration euro-péenne, l’identité nationale a plus de chance de devenir exclusive et à engendrer un sentiment allant contre l’intégration européenne. À l’opposé, dans les pays où l’élite se rassemble derrière le projet d’intégration européenne, l’identité nationale est plus susceptible d’être inclusive et d’être positivement associée au soutien pour l’intégration européenne (Hooghe et Marks, 2005, 426).

Enfin, au vu des résultats négatifs des référendums français et néerlandais concernant la Cons-titution européenne en 2005, ainsi que de la montée en puissance récente de partis euroscep-tiques dans plusieurs EM, plus d’un seraient tentés d’y voir le positionnement d’une majorité de la population contre l’intégration européenne. Or, plusieurs auteurs nous démontrent que ce n’est pas le cas. Pour Diez Medrano (2009), ce n’est pas tant parce que les citoyens français et

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néerlandais sont contre plus d’intégration qu’ils ont voté « non » aux référendums. Mais c’est parce qu’ils se sentent exclus du processus d’intégration et ressentent plutôt le caractère tech-nocratique de la prise de décision au niveau UE. S’il y a certes une composante identitaire plus proche de leur Etat national dans ce vote, elle est moindre par rapport à leur sentiment d’appar-tenance à une communauté politique européenne. C’est plutôt un vote à l’image de la frustration de la population de ne pas être consultée sur une série d’enjeux (Diez Medrano, 2009, 87). D’un autre côté, Van Ingelgom démontre qu’en fait, depuis le Traité de Maastricht, nous n’assistons pas à une polarisation plus forte des opinions envers l’intégration européenne mais plutôt à leur non-polarisation. Certes, il y a eu une baisse des opinions favorables envers le processus d’in-tégration mais pas en faveur de plus d’euroscepticisme. Au contraire, nous constatons, selon elle, une « augmentation du nombre de citoyens indécis et indifférents [pour qui] l’intégration européenne [n’est] ni une bonne ni une mauvaise chose » (Van Ingelgom, 2012, 17). Stoeckel partage cette opinion selon laquelle les citoyens sont surtout ambivalents et indifférents vis-à-vis du processus d’intégration européenne (2013, 40).

Le changement identitaire des individus

Un autre objectif de notre étude est d’identifier un éventuel changement identitaire des indivi-dus suite aux ‘crises’ migratoire et économique. Dès lors, il faut déterminer, d’une part si un tel changement est possible et, d’autre part, quels facteurs sont susceptibles de le provoquer et si les crises figurent parmi ces facteurs.

Selon Louis-Jacques Dorais, « parce que l’identité est avant tout relationnelle, elle est sujette à changement quand les circonstances modifient le rapport au monde » (2004, 2). Elle est dès lors une construction évoluant tout le long de nos vies, avec certains éléments étant tout de même plus permanents que d’autres. Elle n’est pas un donné (Deflandre et al., 2005, 9). Ainsi, l’iden-tité n’est pas quelque chose de définitif, mais bien une « dialectique dynamique » (Kunnen & Bosma,2006, 2), amenée à évoluer tout au long de notre vie.

La Théorie du Processus Identitaire (« Identity Process Theory ») de Breakwell « explique comment et pourquoi les structures identitaires changent, surtout dans le contexte de change-ment social » (Breakwell, 2004, 28). En résumé, un changechange-ment identitaire est, selon lui, pos-sible lorsque le contexte dans lequel évolue l’individu entre en conflit avec les éléments struc-turants de son identité et que cet environnement ne peut pas être changé. Selon Kunnen et Bosma, ce conflit peut être engendré « par des demandes externes, par des évènements de vie particuliers ou par des modifications dans les compétences, les désirs et les préférences de la personne » (2006, 16). Ainsi, d’après Bruter, les crises ou les conflits politiques influencent la

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18 structure de l’identité politique de quelqu’un. Selon lui, « même une crise politique [modifie] notre sens d’identification avec les multiples communautés politiques auxquelles nous nous sentons appartenir » (Bruter, 2005, 177).

Plus précisément, au niveau de l’identité européenne, Breakwell (2004, 36) estime que « les changements dans [les] structures institutionnelles [de l’UE] influencent l’identité des citoyens de ses Etats membres, aussi bien indirectement que directement ». À travers les politiques qu’elle mène, l’UE impacte les vies des citoyens et donc la structure de leur identité. En effet, elle « a le pouvoir de modifier l’économie, de redessiner l’armée, de retirer les contrôles aux frontières et de réorganiser les champs de compétences du législateur » (Breakwell, 2004, 36). Cette influence importante sur la vie des individus les oblige à prendre l’UE en compte dans la structure de leur identité. De plus, la perception que les citoyens ont des actions de l’UE a une incidence sur la manière dont cette dernière fait partie de leur identité.

Risse, qui parle d’européanisation des identités nationales plutôt que d’identité européenne (puisque cette dernière ne peut être uniforme), pense que l’influence de l’UE sur l’identité des individus est provoquée par « l’exposition [aux] actions [de l’UE] par les médias [et] les poli-tiques, et [par] les expériences personnelles des citoyens » (Risse, 2010, 102). Il ajoute que « le processus d’intégration y [joue également] un rôle important » (Risse, 2010, 102). Pour lui, plus les médias peignent une image négative de l’UE, plus l’euroscepticisme tend à augmenter. Nous revenons sur le rôle des discours politiques et médiatiques dans le chapitre directement ci-après.

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Chapitre 3 : L’Europe face aux crises économique et migratoire

Nous choisissons d’analyser l’éventuelle influence du contexte de crises économique et migra-toire sur l’identité européenne des citoyens belges pour plusieurs raisons. Tout d’abord car ce sont des ‘crises’ qui sont toujours d’actualité et ont été fortement médiatisées, la population y est donc plus ou moins directement confrontée. Nous les avons également sélectionnées car elles sont étroitement liées et tendent à se renforcer l’une l’autre. Mais plus important encore, l'évolution et la popularité des discours populistes en lien avec ces changements systémiques (tant économique que migratoire) ont une signification particulière depuis la fin des années 2000.

Toutefois, ce travail n’a pas pour vocation d’étudier l’influence des crises économique et mi-gratoire en tant que telles. En effet, il ne s’agit pas de phénomènes purement conjoncturels, puisqu’elles s’étendent dans le temps. Notre volonté est plutôt d’appréhender l'effet de ‘crise’ comme discours et non comme fait empirique établi. Ce qui nous intéresse, c'est le contexte actuel tel qu’il est véhiculé par les médias et les membres de la classe politique, notamment. Nous souhaitons déterminer s’il y a, ou non, un effet de ces discours sur l’identité européenne des citoyens belges.

Dès lors, ce troisième et dernier chapitre théorique traite, dans une première section, des dis-cours de ‘crises’ relatifs à l’UE, répandus, entre autres par les médias et les politiques. Ensuite, une seconde section met en évidence l’évolution de l’identité européenne des belges ces der-nières années et l’influence éventuelle de ces crises.

Les discours de ‘crises’ de l’Union européenne

Les discours de ‘crises’ relatifs à l’UE, propagés notamment par les médias et les politiques, sont d’une certaine importance pour l’étude de l’identité européenne. En effet, plusieurs auteurs affirment que ces discours ont une influence non négligeable sur la formation de l’identité des citoyens ainsi que sur leurs attitudes envers l’intégration européenne (Castano & Tousignant, 1992, 114 ; Verhaegen et al., 2014, 309).

La notion de crise est souvent présentée par les premiers historiens européistes comme « l’une des pierres angulaires des dynamiques mêmes de l’intégration » (Mégie & Vauchez, 2014, 13). En effet, « la notion de crise est omniprésente dans l’histoire de l’intégration européenne » (Warzoulet, 2014, 99), cette histoire étant décrite comme « une succession de ‘crises’ et de

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20 ‘relances’ dans un mouvement linéaire de construction d’une Europe communautaire » (War-zoulet,2014, 100). La notion de « ‘crise’ occupe en effet une place essentielle dans le récit des développements chaotiques mais ininterrompus du projet européen » (Mégie & Vauchez, 2014, 12). Ainsi, la crise est-elle devenue le « cadre d’appréhension dominant du cours des affaires européennes » (Mégie & Vauchez, 2014, 10). Nous revenons sur cette idée en conclusion gé-nérale.

De plus, la grande majorité des usages du terme ‘crise’ au sein de discours appartient à la « rhé-torique de la déploration […] qui propose autant de mots d’ordres capables de convaincre, voire de convertir, à l’ardente obligation de la réforme » (Mégie & Vauchez, 2014, 10). Par exemple, le portrait que dressent régulièrement les politiciens et les médias nationaux de l’UE comme étant une « bureaucratie européenne sans visage » renvoie une mauvaise image aux citoyens des responsabilités de l’UE (Risse, 2010, 56). Cela a pour effet d’agrandir l’écart existant entre l’élite et les citoyens au niveau de leur identité européenne et de leur relation à l’intégration européenne.

Par ailleurs, les sentiments de distance et d’incompréhension envers l’UE, assez fréquents parmi les citoyens, semble causés par le manque de politisation des politiques européennes. En effet, selon Liebert (2016), les crises touchant actuellement l’UE (les montées des populismes et des extrémismes, les crises économiques, les crises sociales, etc.) ne sont pas entièrement négatives. Certes, elles mettent en avant l’émergence de sentiments nationalistes au sein de certains EM. Mais surtout, elles contribuent, selon lui, à l’émergence de l’identité européenne et au retour de politiques, au sein des affaires européennes, qui n’étaient plus prises en compte par le niveau national. Les crises économique et financière ont placé les mêmes enjeux au centre des débats publics des différents EM. Elles ont ainsi « amélioré la communication transnationale et l’eu-ropéanisation des sphères publiques nationales » (Liebert, 2016, 103).

Cependant, l’UE souffre de la petite échelle à laquelle s’étend cette sphère publique, c’est-à-dire de l’absence de sphère publique paneuropéenne. Cette lacune s’explique par la carence de médias avec une portée européenne, par la faible couverture des thèmes européens dans la presse écrite et par le manque de perspective européenne lorsque les journaux rapportent des nouvelles sur l’UE (Diez Medrano, 2009, 90). De plus, la signification de la construction euro-péenne résonne différemment dans les discours politiques nationaux et même locaux. Cela mène donc à l’hétérogénéité de l’identité européenne plutôt qu’à une identité européenne uni-fiée (Risse, 2010, 7). Ainsi, les débats autour de l’Europe, de l’élargissement de l’UE et de l’immigration sont aussi concernés par la question identitaire et par les différentes visions que

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les citoyens ont de l’UE. Ceux ayant une vision plus moderne de l’Europe, les « Eurostars » et les nationalistes inclusifs, tendent à être plus cosmopolites et moins xénophobes, plus ouverts à la diversité. Alors que les nationalistes exclusifs, présentant généralement un niveau d’études moins élevé, présentent plus souvent un comportement xénophobe et anti-intégrationniste (Risse, 2010, 223-225). Verhaegen et al. ajoutent à ce constat que « des citoyens soutenant moins l’intégration sont plus réceptifs à la mobilisation eurosceptique » (2014, 295). De ce fait, « l’influence de l’euroscepticisme comme faisant partie du discours sur l’identité européenne ne devrait pas être sous-estimée » (Castiglione, 2009, 36-37).

Bruter (2003) démontre la portée de l’impact des médias sur l’identification à l’UE. S’ils rap-portent des bonnes nouvelles concernant l’UE, ils vont contribuer à renforcer l’attachement des citoyens aux institutions politiques de l’UE et inversement lorsqu’ils diffusent des nouvelles négatives. Pour de Vreese et Boomgaarden (2006, 429), « les médias importent dans la forma-tion de l’opinion publique envers l’intégraforma-tion européenne ». Toutefois, ce rôle est condiforma-tionnel et ne doit pas être exagéré. Il dépend notamment du contexte national et du cadre utilisé par les médias pour aborder le sujet. Par exemple, l’impact des médias est important pour le soutien envers l’intégration européenne dans les situations où les individus sont face à une couverture médiatique importante et lorsque ces mêmes médias adoptent un ton positif. Dans ce cas, ils soutiennent l’élargissement. Cependant, dans le cas où les individus sont face à des messages moins visibles et à caractère mixte, il n’y a pas d’influence des médias d’information sur la dynamique de la formation de leur opinion (de Vreese et Boomgaarden, 2006). Bruter (2003) cite également des exemples d’images positives et négatives renvoyées par les médias sur l’in-tégration européenne. Concernant les images négatives, il évoque le fait que les médias ne s’in-téressent qu’aux questions de moindre importance ou lorsqu’ils font référence au caractère bu-reaucratique de l’UE, aux dissidences internes entre les EM, aux compromis insatisfaisants, etc. Pour illustrer les bonnes nouvelles, il parle de la mention par les médias de la prospérité et du développement économique, de la coopération interne ou des initiatives culturelles, entre autres (Bruter, 2003, 28).

Enfin, il est important de préciser que, dès lors qu’il est fait référence aux ‘crises’ en tant que discours, il est possible que ce terme ne soit pas utilisé par toute la population pour faire réfé-rence au contexte actuel. Ceci est notamment abordé par la récente enquête Noir, Jaune, Blues, dirigée par Benoit Scheuer. En effet, à la question « en pensant aux difficultés économiques, financières et sociales que vit actuellement notre société, vous vous dites plutôt que… », 37 % des personnes interrogées répondent qu’il s’agit d’une crise et que la situation va revenir à la

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22 normale. À côté de cela, 49 % des répondants pensent, au contraire, que ce n’est pas une crise mais une modification profonde et durable de la société. Les 14 % restant ne sachant pas quoi répondre (Scheuer, 2017, 107).

L’influence des ‘crises’ économique et migratoire

Cette ultime section théorique met en exergue, d’une part, l’évolution de l’identité européenne et des attitudes envers l’intégration européenne des belges au cours de ces dernières années. D’autre part, nous voyons si cette évolution nous permet déjà de conclure à une influence des ‘crises’ migratoire et économique sur l’identité des belges. Car, selon Bruter (2005, 177), nous pouvons nous attendre à ce qu’« une crise politique [modifie] notre sens d’identification avec les multiples communautés politiques auxquelles nous nous sentons appartenir ».

Lorsque nous nous référons aux résultats du Baromètre Social de la Wallonie (BSW) réalisé par l’IWEPS, nous constatons que, malgré les crises financière et gouvernementale (ainsi que migratoire), « ni l’identification à la Belgique ni celle à l’Europe ne semblent avoir été affec-tées » durant la période 2007-2013 (IWEPS, 2014, 1). Le tableau ci-dessous, issu également du rapport BSW (IWEPS, 2014, 1), illustre cette stabilité :

On observe également que l’identité nationale reste dominante vis-à-vis de l’identité régionale, qui est elle-même dominante vis-à-vis de l’identité européenne. Par ailleurs, Deflandre et al. maintiennent que « les identités wallonnes, belges et européennes sont complémentaires plutôt que concurrentes » (2005, 3). Ce à quoi nous pouvons ajouter les conclusions d’Italiano et Jac-quemain (2014, 18) qui rapportent que la complémentarité entre ces différents niveaux d’iden-tité est stable dans le temps et ne dépend pas tant de la conjoncture politique. Toutefois, il est essentiel de souligner que ces observations concernent uniquement les Wallons et non pas la population belge dans son ensemble. Il n’est donc « pas sûr que de [l’autre] côté de la frontière linguistique, les mêmes structures identitaires se révèlent » (Italiano & Jacquemain, 2014, 18). En effet, il existe, selon De Winter (2007, 579) des divergences identitaires entre Wallons et

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Flamands. De plus, ces données ne nous permettent pas d’identifier quelle tranche de la popu-lation tend à s’identifier à l’une ou à l’autre entité. Ce questionnement fait l’objet du chapitre suivant, dans lequel nous tentons de déterminer par des analyses de données quantitatives qui sont les ‘Européens’ au sein de la population belge.

De plus, concernant le soutien des citoyens belges envers l’intégration européenne, nous pou-vons tirer plusieurs enseignements des recherches de Braun et Tausendpfund (2014). Tout d’abord, le graphique ci-dessous nous apprend que, pour la période 2007-2012, le soutien en-vers l’UE en Belgique était tendanciellement plus haut que pour la moyenne des EM. Cette tendance est toutefois à la baisse.

Tendance du soutien pour l’UE d’avril 2007 à novembre 2012

(Braun & Tausendpfund,2014, 237)

Ensuite, un second graphique, ci-dessous, nous informe que le niveau de soutien envers l’UE en Belgique est plus bas en 2012 qu’en 2007. Cela démontre, selon Braun et Tausendpfund (2014), que le déclin du soutien envers l’UE est plus important pendant la crise de l’euro que durant la crise globale. La crise de l’euro a donc eu un impact plus important sur les citoyens que la crise économique globale, car plus proche. Les citoyens ont peur du coût que la crise de l’euro peut engendrer pour eux-mêmes et donc retirent leur soutien envers l’UE (Braun & Tau-sendpfund,2014, 242).

Changement du soutien pour l’UE d’avril 2007/octobre 2009 à novembre 2012

(Braun & Tausendpfund,2014, 238)

Ces différents travaux nous indiquent donc, que pour la période 2007-2012/2013, les sentiments d’identification des belges (Wallons) ne semblent pas avoir été hautement influencés par les ‘crises’ économiques et migratoires. Cependant, au cours de la même période, le soutien des

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24 belges envers l’UE a, quant à lui, diminué, surtout à cause de la crise de l’euro. Toutefois, ces études ne nous permettent pas d’identifier les caractéristiques principales des individus qui s’af-firment plus européens ou qui se situent plus en faveur de l’intégration européenne que d’autres. Qui sont-ils ? A quelle tranche de la population appartiennent-ils ? Nous répondons à ces inter-rogations à l’aide de notre analyse de données quantitatives et de nos focus groups.

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Partie II : Une approche empirique

Au sein de la partie théorique précédente, nous identifions, entre autres, les caractéristiques principales attribuées aux personnes se définissant comme ‘européennes’. Toutefois, la littéra-ture ne nous fournit des informations sur cette catégorie qu’au niveau européen en général ou sur la base d’études portant sur certains Etats membres. Or, dans le cadre de ce travail, nous nous intéressons en particulier à la Belgique francophone. De plus, très peu d’auteurs étudient le contenu de cette identité européenne et sa signification pour le positionnement des individus envers l’intégration européenne.

Cette seconde partie s’attache donc, dans un premier temps, à identifier, au sein de la population belge francophone, quelle catégorie d’individus tend à se sentir plus ou moins ‘européenne’, à se positionner plus ou moins en faveur de l’intégration européenne. Pour ce faire, nous analy-sons des données issues de l’European Social Survey (ESS), et soulignons dans quelle mesure nos résultats se rapprochent de la littérature (chapitre 4). Dans un second temps, nous exami-nons, grâce aux résultats fournis par deux focus groups, ce que veulent dire les citoyens lorsqu’ils se présentent comme ‘européens’, ce que cela signifie pour eux de se sentir européens ou non (chapitre 5).

Chapitre 4 : Les Européens au sein de la population belge

Ce quatrième chapitre vise donc à identifier, sur la base de données statistiques, les caractéris-tiques des belges se définissant comme européens. Pour cela, nous partons du postulat que les individus en faveur de l’intégration européenne auront plus souvent tendance à se sentir euro-péens. Dès lors, nous nous posons la question de savoir si, en Belgique, les hommes ont plus tendance que les femmes à être en faveur de l’intégration européenne. Les variables telles que le niveau d’études, l’âge et les conditions socioéconomiques jouent-elles également un rôle ? Est-ce que l’évolution de la position des citoyens belges vis-à-vis de l’intégration européenne montre une influence des crises économique et migratoire ? Ces interrogations trouvent leurs réponses dans une section ultérieure de ce travail, après que les différentes méthodes d’analyse quantitative exploitées aient été développées dans une première section.

Une analyse quantitative

Tout d’abord, les données utilisées dans notre analyse quantitative proviennent de l’European

Social Survey (ESS), un sondage académique transnational créé en 2001. Ce sondage prend la

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26 transnationaux. Ainsi, les résultats de ces enquêtes sont disponibles pour la période allant de 2002 à 2014 (ceux de 2016 ne sont pas encore publics) et ce, pour de nombreux pays, dont la Belgique (European Social Survey, 2014). Au sein des enquêtes réalisées en Belgique, il n’est pas possible d’obtenir les réponses des francophones uniquement. Par conséquent, nos résultats obtenus sur la base de ces données concernent donc la Belgique entière.

Ensuite, seule une des questions posées durant ces sondages nous intéresse pour répondre aux interrogations susmentionnées : « maintenant, concernant l’Union européenne, certains disent que l’unification européenne devrait aller plus loin. D’autres disent qu’elle est déjà allée trop loin. En utilisant cette carte, quel nombre sur cette échelle décrit le mieux votre position ? » (« Now thinking about the European Union, some say European unification should go further. Others say it has already gone too far. Using this card, what number on the scale best describes your position? »). Les personnes interrogées ont alors le choix entre plusieurs modalités de réponse, allant de 0, l’unification est déjà allée trop loin, à 10, l’unification pourrait aller plus loin. Seules ces deux modalités de réponse sont explicites. Pour les réponses allant de 1 à 9, le répondant n’a pas d’indication concernant leur signification. Aussi, nous retirons de ces échan-tillons les refus de réponse (77), les réponses ‘je ne sais pas’ (88) et les non-réponses (99). Ce positionnement vis-à-vis de l’unification européenne est donc notre variable dépendante. Aussi, nous n’utilisons les résultats que de cinq sondages, à savoir ceux des années 2004, 2006, 2008, 2012 et 2014. Nous commençons en 2004 car la question concernant le positionnement envers l’unification européenne n’est pas encore posée en 2002. Elle ne l’est pas non plus en 2010, d’où l’écart entre 2008 et 2012.

À partir de là, une série de variables indépendantes sont intéressantes pour être mises en relation avec notre variable dépendante : l’âge des personnes interrogées (« age of respondent, calcu-lated », leur sexe (« gender »), leur niveau d’études (« highest level of education, Belgium ») et leur revenu (« household's total net income, all sources »).

Ensuite, viennent les différents calculs et tests statistiques réalisés1, à l’aide du programme

Ex-cel, afin de répondre à nos questions, reformulées comme telles : entre 2004 et 2014, quelle évolution du positionnement des citoyens belges vis-à-vis de l’unification européenne consta-tons-nous? Pouvons-nous établir un lien entre, d’une part, le sexe, l’âge, le niveau d’éducation, et le revenu, et d’autre part, l’attitude envers l’unification européenne ?

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