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Article pp.15-22 du Vol.33 n°175 (2007)

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Texte intégral

(1)

L

’article de Jensen et Meckling de 1976 (J-M dans la suite) fait partie des articles les plus cités dans la littérature de management. Il est aujourd’hui une référence classique dans tous les manuels de finance et même de management des organisations, dans la mesure où il représente aujourd’hui la contribution fon- datrice de la gouvernance des entreprises (Caby et Hirigoyen, 2000). Il s’agit d’un long article (55 pages), non technique, qui explique la nature des coûts d’agence engendrés par la structure de capital de la firme. Cet article a donné naissance à toute la littérature fondée sur la théorie de l’agence, dont on trouvera un exposé systé- matique dans le denier ouvrage de Jean Tirole, The Theory of Corporate Finance(2006), sans cependant que le lien analytique de cette filiation ait été clairement établi.

Notre objectif ici est de formuler le modèle microéco- nomique traitant des fonds propres (sections II et III de J-M) dans un contexte qui facilite le rapprochement avec cette littérature ultérieure. Nous définissons ici ce modèle comme en jeu à trois étapes entre le manager de l’entreprise et un financeur externe qui s’apprête à acquérir une fraction du capital. Le modèle de base est étudié dans la section II ; l’analyse de la taille optimale de la firme est réalisée dans la section III.

Jensen et Meckling

trente ans après

L’article de M. Jensen et W. Meckling publié il y a trente ans dans le Journal of Financial Economics marque un tournant dans la littérature de finance d’entreprise puisqu’il est le premier à analyser en quoi la valeur de la firme peut dépendre de la structure du capital lorsque le dirigeant n’est pas entièrement dévoué à la cause des actionnaires. Nous

proposons ici une réécriture du modèle de fonds propres en termes de théorie des jeux de façon à mieux saisir la filiation de ce modèle microéconomique avec la littérature qui s’est développée par la suite dans le cadre de la théorie de l’agence.

(2)

La résolution du jeu permet de démontrer analytiquement et de façon simple les résul- tats que Jensen et Meckling établissent sur la base de raisonnements graphiques. L’ap- proche en termes de théorie des jeux met en lumière les interactions stratégiques exis- tant entre le manager et le financeurs externe : dès lors que le manager joue en premier, il occupe le rôle de principal dans le jeu ; mais il joue aussi en dernier après que les financeurs ont décidé d’acquérir du capital et cela confère au modèle de jeu une structure d’agence particulière qui explique la vraie nature de la contribution de Jensen et Meckling.

I. – LE MODÈLE DE FONDS PROPRES

Jensen et Meckling considèrent une entre- prise dont le manager est le seul proprié- taire. Il a ainsi le droit de consacrer libre- ment une part des ressources de la firme pour s’octroyer des avantages non pécu- niaires. Ce droit représente un coût pour l’entreprise, mesuré par le manque à gagner subi par tout investisseur externe désireux d’entrer dans le capital de la firme comme actionnaire minoritaire.

C’est ainsi que le coût d’agence est défini.

Nous adoptons les mêmes notations que J-M (1976, p. 315) :

F désigne le montant des avantages non pécuniaires du manager,

– Vla valeur de marché de la firme, – V

la valeur de marché de la firme en l’ab- sence d’avantages pécuniaires, de sorte que (1) V+ F= V

– U(V, F) = utilité acquise par le manager pour un niveau donné de Vet de F1. La situation de référence est celle dans laquelle le manager est l’unique proprié- taire de l’entreprise. Il arbitre entre valeur de la firme et avantages pécuniaires à tra- vers la résolution du programme d’optimi- sation sous contrainte suivante :

La solution (V*, F*) de ce programme satis- fait la condition classique du premier ordre (2) ∂U/V = U/F

Elle correspond au point O de la figure 1 (version simplifiée reprise de J-M, 1976, p. 316).

Dès lors, V* mesure le prix auquel le pro- priétaire est prêt à céder tout son capital à condition de rester le manager (et donc de continuer à bénéficier des avantages non pécuniaires). V1 mesure le prix auquel le propriétaire est prêt à céder tout son capital en renonçant à la fonction de manager ; la différence V1V* mesure donc la valeur des droits managériaux dont dispose le pro- priétaire, compte tenu des avantages non pécuniaires

1. Financement externe et opportunisme managérial

Considérons maintenant le cas où le mana- ger détient une fraction donnée αdu capital tout en conservant la direction de l’entre- prise. Il cède donc une fraction (1-α) à un financeur externe pour un montant K à déterminer. Dans ce contexte, le manager est libre de s’octroyer des avantages non

maxV, FU(V, F) V+ F= V

1. Nous supposons que la fonction U est croissante en F et en V et qu’elle est une fonction concave du couple (V, F).

(3)

pécuniaires d’un montant F en n’en payant que αF. Il adopte ainsi un comportement opportuniste puisqu’il va bénéficier d’un service sans en supporter la totalité du coût.

Cette situation peut se modéliser sous forme d’un jeu en trois étapes entre le manager et l’investisseur externe. La figure 2 présente l’arbre de décision relatif à ce jeu :

– à l’étape 1, le manager propos de vendre la fraction (1-α) du capital pour un montant K, – à l’étape 2, l’investisseur accepte ou refuse,

– à l’étape 3 :

- en cas de refus, le manager reçoit un niveau d’utilité U0, correspondant, par exemple, à la vente des (1-α) actions à un prix plancher. L’investisseur reçoit 0 ;

- en cas d’acceptation, le manager choisit le mix (V, F)sous la contrainte budgétaire:

(3) V= α (V

– F) + K,

qui exprime que seule une fraction α du coût des avantages non pécuniaires est porté par le manager.

L’analyse de l’équilibre (voir encadré page suivante) montre que la solution du jeu est s’obtient en résolvant le système suivant :

(6)

La deuxième équation la contrainte d’inci- tationdu manager, qui capture son compor- tement rationnel en étape 3 ; La troisième est la contrainte de participationde l’inves-

V= α (V

– F) + K,

U/V = α∂U/F, (1 – α) (V

– F) – K= 0.

Figure 1

VALEUR DE LA FIRME ET AVANTAGES NON PÉCUNIAIRES

(4)

Figure 2

L’ARBRE DE DÉCISION

ÉQUILIBRE DE NASH DU JEU

L’équilibre du jeu s’obtient par le raisonnement de l’induction arrière, qui consiste à remonter le temps à partir de l’étape 3.

À l’étape 3,le manager maximise son utilité U pour une valeur K fixée, en résolvant le programme

Dont les conditions du premier ordre s’écrivent : (4) ∂U/V = α∂U/F.

À l’étape 2, l’investisseur accepte la proposition si son gain est positif, soit : (5) 1 – α (V

– F)≥K.

À l’étape 1, tout se passe comme si le manager cherche à maximiser son utilité en par rapport à V, Fet K, tenant compte des conditions (4) et (5) c’est-à-dire par la résolution du programme :

Il est alors facile de montrer que la solution de ce programme est obtenu lorsque la contrainte (5) est saturée, c’est-à-dire lorsqu’elle est une égalité. Les conditions (3), (4) et (5) constituent alors un système de 3 équations à 3 inconnues, qui donne la solution du jeu.

maxV, F, KU(V, F)

sous les conditions (3), (4) et (5).

maxV, FU(V, F) V= α(V

– F) + K.

(5)

tisseur qui exprime que celui-ci va accepter l’offre d’entrer dans le capital de la firme – en y restant minoritaire. On obtient ainsi les trois valeurs (Vˆ, Fˆ, Kˆ ) qui correspondent au point B de la figure 1 : en ce point, la courbe d’utilité est tangente à la contrainte budgé- taire (3). La contrainte de participation implique que l’on a encore, comme dans le cas où le manager est propriétaire exclusif, l’égalité V+ F= V

2.

2. Qu’apporte la formulation en termes de jeu ?

La formulation en termes de jeu apporte quatre éléments qui permettent de mieux saisir la signification et la portée de la contribution de J-M.

1) Le modèle demeure un modèle détermi- niste, sans incertitude ; on ne peut donc parler d’asymétries d’information, dans le sens pris dans toute la littérature ultérieure de finance théorique. En revanche, l’infor- mation est imparfaite car le financeur externe, au moment où il décide de rentrer dans le capital de l’entreprise, n’observe pas les avantages non pécuniaires que s’oc- troie le manager. Cette déficience d’obser- vabilité est appréhendée ici par le calen- drier tel qu’il apparaît dans l’arbre de décision du jeu : la participation du finan- ceur est décidée avant que le manager ne fixe F. Dans ce contexte, donc, le compor- tement de hasard moral adopté par le manager se ramène à un comportement classique de type passager clandestin(free riding), dans la mesure où le manager n’as- sume qu’une part du coût de la décision qu’il prend.

2) Le modèle de jeu est a priori de type principal-agent, avec le manager dans le rôle du principal et le financeur dans celui de l’agent. Mais, en quelque sorte, le prin- cipal rejoue après l’agent à l’étape 3, en fixant des avantages non pécuniaires. Cette situation se distingue des modèles clas- siques de la théorie de l’agence. Cela signi- fie notamment que les contraintes clas- siques de participation et d’incitation sont réparties entre les deux protagonistes.

3) Du point de vue méthodologique, les conditions de Nash du jeu se substituent élégamment aux deux pages de démonstra- tion graphique produites dans l’article de J-M (1976, p. 316-317) pour établir que la solution se situe au point B, démonstration fondée sur un détour de raisonnement inutile s’appuyant sur la considération d’une droite de budget de pente α passant par le point O. Autrement dit, le modèle de jeu fournit une preuve analytique du résul- tat, à partir d’hypothèses tenant à la ratio- nalité des agents économiques parfaitement explicitées.

4) Dans un tel contexte, la notion de coût d’agence peut se définir tout à fait rigoureu- sement. Deux questions se posent pour appréhender cette notion.

– Comment calculer le coût du comporte- ment opportuniste du manager liés aux avantages non pécuniaires ?

– Comment celui-ci se répartit entre le manager et le financeur ?

La réponse à la seconde question est immé- diate : comme on l’a vu, à l’équilibre, l’opé- ration est blanche pour le financeur. Par conséquent le coût d’agence est intégrale-

2. Démonstration immédiate en combinant la première et la troisième relation du système (6).

(6)

ment supporté par le manager. Du point de vue de ce dernier – et ceci répond à la pre- mière question – le coût d’agence se mesure par la perte d’utilité par rapport à la situa- tion dans laquelle le manager supporterait la totalité du coût des bénéfices non pécu- niaires. Cette situation de référence se for- malise immédiatement sous forme d’un jeu modifié, en remplaçant la relation (3) par l’égalité V= αV

– F + K. Un calcul simple montre que la solution de ce modèle de référence est (V*, F*), c’est-à-dire l’opti- mum trouvé ci-dessus lorsque le manager est seul propriétaire, avec K* = (1 – α)V

. Dans ces conditions, le coût d’agence se mesure par la perte d’utilité :

(7)

Cette expression est plus générale que celle donnée par J-M3. Si donc le manager subit pleinement le coût d’agence, c’est parce que le financeur anticipe le comportement opportuniste de ce dernier et en tient compte dans sa décision d’intervenir dans le capital de l’entreprise. D’une certaine façon Aest une évaluation interne du coût d’agence.

II. – LA TAILLE OPTIMALE DE L’ENTREPRISE AVEC FINANCEMENT EXTERNE Jensen et Meckling examinent ensuite la question de la taille de l’entreprise. L’entre- preneur, propriétaire unique de l’entreprise, dispose d’une mise de fonds W; il envisage un projet d’investissement. L’investisse-

ment d’un montant I dégage une valeur V

(I). Le résultat net de l’opération est donc la différenceV

(I) – 1. La taille optimale de l’investissement I*, et donc de la firme en l’occurrence, est déterminé par l’égalité : (8) V

′(I′) = 1

On suppose que l’investissement envisagé est financé par l’autofinancement et/ou par un apport de capital extérieur, soit donc la relation :

(9) IW+ K.

Si la mise de fonds initiale W est supérieure à I*, alors l’entrepreneur n’a pas besoin de faire appel à un financement externe. Dans le cas contraire, l’entrepreneur est obligé de vendre une part de son capital pour obtenir le complément de financement K. Mais alors, le financeur externe va anticiper le comportement opportuniste du manager étudié ci-dessus et adapter en conséquence sa décision de participer au financement de l’investissement.

Dans ces conditions le jeu entre le manger et le financeur se déroule comme suit : – à l’étape 1, le manager décide le montant à investir I, propose la fraction 1-adu capi- tal qu‘il veut céder et le montant K qu’il demande en contrepartie ;

– à l’étape 2, l’investisseur accepte ou refuse la proposition ;

– à l’étape 3 :

- en cas de refus, le manager reçoit un niveau d’utilité U0, l’investisseur reçoit 0, - en cas d’acceptation, le manager choisit le mix (V, F)sous la contrainte budgétaire : (10) W+ αV

(I) + K – I = αF + V, A= U(V*, F*) – U(V′, F′).

3. Sur la figure 1, J-M mesure le coût d’agence par la différence V1– V2. Cette grandeur est l’équivalent monétaire de Aque dans le cas où la fonction d’utilité Uest quasi linéaire c’est-à-dire de la forme U = V + u(F).

(7)

L’arbre de décision du jeu est représenté figure 3.

Comparé au jeu précédent, le manager dis- pose ici de deux variables de décision sup- plémentaires, I et α. Il doit satisfaire la contrainte de financement (9) et la nouvelle contrainte budgétaire (10) prend en compte la dépense et le revenu liés à l’investissement.

La résolution du jeu suit la même démarche que dans le cas précédent. Nous nous limi- terons ici à donner le résultat. Pour la démonstration voir Thépot (2006).

(11)

La solution du jeu est donnée par le système (11). Il s’agit d’un système de 5 équations à 5 inconnues ; il fournit les valeurs d’équi- libre (α, I, F, V, K). Ce système est difficile à résoudre analytiquement. Il nous suffit de savoir que le paramètre h4figurant dans la dernière relation du système (11), est néga- tif pour en conclure que le niveau d’inves- tissement choisi par le manager sera tou- jours inférieur au niveau optimal I*. Ceci implique que la valeur de la firme, mesurée par V

(I), dépend de α, c’est-à-dire en fait de la structure du capital. Ainsi le théorème de Modigliani - Miller ne s’applique pas ici.

Pourquoi ? Tout simplement en raison de l’opportuniste managérial qui biaise la décision du financeur externe et porte atteinte à la neutralité de la structure finan- cière de l’entreprise.

V+ αF = W+ αV

(I) + K – I (1 – α) (V

(I)– F) – K= 0, ᎏ

U F= α ᎏ

U VI= W+ K

1 + (Vα (

( I

1 ) –

– α

F )

)h ᎏ ᎏ

U

Vᎏ冥V(I) = 1.

4. Qui dépend de la fonction U et de α

Figure 3

LE JEU AVEC INVESTISSEMENT

(8)

CONCLUSION

Cet article vise à mettre en évidence la structure de jeu sous jacente au modèle de fonds propres proposé par Jensen et Meckling il y a 30 ans. Indépendamment de la clarification opérée dans les preuves analytiques, cette formulation présente l’avantage de mieux saisir les rôles straté- giques respectifs du manager et du finan-

ceur externe qui, en anticipant rationnelle- ment l’opportunisme managérial lié aux avantages non pécuniaires, conduit en définitive le manager a supporté le coût d’agence. Cette approche permet de mieux apprécier l’originalité de la contri- bution de Michael Jensen et William Meckling à la finance d’entreprise contemporaine.

BIBLIOGRAPHIE

Caby J., Hirigoyen G., « Michael C. Jensen», Revue française de gestion, n° 128, 2000, p. 60-68.

Jensen M., Meckling W., “Theory of the firm: managerial behavior, agency cost and owner- ship structure”, Journal of Financial Economics, 3, 1976, p. 305-360.

Thépot J., Jensen and Meckling 30 Years After: A Game Theoretic View, http://ssrn.com/abstract=899521, 2006.

Tirole J., The Theory of Corporate Finance, Princeton University Press, 2006.

Références

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