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QUEL AVENIR POUR 2030

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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ÉCONOMIE

Ce que les crises du passé nous apprennent 44-48

TOLKIEN

Sur les pas de Bilbo le Hobbit 16-22

APOCALYPSE

Pourquoi nous sommes obsédés par la fin du monde

50-56

SAVOIR ALLEZ !

QUEL AVENIR POUR 2030

L’AGRICULTURE ?

Le magazine de l’UNIL | Septembre 2012 | Gratuit

NUMÉRO

52

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THÉÂTRE

LA GRANGE 12-13

DE DORIGNY

UNE SAISON QUI DÉCHIRE !

DEMANDEZ LE PROGRAMME

021 692 21 12 – CULTURE@UNIL.CH

WWW.GRANGEDEDORIGNY.CH

Salon Coif’où, UNIL

Les Kiosques, UNIL

UNICOM

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Allez savoir ! N° 52 Septembre 2012 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITO

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne

No 52, septembre 2012 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Direction artistique Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Sonia Arnal Sophie Badoux Geneviève Comby Elisabeth Gordon Virginie Jobé Nadine Richon Renata Vujica Francine Zambano Correcteur Albert Grun Fabienne Trivier

Graphisme et mise en page Secteur B Sàrl

www.secteurb.ch Infographie

Pascal Coderay (p. 34-35) Photographie

Nicole Chuard

Pierre-Antoine Grisoni (Strates) Félix Imhof

Alban Kakulya Illustration John Howe (p. 20) Eric Pitteloud (p. 3, 23) Couverture George Clerk – iStockphoto.com Impression

Swissprinters Lausanne SA Tirage

15'000 exemplaires Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 62) 021 692 22 80

PAYSAN,

Ç’A EU PAYÉ. ÇA PAIE PLUS.

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

«J ’

suis qu’un pauvre paysan… J’ai 89 hec- tares de blé, mais le blé, ça paie quoi?

Ça paie la semence. Le blé, ç’a eu payé, mais ça paie plus…» Avec ce sketch inoubliable, Fernand Raynaud faisait glousser la France. Mais c’était en 1965, au millénaire pré- cédent, et l’on peut parier qu’il mettrait moins facilement les rieurs de son côté s’il venait donner son spectacle, au- jourd’hui à Lausanne. Notamment parce que, chaque an- née en Suisse, il y a désormais 1600 exploitations agri- coles qui disparaissent. Et que, selon les scénarios qui ont été esquissés par des chercheurs de l’UNIL, le phé- nomène risque de s’accélérer méchamment d’ici à 2030.

Pourtant, les Suisses des villes n’ont jamais semblé si envieux de renouer avec leurs racines terriennes. Ils plantent des tomates sur leur balcon et cultivent leur jardi- net. Ils font leurs courses au marché fermier, parce qu’ils ont pris goût au bio, aux produits de saison et au slow- food. Les Helvètes se bousculent encore à la ferme pour le brunch du 1er Août. Nos enfants des cités fréquentent l’école à la campagne pour découvrir que le lait ne tombe pas sur terre dans les berlingots du supermarché. Et nous avons tous en tête la musique jazzy de la pub Migros qui rythme la course folle de Chocolate, cette petite poule rousse qui file à crête abattue afin de pondre l’œuf man- quant dans la barquette en partance pour le grand ma- gasin. Enfin, le lundi soir venu, quand on allume sa télé, on se retrouve sur M6 avec plus de 100 000 Romands pour suivre «L’amour est dans le pré», cette télé-réalité qui sourit des amours contrariées des fermiers français.

C’est dire si le petit peuple de la terre a réussi à se défaire de la mauvaise réputation qui lui collait aux basques au siècle dernier, quand les humoristes ironi- saient sur les paysans en Mercedes, les éleveurs sub- ventionnés et autres «agriculteurs pollueurs». Seule- ment voilà, entre-temps, tout a changé, ou presque.

Au point que cette profession ne ressemble plus vrai-

ment aux clichés que s’en font les bobos urbains du XXIe siècle. Le paysan sur son tracteur? Seulement quand il trouve le temps d’aller aux champs, car, dé- sormais, cet «as de la débrouille» gagne 20% de son revenu dans une activité accessoire, comme emme- ner des adolescentes en balade à cheval, produire du biogaz ou emballer ses légumes dans du plastique.

Les paysans subventionnés? C’est toujours vrai, mais encore faut-il savoir pourquoi. Au siècle dernier, la Confédération demandait aux fermiers de nourrir la nation. Et voilà qu’ils reçoivent des paiements di- rects pour entretenir les forêts, laisser s’épanouir des coquelicots et assurer le bien-être des coccinelles.

Bref, pour devenir des jardiniers zen du paysage. Une mutation qui ne va pas forcément de soi. Sans parler des nouveaux nuages qui s’accumulent à l’horizon.

Et qui ne promettent pas une pluie bienvenue sur des cultures assoiffées après un mois d’août caniculaire.

On pense ici à la possible ouverture de nos frontières aux fruits et légumes chinois, certes terriblement moins chers, mais produits dans des conditions sociales et biologiques incompatibles avec nos standards helvètes.

Du coup, vous serez certainement nombreux à dé- couvrir dans ce numéro que la paysannerie suisse su- bit actuellement «une crise silencieuse» (c’est en page 30). La situation est d’autant plus problématique que les agriculteurs se retrouvent souvent «très seuls»

quand ils doivent s’inventer un avenir, «car personne n’en sait rien». L’importance de l’enjeu, comme le peu d’écho que rencontrent les difficultés actuelles des pay- sans, ont poussé des chercheurs de l’UNIL à s’inves- tir dans le projet «Vaud 2030: quelle agriculture pour quel territoire?». Ils vous invitent désormais à chemi- ner un moment avec eux, que ce soit sur Internet ou dans le cadre d’un cours public (prenez rendez-vous en page 33), afin d’imaginer un avenir pour cette profes- sion aussi fantasmatique que menacée. 

THÉÂTRE

LA GRANGE 12-13

DE DORIGNY

UNE SAISON QUI DÉCHIRE !

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UNICOM

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4 Allez savoir ! N° 52 Septembre 2012 UNIL | Université de Lausanne 4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne 4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne

Les communautés du savoir vivant prennent leur envol

Vous êtes diplômé·e de l’UNIL

rejoignez-nous!

ALUMNIL : le réseau des diplômé·e·s

UNIL | Université de Lausanne – Bureau des alumni contact.alumnil@unil.ch – tél. : +41 21 692 20 88

www.unil.ch/alumnil

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BRÈVES L’actualité du campus:

visites, bâtiments, prix, distinctions, publications.

PORTFOLIO Recherche, archéologie et Mystères de l’UNIL.

TOLKIEN Sur les pas de Bilbo

le Hobbit. Suivi de:

parlez-vous elfique?

RÉFLEXION Normaliser… ou respecter la singularité! Par Marie-Hélène Gauthier, philosophe.

MÉDECINE Ces adjuvants qui boostent les vaccins.

Suivi de: un vaccin lausannois contre la grippe aviaire pour l’Indonésie.

MOT COMPTE TRIPLE Qu’est-ce que l’Anthropocène?

Les explications de Torsten Vennemann.

SOCIÉTÉ Le paysan de demain deviendra-t-il un jardinier? Quelle agriculture voulez-vous pour 2030?

COURSE À PIED Pourquoi se fait-on tant de bien en se faisant tant de mal ? Un entraînement personnalisé pour améliorer ses résultats.

ÉCONOMIE Ce que les crises du passé nous disent de la crise actuelle.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL La colère, une profession. Rencontre avec

Manon Schick, directrice générale de la section suisse d’Amnesty International.

HISTOIRE DES RELIGIONS Le 21.12.2012,

dormez tranquille, l’apocalypse a déjà eu lieu!

C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR!

Etudiant, un métier en pleine mutation.

Texte paru en 1996.

MÉMENTO

Cours publics, animations, visites et expositions ouvertes au public.

FORMATION CONTINUE Le MBA, une expérience de vie. Deux nouvelles filières sous la loupe.

ABONNEMENTS Retrouvez Allez savoir!

et l’uniscope sur iPad Coupon d'abonnement.

LIVRES Une vie sobre, mais pas austère.

Avec Dominique Bourg.

LIVRES

Management, polar, histoire, politique et psychologie.

CAFÉ GOURMAND Jean-François Delaloye, chirurgien au CHUV:

«J’aime les vrais malades.»

SOMMAIRE

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Septembre 2012 | Gratuit

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TOUS LES SECRETS DE LA MATIÈRE

La géologue et lab manager Anne-Sophie Bouvier, lors de l’installation de la sonde ionique IMS 1280-HR. Cet instrument complexe, d’un poids de plus de 5 tonnes, a été installé fin août au rez-de-chaussée de Géopolis, dernier-né des bâtiments de l’UNIL. Il va permettre d’analyser très précisément un petit volume d’échantillons solides, pour déterminer les éléments qui le composent. Les applications possibles vont de la minéralogie à la biologie, en passant par la médecine ou les sciences de l’environnement. Cette machine constitue une partie majeure du cœur technologique du nouveau Centre de compétence en analyse de surface des matériaux (CASA), réalisé en partenariat avec l’Université de Genève et l’EPFL.

Article complet: www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO LUCA DA CAMPO - STRATES

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LES ARCHÉOLOGUES SONT DANS LE PRÉ

Guillaume Nicolet dessine le squelette d’un homme qui fut enterré dans une église bâtie entre la fin du IVe et le début du Ve siècle. Durant tout l’été, une vingtaine d’étudiants en archéologie de l’UNIL, ainsi qu’une dizaine de leurs collègues de l’Université de Besançon, ont travaillé au bord du Doubs, sur le chantier de fouilles de Mandeure (Franche-Comté).

Site religieux déjà au temps des Gaulois, Epomanduodurum fut un centre économique névralgique à l’époque romaine. Les objets découverts, comme des pièces de monnaie en bronze, des fragments de statues monumentales, du marbre de Carrare et même du porphyre venu de Sparte, attestent de l’importance et du cosmopolitisme d’un lieu qui n’a pas livré tous ses secrets.

Article complet: www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO ALBAN KAKULYA

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TOUJOURS PLUS HAUT

Le mur de grimpe installé sur le campus a rencontré un franc succès auprès des plus jeunes, lors des derniers Mystères de l’UNIL. Entre le 31 mai et le 3 juin, plus de 9000 personnes, parmi lesquelles de nombreuses familles, ont ainsi participé aux portes ouvertes de l’institution. L’édition 2012 de cette manifestation annuelle était consacrée au sport, au travers de nombreux ateliers animés par des chercheurs.

Transportés dans un tribunal en l’an 2049, les visiteurs étaient également invités à juger un sportif cybernétique, dans le cadre d’un procès pour dopage high-tech.

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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Dès la rentrée de septembre 2012, une nouvelle offre s’est ouverte aux étudiants. Il s’agit d’un

«Master of Law» conjoint et bilingue, fruit de la collaboration entre la Faculté de droit et des sciences criminelles de l’UNIL et son homo- logue de l’Université de Zurich. Ce cursus de 90 crédits ECTS permet d’approfondir les connaissances juridiques et d’acquérir une deu- xième langue de travail.

Concrètement, un semestre au minimum doit se dérouler dans chacune des universités; pour leur mémoire, les étudiants peuvent choisir l’une des villes, ou même panacher. Le master peut être

accompli sans mention, ou avec l’une des men- tions suivantes: «droit du commerce» ou «droit public». Outre des compétences linguistiques correctes, un bachelor en droit constitue le cri- tère d’admission.

Les responsables zurichois le certifient: les cours sont donnés en Hochdeutsch, et non en dialecte.

Ces derniers ajoutent que si les premiers temps peuvent être difficiles, une maîtrise passive de l’allemand s’installe progressivement. L’uni- versité devient alors un laboratoire idéal pour apprendre à rédiger dans une autre langue. DS www.unil.ch/droit/page92398.html

LE DROIT, AUCH AUF DEUTSCH !

480

C’est le nombre de personnes accueil- lies par l’UNIL cet été, dans le cadre des Cours de vacances. En provenance du monde entier, ces étudiants âgés au minimum de 17 ans ont passé 3, 6 ou 9 semaines à l’UNIL dans le but d’apprendre le français.

Tous les niveaux, des débutants aux plus avancés, étaient repré- sentés. Parmi ces derniers, cer- tains ont entamé des études universitaires à la rentrée. Ils ont donc profité de la pause esti- vale pour se préparer au mieux à des cursus donnés en français.

www.unil.ch/cvac

Professeur à l’Institut des sciences sociales, Fabrizio Butera mène un nouveau projet de recherche, en partenariat avec l’Université de Genève et l’Université Blaise Pas- cal de Clermont-Ferrand. Des tra- vaux à rebrousse-poil: «Notre hypothèse consiste à montrer que la sélection, considérée comme l’instrument de l’excellence, a des effets néfastes… sur l’excellence.

Au lieu de se soucier de ce qu’ils doivent apprendre, les élèves, les étudiants et les chercheurs se bat- tent pour être meilleurs que les autres.» Le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) soutient ce projet, ce qui permet- tra l’engagement de sept jeunes chercheurs pendant trois ans. DS www.unil.ch/struggle

RECHERCHE

LE CHIFFRE VISITE AMÉRICAINE À DORIGNY

FORMATION

BRÈVES

Avec plus de 70'000 étudiants et une recherche ultraperfor- mante, l’Arizona State Univer- sity déploie sa force de frappe intellectuelle au cœur d’un Etat de l'Ouest américain. L’ASU, au contraire, mise sur la diversité culturelle et encourage ses étu-

L' ARIZONA VOIT DU PAYS

diants à voyager. Une vingtaine d’entre eux vient de passer trois semaines à l’UNIL pour s’impré- gner de notre culture politique et de nos pratiques en matière de santé et d’environnement. Le modèle défendu par l’ASU: ouver- ture plus large des études dans

un système américain hypersé- lectif et attention portée aux étu- diants; mobilisation des sciences pures et des sciences appliquées sur les problèmes actuels de la so- ciété, dans et hors des frontières de l’Arizona. NR

www.asu.edu

COURSE AU MÉRITE

lix Imhof © UNIL

© Fotolia .com

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Le 25 mai 2012, onze infirmières et infirmiers ont reçu les premiers titres de Master en sciences infirmières de Suisse romande, une formation conjointe UNIL et HES-SO unique en Suisse. Alors que la pénurie de professionnels du système de santé ne cesse de préoccuper politiques, médias et société, ces diplômés seront mieux armés pour affronter l’avenir. Cette première volée, déjà sui- vie par trois autres, s’est vue félicitée par Diane

Morin, directrice de l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins, qui a enjoint ses étudiants à incarner un nouveau leadership, ainsi qu’à faire évoluer le système de santé grâce à une pratique réflexive. La qualité des soins, la sécurité des patients, ainsi que la coordination des équipes de soins interdisciplinaires seront également améliorées par ces professionnels do- tés d’une formation académique supérieure. SB

LES PREMIERS MASTERS EN SCIENCES INFIRMIÈRES

FORMATION

Le campus UNIL-EPFL va accueillir un nouveau bâti- ment, dédié aux neurosciences et aux technologies de la modélisation et de la simulation. Fruit d’une collabo- ration entre l’Université de Genève, l’EPFL et l’UNIL, Neuropolis est un ambitieux projet de recherche sur le cerveau, qui s’annonce particulièrement intéres- sant dans ses conséquences cliniques et thérapeu- tiques, ainsi que dans le domaine des sciences de la vie. Il a été annoncé ce 11 juin à Lausanne par les conseillers d'Etat genevois et vaudois Charles Beer, Anne-Catherine Lyon et Pascal Broulis, le secré- taire d'Etat Mauro Dell'Ambrogio, Patrick Aebi- scher (président de l'EPFL), Dominique Arlettaz (recteur de l'UNIL), Jean-Dominique Vassalli (rec- teur de l'UNIGE) et Fritz Schiesser (président du Conseil des EPF).

NEUROPOLIS, L'ÉCRIN DES NEUROSCIENCES

PLÂTRE ET CIMENT RECHERCHE SUR LE CERVEAU

UN CENTRE À LA POINTE

Réservé en priorité à la communauté uni- versitaire, le Centre sport et santé (CSS) de l’UNIL et de l’EPFL a été inauguré en sep- tembre. Devisé à 11 millions de francs, il a bénéficié du soutien financier de la Banque cantonale vaudoise, du Fonds cantonal du sport et du CHUV. Dessiné par les archi- tectes lausannois Krüger et Kazan, le CSS est une extension de la salle omnisports SO1.

A l'intérieur, une zone de tests et d'entraîne- ment, une salle de sport pour les disciplines

de base du sport universitaire, une salle po- lyvalente pour les activités physiques modé- rées. L’espace de physiothérapie sera dirigé par le CHUV. Trois laboratoires permettront aux chercheurs de l'UNIL, de l'EPFL et du CHUV de collaborer dans le domaine des sciences du sport. «Tourné vers le futur, le CSS répondra aussi bien aux attentes du sport pour tous qu'à celles du sport de per- formance», résume Georges-André Carrel, chef des Sports. FZ

lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL

PARCE QUE L’ÉDUCATION EST UN DROIT, ET NON UN PRIVILÈGE, NOUS CONTINUERONS À DIRE HAUT ET FORT QUE LA FORMATION, C’EST L’AVENIR.

Mélanie Glayre et Camille Goy, coprésidentes de la Fédération des associations d'étudiant-e-s (FAE), lors du Dies academicus du 31 mai 2012

lix Imhof © UNIL

CES EXPERTS DOTÉS

D'UNE EXPÉRIENCE

PROFESSIONNELLE ET

ACADÉMIQUE SONT D'ORES

ET DÉJÀ TRÈS ATTENDUS

PAR LES MILIEUX CLINIQUES

ET LES HAUTES ÉCOLES

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568

C’est le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître en 2012 dans des revues scientifiques (d'après Serval, au 28 août 2012). L’édition du 17 mai 2012 de Nature pu- bliait les travaux d’une équipe de chercheurs américains et suisses. Parmi ces derniers figurent Sébastien Jacque- mont (médecin associé au Service de génétique médicale du CHUV), Jacques Beckmann (chef du Service de génétique médicale du CHUV) et Alexandre Reymond, professeur as- socié au Centre intégratif de génomique (CIG) de l'UNIL.

Pour ces derniers, il s’agit de la troisième parution dans la célèbre revue, en trois ans, consacrée à un segment du chromosome 16. «Les nouveaux outils à disposition ont permis de découvrir de grands réarrangements dans le génome humain», ex-

plique Alexandre Reymond.

Lorsque des parents trans- mettent leurs gènes à leurs enfants, tout ne se passe pas toujours parfaitement. De petits segments d'ADN peu- vent être perdus (le terme technique est la délétion).

Ou alors hérités à double de l'un des parents (ce qu’on ap-

pelle la duplication). Le premier article paru en 2010 dans Nature, sous la plume de l’équipe de chercheurs, a démon- tré le lien existant entre une délétion sur le chromosome 16, des traits autistiques et un risque d’obésité. En 2011, rien de moins que la couverture de la revue américaine présentait le deuxième article, qui associait notamment duplication, sous-poids sévère et schizophrénie. Enfin, le papier paru en mai 2012 traitait de travaux menés en col- laboration avec l’équipe de Nicholas Katsanis (Université de Duke) sur le poisson zèbre. Ils ont permis d’aller en- core plus loin, et de resserrer les recherches sur les trois gènes impliqués dans les pathologies. Bien des pistes de recherche ont été ouvertes, même si les applications thé- rapeutiques ne sont pas encore à l’ordre du jour.

En génétique humaine, les progrès technologiques sont si rapides qu’Alexandre Reymond parle de «période bénie».

Les travaux sur le chromosome 16 requièrent beaucoup de contacts, afin de récolter par exemple le plus possible de données relatives aux rares patients porteurs de ces ano- malies (1 cas sur 1000 personnes): travailler en réseau, en formant des équipes internationales, est indispensable. DS

3615

Le nombre de références faites à l’Univer- sité de Lausanne et au CHUV, dans les médias, depuis le début de l’année (selon la revue de presse Argus, au 28 août 2012). Début juin, ce sont les «Mystères de l’UNIL», consacrés au sport (lire également en page 10), qui ont intéressé la presse régio- nale. L’engagement à l'UNIL- CHUV du professeur George Coukos (lire ci-contre) a également été relayé.

Début juillet, Al-Jazeera s’appuyait sur les travaux de l’Institut de radiophysique du CHUV, qui a révélé avoir trouvé des niveaux significatifs de polonium dans les effets personnels de Yasser Arafat. Une nouvelle réper- cutée dans le monde entier et dans toutes les langues, y compris sur les réseaux sociaux.

A la même période, une étude du professeur Jörg Stolz sur les pratiques de plus en plus personnelles des croyants a fait l’objet d’articles. Les travaux de Vincent Viblanc (Dé- partement d’écologie et évolution) sur le stress chez les manchots ont paru dans le Figaro et ont circulé sur Face- book. Menée par la vice-rectrice Franciska Krings, l’en- quête sur le harcèlement sexuel au travail a trouvé un écho dans la presse alémanique. Fin juillet, l’arrivée du célèbre chirurgien René Prêtre à Lausanne a susci- té plusieurs articles et entretiens (lire également en page 15). Enfin, les spécialistes du sport que compte l’UNIL ont été régulièrement sollicités dans le cadre des Jeux olympiques de Londres. DS

DES RECHERCHES TRÈS NATURE

SPORT, MÉDECINE ET POLONIUM

CANCER

BRÈVES

L'UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

LA LUTTE SE RENFORCE

Arrivé le 1er juillet 2012 en provenance de Phi- ladelphie, où il a créé le Centre de recherche sur le cancer de l’ovaire à l’Université de Penn- sylvanie, George Cou- kos est l’une des figures majeures de l’immuno- thérapie et un expert in- ternational des cancers gynécologiques. Nom- mé professeur à la Fa- culté de biologie et de médecine, il va créer d’ici au 1er janvier 2013 un département d’onco- logie réunissant les com- pétences du CHUV et de l’UNIL, où il reprendra également la direction du Centre Ludwig pour la recherche sur le can- cer. Il s’agit d’offrir une

approche thérapeutique qui exploite la compré- hension moléculaire de chaque tumeur, les mé- dicaments ciblés élabo- rés dans les pharmas partenaires et l’immu- nothérapie. Celle-ci doit permettre de reconfi- gurer les cellules immu- nitaires du patient pour les aider à reconnaître la maladie et la com- battre. Cette approche personnalisée, repo- sant sur une étroite col- laboration entre la re- cherche et la clinique et regroupant les meilleurs spécialistes dans plu- sieurs types de cancer, fera du Département d’oncologie CHUV-UNIL un centre d’excellence unique en Europe. NR

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CINQ CHERCHEURS SONT À L’HONNEUR

NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES

Chercheuse à la Faculté des géos- ciences et de l’environnement, Jasquelin Peña analyse les sédi- ments de trois rivières, dont la Ve- noge, pour déterminer leurs inte- ractions avec des polluants comme le cuivre, le cadmium et le zinc, re- jetés par nos activités urbaines, in- dustrielles et agricoles. Elle a reçu dans ce but le Prix scientifique de la Fondation BCV, doté d’un mon- tant de 125 000 francs. Il faut sa- voir comment ces métaux se com- portent dans l’eau, s’attachant aux minéraux et aux bactéries, ou su- bissant des changements de leur état chimique pouvant les rendre plus ou moins toxiques. Pour pré- dire comment les écosystèmes résistent à ces polluants. NR

Le «European Consortium for Po- litical Research» a choisi Ioannis Papadopoulos en tant que co- éditeur de son périodique Euro- pean Journal of Political Research.

«Il s’agit de la revue généraliste de science politique du continent avec le plus d'impact. Nous re- cevons environ 300 manuscrits par an et nous n’en publions que moins de 10%», explique le pro- fesseur, qui travaille avec Claudio M. Radaelli (University of Exeter).

Ce tandem privilégie les contribu- tions «innovantes et qui sortent du cadre étroit de la politique natio- nale. Nous voulons également as- surer la diversité des approches et l’originalité des perspectives», précise Ioannis Papadopoulos. DS

Le 7 juin, Andreas Mayer a reçu le «Jürg Tschopp Basic Life Science Award» lors de la remise des «FBM Awards 2012». Ces derniers en- couragent l’excellence dans les domaines de recherche de la Fa- culté de biologie et de médecine.

Professeur au Département de biochimie de l'UNIL, il est vice- doyen pour l'organisation de la Section des sciences fondamen- tales depuis le 1er août. Au sein d’une équipe de 13 chercheurs, et grâce à un subside de l'Euro- pean Research Council, Andreas Mayer observe les processus mo- léculaires de la neurotransmission au sein du système nerveux des plantes, et qui sont les mêmes que chez les animaux. EURESEARCH

La Fondation Bill & Melinda Gates soutient deux jeunes cher- cheuses de l’UNIL. Leur projet de recherche porte sur la leish- maniose, soit la deuxième infec- tion parasitaire au monde après le paludisme. La doctorante Mary- Anne Hartley et Catherine Ronet, maître-assistante au Dé- partement de biochimie de la Fa- culté de biologie et de médecine, font ainsi partie des lauréats des

«Grand Challenges Explorations».

Ces derniers ont pour but d'en- courager des idées de recherche originales pouvant apporter des solutions aux problèmes persis- tants de santé publique et de dé- veloppement. Le subside obtenu se monte à 100 000 francs. (Réd.)

Début août, René Prêtre a repris la direction du Ser- vice de chirurgie cardio- vasculaire du CHUV, où il succède à Ludwig von Se- gesser. Il est également de- venu professeur ordinaire à l’UNIL. Ce Jurassien d’ori- gine a fait ses études de médecine à Genève. Il ob- tient son titre FMH en chirurgie générale en 1988 puis commence une spécialisation de chirurgie cardiaque à NYU (New York University) jusqu'en 1990. Il poursuit en- suite cette formation à Genève puis, dès 1998, à Zurich en chirurgie cardiaque et pédiatrique. Personnage chaleu- reux, élu «Suisse de l’année 2009», René Prêtre effectue régulièrement des opérations cardiaques pour le compte de plusieurs organisations, dont sa propre fondation «Le petit cœur». (Réd.)

lix Imhof © UNIL © DR © DR © UNIL

CARDIOLOGIE RENTRÉE

OPÉRATION «LOGEMENTS»

Les 29 août et 5 septembre derniers au centre de Lausanne, l’UNIL et l’EPFL ont organisé des «happenings» festifs et participatifs, sur un sujet pourtant sérieux. Il s’agissait d’attirer l’attention du public sur la pénurie de logements pour étudiants, qui s’intensifie d’année en année. Des solutions existent pourtant du côté des par- ticuliers. Ceux-ci peuvent alléger leurs charges et découvrir les atouts de la colo- cation en logeant une personne en formation dans l’une des chambres inoccupées de leur appartement ou de leur maison.

Renseignements www.unil.ch/logement ou 021 692 21 10

LE CHIRURGIEN RENÉ PRÊTRE ENGAGÉ À LAUSANNE

Fabrice Ducrest © UNIL RDB/GES/Balz Murer

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VERS L’AVENTURE

Alors qu’il ne rêve que de tranquil- lité, Bilbo (Martin Freeman dans le film) va devoir courir les routes avec une compagnie de Nains.

© 2012 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved.

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SUR LES PAS DE BILBO

TOLKIEN

Le 12 décembre 2012, «Bilbo le Hobbit» sort sur les écrans. Ce joyeux conte pour enfants est le prélude du sombre «Seigneur des anneaux». Il en dit également beaucoup sur les passions de son auteur, l’Anglais J. R. R. Tolkien. Décryptage.

TEXTE DAVID SPRING

LITTÉRATURE

La Section d’anglais de la Faculté des lettres www.unil.ch/angl

«BILBO LE HOBBIT EST UN OUVRAGE TRÈS RICHE, À CÔTÉ DE SES ASPECTS ENFANTINS.»

AMRIT SINGH, MÉMORANT EN SECTION D'ANGLAIS

A

près avoir adapté Le Seigneur des anneaux sous la forme d’une trilogie cinématographique au reten- tissement planétaire, le réalisateur néozélandais Peter Jackson sort sa version de Bilbo le Hobbit (The Hobbit en version originale), peu avant Noël 2012.

Son film est conçu en trois volets (il faudra attendre 2014 pour en voir la fin). Derrière ce qui s’annonce comme un grand spectacle familial et pyrotechnique, passé à la mou- linette de la 3D et tourné en 48 images par seconde, se niche un texte charmant publié en 1937.

L’auteur, John Ronald Reuel Tolkien, est alors âgé de 45 ans. Poète à ses heures, cet universitaire enseigne l’an- glais médiéval au Pembroke College de l’Université d’Ox- ford. Né un peu par hasard des récits qu’il faisait à ses

trois enfants, son conte rencontre aussitôt un succès im- portant en librairie, qui continue d'ailleurs à ce jour (lire le résumé de l’histoire en p. 18). Révisées plusieurs fois, les aventures de Bilbo, un petit bonhomme aux pieds poi- lus, deviennent au fil des années un prélude au très sé- rieux Seigneur des anneaux, qui paraît entre 1954 et 1955.

Plusieurs personnages se retrouvent dans les deux his- toires, comme par exemple le magicien Gandalf ou le mi- sérable Gollum.

Plus tard dans sa vie, le professeur anglais a jeté un re- gard critique sur son Hobbit. Mais «c’est un ouvrage très riche, à côté de ses aspects enfantins. Son ton léger en fait tout le charme», estime Amrit Singh, qui vient de terminer son mémoire de master (en Faculté des lettres) sur la

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manière dont l’univers de fantasy créé par Tolkien se laisse entrevoir dans ses écrits, comme un arrière-plan co- hérent. Il convient toutefois d’être prudent avec les inter- prétations: «L’auteur l’a écrit dans ses lettres: il n’aimait pas que l’on voie dans ses textes ce qu’il n’avait pas prévu lui-même!», ajoute le mémorant. Progressons donc avec le pas délicat de l’Elfe.

Passage à l’âge adulte

«Bilbo le Hobbit possède la structure classique d’un ro- man d’apprentissage, ou Bildungsroman, note Victoria Baumgartner, mémorante en section d’anglais à l’UNIL.

Un personnage pas du tout héroïque se retrouve impliqué malgré lui dans une épopée, traverse une série d’épreuves dangereuses (affronter des trolls ou des araignées géantes) avant d’en venir à la confrontation finale avec le redou- table dragon Smaug. Puis il s’en retourne chez lui, mûri.»

Sur ses petites jambes, et en compagnie de 13 Nains, Bilbo effectue un long voyage qui le mène de la Comté, son foyer paisible, vers des terres sauvages peuplées d’Elfes et de Gobelins. «Les Hobbits habitent un monde edwardien, où l’on jardine et on fume la pipe», décrit Amrit Singh. Au- tour de cette «île» se trouve un vaste monde médiéval tein-

té de magie. «Pour notre Hobbit, les dragons appartiennent à la légende, tout comme pour nous autres lecteurs», ajoute le mémorant. Ce qui permet à Tolkien de nous faire entrer dans son histoire grâce à un héros anachronique, auquel on peut s’identifier.

Un deuxième élément renforce cet accompagnement du lecteur dans l’aventure: le roman montre comment un Monsieur Tout-le-Monde, qui n’est ni noble ni guerrier, peut jouer un rôle central, voire même décisif, dans une quête qui concerne des personnages épiques, parmi les- quels un magicien et plusieurs rois. Une idée moderne, sou- ligne Digby Thomas, licencié en anglais de l’UNIL, spé- cialiste du romantisme et fin connaisseur des œuvres de Tolkien. «Dans la mythologie, le héros est un demi-dieu.

Ses actions se situent toujours à la hauteur de son héritage surhumain. Dès le XIXe siècle, c’est un être ordinaire: son épreuve consiste alors à apprendre à devenir lui-même.»

Ensuite, le narrateur s’adresse souvent, et avec humour, au lecteur. Mais «sur un ton très anglais: on rit quand même avec une tasse de thé à la main», s’amuse Victoria Baumgartner. Enfin, les Hobbits plaisent aux plus jeunes, en premier lieu parce que «ces êtres de petite taille, qui se baladent pieds nus, doivent se débrouiller dans le monde

Bilbo Baggins habite Hobbitebourg, un pai- sible village peuplé de... Hobbits. Ces petites créatures paisibles, aux pieds velus, détestent toute forme d’aventures et d'imprévus. Un jour, il reçoit la visite du magicien Gandalf et de 13 Nains barbus, dont le roi Thorïn. Grâce à une carte au trésor, ces derniers projettent de ré- cupérer un trésor gardé par le dragon Smaug, au cœur de la Montagne Solitaire, loin à l’Est.

Il leur faut un voleur agile: ce sera Bilbo, embar- qué malgré lui dans cette quête par une mani- gance de Gandalf.

Un long voyage s’engage. En chemin, de nuit, le groupe tombe dans les pattes de trois trolls, d’affreux carnivores. Le magicien parvient à dis- traire suffisamment les monstres pour qu’ils se fassent surprendre par le lever du soleil, ce qui les pétrifie. Dans leurs possessions, Bilbo ré- cupère une courte épée magique, qu’il baptise

«Dard». La compagnie arrive ensuite à Rivendell, un lieu paradisiaque peuplé d’Elfes. Le maître de la maison, Elrond, traduit les runes dessi- nées sur la carte de Thorïn, et découvre l’exis- tence d’un passage secret menant au cœur du repaire de Smaug.

Dans les Monts Brumeux, des gobelins, aussi maléfiques que crasseux, capturent les Nains et le Hobbit. A nouveau, une intervention de Gandalf leur permet de s’échapper. Sauf Bil- bo, qui s’égare dans l’obscurité. Sous la mon- tagne, il rencontre le misérable Gollum, qui vient d’égarer son anneau magique, capable de pro- curer l’invisibilité. Notre héros récupère le bi- jou, et parvient à s’échapper à la faveur d’un concours d’énigmes.

La compagnie se reforme, et loge chez Beorn, un homme capable de se trans- former en un ours terrifiant. Gandalf les quitte ensuite, pour s’attaquer au problème du Nécromancien, au Sud.

Les Nains et le Hobbit traversent alors la forêt de Mirkwood, où ils

sont capturés par des arai- gnées géantes, puis par des Elfes. Grâce à son anneau, à son épée et à la chance, Bil- bo sauve ses compagnons.

Ils parviennent à Esga- roth, une cité lacustre peuplée d’humains, avant

de se rendre, via le passage secret mentionné sur la carte, à l’intérieur de Montagne Solitaire, l’antre du dragon. Ce dernier, furieux que Bilbo lui ait volé une coupe en or, met le feu à Esga- roth. Un guerrier de cette cité parvient toutefois à l’abattre d’une flèche. Retranchés dans la mon- tagne, les Nains refusent de céder une partie du trésor aux victimes de Smaug ou aux Elfes. Alors qu’un combat semble inévitable, des hordes de gobelins fondent sur eux et une grande bataille s’engage. Bilbo tombe assommé.

Mais ses amis sortent victorieux, mal- gré la mort de Thorïn. Le trésor est par- tagé. Puis le Hobbit, désormais riche,

s’en retourne chez lui, pour consta- ter que son mobilier a été vendu

aux enchères. Tout le monde le croyait mort! Il écrit désormais de la poésie, et passe pour «bi- zarre» aux yeux de ses congé- nères. Quelques décennies plus tard, son neveu Frodon reprend l’anneau et le flam- beau: Le Seigneur des anneaux commence. 

POUR CEUX QUI N'AURAIENT PAS TOUT SUIVI...

«DANS LE RÉCIT, LA NATURE EST UN PERSON- NAGE EN SOI.»

VICTORIA BAUMGARTNER, MÉMORANTE EN SECTION D'ANGLAIS

L'HISTOIRE EN BREF

© 2012 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved.

LITTÉRATURE

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des grands, indique Digby Thomas. Ils vivent dans un état d’anarchie innocente, aiment manger et prendre du bon temps. Cela ne correspond pas du tout aux modèles éduca- tifs que l’on proposait aux enfants de l’époque!»

Revenir, c’est mourir un peu

Le sous-titre du conte, «There and Back Again», donne un indice essentiel: rien n’est plus pareil après que le destin a frappé à la porte. Quand Bilbo revient à la maison, il dé- couvre que ses meubles et son logis ont été vendus aux enchères, car tout le monde le croyait mort! «Même si sa quête l’a rendu riche d’or, sa réputation auprès de ses com- patriotes est ruinée», remarque Amrit Singh. En effet, dans la conservatrice Comté, un citoyen convenable ne court pas les routes. Ses habitants parleront désormais de notre Hobbit en secouant la tête. Ce dernier, qui se met à écrire de la poésie, vit ensuite dans la nostalgie de l’aventure.

Si son voyage a obligé le petit héros à s’approcher de l’âge adulte, l’histoire reste destinée aux enfants: «Bilbo parvient à revenir chez lui. Dans Le Seigneur des anneaux, son neveu Frodon rate son retour: les épreuves l’ont trop changé et il ne se sent plus chez lui dans son pays natal.

Il doit s’exiler», compare Digby Thomas.

Des paysages... en Suisse

Dans le récit, «la nature est un personnage en soi», re- marque Victoria Baumgartner. L’auteur prend plaisir à dé- crire de hautes montagnes, des forêts mystérieuses ou des plaines désolées. Cela n’a rien d’étonnant: J.R.R. Tolkien détestait l’industrie, le bruit et les machines. Il attribue le goût pour les rouages et les explosions aux maléfiques gobelins. Alors que les Elfes, un peuple de créatures gra- cieuses, vénèrent les arbres. L’auteur, qui a grandi dans la campagne des West Midlands, non loin du Pays de Galles, était amoureux des doux paysages de l’Angleterre rurale.

En 1911, l’écrivain passe des vacances en Suisse, en compagnie de son frère cadet Hilary. Du côté du glacier d’Aletsch, leur équipe de randonneurs se trouve prise dans un éboulement effrayant: «[les rochers] arrivaient en sifflant sur notre sentier et allaient rouler dans le ravin», a-t-il ra- conté en 1968. Une scène que l’on retrouve dans le conte, lorsque le Hobbit et ses compagnons les Nains sont pris dans une situation semblable. Autre inspiration helvétique:

l’Anglais achète une carte postale qui reproduit un tableau de Josef Madlener, Der Berggeist (l’esprit de la montagne).

Il s’agit du portrait d’un vieil homme à la barbe blanche, dans un paysage montagneux. Un document que Tolkien a conservé dans ses archives, avec la mention «The Ori- gin of Gandalf», soit le magicien qui déclenche l’aventure.

Dans Bilbo, la nature est peuplée d’animaux comme les araignées géantes, les corbeaux, les grives, les aigles, les loups et... le dragon, qui possèdent tous un point com- mun: ils parlent. Ce qui renvoie à la passion de l’auteur pour les langues.

Le seigneur des mots

«Pour Tolkien, les langues sont fondatrices, note Amrit Singh. Il les a créées avant de faire quoi que ce soit d’autre.»

Le professeur, philologue, en connaissant de nombreuses et des plus improbables, comme le vieux norrois (Islande), le gallois, le finnois ou le vieil anglais, parmi une dizaine d’autres. Son grand plaisir consistait à en créer, un exer- cice qu’il appelait son «vice secret», entamé dès son ado- lescence. Pour les faire vivre, quoi de mieux que de bâtir une mythologie et des peuples comme les Nains, les Elfes et les Hobbits? (lire également en p. 22).

Les runes (ancien alphabet germanique fin et anguleux) jouent ainsi un rôle central. «Le livre s’ouvre sur la carte au trésor que possède Thorïn, le roi des Nains, explique Amrit Singh. Des runes qu’aucun personnage ne comprend au dé- but y sont inscrites. Leur traduction au cours du récit four- nit une clé essentielle, à la fois pour la réussite de la quête et pour le lecteur: elles donnent l’accès à un passage secret qui mène au trésor gardé par le dragon.»

La littérature et la mythologie médiévales germaniques comptent aussi beaucoup. En 1936, Tolkien donne une conférence qui fera date. Beowulf: The Monsters and the Critics traite des aspects littéraires de cette œuvre anglo- saxonne, probablement composée entre le VIIe et le Xe siècle. Ce poème épique contient un passage dans lequel un esclave vole une coupe en or dans le trésor d’un dragon (voir illustration en page 20). Rendu invisible grâce à un an- neau magique, Bilbo va commettre un larcin identique dans le conte. Dans les deux cas, cette roublardise déclenche la colère de la Bête, qui met le feu à tout ce qu’elle ren- contre, avant qu’un guerrier n’intervienne pour l’arrêter.

Parmi les autres travaux académiques du professeur figure une traduction en anglais moderne de Sir Orfeo, un poème médiéval qui reprend des éléments du mythe d’Orphée et Eurydice. Avec une différence: «l’épouse

«LE DRAGON SMAUG EST UN ANTIDOTE MERVEILLEUX AUX BANQUIERS.»

DIGBY THOMAS

GANDALF

Ce magicien déclenche les aventures de Bilbo.

© Warner Bros

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de Sir Orfeo a été enlevée par le roi des Elfes», rappelle Victoria Baumgartner. Un rapt que subiront les Nains, com- pagnons du Hobbit. Autre point commun avec Tolkien: une scène de chasse qui implique un cerf blanc et une meute de chiens aboyants se trouve dans les deux textes.

Décor grandiose

Un élément frappe le lecteur: le sentiment que la quête de Bilbo se situe dans un contexte plus vaste, qui échappe lar- gement au récit en cours. C’est justement le sujet du tra- vail de mémoire d’Amrit Singh. «Dans ses écrits, Tolkien glisse des petites phrases qui font comprendre au lecteur que derrière l’aventure existe un monde plus grand.» Ain- si, le magicien Gandalf abandonne les Nains et le Hobbit à leur quête, car il doit régler le problème d’un dangereux Nécromancien. Rien ou presque n’est expliqué à ce sujet, ce qui ne nuit d’ailleurs en aucune façon à la compréhen- sion de l’histoire. Par contre, on réalise par la suite que ce sorcier maléfique est en fait Sauron, le grand méchant du Seigneur des anneaux.

Autre exemple: la compagnie rencontre un personnage important, Elrond. L’auteur écrit simplement, dans l’une des adresses aux lecteurs qui parsèment Bilbo, qu’il «fi- gure dans bien des contes». C’est tout ce que nous en ap- prenons à cette occasion. Alors que ce noble érudit est une figure essentielle de la mythologie tolkienienne, du Silma- rillion au Seigneur des anneaux. Un procédé que synthé- tise Digby Thomas: «Chez Tolkien, c’est l’univers qui sé- crète le récit, et non l’inverse.»

A la fin du conte, la grande histoire envahit la petite:

une bataille entre d’un côté les Gobelins, et de l’autre l’al- liance des Hommes, des Nains et des Elfes se déroule. Cette lutte est totalement indépendante de la quête menée par le Hobbit et ses amis. «A cause des films, on peut avoir l’im- pression que les combats sont omniprésents dans l’œuvre de Tolkien, regrette Amrit Singh. Or l’auteur ne les décrit qu'en quelques pages». A cette occasion, Bilbo prend un caillou sur la tête, et s’évanouit! «Cette guerre le dépasse.

Il y a des limites à ce qu’un Monsieur Tout-le-monde, même porteur d’un anneau magique, peut faire.»

SMAUG

Cet immense dragon va se fâcher: Bilbo lui a volé une coupe en or.

Une scène peinte par l'illustrateur John Howe, tirée de l'Official Tolkien Calendar 2013, publié par HarperCollins.

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Valeurs humaines et chrétiennes

Loin des coups de hache, le conte traite de quelques senti- ments humains. «Les motivations de la quête originale ne sont pas très nobles: des Nains engagent Bilbo en tant que cambrioleur, pour récupérer le trésor de leurs ancêtres, gardé par un dragon», note Victoria Baumgartner. Malgré ce point de départ plus économique qu’héroïque, le Hobbit passe son temps à sauver ses compagnons, devenus des amis malgré leur caractère bougon.

En chemin, sous la montagne, il rencontre Gollum, un misérable qui n’a qu’une obsession : son précieux anneau ensorcelé en or, qu’il perd. Le roman connaît un tournant moral important, quand Bilbo, devenu invisible grâce au bijou et porteur d’une redoutable épée elfique, décide de ne pas tuer l’être malfaisant pourtant à sa merci. Dans Le Seigneur des anneaux, Frodon épargnera à son tour cette créature. Son geste généreux, inspiré par la pitié, sauvera le monde à la toute fin de l’histoire.

J.R.R. Tolkien a été engagé dans la Première Guerre mon- diale et son expérience de l’horreur des champs de bataille l’a marqué. Le courage est une vertu très présente dans ses textes. Non pas celui, presque banal, des grands guer- riers. Mais celui des Hobbits, personnages ordinaires, qui doivent d’abord vaincre leur peur avant de se battre pour ce qu’ils estiment juste.

Et le Mal, dans tout ça? Digby Thomas est intarissable sur la figure de Smaug. «Immense et dangereux, ce dragon est l’antagoniste à vaincre. Mais il a beau être rusé, voire sophistiqué, il incarne deux valeurs fausses aux yeux de Tolkien: l’envie et l’avarice.» Son instinct le pousse en ef- fet à voler et amasser de l’or et des joyaux, mais sans ja- mais rien en faire. «Ce travers ridicule en fait un antidote merveilleux aux banquiers», sourit Digby Thomas. Le conte va au-delà: Smaug est un animal, et il ne peut donc être tenu pour moralement responsable de ses actes. En revanche, le roi des Nains Thorïn, tout aussi cupide que la Bête, est une créature consciente capable de discerner le Bien et le Mal. Un jeu de miroir entre l’humain et l’ani- mal, qui touche à la foi catholique de l’écrivain. Même s’il faut rester prudent avec ce sujet: ami proche du professeur, C. S. Lewis, auteur du Monde de Narnia, rendait sa foi an- glicane très présente dans ses romans. Une attitude que Tolkien n’approuvait pas.

Comme tout bon conte pour enfants, Bilbo possède sa petite morale en coin. Fier, intransigeant et obsédé par le trésor jusqu’à la déraison, Thorïn «se repentit avant de mourir», rappelle Victoria Baumgartner. «Si un plus grand nombre d’entre nous préféraient la nourriture, la gaieté et les chansons aux entassements d’or, le monde serait plus rempli de joie», figure parmi ses dernières paroles.

Où sont les femmes?

Zéro. Nada. Aucun personnage féminin à signaler. «Ce n’est pas si important, sourit Victoria Baumgartner. Si Bilbo

avait eu une épouse, ou Frodon une mère en vie, ils ne se- raient jamais partis à l’aventure !» Il existe de nombreux textes académiques sur ce sujet, qui vont jusqu’à chercher des traces d’homosexualité cachée chez Tolkien. Amrit Singh dégonfle la polémique. «Plusieurs femmes jouent des rôles très importants dans Le Seigneur des anneaux, comme la reine des Elfes Galadriel, ou Eowyn, fille du roi Théoden.» La vie de l’auteur dément également toute miso- gynie. Créée par Tolkien, et relatée dans le cryptique Sil- marillion, l’histoire d’amour entre l’humain Beren et l’hlfe Lúthien se poursuit au-delà de la mort, puisque ces noms sont gravés sur la tombe du professeur et de son épouse Edith, à Oxford.

Un héritage

S’il n’est pas l’écrivain fondateur de la fantasy, «Tolkien a malgré lui créé un genre», note Amrit Singh. Ses œuvres ont marqué plusieurs générations, où les amateurs de jeux de rôle et de jeux vidéo figurent en bonne place. Dès les années 60, elles furent tour à tour adulées par les étu- diants contestataires américains, les tenants de la contre- culture, les hippies ou les fans de metal, avant que la tri- logie cinématographique de Peter Jackson ne globalise les romans. Mais derrière ce phénomène se niche un universi- taire anglais que sa gloire rendait perplexe, vêtu de tweed et amoureux des mots. 

VICTORIA

BAUMGARTNER ET AMRIT SINGH Mémorants en Section d'anglais à l'UNIL.

Nicole Chuard © UNIL

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Ai! laurië lantar lassi súrinen, / yéni únótimë ve rámar aldaron! / Yéni ve lintë yuldar avánier / mi oromardi lissë-miruvóreva / Andúnë pella, Vardo tellumar / nu luini yassen tintilar i eleni / ómaryo airetári-lírinen.

Sí man i yulma nin enquantuva?

An sí Tintallë Varda Oiolossëo / ve fanyar máryat Elentári ortanë / ar ilyë tier undulávë lumbulë / ar sindanóriello caita mornië / i falmalinnar imbë met, ar hísië / untúpa Calaciryo míri oialë. / Sí vanwa ná, Rómello vanwa, Valimar!

Namárië! Nai hiruvalyë Valimar! / Nai elyë hiruva! Namárië!

Ah! comme l'or tombent les feuilles dans le vent, / de longues années innom- brables comme les ailes des arbres! / Les longues années ont passé pareilles à de rapides gorgées / de l'hydromel sucré dans les hautes salles / au-delà de l'Ouest, sous les dômes bleus de Varda, / où les étoiles tremblent / au chant de la voix sainte de la Reine.

Qui à présent remplira la coupe pour moi ?

Car désormais l'Enflammeuse, Varda, la Reine des étoiles, / a élevé ses mains comme des nuages, à partir du mont Toujours-blanc, / et toutes les routes fu- rent profondément noyées dans la brume; / et venues d'un pays gris les té- nèbres s'étendent / entre nous sur les vagues écumantes / et les brumes re- couvrent les joyaux de la Calacirya pour toujours. / Perdu désormais, perdu pour ceux de l'Est, est Valimar!

Au revoir! Peut-être trouveras-tu Valimar. / C'est peut-être toi qui la trouve- ras. Au revoir!

LA VERSION TRANSLITTÉRÉE...

... ET LA VERSION FRANÇAISE

PARLEZ-VOUS ELFIQUE ?

La Terre du Milieu, le monde imaginé par Tolkien, est si vaste que le touriste peut s’y perdre. Apprendre les langues locales pour pouvoir demander son chemin aux autochtones est une bonne idée... impossible à réaliser !

D

ès le début de Bilbo le Hobbit, le lec- teur est confronté aux runes ins- crites sur une carte que possède le roi des Nains, Thorïn. J. R. R. Tol- kien se fend même d’un préambule à ce sujet, dans l’édition anglaise de son conte (publié chez HarperCollins). Le Seigneur des anneaux est émaillé de phrases elfiques.

Ce piment linguistique, ingrédient essentiel de l’univers du professeur d’Oxford, rend ses œuvres vivantes.

Mais il donne à certains l’impression que les langues inventées par l’auteur peuvent être apprises, comme l’anglais ou l’espagnol. Dans le sillage des films, de nombreux sites proposent des cours rarement sérieux de sindarin ou de

quenya, deux des langages présents dans les livres.

Problème: J. R. R. Tolkien n’a «ja- mais composé d’Elfique en 10 leçons à potasser le soir», explique le linguiste Edouard Kloczko, qui vient de faire paraître Le haut-elfique pour les débu- tants aux Editions Fetjaine. L’auteur a plutôt semé des fragments dans de nombreux écrits et documents souvent techniques, et donc seulement acces- sibles aux spécialistes. Au final, il n’est pas possible d’apprendre les créations linguistiques du philologue, mais seu- lement de les étudier.

Bonne nouvelle tout de même: le sin- darin (bâti en partie sur le gallois) et le quenya (inspiré entre autres par le fin-

nois) sont assez avancés dans leur éla- boration pour qu’il soit envisageable de s’y exprimer. Mieux: J. R. R. Tolkien a laissé des indications sur la manière de les prononcer dans un appendice au Sei- gneur des anneaux. Il a même enregis- tré certains poèmes, dont Namárië (voir ci-dessous). Cette Complainte de Gala- driel se récite en quenya. Son écriture élégante, une autre des passions du mé- diéviste anglais, est baptisée tengwar.

Complexes, les langues fragmentaires imaginées par l’auteur de Bilbo ne per- mettent pas de communiquer au quo- tidien avec les Elfes. Petite consolation tout de même: sans elles, l’œuvre de J. R. R. Tolkien n’aurait pas eu la même profondeur. DS

NAMÁRIË

En trois versions:

originale, dans notre alphabet et traduite en français par le linguiste Édouard Kloczko.

Ce dernier vient de faire paraître Le haut-elfique pour les débutants aux Editions Fetjaine.

© iStockphoto.com - Jacob McClenny - wikipedia

LITTÉRATURE

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RÉFLEXION

L'UNIVERSITÉ S'EST OUVERTE COMME JAMAIS SUR LA RÉALITÉ EXTÉRIEURE: IL NE FAUDRAIT PAS QU'ELLE EN ÉTOUFFE.

L’

université, obéissant à l’ef- fort de démocratisation, de modernisation, d’intégra- tion de tous ceux qui ont été si longtemps écartés de la formation, se trouve, dans cette course un peu folle à la transforma- tion incessante, souterrainement tra- versée de courants contradictoires qui peuvent, si l’on n’y prend garde, la dénaturer. Foyer d’un repli pro- pice à la réflexion, elle se voit sou- mise aux techniques de gestion, de management, d’ouverture sur l’en- treprise et le marché du travail ; lieu possible de la création individuelle, elle est noyautée par l’esprit de col- lectivisation qui uniformise les pra- tiques et tue la temporalité longue nécessaire à l’éclosion des pensées.

L’université s’est ouverte comme ja- mais sur la réalité extérieure: il ne faudrait pas qu’elle en étouffe.

En France, étudiants, ensei- gnants-chercheurs, dirigeants et agents administratifs sont abreuvés de termes éblouissants: l’excellence, la recherche, la scientificité, la profes- sionnalisation... Les universitaires sont pris au filet d’un discours qui n’engage plus que la dimension col- lective qui les enserre. On ne pense plus seul, on n’écrit plus seul, on ne cherche plus tout à fait librement...

Pour mériter la note qui sanctionne la survie d’une équipe, et toutes les modalités de quantification qui pré- parent le jugement des experts, on construit en amont l’architecture qui

NORMALISER…

OU RESPECTER LA SINGULARITÉ !

doit conduire au résultat escompté:

label hautement repérable des labo- ratoires de recherche, qui fixent de- puis le sommet de la pyramide les directives qui concernent les uni- tés inférieures, recrutement adapté, collègues soumis à une thématique commune, rétrécissement du spectre d’analyse, présence surnuméraire de représentants d’un même cou- rant disciplinaire venant menacer l’équilibre d’une formation pédago- gique, contorsion des projets indi- viduels pour entrer dans l’identité sans laquelle un chercheur n’a plus droit de cité.

L’insoumission, le soupçon quant à l’inanité de ce courant impérieux, sont rapidement domptés : le cher- cheur récalcitrant a perdu le sens du réel, est doté d’une forme de sen- siblerie qui le met sur la touche. La situation des sciences humaines est la plus précaire; on ignore les ex- périences singulières qui les sous- tendent, et dont la plus fondamentale, déjà affirmée par Aristote, penseur de la diversité des savoirs et des mé- thodes, tient précisément à l’irréduc- tibilité des différences des matériaux étudiés, des chercheurs qui les étu- dient et dont l’enseignement s’en- richit de cette spécificité. Seule la collectivité fait force en ce moment, et un système de complaisance ré- ciproque encourage les uns et les autres à tout approuver. «Des indivi- dus de plus en plus nombreux, du fait de leur indolence apathique, auront

pour seule aspiration de n’être rien - de façon à devenir le public tout en- tier», écrit Kierkegaard, cité par Lind- say Waters dans L’Eclipse du savoir.

Le directeur des Presses Universi- taires de Harvard y dénonce les dan- gers du système américain. Hannah Arendt parlerait de normalisation des individus...

Dans ce contexte, les sciences hu- maines sont tentées de travestir leur propre statut en essayant de singer la scientificité des sciences prises pour références. A tel point que les histo- riens de la philosophie, par exemple, sont relégués dans une sorte de honte intérieure; l’étudiant se sent pris dans les horizons de recherche trop poin- tus des enseignants, alors qu’il doit encore acquérir les bases de sa disci- pline. Plaquer ainsi les thématiques de recherche sur la formation, c’est dévaloriser l’enseignement et déso- rienter les étudiants. La formation est progressivement minorée, la re- cherche devenant le vocable ultime, alors que chez les grands chercheurs, grands philosophes ou historiens, l’enseignement demeurait essentiel.

Avec cet éclairage si cru projeté sur l’excellence de la recherche, la pri- mauté de l’échange entre un maître et un disciple, autrement dit un en- seignant et un étudiant, est oubliée.

De même que l’on compromet, en homogénéisant les pratiques du sa- voir, la réalité d’un dialogue entre les scientifiques et les représentants des sciences «simplement» humaines. 

MARIE-HÉLÈNE GAUTHIER Philosophe, maître de conférences HDR à l’Académie d’Amiens

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BOOSTENT LES

VACCINS

CES ADJUVANTS QUI

MÉDECINE

Le Département de biochimie

de la Faculté de biologie et de médecine www.unil.ch/ib

Les vaccins contre la grippe seront bientôt disponibles en pharmacie. A cette occasion, comme chaque année, resurgiront les polémiques sur les vaccins et les supposés risques des adjuvants qu’ils renferment. Que sont ces substances et sont-elles réellement dangereuses? Tour d’horizon avec Nicolas Collin, microbiologiste et spécialiste de la question.

TEXTE ELISABETH GORDON

1997 NOVARTIS COMMERCIALISE LE PREMIER ADJUVANT

«MODERNE»

I

ls sont souvent pointés du doigt. Les adjuvants présents dans les vaccins sont périodiquement accusés d’être responsables de maux divers. Des assertions «large- ment infondées scientifiquement», affirme Nicolas Col- lin, directeur du laboratoire de formulation vaccinale du département de biochimie de l’UNIL.

Adjuvant. Le mot paraît savant, mais si l’on revient à l’étymologie, il dérive du latin adjuvare qui signifie simple- ment aider, assister. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit dans le domaine de la vaccinologie. Ces substances ren- forcent le pouvoir de certains vaccins et augmentent ain- si leur efficacité qui, sinon, serait faible voire quasi nulle.

Avec à la clé une baisse des coûts et une accessibilité ac- crue des vaccins pour les pays en développement. Le rôle d’un vaccin prophylactique est en effet de stimuler le sys- tème immunitaire pour qu’il soit capable de lutter contre

l’intrusion dans l’organisme d’un microbe (virus, bacté- rie ou parasite). A cette fin, on peut utiliser le micro-orga- nisme en question entier vivant (mais avec une activité atté- nuée) ou totalement inactivé. On peut aussi, comme cela se fait dans les vaccins modernes, n’employer que quelques- uns de ses fragments – «une partie de son enveloppe, des sucres, des protéines, de l’ADN, etc.», précise Nicolas Collin.

A ce principe actif qui est au cœur du pouvoir vaccinal, on peut ajouter divers produits comme des conservateurs, des stabilisateurs, des excipients, des sels et quelques autres. Et souvent, donc, des adjuvants.

L’histoire des adjuvants ne date pas d’hier. Dans les an- nées 20, le vétérinaire et biologiste français Gaston Ramon découvre que l’ajout de pus à la toxine de la diphtérie amé- liore l’immunisation des chevaux contre cette maladie et il conceptualise la notion d’adjuvant. Les scientifiques «es-

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PRIX LES ADJUVANTS PERMETTENT DE RÉDUIRE LES COÛTS DES VACCINS

saient alors de trouver des substances capables de transfor- mer un mauvais vaccin en un bon et ils testent de nombreux produits présents dans leur cuisine: huile, sucre, etc.», ainsi que les sels d’aluminium qui sont restés, depuis 1925, les adjuvants les plus utilisés en médecine humaine.

Mais il a fallu attendre 1997 pour que Novartis commer- cialise le premier adjuvant «moderne», qui est fait à partir d’une émulsion de type huile dans l’eau. Ce qui fait dire à Nicolas Collin que «le développement des adjuvants est l’un des procédés les plus fastidieux de l’histoire de la médecine».

Des vaccins moins coûteux

Depuis, quelques autres adjuvants sont apparus sur le mar- ché et l’on a découvert que ces substances avaient de mul- tiples rôles. «C’est l’un des paradoxes des temps modernes:

les vaccins les plus récents, qui sont produits à partir de

fragments de micro-organismes, ont une immunogénicité – c’est-à-dire un pouvoir de susciter des réponses immuni- taires – de plus en plus faible.»

Ils doivent donc renfermer de grandes quantités de prin- cipe actif. «Si ce dernier est cher, comme c’est le cas pour les vaccins contre la grippe H5N1 ou la rage, les adjuvants permettent d’en utiliser moins pour des résultats analo- gues.» Et donc d’abaisser les coûts.

© Alexander Raths - Fotolia.com

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Autre avantage, les adjuvants permettent aux vaccins d’offrir une immunogénicité plus large. «De nombreux agents infectieux, comme le virus du sida, mutent facile- ment. L’adjuvant a le potentiel d’ouvrir le spectre des ré- ponses immunitaires qui peuvent lutter contre des souches différentes.» Il permet aussi, dans le cas de la grippe par exemple, d’accroître l’efficacité du vaccin chez des per- sonnes ayant un système immunitaire moins performant, comme les enfants ou les personnes âgées.

Globalement, conclut le microbiologiste, «l’adjuvant amé- liore la qualité de la réponse vaccinale et, en plus, il offre une protection plus rapide et qui dure plus longtemps». Le mode d’action de ces produits «n’est pas totalement éluci- dé et fait l’objet d’intenses recherches de la part des im- munologistes et des biologistes», constate Nicolas Collin.

On sait toutefois que «les adjuvants historiques (comme les sels d’aluminium et les émulsions du type huileux) améliorent la présentation du principe actif au système immunitaire, explique le chercheur de l’UNIL. En outre, ils provoquent une légère inflammation locale qui a pour effet de stimuler le système immunitaire. Quant aux plus modernes, ce sont des immunostimulants qui activent di- rectement les cellules immunitaires.» Certains adjuvants jouent d’ailleurs sur les deux tableaux.

Toutefois, les adjuvants ne sont pas obligatoires. De nom- breux vaccins en sont d’ailleurs dépourvus, comme les pré- parations protégeant contre la grippe saisonnière (hormis celles destinées aux personnes âgées), la rougeole, la ru- béole et autres maladies de type aiguës.

Il en va autrement des pathologies chroniques comme le sida, l’herpès ou les maladies tropicales comme la leishma- niose. Dans ces cas, les agents infectieux sont plus futés.

Ils circulent peu dans le sang et se cachent surtout dans les cellules. Pour les détruire, il faut donc «biaiser le sys- tème immunitaire», dit le microbiologiste. Réorienter son action pour faire en sorte qu’en plus de produire des anti- corps (qui luttent contre les pathogènes présents dans le sang), il s’attaque aussi aux cellules infectées. Ce que seul un adjuvant permet de faire.

Eradiquer la polio

Le cas de la poliomyélite offre un exemple intéressant du rôle des adjuvants. Il existe depuis de nombreuses années un vaccin oral, sans adjuvant, contre la maladie – l’OPV (Oral Polio Vaccine) – qui a fait ses preuves puisque, grâce à lui, la polio a été quasiment éradiquée. Sur ce front, quelques résultats encourageants ont même été consta- tés récemment. «L’Inde, qui était une zone critique, a an- noncé en février dernier qu’elle n’avait enregistré aucun nouveau cas au cours de l’année précédente.»

La bataille n’est toutefois pas encore gagnée, car la pa- thologie «résiste dans quelques foyers au Pakistan, en Afghanistan et au Nigeria. La situation reste fragile et il faut utiliser un nouveau vaccin.»

Car l’OPV renferme le virus entier vivant et, même si celui-ci est atténué, il pourrait conduire à une résurgence de cette maladie qui pourrait devenir virulente et se ré- pandre à nouveau. «Ce vaccin est donc inadapté dans le cadre d’un effort d’éradication», souligne le chercheur de l’UNIL qui a travaillé précédemment à l’OMS.

La stratégie choisie consiste à remplacer l’OPV par l’IPV (Inactivated Polio Vaccine) qui, comme son nom l’in- dique, renferme un virus totalement inactivé. Ce vaccin est d’ailleurs déjà disponible et il a notamment été utili- sé en Scandinavie. «Le problème est qu’il est cher et donc inaccessible aux pays qui en ont besoin. Pour diminuer son coût, une solution est de rajouter un adjuvant.»

MÉDECINE

NICOLAS COLLIN Directeur du laboratoire de formulation vaccinale du département de biochimie de l'UNIL.

Nicole Chuard © UNIL

RECHERCHE

LE MODE D'ACTION DES ADJUVANTS

N'EST PAS TOTALEMENT ÉLUCIDÉ

Références

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