Leçon 125 : Extensions de corps. Exemples et applica- tions.
Dans cette leçon, on appellecorpsun anneau commutatif non nul dont tous les éléments non nuls sont inversibles.
1 Degré d’une extension de corps
Définition 1. SoitKun corps. On dit qu’un corpsLest une extension de Ks’il existe un morphisme de corps (nécessairement injectif ) deKdansL.
On noteL:Kpour dire queLest une extension deK.
Remarque2. Le corpsKest alors isomorphe à un sous-corps deL. Quitte à identifierKet son image dansL, on supposera queK⊆L.
Définition 3. SoitKun corps, on considère le morphisme d’anneauxn∈ Z7→n1K∈K. Son noyau est un idéal deZ, donc de la formenZoùn∈N.
Cet entiernest appelé la caractéristique du corpsK, on le note car(K).
Proposition 4. SoitKun corps et soit p=car(K).
— Si p=0, alorsKest une extension deQ.
— Si p6=0, alors p est premier etKest une extension deZ/pZ.
Le corpsQ(resp.Z/pZ) est le plus petit sous-corps deK, on l’appelle le sous- corps premier deK.
Proposition 5. Soit L:Kune extension, alorsLest naturellement muni d’une structure deK–espace vectoriel. Sa dimension (éventuellement infi- nie) est appelée degré deLsurKet on note[L:K]=dimKL.
Exemple 6.
1. Cest une extension de degré 2 deR.
2. Rest une extension infinie deQ.
3. SiKest un corps etP∈K[X] est irréductible alorsK[X]/(P) est une extension deKde degré degP.
4. SiKest un corps alorsK(X) est une extension infinie deK.
Théorème 7(base télescopique). SoientL:KetM:Ldeux extensions. Soit {xi}i∈I une base deLsurKet soit{yj}j∈J une base deMsurL. AlorsMest une extension deKet{xiyj}(i,j)∈I×Jest une base deMsurK. En particulier, on a la multiplicativité des degrés :
[M:K]=[M:L]×[L:K]
2 Extensions algébriques, extensions transcendantes
Définition 8. SoitL:Kune extension et soitSune partie deL. Le plus petit sous-corps deLcontenantK∪Sest notéK(S) et est appelé sous-corps de Lobtenu par adjonction deS àK. Dans le cas oùS ={α1, . . . ,αn}, on le notera plus simplementK(α1, . . . ,αn).
Définition 9. SoitL:Kune extension et soitα∈L. On dit queαest algé- brique surKs’il existe un polynôme non nulP ∈K[X] tel queP(α)=0.
Sinon, on dit queαest transcendant surK.
Exemple 10.
1. Les nombresp3
2, i etζn=exp(2inπ) sont algébriques surQ.
2. Les nombres e etπsont transcendants surQ.(Hermite et Lindemann, admis)
3. SiKest un corps alors dansK(T), l’élémentTest transcendant surK.
Définition 11. Soit L: Kune extension et soit α∈L algébrique sur K.
L’ensemble des polynômes deK[X] qui annulentαest un idéal non nul deK[X], il est donc engendré par un unique polynôme irréductible uni- taire non nulP ∈K[X]. Ce polynôme est appelé le polynôme minimal de αsurK.
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Théorème 12. SoitL:Kune extension et soitα∈L.
1. Siαest algébrique surKde polynôme minimal P , alors on a l’isomor- phisme de corpsK(α)∼=K[X]/(P).
2. Siαest transcendant surK, alorsK(α)∼=K(X).
Corollaire 13. SoitL:Kune extension et soitα∈L. Alorsαest algébrique surKssi[K(α) :K]< ∞. Dans le cas oùαest algébrique surKde polynôme minimal P , on a[K(α) :K]=degP .
Définition 14. SoitL:Kune extension. On dit que c’est une extension fi- nie si [L:K]< ∞. On dit que c’est une extension algébrique si tout élément deLest algébrique surK.
Proposition 15. Toute extension finie est algébrique.
Théorème 16. SoientL:KetM:Ldeux extensions. AlorsM:Kest algé- brique ssiM:LetL:Ksont algébriques.
Théorème 17. SoitL:Kune extension. On définit l’ensemble : M={x∈L|x algébrique surK}
AlorsMest un sous-corps deLet c’est une extension algébrique deK.
Exemple 18. L’ensemble Q={x∈C |xalgébrique surQ} est un corps, c’est une extension algébrique infinie deQ.
Théorème 19(élément primitif, caractéristique 0). SoitKun corps de ca- ractéristique0et soitL:Kune extension finie. Alors il existeα∈Ltel que L=K(α).
Exemple 20. Q(p 2,p
3) est une extension de degré 6 deQ. D’après le théo- rème précédent, il est engendré par un seul élément. En effetQ(p
2,p 3)= Q(p
2+p 3).
3 Cyclotomie
Définition 21. On appelle racinen–ième de l’unité les racines du poly- nômeXn−1 dans C, et on noteµn(C) l’ensemble de ces racines. C’est un groupe cyclique d’ordren, on appelle racinen–ième primitive un gé- nérateur de ce groupe et on noteµ∗n(C) l’ensemble des racinesn–ièmes primitives. On définit len–ième polynôme cyclotomique par :
Φn(X)= Y
ζ∈µ∗n(C)
(X−ζ) Proposition 22. Xn−1=Q
d|nΦd(X)
Théorème 23. Pour tout n∈N∗,Φn∈Z[X]et est irréductible dansZ[X](et donc dansQ[X]). Il est de degréϕ(n).
Corollaire 24. Siζ∈Cest une racine primitive n–ième de l’unité, alors son polynôme minimal estΦn, donc[Q(ζ) :Q]=ϕ(n).
4 Adjonction de racines
Définition 25. SoientKun corps etP∈K[X] irréductible. Une extension L:Kest appelée un corps de rupture deP surKs’il existeα∈Ltel que L=K(α) etP(α)=0.
Théorème 26. SoientKun corps et P ∈K[X]irréductible. Alors il existe L =K(α) un corps de rupture de P sur K, unique au sens suivant : si L0=K(α0)est un autre corps de rupture de P surK, alors il existe un unique isomorphismeϕ:L→L0qui vérifieϕ|K=idKetϕ(α)=α0.
Définition 27. SoitKun corps etP∈K[X] de degrén>1. Une extension L:Kest appelée un corps de décomposition dePsurKsi :
1. Il existeλ,α1, . . . ,αn∈Ltels que dansL[X],P=λ(X−α1)· · ·(X−αn).
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2. L=K(α1, . . . ,αn).
Théorème 28. SoitKun corps et P ∈K[X]un polynôme de degré n>1.
Alors il existeLun corps de décomposition de P surK, unique au sens sui- vant : siL0est un autre corps de décomposition de P surK, alors il existe un isomorphisme entreLetL0.
Proposition 29. SoitL:Kune extension et soit P∈K[X]de degré n>1. Si Lest un corps de décomposition de P surKalors[L:K]6n!.
Exemple 30. K=QetP=X3−2, alorsQ(p3
2, j) est « le » corps de décom- position deP surQ. De plus, son degré vaut 6, l’inégalité précédente est donc optimale.
Application 31 (Théorème de Cayley–Hamilton). Soient K un corps, n∈N∗etA∈Mn(K). SoitχA(X)=det(XI−A) le polynôme caractéristique deA, alorsχA(A)=0.
5 Corps finis
Théorème 32(construction des corps finis).
1. SoitKun corps fini et soit p sa caractéristique. Alors il existe n∈N∗ tel que|K| =pn.
2. Pour tout q=pn, le corps de décomposition de Xq−X est de cardinal q et il est unique à isomorphisme près. On noteFq ce corps.
Proposition 33. Soient p premier et d,n∈N∗. AlorsFpn est une extension deFpd ssi d divise n.
Théorème 34. Le groupe multiplicatif F∗qest cyclique.
Corollaire 35. SoitFqn une extension deFq, alors il existeα∈Fqn tel que Fqn =Fq(α). En particulier, pour tout n∈N∗, il existe un polynôme irré- ductible dansFq[X]de degré n.
Définition 36. fonction de Möbius.
Proposition 37. formule d’inversion de Möbius.
Théorème 38 (dénombrement des polynômes irréductibles de Fq[X]).
Notons A(n,q)l’ensemble des polynômes irréductibles unitaires deFq[X] de degré n et notons I(n,q)son cardinal. Alors :
I(n,q)=1 n
X
d|n
µ³n d
´ qd
En particulier on a l’équivalent lorsque n→ +∞, I(n,q)∼q
n
n.
Développement
1. Théorème de l’élément primitif pour les corps de caractéristique 0.
[19]
2. Dénombrement des polynômes irréductibles surFq.[38]
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Références
— CALAIS,Extensions de corps – Théorie de Galois.
— ELKIK,Cours d’algèbre.
— FRANCINOUet GIANELLA,Exercices de mathématiques pour l’agré- gation, p. 189.
— GOURDON,Les maths en tête, algèbre, p. 89.
— PERRIN,Cours d’algèbre.
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