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Relations entre l’état structural et les propriétés
magnétiques des alliages fer-nickel voisins de Ni3Fe
Émile Josso
To cite this version:
RELATIONS ENTRE
L’ÉTAT
STRUCTURALET LES
PROPRIÉTÉS
MAGNÉTIQUES
DES ALLIAGES FER-NICKEL VOISINS DENi3Fe
Par ÉMILE JOSSO.
Sommaire. - Les variations de volume
spécifique associées à la transformation ordre ~ désordre
de Ni3Fe ont été mises à profit pour déterminer le diagramme d’équilibre de cette transformation.
L’établissement d’un état ordonné dans Ni3Fe s’accompagne d’une élévation du point de Curie et d’un accroissement du coefficient de magnétostriction longitudinal. Les variations du point de Curie
en fonction du degré d’ordre peuvent être suivies avec beaucoup de sensibilité quand on additionne l’alliage d’une petite quantité de molybdène.
LE JOURNAL DE PHYSIQUE ET LE RADIUM. TOME ~~ MARS 19~1, r PAGE 399.
Comme il est bien connu
depuis
les travaux deLeech et
Sykes [11,
le ferro-nickelpermalloy,
voisin par sacomposition (78,5
pour iooNi)
ducom-posé
Ni,Fe
(75,9
pour 100Ni),
est lesiège
d’unetransformation
thermique
ordre ~ désordre. Une chauffeprolongée
au-dessous d’unetempérature
ditecritique
Ta
détermine une surstructure, c’est-à-direun
arrangement
ordonné des atomes de fer et de nickel selon un réseau de cubes à faces centrées.Porté au-dessus de
T,,
l’état ordonné tend à sedétruire pour donner une solution solide
ordinaire,
dont les atomes sont distribués aux noeuds du réseau
selon les lois de hasard.
La transformation est
renversable,
mais non exactement réversible.L’hystérésis thermique
estsuffisante pour
permettre
destéréotyper,
par refroi-dissementbrusque,
l’état désordonné stable à chauden vue
d’étudier,
au cours duréchauffage,
la créationpuis
la destruction de l’état ordonné. Cette étude estparticulièrement
aisée etprécise
par la méthodedila-tométrique,
car la transformation ordre ~ désordre del’alliage
retentit sur son volumespécifique :
unecondensation traduit la création de l’état
ordonné,
dont la destruction se
manifeste,
parconséquent,
par un accroissement de volume.
Guidé par ces
considérations,
j’ai
entrepris
d’ana-lyser
les modalités duphénomène
et,notamment,
de
préciser
les variations de latempérature
cri-tique
T,.
avec lacomposition
del’alliage,
soitqu’il
s’écarte deNi3Fe
par sa teneur ennickel,
soitqu’il
renferme des éléments additionnels. Lesexpériences
ont été effectuées par dilatométrie différentielle au
laboratoire de la Société
Commentry-Fourchambault
et Decazeville à
Imphy,
avec lesappareils
et selon lestechniques
de M. Chevenard.Technique expérimentale. -
Leséprouvettes,
obtenues à l’état désordonné par
hypertrempe
à iooo° dans
l’huile,
subissent un revenu de 10o hà une
température
0,
maintenue isotherme à mieux que 10près, puis
sont refroidiesspontanément
à l’air. L’état structural del’alliage
est ensuite contrôlépar un essai au
dilatomètre,
poussé
jusqu’à
7500
C.Si,
eneffet, 0
a été inférieur àT 0
le revenu acréé un état ordonné dont la
destruction,
au coursmême de l’essai
dilatométrique,
va se manifesterpar une
expansion :
il est donclogique
d’en choisirl’amplitude
relativeIl:
pour caractériser ledegré
d’ordre réalisépendant
le revenu.Si,
aucontraire,
0 a
dépassé
T~,
le revenu isotherme a été sans effet sur l’état désordonné initial et nul crochetn’apparaît
sur la courbe
dilatométrique.
Pour les
alliages
trèsproches
deNi3Fe,
la courbequi représente
~l
en fonction de 0( fig.
1)
accuse uneFig, i.
quasi-discontinuité,
comme d’ailleurs la théorie leprévoit [2, 3] :
d’oùpossibilité d’apprécier
Te
avec une incertitude de -!- 20 seulement.Diagramme d’équilibre.
- Lafigure
2,qui
groupe les
températures critiques
T~. observées pour différentes teneurs ennickel,
représente
lediagramme
d’équilibre
de la transformation ordre #désordre,
entre 68 et 80 pour 10o Ni. Endeçà
et au delà de ceslimites,
l’aptitude
à la mise en ordre est faibleet les crochets
dilatométriques
sont d’uneamplitude
insuffisante pour être mesurés avecprécision.
Latempérature
critique
T,,
égale
à4890
pour leper-malloy
à78,5
pour 10oNi,
passe par un maximumégal
à ~03~ pour une teneur en nickel voisine de~4
pour Ioo.1. Influence du
degré
d’ordre sur lepoint
de Curie. - Cas des
f erro-nickels
binaires.400
A cause de
l’hystérésis
qui
affecte la transformationordure
désordre,
la surstructure commence à sedésorganiser
parchauffage
à unetempérature
nette-mentsupérieure
à cellequ’indique
lediagramme
d’équilibre,
l’écart observé étant fonction de lavitesse de chauffe. En
adoptant
une vitessecons-tante, par
exemple
2,50 : mn, on constate que latempérature
àlaquelle disparaît
l’état ordonnédépend également
dudegré
d’ordre,
c’est-à-dire du traitementthermique
initial. Enrègle générale,
lorsque
la surstructure a été obtenue parhyper-trempe,
suivie d’un revenu de 100 h au-dessousde
T~.,
la destruction dusuperréseau
nécessite unesurchauffe d’autant
plus
élevée que latempérature
du revenu isotherme a été
plus
voisine deToc.
Fig. 2.
Cette
propriété
peut
être mise àprofit
pourmontrer que le
point
de Curie dupermalloy
est affecté par les modifications de l’étatstructural,
et
qu’il
est d’autantplus
élevé quel’alliage
estmieux ordonné. La détermination du
point
de Curie de l’état ordonnéprésente,
eneffet,
de sérieusesdifficulté,
car ladisparition
dumagnétisme
fort seproduit
à unetempérature
trèssupérieure
à T,. Cela revient à dire que, engénéral,
même si l’onpart
d’un échantillon bienordonné,
la surstructure seradésorganisée
avant que la transformationmagnétique
seproduise
et que lepoint
de Curiemesuré sera, en
réalité,
celui del’alliage
désordonné.Or,
enopérant
sur unalliage
industrielayant
pourcomposition :
dont le
point
de Curie à l’étattrempé
atteint 56oOC,
on a pu, par revenu à
4840 C,
c’est-à-dire àquelques
degrés
seulement au-dessous deT,.,
établir un étatd’ordre suffisamment stable pour ne
disparaître
qu’au-dessus
de 56oo C parchauffage
à la vitesse de 2,50 : mn. Cetéchantillon,
chaufférapidement
dans le
thermomagnétomètre
Chevenard,
revenaità l’état
paramagnétique
pour unetempérature
de5900
C,
supérieure,
parconséquent,
de 3oO àcelle de l’état désordonné. L’allure très
abrupte
dela courbe
thermomagnétique
montrait d’ailleurs que ladisparition
brutale dumagnétisme
corres-pondait,
non pas à un véritablepoint
deCurie,
mais au retour à l’étatdésordonné,
paramagnétique
au-dessus de 56oo C. Il est vraisemblable que, dans le cas
cité,
lepoint
de Curie étaitsupérieur
à59olD
C,
mais
qu’il
n’a pas étépossible
del’atteindre,
la courbethermomagnétique
ayant
ététronquée
parla transformation ordure désordre.
Cas des
ferro-nickels
complexes.
- Cetexemple
montre combien l’étude de la relation entre le mode de
répartition
des atomes et la transformationmagnétique
s’avère délicate. Pour la rendreplus
accessible,
une méthode commode consiste à ramenerle
point
de Curie au-dessous de latempérature
critique
de la transformation orduredésordre,
grâce
à l’addition au ferro-nickel d’unepetite
quan-tité d’un élément convehablement choisi
(Cu,
Cr,
Mo,
etc.).
Lemolybdène
se révèleparticulièrement
efficace,
puisque l’incorporation
de 3,60 pour 100 Moà un ferro-nickel contenant 0,02 pour 100
C,
Fig.3.
0,70 pour 100 Mn
et 77
pour 100 Ni abaisse deplus
de 1000 lepoint
de Curieaprès
trempe,
sans affecterde manière
trop
sensible latempérature
critique
T,.
Cette addition semble diminuer les
singularités
volu-métriques
associées à la transformation ordre »dé-sordre,
mais ne lessupprime
pas. Lapersistance
decette transformation a d’ailleurs été
signalée
dans des matériaux contenantjusqu’à 5
pour 100 Mo[4].
Dans cetalliage complexe
à 3,6 pour I ooMo,
lesdéplacements
dupoint
de Curie et l’alluregénérale
de la transformation
magnétique,
permettent
desuivre,
avecfinesse,
les modifications structuralesqui
accompagnent
la mise en ordre ou sadisparition.
A titred’exemple,
lafigure
3reproduit
les courbesthermomagnétiques enregistrées
avec deséchan-tillons
hypertrempés
à 1000° C dansl’huile,
puis
revenus,
pendant
des duréesvariables,
à latempé-rature uniforme de
4500
C. Tous ces échantillonspossèdent
une transformationmagnétique
étalée,
qui
seproduit
àtempérature
d’autantplus
élevée que le revenu a étéplus
prolongé,
c’est-à-dire que ledegré
d’ordre estplus
grand.
Les courbes se401
évidemment le retour soudain à l’état
désordonné;
cette troncature a lieu àtempérature
d’autantplus
élevée que leséjour
à45oo
C a étéplus long,
carl’état ordonné est d’autant
plus
stable que ledegré
d’ordre est
plus grand.
La sensibilité duprocédé
est telle que l’on
peut
en tirerparti,
dans l’étudedes ferro-nickels
complexes
industriels,
pourpréciser
les modalités du
phénomène :
détermination de latempérature
critique,
action des traitementsther-miques,
influence des variations de lacomposition
surl’aptitude
à la mise en ordre.2. Influence du
degré
d’ordre sur lamagnéto-striction. -
De même que le volume
spécifique
etle
point
deCurie,
lespropriétés magnétostrictives
desalliages
de la famille dupermalloy
sont affectéesde manière sensible par l’état structural.
Si,
endési-gnant
par ),t
le coefficient demagnétostriction
à saturation mesuré sur des échantillonstrempés
à ooo° C dans l’huile etpar À,.
le même coefficientcorrespondant
aux échantillonstrempés, puis
revenus 100 h à
450° C,
on détermine lagrandeur
de
l’expression
T 7, ==
Ar - At
At pour desalliages
fer-nickel de
composition
variable,
on constate quela courbe traduisant les variations de
AA
en fonctionÀ
de la teneur en nickel passe par un maximum très
aigu
situé sensiblement àl’aplomb
deNi3Fe.
L’exis-tence de ce maximum doit être attribuée au fait que c’est
précisément
pourNi,Fe
que le revenu à45oD
Cprésente
son efficacité laplus
grande;
au fur et à mesure que l’on
s’éloigne
de cettecompo-sition,
l’aptitude
à la mise en ordres’atténue,
et l’effet du revenu surl’organisation
structurales’affaiblit.
Le
permalloy
à l’état ordonnépossède
uncoeffl-cient de
magnétostriction
plus
de deux foisplus
fortqu’à
l’étatdésordonné,
ainsi que leprouvent
les chiffressuivants,
relatifs àl’alliage
à78,45
pour 1 ooNi dontl’analyse complète
a été donnée ci-dessus :Après
trempe
à 1000 °C dansl’huile,
Après
trempe
et revenu de 100 heures à45oaC,
Il est admis que dans les matériaux
magnéti-quement doux,
uneperméabilité
élevée et unchamp
coercitif de valeur réduite sont
liés,
entre autresfacteurs,
à unemagnétostriction
faible. Les chiffres ci-dessus illustrent donc lesrépercussions
impor-tantes de l’évolution de l’état structural sur les
propriétés
magnétiques
dupermalloy
et de ses dérivésplus complexes
et font ressortir l’intérêtd’une étude
approfondie
de cesphénomènes.
Utili-sées
conjointement,
les méthodesdilatométrique
et
thermomagnétique
se révèlentaptes
à l’étude desréorganisations
structurales etpeuvent
compléter
utilement la
technique radiocristallographique, qui
s’avère délicate à mettre en oeuvre dans le cas desalliages
fer-nickel,
en raison despouvoirs
diffrac-tants très voisins des atomes de fer et de nickel.Remarque
de Nl. Weil. - Lesalliages
frittés de faible densité secomportent-ils
de manièrespéciale
en cequi
concerne ladisparition
de l’état d’ordre ?Réponse
de M. Josso. - Mesalliages
ont étépré-parés
parfrittage
à z i 8o-I 2ooaC,
defaçon
à obtenirun métal très
compact,
dont la densité serapproche,
autant que faire sepeut,
de celle desalliages préparés
par fusion. Je n’ai pas étudié lesalliages
frittés à bassetempérature
car, au-dessous d’une certainetempérature,
il devient difficiles depréparer
des échantillonschimiquement homogènes
(homogénéité
contrôlée authermomagnétomètre).
Remarque
de M. Forrer. -- Parchauffage rapide,
on
peut
obtenir pourNi,Fe
pur ordonné unpoint
de Curie à 610° C
supérieur
de 15° environ à celui de laphase
désordonnée.Réponse
de 1VI. Josso. -- Je suis d’accordavec
M. Forrer.
L’exemple
quej’ai
cité serapporte
à unalliage
industriel à0,76
pour 100Mn,
mais le mêmephénomène
se retrouve pour lesalliages
très purspréparés
parfrittage,
dont lepoint
de Curie à l’état désordonné est un peusupérieur
à 600°C;
avec des vitesses dechauffage
suffisammentgrandes,
on obtient des
points
de Curie à l’état ordonnésupérieurs
d’environ 10° à ceuxcorrespondant
à l’état désordonné.Remarque
de M. Goldman. -- Nousavons
mesuré,
il y a un an et
demi,
lamagnétostriction
dupermalloy
dans les états d’ordre et de désordre. Nous avons trouvé
[5]
dans un échantillontrempé
unemagnéto-striction de 1,9. 0-6 et dans un échantillon recuit
(ordonné)
unemagnétostriction
de4,15 . I 0-6.
Nous avons mesuré lamagnétostriction
suivant deux directionsperpendiculaires
pour éliminer l’effet d’une éventuelle directionprivilégiée
des cristauxou des domaines.
BIBLIOGRAPHIE.
[1] LEECH P. et SYKES C. 2014 Phil.
Mag., 1939, 27, 742. [2] BRAGG W. L. et WILLIAMS E. J. - Proc. Roy. Soc., 1934,
A 145, 699.
[3] PEIERLS R. 2014 Proc. Roy. Soc.,
1936, A 154, 207.
[4] BOOTHLY A. et BOZOPTA R. M. 2014 J. of Applied Physics, 1947, 18, 173.
[5] GOLDMAN J. E. 2014