HAL Id: hal-00883310
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Submitted on 1 Jan 1999
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Dendroécologie du genévrier thurifère (Juniperus thurifera L.) : exemple de la thuriféraie de la montagne
de Rié (Pyrénées, France)
Valérie Bertaudière, Nicolas Montes, Thierry Gauquelin, Jean-Louis Édouard
To cite this version:
Valérie Bertaudière, Nicolas Montes, Thierry Gauquelin, Jean-Louis Édouard. Dendroécologie du
genévrier thurifère (Juniperus thurifera L.) : exemple de la thuriféraie de la montagne de Rié (Pyrénées,
France). Annals of Forest Science, Springer Nature (since 2011)/EDP Science (until 2010), 1999, 56
(8), pp.685-697. �hal-00883310�
Article original
Dendroécologie du genévrier thurifère
(Juniperus thurifera L.) : exemple de la thuriféraie de la montagne de Rié (Pyrénées, France)
Valérie Bertaudière Nicolas Montes a Thierry Gauquelin a Jean-Louis Édouard
a
Laboratoire
d’écologie
terrestre, UMR 5552 (CNRS/UPS), 39, allées Jules Guesde 31062 Toulouse cedex, France bInstitut méditerranéen
d’écologie
et depaléoécologie, Upressa-CNRS
6116, faculté St-Jérôme, case 451, 13397 Marseille cedex 20, France(Reçu
le 1erfévrier 1999 ;accepté
le 16 août 1999)Abstract -
Dendroecology
of thuriferousjuniper (Juniperus thurifera
L.):example
from a FrenchPyrenean
site at Rie moun-tain.
According
to its distribution area (western Mediterranean basin) and its current and past use, the cultural andbiogeographical
interest of Juniperus
thurifera
istoday recognised.
Adendroecological study
was carried out to better understand the radialgrowth
responses to climate and the
population dynamics
of a stand submitted to ruralactivity
decline.According
to thecomparison
of inter-annual variations in radial
growth
withmonthly
climatic parameters(response
functions andpointer-year analysis),
the influences onthe annual
tree-ring
width of wateravailability during
the current summer and other climatic conditionsduring
theprevious
autumnwere demonstrated. The occurrence of double
rings
were correlated with variations in summerprecipitation.
This mayemphasise
thecapability
of thuriferousjuniper
to reactpromptly
toprecipitation
events in xerothermic conditions associated withpeculiarities
of thesub-Mediterranean climate. The width and the interannual structure of tree
rings
indicated that thuriferousjuniper growth
isstrongly
correlated with climate
variability.
An extendeddendrochronological study considering
its distribution range would allow us to deci-pher
thespecies’ autecological peculiarities.
© 1999Inra/Éditions scientifiques
et médicales Elsevier SAS.Juniperus thurifera
/dendroecology
/ doublering
/Pyrenees
/ FranceRésumé - Le
genévrier
thurifère,cupressacée
arborescentedéveloppée
essentiellement en milieumontagnard
méditerranéen, revêt,en raison de son aire de
répartition
(bassin méditerranéen occidental) et de son utilisation actuelle etpassée,
un intérêtbiogéographique
et culturel reconnu. L’étude
dendroécologique
conduite ici sur l’un despeuplements français pyrénéens (montagne
de Rié) a pourobjectif
de mettre en évidence les relations entre la croissance radiale de cet arbre et le climat, afin de mieuxcomprendre
le compor- tement de cespeuplements,
menacés en France par ladéprise pastorale
etagricole.
La confrontation des variations interannuelles
d’épaisseur
des cernes avec lesparamètres climatiques
mensuels (fonctions deréponse
et années
caractéristiques)
permet desouligner l’assujettissement
de la croissance radiale annuelle au bilanhydrique
estival et auxconditions
climatiques
de l’automneprécédent.
Lafréquence
élevée de cernes doubles, reliée aux variations desprécipitations
men-suelles estivales, traduirait la
capacité
de l’arbre àoptimiser
sa croissance et às’adapter physiologiquement
à cette station xérother-mique
de climat sub-méditerranéen.La variabilité de
l’épaisseur
comme de la structure du cerneapparaît
donc fortement corrélée aux fluctuations interannuelles du climat.Cette sensibilité du Genévrier thurifère au climat en fait une
espèce propice
àl’analyse dendrochronologique ;
une étudeélargie
à latotalité de son aire de
répartition permettrait
d’accéder à sonautécologie.
© 1999 Inra/Éditionsscientifiques
et médicales Elsevier SAS.Juniperus thurifera
/dendroécologie
/ cerne double /Pyrénées
/ France*
Correspondence
andreprints
bertaudi@cict.fr
1.
Introduction
Les formations ouvertes à Genévrier thurifère consti-
tuent des formations arborées
originales
dans le bassinoccidental de la Méditerranée. Présent au Maroc, en
Algérie,
enEspagne,
etplus sporadiquement
dans le sudde la France
(Alpes
duSud, Pyrénées) [13],
cegenévrier
est
aujourd’hui
fortementmenacé,
aussi bien dans sonaire de
répartition
nord-africainequ’européenne.
Dans lesAtlas
marocains,
ladégradation anthropique
estimpor-
tante et la
régénération
despeuplements
est très faible. Si les causes réelles de cetterégénération
insuffisante(forte pression anthropique, changements climatiques)
sont malconnues, les
conséquences
de larégression
dugenévrier
thurifère sont
déjà
observables dans les zones lesplus
arides : l’accentuation locale des processus érosifs conduit non seulement à la désertification de ces milieux
d’altitude,
et,plus
enaval,
à l’ensablement du sud del’Atlas,
maiségalement
à uneaugmentation
de lapréca-
rité de la vie des
populations berbères,
et à un exode ruralinéluctable,
issu del’appauvrissement
des ressources enbois
[12].
En
France,
le Genévrier thurifère subit les consé- quences de ladéprise pastorale
etagricole.
Il est en effetconcurrencé par des essences arborées
plus compétitives (pins, chênes) qui
recolonisent certaines de sesstations,
entrainant sarégression
et son cantonnement à des zonesrefuges escarpées [14, 25].
Parailleurs,
sa faible étenduesur tout le territoire
français,
et sonoriginalité
d’unpoint
de vue
systématique
dans lesPyrénées [13],
en font unerelative « rareté
botanique
»,qu’il
convient depréserver
des incendies ou de tout autre facteur destructif des peu-
plements.
Les actions de conservation
qui
ont étéengagées
surles
peuplements
desPyrénées
et desAlpes françaises témoignent aujourd’hui
d’un intérêtpatrimonial
reconnu,même
si,
dès 1924déjà,
sousl’impulsion
d’ErnestGuinier,
la célèbre thuriféraie deSt-Crépin, acquise
parl’Engref,
devenait avant l’heure une véritable réserve naturelle[25].
Les thuriféraiesfrançaises
sont, eneffet,
considérées comme « habitatsprioritaires » (code
CORI-NE
Biotopes 42)
par la « Directive Habitats » de laCEE,
et le
peuplement
de lamontagne
de Rié(Pyrénées
cen-trales, France)
a obtenu récemment le statut de « Réservebiologique
forestière ».La
compréhension
de ladynamique
de cesjunipéraies
passe nécessairement par une connaissance
approfondie
de
l’écologie
de cetteespèce
encore très peu étudiée.L’évaluation de ses
exigences
vis-à-vis du climat devrait notamment permettre d’encomprendre
larépartition
spa- tiale et depréciser
sespotentialités. Or,
cettecupressacée
n’a
fait, jusqu’à maintenant, l’objet
d’aucune recherchedendrochronologique.
Eneffet,
pour toute l’étendue deson aire de
répartition,
aussi bien enAfrique
du Nordqu’en Europe, l’analyse bibliographique
révèle unmanque
général
de données sur la croissance del’espèce
et sur sa sensibilité au climat.
Aussi,
il s’avérait intéres-sant
d’entreprendre
une étudedendroécologique
pour mieuxappréhender
lalongévité
de cette essence,l’âge
des
peuplements,
et identifier lesparamètres climatiques
intervenant sur la croissance radiale.
Des études
dendroécologiques
ont donc étéengagées,
d’une part sur des thuriféraies
marocaines,
d’autre partsur un
peuplement français pyrénéen.
Les travaux expo- sésici,
focalisés sur la seule thuriféraie de lamontagne
deRié
(Haute-Garonne, France), présentent
lespremiers
résultats obtenus.
2.
Matériel
etméthodes
2.1. Site d’étudeLa thuriféraie de la montagne de
Rié,
d’unesuperficie
de trois
hectares,
est l’une des deux seulespopulations importantes
de cetteespèce
connues à cejour
dans lesPyrénées,
la deuxième localité étant celle duQuié
deLujat,
récemment découverte parGuerby [16].
Relativement dense et peu
dégradée,
elle s’étend de 650 m à 1 000 md’altitude,
sur despentes abruptes (supé-
rieures
à 30°),
selon une bande étroitelongeant
la crêteorientée est-ouest. Elle se
présente
sous forme d’unpiqueté
d’arbres ou d’arbustes depetite taille, principale-
ment de forme
conique.
Leshouppiers
sont très denses etles troncs, de faible
diamètre,
très branchus.À
l’est et dans lapartie culminale,
elle est bordée par une chênaiepubescente, qui
vient semélanger
augenévrier
thurifèredans des secteurs où la
topographie
lepermet.
Lesdyna- miques respectives
de la thuriféraie et de la chênaie sontmarquées
par desphénomènes
de concurrence entre les deuxespèces. Aujourd’hui,
le thurifère estreplié
dans deszones
refuges
au relief trèsescarpé [14], qui
neprésentent
pas de sols assez
profonds
et suffisamment évolués pour ledéveloppement
deQuercus pubescens, espèce plus
exi-geante sur le
plan édaphique.
Le
peuplement
actuel est relativementjeune,
les indi-vidus ayant moins de 50 ans étant très
largement majori- taires,
et lesplus âgés
nedépassant guère
150 ans[4].
Le
poste météorologique
leplus proche (Cierp,
altitu-de 495
m),
situéà 2,5
km de lastation, reçoit
desprécipi-
tations moyennes annuelles de 1 050 mm, relativement bien
réparties
sur l’ensemble del’année,
mais montrant une diminutionsignificative
dejuin à septembre.
Juilletest relevé comme le mois le
plus
sec et leplus
chaud(moyenne
des maxima : 25°C). Cependant,
lediagram-
me
ombrothermique
ne montre pas de mois sec au sens de Gaussen(P
<2T) [2] (figure 2).
En raison de saposition
abritée des vents
pluvieux
d’ouest par le massif de la Barousse et de sa situation à l’arrière du frontpyrénéen,
les
précipitations
annuelles dont bénéficie cette station à Genévrier thurifère seraientcependant plus faibles,
com-prises
entre 700 mm et 800 mm. La station estsoumise,
d’autre
part,
par sonexposition,
aux vents chauds du sudqui empruntent
le Val d’Aran[7].
Si l’été est chaud et sec, l’hiver est relativement
rigou-
reux, avec trois mois
présentant
une moyenne des minima inférieure à 0 °C(décembre, janvier, février),
le mois dejanvier
étant leplus froid,
avec une moyenne des minimade
-0,7
°C.Le caractère
xérothermique
de la station est renforcé par la nature du substrat. Laroche-mère,
constituée de marbres de calcairedur,
est recouverte d’un sol trèssuperficiel (épaisseur
inférieure à 40cm), quand
elle n’estpas affleurante. Cette
junipéraie
est ainsi définie comme un sous-type de station «calcique
à calcaire assez chaudet très sec » dans la
typologie
des stations forestières desPyrénées
centralesproposée
par Savoie[35].
2.2. Méthodes
2.2.1.
Acquisition
des donnéesÀ
l’aide de tarières dePressler, vingt
trois arbres ontété
échantillonnés,
à raison de deux carottes pararbre,
orientées à 180° l’une de l’autre,
parallèlement
à la cour-be de niveau. Les
prélèvements
ont été effectués vers labase,
à des hauteurs variables selon laconfiguration
duterrain et les
particularités
individuelles dechaque
tronc(blessures, ramifications).
Les carottes extraites ont étépréparées
selon lestechniques classiques [41]. Quatre
arbres morts sur
pied,
sectionnés à 40 cm au-dessus dusol,
ont fourniégalement
quatre sections transversales detiges
sanspréjudice
pour lepeuplement.
L’ interdatation des échantillons a été effectuée directe- ment sur les carottes surfacées selon une coupe radiale
[47].
En raison de lafréquence
élevée deperturbations
visibles de la croissance : cernes
discontinus,
faux cerneset fluctuations intra-annuelles de densité
[23],
il s’estavéré très utile de
prendre
en compte, non seulement les variations relativesd’épaisseur
des cernes, mais aussi des caractères tels que la couleur etl’épaisseur
relative du bois final. Cette interdatation minutieuse a, deplus,
étécontrôlée avec succès sur des carottes de
pin sylvestre prélevées
dans unepetite plantation
en contrebas de la thuriféraie. Un ultimecontrôle,
de typegraphique [36]
etstatistique (programme
Cofecha[22]),
a été effectué surles séries élémentaires
d’épaisseurs
des cernesaprès
leurmesure
(1/100 mm).
Finalement, seize individus ont été retenus pour la suite de
l’étude,
leurs séries élémentairesparfaitement
datées couvrant au total la
période
1839-1996(figure 3).
2.2.2. Traitements des séries
dendrochronologiques
L’ensemble des informations
apportées
par les 32 sérieschronologiques
retenues est tout d’abord sommai-rement
synthétisée
parquelques paramètres statistiques
simples
dont on trouvera la définition détaillée dans Kaennel et al.[23] :
- l’accroissement annuel moyen permet d’évaluer la vitalité du
peuplement ;
- la sensibilité moyenne fournit une évaluation chif- frée de la variabilité de l’accroissement radial d’une année à la
suivante ;
- le coefficient
d’interdatation,
directement dérivé du coefficientprécédent [30]
fournit une évaluation chiffrée dusynchronisme
des variationsinterannuelles ;
- le coefficient d’autocorrélation d’ordre 1 est une éva- luation des liens
qui peuvent
exister entre deux cernes successifs.2.3. Relations cerne - climat
L’identification des relations cerne - climat
s’appuie
sur deux
approches :
l’uneanalytique, qui
consiste à iden-tifier les années de croissance les
plus exceptionnelles
età en rechercher le déterminisme
climatique,
l’autre de typestatistique, qui
permet d’établir à travers la fonction deréponse
le comportement moyen de l’essence vis-à-vis du climat.La
première approche s’appuie
sur leconcept
d’annéecaractéristique.
Une année est définie comme « caracté-ristique
» au senslarge, lorsque
l’occurrence d’un cernediagnostique
donné(ils
ont été définis dans laphase d’interdatation)
serépète
sur l’ensemble deschronologies [23].
Outre les caractèresqualitatifs (faux-cerne,
cerneabsent),
le cernediagnostique
peut être identifié par uneépaisseur exceptionnelle (positive
ounégative) ;
L’annéecaractéristique
marquedone,
sur la station ou l’aire consi-dérée,
l’intervention trèscontraignante
d’unfacteur, qui
est presque
toujours
associé au climat[38].
Une définition
plus
restrictive de l’année caractéris-tique
repose sur des donnéesquantitatives.
Une année estdite
caractéristique lorsque,
pour deux années succes-sives,
on constate uneaugmentation
ou une diminutionconcordantes de
l’épaisseur
du cerne, affectant un certainpourcentage
dechronologies.
Lepourcentage
à retenirdépend
de la taille de l’échantillon selonl’équation
deGraf et
Henning (in [9]),
c’est-à-dire du nombre de séries élémentairesreprésentant chaque
année. Le seuil retenuici est 80
%,
valeur seuilsignificative
à 99 %. Lequalifi-
catif d’année
caractéristique
extrême a été affecté auxannées pour
lesquelles l’épaisseur
du cerne estsupérieu-
re ou inférieure
à m + σ ou m - σ, m
étant l’accroissement moyen calculé sur toute lapopulation
et σl’écart-type correspondant [33] (figure 4).
Sont aussi définis des maxima et minimacaractéristiques,
afin depallier
lephé-
nomène de résonance : un cerne
d’épaisseur
moyennepeut, en
effet, apparaître
trèslarge
s’il estprécédé
d’unceme très étroit et inversement. Selon Munaut
[30],
lors-qu’une
année de tendancenégative
succède à une annéepositive,
cela définit un maximumcaractéristique
et, dansle cas
inverse,
un minimumcaractéristique.
Les années
caractéristiques
ainsi définies sont alors confrontées aux donnéesclimatiques
des années considé-rées,
afin de mettre en évidence les relations entrel’épais-
seur du cerne et l’influence d’un
paramètre climatique
extrême.
La
figure
4permet également
derepérer
les annéescaractéristiques
à cerne double. Les cernesdoubles,
ou fluctuations intra-annuelles de densité[23],
observées engrand
nombre chez le Genévrierthurifère,
se caractéri-sent, dans le cas
présent,
par la formation d’une bande de cellules depetit
diamètre àparoi épaisse
au cours de l’éla-boration du bois final ou
plus
rarement du bois initial. De lacomparaison
des deux carottes d’un même individu etdes différents arbres entre eux, il ressort que, dans cer- tains cas, ces fluctuations de densité sont très accentuées
et leurs limites nettement
marquées.
Elles définissentalors,
pour une même année, deux cernesmorphologi- quement similaires, appelés
« faux cernes» [23].
Dans lamesure
où,
pour une annéedonnée,
cetteconfiguration
serépète
sur un nombresignificatif d’arbres,
elle peut être liée à des conditionsclimatiques particulières [23, 28, 32, 48]
et considérée comme annéecaractéristique. Ainsi, plus précisément,
une année a été définie comme « annéecaractéristique », à partir
du moment où au moins 20 %des arbres échantillonnés ont
présenté
indifféremment un cerne double ou un faux-cerne. Le seuil de 20 % a été choisi ici dans la mesureoù,
en dessous de cette valeur de 20%,
sur lapériode
1945-1996(période
couverte par au moins dixchronologies individuelles)
trop d’années sontconcernées
(figure 5)
et ne peuvent alors êtreconsidérées,
de cepoint
de vue, commecaractéristiques.
Afin d’identifier
plus précisément
dans le cas duThurifère de la montagne de
Rié, quels
étaient les facteursclimatiques potentiellement responsables
de la formation de ces cernesdoubles,
lesprécipitations
mensuelles ettempératures
moyennes mensuelles des années caractéris-tiques
ont étécomparées
à celles des années non caracté-ristiques
sur lapériode
1962-1996(données
Météo- Francedisponibles),
comme cela a été fait pour le chênevert
[49].
La seconde
approche
faitappel
auconcept
de« Fonction de
réponse
»[10, 17, 39].
Elle estdécompo-
sée en deux
étapes.
Dans un
premier temps, il
est en effet nécessaire d’iso- ler aupréalable,
dans les séries de cernes, lesignal
clima-tique exprimé
par les variations interannuelles de hautefréquence.
Pourcela,
il convient d’éliminer les autrescomposantes
de la variation du cerne,exprimées
par dessignaux
de basse et moyennefréquence,
telles que l’effet àlong
terme del’âge
de l’arbre et l’ensemble des bruitsd’origine
variée résultant descaractéristiques
indivi-duelles des
arbres,
de l’évolution des conditions micro- stationnelles et desphénomènes
decompétition [42].
Les séries
d’épaisseurs
brutes des cernes sont donc transformées en sériesd’indices,
parfiltrage (établisse-
ment d’une courbe
lissée) puis
standardisation(rapport
del’épaisseur
mesurée à la valeurcorrespondante
de la cour-be lissée
théorique ajustée
à la sériebrute) [19].
Les séries élémentaires indicées ont été
moyennées
afin
d’obtenir,
pourchaque
individu une série individuel- leindicée,
et, pour lapopulation totale,
une série moyen-ne indicée
appelée
«chronologie
maitresse »(figure 3).
Dans un second temps, la série moyenne indicée est
confrontée à des séries
synchrones
deparamètres
clima-tiques
mensuelsreprésentatifs
du climat(précipitations
mensuelles combinées aux
températures
moyennes men- suelles maximales et auxtempératures
moyennes men- suellesminimales)
sur unepériode
de douze mois s’éten- dant du mois d’octobre de l’annéeprécédant
la formation du cerne au mois deseptembre
de l’année de son élabo-ration, période
de construction du cernegénéralement
admise pour les
espèces
méditerranéennes[38, 16, 42, 47,
30, 26].
Les fonctions de
réponse
ont été calculées avec le pro- gramme Calrob dulogiciel PPPHALOS, Programs
inPaleoclimatology:
Previsionof
Hiatus andAnalysis of Linkages
between Observation and between Series[ 19].
Le calcul fait
appel
à unerégression orthogonalisée
entrela variable
dépendante (épaisseur
du cerne moyenne indi-cée)
et les variablesexplicatives (données climatiques mensuelles),
résultantes d’uneanalyse
en composanteprincipale
desparamètres climatiques.
Les coefficients derégression partiels (r)
obtenus sont ensuiteappliqués
à lasérie
climatique
pour reconstruire la variabledépendante.
La valeur
prédictive
du modèle peut être estimée par le coefficient de corrélation(R)
entre les variablesdépen-
dantes estimées et les variables réellement observées
(épaisseurs
des cernesmesurées).
Pour évaluer la fiabilité
statistique
des fonctions deréponse,
le calcul met en oeuvre uneprocédure Boot-strap (tirage
au sort avecremise) [18] permettant
derépéter
lecalcul de la
régression
sur ungrand
nombre d’échan- tillons simulésà partir
des données initiales. Les calculs derégression
sont ainsi effectués sur des années tirées au sort(années
decalibration),
et sur les années de vérifica- tion non sélectionnées lors dutirage.
Laprocédure
estrépétée cinquante
fois etgénère
ainsicinquante
fonctionsde
réponse.
Cette méthode permet de s’affranchir du pos- tulat de distribution normale associé à l’utilisation destests
d’hypothèse.
Le
rapport
du coefficient de corrélation moyen(R)
àson
écart-type (s),
pour les deuxpériodes (calibration
etvérification),
donne une estimation de lasignification
sta-tistique globale
de la fonction deréponse
etexprime
lafiabilité de la relation établie entre les variables
dépen-
dantes et les variables
explicatives.
Lesigne
des coeffi-cients de
régressions partiels
et le rapport r/s correspon- dant traduisentrespectivement
le sens de la relation entre leparamètre climatique
etl’épaisseur
du cerne, et sasignification statistique.
Unsigne positif indique
une rela-tion directe
(l’élaboration
d’un cernelarge
pour des valeurs de la variableclimatique supérieures
à la moyen-ne),
tandisqu’un signe négatif
traduit une relation inver-se
(la
formation d’un cerne étroit pour des valeurs de la variableclimatique supérieures
à lamoyenne).
Compte
tenu du faible nombred’observations,
lesrégresseurs climatiques
ont étéregroupés
afin de rendre la relation «cerne-paramètre climatique
»plus
stable etplus significative.
Les regroupements sont basés dans unpremier temps
sur des critèresbiologiques
en relationavec la
phénologie
et les différentesphases
de croissance del’arbre,
et dans un secondtemps,
enrelation,
avec lesigne
des différents coefficients derégression partiels
obtenus
[19, 26, 48].
La
période
retenue pour les calculs s’étend de 1953 à1996 ; après
avoir contrôlél’homogénéité climatique
dela station de
Cierp
avec celled’Arreau,
poste météorolo-gique voisin,
les donnéesclimatiques
manquantes deCierp
ont, aupréalable,
été estiméesmathématiquement
àpartir
de cette deuxième station.3.
Résultats
3.1.
Caractéristiques dendrochronologiques
Les
caractéristiques dendrochronologiques
dupeuple-
ment sont
synthétisées
dans le tableau I.La croissance radiale du Genévrier thurifère est
lente,
avec un accroissement moyen de
0,99
mm/an. Cesgené-
vriers
présentent,
parailleurs,
engénéral
un cœur trèsexcentré,
résultant d’une croissancedéséquilibrée
sur lepourtour du tronc, et un
grand
nombre « d’anomalies de croissance » telles que des cernes doubles et des cernesdiscontinus,
des cicatrices laissées par legel
ou le passa- ge du feu.La moyenne des sensibilités moyennes individuelles de la thuriféraie est relativement élevée
(0,32), comparée
aux valeurs obtenues pour d’autres
espèces européennes présentes
dans le bassin méditerranéen(Pinus pinea,
Pinus
pinaster,
Pinushalepensis,
Pinussylvestris, Quercus pubescens), qui
varient autour de0,2 [38, 44, 16].
Nous observons ici un coefficient d’interdatation de
0,78,
traduisant une bonnehomogénéité
des variations interannuelles de la croissance radiale des arbres du peu-plement.
Ce coefficient est, eneffet,
d’autantplus
élevéque les arbres du
peuplement présentent
des variations interannuellessynchrones
bienmarquées.
Quant
au coefficient d’autocorrélation d’ordre1,
il atteint à Rié une valeur moyenne assez élevée de0,46.
3.2. Années
caractéristiques
Sur la
période
1937-1996(soit
60années),
le Thurifèreprésente
onze annéescaractéristiques,
définiesà
partir
des maxima et minimacaractéristiques,
soit unefréquence
d’environ 18 %(figure 4).
Elles serépartissent
en six années à croissance faible
(cernes étroits)
etcinq
années à croissance forte
(cernes larges).
Parmielles,
neuf années extrêmes ont été
dénombrées,
dontcinq figu-
rées par un cerne très étroit
(1962, 1974, 1986, 1991, 1994)
et quatre par un cerne trèslarge (1951, 1959, 1966, 1990).
1986 est l’annéecaractéristique
laplus prononcée, puisqu’elle correspond
non seulement à un cerne trèsétroit dans 100 % des cas, mais
également
à un cerne dis-continu chez
quatre
individus.Il ressort de la confrontation des années caractéris-
tiques
extrêmes avec les donnéesmétéorologiques dispo- nibles,
que l’ensemble des années extrêmesnégatives
estmarqué
par unepériode
estivale(juin, juillet
etaoût)
très sèche et chaude. Les années1974,
1991 et 1994présen-
tent, de
plus,
unprintemps (avril, mai)
froid.Les années
caractéristiques positives, exprimées
parun cerne
large,
montrent toutes un mois deseptembre
sec.Parmi
elles,
les annéesbiologiques
1985 et 1990 sontpré-
cédées d’un automne
plus
chaud que la moyenne.D’un
point
de vuequalitatif,
l’annéecaractéristique
1977 se
distingue
par un cerne degelée tardive, remarqué
sur dix arbres de notre
échantillonnage.
Aucune annéecaractéristique
n’a été définieà partir
de cernesabsents,
ni de cernes discontinus. En
effet,
aucun cerne absent n’a étéobservé,
et,quant
aux cernesdiscontinus,
ils sont icipeu
nombreux,
localisés seulement en 1986 chez quatre individus et en 1987 sur un seul échantillon.En
revanche,
les annéescaractéristiques
avec fluctua-tions intraannuelles de densité sont
fréquentes.
Au seuilretenu
(20 %),
on en dénombre au total 19 sur lapériode
1945-1996,
soit 36 %. Si l’on considère le seuil de 80%,
seule l’année 1951 estconcernée,
avec neuf individus sur onze montrant un cerne double cette année-là. Les faux- cernes, observés pour les années1948, 1950, 1952, 1955, 1971, 1972, 1975, 1980, 1982,
1984,1995, se répartissent
sur un nombre réduit d’arbres
(huit individus).
Aumieux,
quatre arbresprésentent
un faux-cerne pour une mêmeannée (1952).
3.3. Cerne double et climat
Le pourcentage d’arbres
échantillonnés,
ayant fait uncerne double pour une même
année,
varie de 6 % à 80 %.Ces cernes doubles sont visibles dans la
majorité
des cassur les deux carottes
opposées
d’un même individu etpeuvent ainsi constituer des cernes
diagnostiques,
utilespour l’interdatation. Leur continuité sur tout le pourtour du tronc
indique,
deplus,
que l’arbre sembleréagir
dansson
intégralité
aux facteurs induisant leur élaboration.Sur un ensemble de
quinze arbres, l’épaisseur
moyen-ne d’un cerne double est, pour la
majorité
des individus(80 %), supérieure
àl’épaisseur
moyenne du cerne calcu- lée sur les années sans cerne double(figure 6).
L’accrois-sement moyen individuel tend par ailleurs à être d’autant
plus
fort que le pourcentage de cerne double parindividu,
variant de 8 à 45%,
est élevé. Il atteint toutefois unevaleur
maximum,
pour les arbres dont lepourcentage
deceme doubles est
compris
entre 20 et 30 %. Il est intéres-sant de noter
également
que, pour de fortspourcentages
de cernes doubles pararbre,
l’écart entrel’épaisseur
moyenne des cernes doubles et
l’épaisseur
moyenne indi- viduelle estplus
faible. Autrementdit,
les cernes doublesapparaissent plus épais, lorsqu’ils
sont moinsfréquents.
Au-delà du seuil de 30
%,
les valeurs d’accroissement radial annuel brut diminuent avecl’augmentation
dupourcentage de cerne double par arbre
(figure 6),
maisrestent tout de même
supérieures
à celles des individus à faible taux de cernes doubles. La croissance normale desquatre
arbres concernésparait perturbée négativement.
De la
comparaison
desparamètres climatiques
desannées avec ou sans cerne
double,
il ressort que, bien que lestempératures
moyennes mensuelles des années avec ceme double soientlégèrement supérieures
à celles des années sans cernedouble,
elles ne différent passignifica-
tivement de ces dernières
(test
t deStudent,
seuil 5%),
etne semblent donc pas intervenir au niveau de la formation d’un cerne double. Les
précipitations
mensuelles esti- vales(juin
etaoût) différent,
quant àelles, significative-
ment
(95
% deconfiance,
test t deStudent) (figure 7).
La succession d’un déficithydrique
en début d’été(juin
secou juin et juillet
cumuléssecs)
et d’une fin de saison avecdes
précipitations plus
abondantes que la moyenne(août
pluvieux
ou août etseptembre
cumuléspluvieux)
appa- raîtrait être la conditionclimatique responsable
de cesfluctuations intra-annuelles de densité.
3.4. Fonctions de
réponse
Les fonctions de
réponse, qui
traduisent les relations«
épaisseur
du cerne -précipitations
ettempératures
maximales
(P-Tmax.)
» et «épaisseur
du cerne -precipi-
tations et
températures
minimales(P-Tmin.)
», sontglo-
balement
significatives
au seuil99,9
% pour lespériodes
de calibration et de vérification. Dans les deux cas, ces
relations
apparaissent
relativement fortes : le coefficient de corrélationmultiple
calculé sur les années de calibra- tionatteint,
eneffet, respectivement
une valeur de0,78 (écart-type : 0,04)
et0,71 (écart-type : 0,05),
ce même coefficient calculé sur les années de vérificationprésen-
tant des valeurs
respectives
de0,59 (écart-type : 0,14)
et0,6 (écart-type: 0,18).
On observe une relation directe
forte, significative
auseuil 99
%,
entrel’épaisseur
du cerne et lesprécipitations
estivales
(juin, juillet, août)
de l’année en cours, et unerelation inverse avec les
températures
moyennes maxi- males et minimales de ces mêmes mois d’été(figure 8).
Les conditions
hydriques
de la fin de lapériode
decroissance ont, elles
aussi,
une influenceimportante
surl’épaisseur
du cerne de l’année courante. Le coefficient derégression partiel négatif
etsignificatif
au seuil 90 %pour le mois de
septembre,
observé dans les deux cas(P-
Tmax et
P-Tmin),
montre, eneffet,
que de fortesprécipi-
tations au mois de
septembre
ont une influencenégative
sur la formation du cerne de l’ année.
L’intervention des conditions
climatiques
hivernales(décembre, janvier, février, mars) apparaît également
nonnégligeable.
On observe une relationinverse, significati-
ve au seuil
99,9
% entre lesprécipitations
des mois dedécembre-janvier
et lalargeur
du cerneà venir,
combinéeà une influence
négative
destempératures
minimales du mois dejanvier.
De fortesprécipitations
en février-mars semblentinduire, à l’opposé,
un cernelarge.
Les
précipitations printanières (avril, mai), quant
àelles,
ne montrent aucune relation avecl’épaisseur
ducerne.
Seules les
températures
moyennes maximales et mini- males de cette saisonparaissent jouer
un rôleimportant
dans l’élaboration du cerne.
Lorsqu’elles
sontélevées,
elles induiraient une forte croissance radiale(relations respectivement significatives
aux seuils99,9
% et 99%).
Une relation
directe, significative
au seuil99,9 %,
entre l’accroissement radial annuel et les conditions cli-
matiques
de l’automneprécédant
la formation du cerneest
également
mise en évidence. Desprécipitations
abon-dantes en octobre et novembre de l’année
précédente,
associées à des
températures élevées, engendreraient
unevariation
positive
de la croissance.4. Discussion et conclusion
Le Genévrier
thurifère, développé
essentiellement dans les milieuxmontagnards
du bassin méditerranéen, se situe à Rié dans lapartie
occidentale de son aire derépar-
tition. Localisé dans un bassin
intramontagnard
desPyrénées
centrales[35],
les influencesocéaniques qu’il subit,
sont atténuées par lerelief,
latopographie
et lesconditions microstationnelles
particulières
du site(forte pente,
substratcalcaire,
solsuperficiel, exposition sud).
L’influence méditerranéenne
qui s’exprime
au niveau flo-ristique [3] témoigne
du caractère fortement xérother-mique
de cette station.Cette xéricité du milieu se
matérialise,
deplus,
par la forte influence des conditionshydriques
estivales sur lacroissance radiale du
genévrier.
Les fonctions deréponse et l’analyse
des annéescaractéristiques
montrent que desprécipitations
mensuelles estivales faibles, associées à destempératures
moyennes mensuellesélevées,
induisentconjointement
des cernesétroits,
voire discontinus pourune année de sécheresse très accentuée telle que 1986. La sécheresse
climatique
etédaphique
de l’été, accentuée parune
évapotranspiration
élevée dans des conditions de forteschaleurs,
semble fortement ralentir la croissance dugenévrier.
L’activitéméristèmatique pourrait
mêmemomentanément cesser
quand
les conditions extérieures deviennent vraimenttrop défavorables,
comme en témoi- gnent les cernes discontinus observés sur certains indivi- dus.La
grande
variabilité desépaisseurs
des cernes annuelsapparait
ainsisignificativement
liée au bilanhydrique
destrois mois d’été
(juin, juillet
etaoût).
La
présence
engrand
nombre de cernes doubles surtous les
individus,
ayant pu être reliéeclimatiquement
aux variations de ces
précipitations
mensuelles etplus précisément
à la succession d’un début d’étéplus
sec etd’une fin d’été très arrosée, confirme la relation mise en
évidence
précédemment.
Enpériode estivale,
l’arbresemble tirer
parti
directement de toutepluie
d’été pour favoriser sa croissance.Une telle
adaptation physiologique
a été mise en évi-dence chez d’autres
espèces
du genreJuniperus [21]
et chez un autre taxonméditerranéen, Quercus
ilex L.[49].
Cependant,
lepourcentage
élevé de cernes doubles nes’explique
pastoujours
par uneréponse biologique
direc-te au climat. Chez certains individus à croissance
plus faible,
le taux de cernes doublesatteignant parfois
45 %(n’ayant
pas pu être reliéà l’âge) pourrait
icis’expliquer
par des conditions microstationnelles très limitantes
(arbre
poussant sur falaise ou sur dalle rocheuse affleu- rante peufissurée,
arbre surcîmé par un concurrent etsubissant une forte
compétition...), qui
accentueraient for-tement l’action
dépressive
de la sécheresseédaphique
endébut d’été et
placeraient
l’arbre en situation de stresschronique perturbant négativement
sa croissance. Danscette
hypothèse,
le rôle de l’enracinement de l’arbre et son efficacité deviennentmajeurs
dans le fonctionnementhydrique
del’individu,
comme cela a étésouligné
dansl’étude du comportement estival du Cèdre de l’Atlas et du Chêne
pubescent
dans le Mont-Ventoux[I].
Compte
tenu du rôleimportant
des facteursgénétiques
dans la croissance radiale d’un arbre
[28],
une relationéventuelle entre le taux de cernes doubles et des facteurs