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Le contrat de gestion collective des droits d'auteur : Contribution à l'étude de la nature du droit géré collectivement

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01715043

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01715043

Submitted on 22 Feb 2018

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collectivement

Olga Grechowicz

To cite this version:

Olga Grechowicz. Le contrat de gestion collective des droits d’auteur : Contribution à l’étude de la nature du droit géré collectivement. Droit. Université d’Avignon, 2017. Français. �NNT : 2017AVIG2057�. �tel-01715043�

(2)

ACADÉMIE D’AIX-MARSEILLE

UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DU VAUCLUSE

Faculté de droit

Thèse de doctorat en droit privé :

LE CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE DES DROITS D’AUTEUR.

CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DE LA NATURE DU DROIT GÉRÉ COLLECTIVEMENT.

Présentée et soutenue publiquement par :

Olga GRECHOWICZ Le 19 juin 2017

Sous la direction de : Agnès MAFFRE-BAUGÉ

Et le co-encadrement de : Bérengère GLEIZE Devant le Jury composé de :

Jean-Michel BRUGUIÈRE Professeur à l’Université de Grenoble-Alpes (Rapporteur)

Agnès ROBIN Maître de conférences-HDR à l’Université de Montpellier I (Rapporteur)

Patrick TAFFOREAU Professeur à l’Université de Nancy II

Alexis BOISSON Maître de conférences à l’Université de Grenoble-Alpes

(3)

À Mruki et à mon Père.

(4)

Avertissement

La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ;

ces opinions doivent être considérées comme étant propres à leur auteur.

(5)

Remerciements

Je souhaiterais que la présentation de ce travail soit l’occasion de remercier Mme Agnès Maffre-Baugé, ma directrice de thèse, pour ses patientes relectures, pour ses précieux conseils, mais aussi pour son soutien tout au long de cette thèse. Merci de m’avoir permis de découvrir la propriété intellectuelle, de m’avoir donné goût à l’étudier, puis de m’avoir permise de l’enseigner.

Je voudrais remercier Mme Bérengère Gleize, pour ces nombreuses années de travail en commun, pour son soutien, depuis la première année de licence, jusqu’à ce jour de la présentation de mon doctorat. Madame, sans votre introduction dans le « monde » du droit civil, et singulièrement du droit des biens, sans votre enthousiasme, je n’aurais jamais entrepris le présent travail. Merci de m’avoirproposé d’étudier la gestion collective.

Je tiens également à exprimer ma gratitude envers tous les membres du jury qui ont accepté de lire et de participer à l’évaluation de cette thèse. C’est un honneur de vous la présenter aujourd’hui.

M. Jean-Michel BRUGUIÈRE m’a accompagnée, au travers de ses ouvrages et de ses articles, tout au long de ce travail. Je vous remercie pour ces premiers cours d’introduction au droit et de m’avoir soutenue dans ma démarche.

Je suis très heureuse de pouvoir faire la connaissance de Mme Agnès Robin, que je remercie pour sa présence, et que j’ai l’impression d’avoir déjà rencontrée, tant sa thèse m’a inspirée sur des nombreux points.

Je remercie M. Patrick Tafforeau et M. Alexis Boisson, dont les écrits ont enrichi ma réflexion, et dont la présence ce jour constitue un véritable défi.

Je ne pourrais manquer, enfin, de remercier toutes ces personnes qui m’ont fait confiance, qui m’ont soutenue, qui m’ont permise d’aller jusqu’au bout. Merci à tous les professeurs et maîtres de conférences de l’Université d’Avignon, pour leur gentillesse et leur accompagnement. Merci à l’ensemble du personnel administratif, qui a toujours été aimable et nous aidait au quotidien. Merci à mes collègues, singulièrement Cécile Deschanel et Abdenbi Allouch, pour ces années de travail commun et pour votre soutien.

Merci à ma Mère, à mon Père, à Mathias, à M. et Mme Chanéac, à mes frères et ma sœur, ainsi qu’à Iwona Jankowska. Vous avez tous participé, à votre manière, à cette étude.

Enfin, merci à petit Adrien : tu es mon soleil et tout ce qui me motive.

(6)
(7)

LA LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

ADPIC Accord sur les aspects des droits de propriété

intellectuelle qui touchent au commerce

Aff. Affaire

Al. Alinéa

AMPA Association de médiation et d’arbitrage des

professionnels de l’audiovisuel

Ann. Annales

Ann. Propr. Ind. Annales de propriété industrielle, artistique et littéraire Arch. Phil. Droit Archives de philosophie du droit Dalloz

Art. Article

Ass. Plén. Assemblée plénière

Bibl. dr. privé Bibliothèque de droit privé Bibl. Dr. soc. Bibliothèque de droit social

Bull. Bulletin

Bull. civ. Bulletin des arrêts de chambres civiles de la Cour de cassation

Bull. Joly Bulletin Joly des sociétés

c. Contre

CA Cour d’appel

Cass. ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation

Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Cass. soc Chambre sociale de la Cour de cassation

CCE Revue Communication Commerce électronique

C.E. Conseil d’État

chron. Chronique

Civ. 1re Première chambre civile de la Cour de cassation Civ. 2ème Deuxième chambre civile de la Cour de cassation Civ. 3ème Troisième chambre civile de la Cour de cassation

CJUE Cour de Justice de l’Union Européenne

Coll. Collection

Contra Solution contraire

(8)

CPI Code de la propriété intellectuelle

D. Recueil Dalloz

Défrénois Répertoire du notariat Défrénois

DIP Droit international privé

Doctr. Doctrine

DP Recueil Dalloz périodique

DPCI Droit et pratique du commerce international Dt et patr. Revue Droit et patrimoine

Éd. Édition

Fasc. Fascicule

GAJC Grands arrêts de la jurisprudence civile

GAPI Grands arrêts de la propriété intellectuelle

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Ibid. ibidem. Au même endroit

in Dans

Infra Ci-dessous

IR Information rapide

IRPI Institut de recherche en propriété intellectuelle

J.-Cl. Juris-classeur

J.-Cl. Civil Juris-classeur civil

JCP G Juris-classeur périodique, édition générale JCP E Juris-classeur périodique, édition entreprise JCP N Juris-classeur périodique, édition notariale

Jurispr. Jurisprudence

La doc. Française La documentation française

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

Obs. Observations

OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle Op. cit. Opere citato, dans l’ouvrage précité

P. Page

PIBD Propriété industrielle bulletin documentaire

Préc. Précité

Propr. Intell. Propriété intellectuelle

PUAM Presse Universitaire d’Aix-Marseille

(9)

PUF Presse Universitaire de France

RDC Revue de droit des contrats

Rép. civ. Répertoire de droit civil

Rep. not. Répertoire de droit notarial

Req. Chambre des requêtes de la cour de cassation

Rev. Sociétés Revue des Sociétés

RIDA Revue internationale de droit administratif

RIDC Revue internationale de droit comparé

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commerciale

S. Recueil Sirey

s. suivant

SACD Société des auteurs et compositeurs dramatiques

SACEM Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique SCAM Société civile des auteurs et compositeurs dramatiques

SDGL Société des gens de lettre

Somm. Sommaire

Spéc. Spécialement

Supra Ci-dessus

T. Tome

TGI Tribunal de grande instance

TI Tribunal d’instance

Trad. Traduction

Trib. Civ. Tribunal civil

UE Union Européenne

V. Voir

Vol. Volume

(10)

9

SOMMAIRE

Avertissement ... 3

INTRODUCTION ... 11

PARTIE I. ─ LA STRUCTURE DU CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE. ... 35

TITRE I. — L’OBJET DU CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE. ... 37

Chapitre I. — L’œuvre, objet apparent de la gestion collective. ... 41

Chapitre II. — Le droit d’exploitation, l’objet juridique de l’obligation de gestion. ... 87

TITRE II. LA QUALIFICATION DU CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE. ... 111

Chapitre I. — Les qualifications exclues. ... 113

Chapitre II. La qualification retenue. ... 190

PARTIE II. — LA DYNAMIQUE DU CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE. ... 216

TITRE I. — LE FONCTIONNEMENT DU CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE. 218 Chapitre I. — Le régime de la cession avec charges. ... 219

Chapitre II. L’affectation, un mécanisme caractéristique du contrat de gestion collective. ... 269

TITRE II. LES EFFETS DU CONTRAT DE GESTION COLLECTIVE SUR LA NATURE DU DROIT TRANSMIS. ... 307

Chapitre I. — L’exercice concurrent de la propriété dans la gestion collective. ... 309

Chapitre II. La division de la propriété par la gestion collective. ... 336

CONCLUSION GÉNÉRALE. ... 394

TABLE DES MATIÈRES ... 397

BIBLIOGRAPHIE ... 403

(11)

10

« C’est, sans doute, parce qu’il était pénétrant dans l’analyse des puellae que Lewis Caroll, dans Alice au pays des merveilles, a raconté cette extraordinaire partie des croquets où il fallait jouer avec les flamants vivants en guise de maillets, des hérissons vivants en guise de boules, des valets vivants en guise d’arceaux. Mais le conte a une profondeur qui atteint à la philosophie du droit. Au pays des merveilles, il n’y avait pas de règles, ou, s’il y en avait, personne n’y prêtait attention, parce que, dans le jeu, tout était vivant et s’échappait ».

CARBONNIER, Flexible droit, 10e éd., LGDJ, 2001, p. 117.

« La propriété est nécessaire ; mais il n’est pas nécessaire qu’elle reste toujours dans les mêmes mains ».

DE GOURMONT, Promenades philosophiques (troisième série), Mercure de France, Paris 1909.

(12)

11 INTRODUCTION

1. La réservation individuelle. — « Si, pour étancher sa soif, un individu a plongé sa tasse dans l’eau d’un ruisseau, ou, pour assouvir sa faim, réuni de la nourriture, ou, pour protéger son corps, conçu un vêtement, et que des tiers peuvent lui dire en toute légitimité que ces biens ne lui appartiennent pas, qu’eux seuls en sont les propriétaires, et qu’ils peuvent de plein droit l’en déposséder, sans son consentement, alors les droits de ce dernier de pourvoir à la préservation de sa propre vie et à la jouissance de son bonheur sont éteints »1. Juriste et entrepreneur américain, Lysander SPOONER, décrira en ces termes, gorgés d’images, la connexion entre l’activité humaine et l’appartenance des choses. Il mit ainsi en lumière à la fois les sources et l’intérêt de l’appropriation privative, en tant qu’elle permet de réaliser la réservation d’une richesse au profit de celui qui l’a fabriquée. La phrase, exprimée à propos de la propriété corporelle, garde toute sa vigueur à l’égard de la propriété littéraire et artistique, dont l’assiette est dépourvue de matière. Les idées originales, habillées par l’auteur d’une forme perceptible, proviennent de cet instinct naturel de tout homme à relater ce qu’il a de plus créatif et de plus cher à l’intérieur de lui. Elles constituent le fruit d’un travail, dévolu à celui qui l’a réalisé2.

Les idées, les événements à découvrir, les méthodes et les concepts, demeurent des objets hors de portée de la « main » invisible de l’appropriation. Cependant, dès lors qu’une personne façonne, dans son esprit, une de ces idées, puis en communique le contenu au travers d’une forme qu’il a sélectionné, la création débute et, avec elle, la réservation. Entre l’apparition ou la découverte d’une idée, la démarche de transformation qui se produit dans le cerveau de l’artiste, puis son extériorisation, la propriété se voit ouvrir la porte par le droit,

1 L. SPOONER, Plaidoyer pour la propriété intellectuelle, Les belles lettres, coll. Bibliothèque classique de la liberté, Préf. A. LAURENT, 2012, p. 19 et 20.

2 LOCKE, Le second traité du gouvernement civil. Essai sur la véritable origine l’étendue et la fin du gouvernement civil, trad. et introd. par J.-F. Splitz, PUF, 1994, p. 22 et s., §27 et s. : pour ce philosophe, l’homme est d’abord propriétaire de lui-même. Le fruit de son travail constitue la prolongation de sa personne, sa propriété, ce qui permet de l’exclure de l’usage de la communauté. Or, de nombreux auteurs modernes rattachent la propriété intellectuelle à ce courant de pensée : J. TULLY, Locke. Droit naturel et propriété, trad. par Ch. J.

Jutner, PUF, 1992, Léviathan, p. 158-162. Plus généralement, l’influence de Locke sur l’édification du droit d’auteur est reconnue, car le lien entre l’auteur et le fruit extériorisé de son imagination est plus fort que celui qu’il est susceptible d’entretenir avec n’importe quelle chose qu’il transforme : L. PFISTER, L’auteur, propriétaire de son œuvre. La formation du droit d’auteur du XVIème siècle à la loi de 1957, thèse, Strasbourg, 1999, p. 206.

(13)

12 puis s’y installe, lorsque les conditions posées sont satisfaites3. Le principe d’appropriation

« du seul fait de la création » est garanti par le Code de la propriété intellectuelle4. Cependant, dans les faits, cette appropriation est fragilisée. Face à une multitude de consommateurs culturels, d’exploitants avides de réaliser des profits en faisant des économies de temps et de moyens, l’auteur peine à faire valoir son droit de propriété incorporelle. Voici la première raison de l’émergence et du succès du phénomène de la gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins. D’aucuns affirment que celle-ci est devenue un moyen incontournable d’exercice des droits de propriété intellectuelle5.

2. La protection collective de la réservation individuelle. — En adhérant à une société de gestion collective, l’auteur la charge d’autoriser l’exploitation de l’œuvre à sa place. Celle- ci doit négocier auprès des exploitants, poursuivre en justice les contrefacteurs, et s’assurer de l’effectivité du droit dont bénéficie son associé6. Toutes ces opérations nécessitent un accord préalable, formalisé par le contrat d’adhésion : « l’autorisation de gestion », suivant la terminologie issue de la réforme du 22 décembre 20167. Qualifié communément d’apport8,

3 Le droit d’auteur organise l’appropriation des idées formalisées : « Les idées et les événements appartiennent à tous, y compris les idées originales et les événements inconnus. Mais l’idée de l’idée marque déjà quelque ébauche de création ou de révélation. Or, dans le temps où l’auteur, le journaliste s’emploie à conférer une forme et structure à ce qui occupe son esprit, il façonne l’idée et cristallise la nouvelle et agit déjà dans la perspective d’une prise de possession, voire d’appropriation sur le fruit de son action, son message » : F. TERRÉ, Ph.

SIMLER, Droit civil. Les biens, 9e éd., coll. « Précis », Dalloz, 2014, p. 12, n° 9. Adde : T. REVET, La force de travail. Étude juridique, Préf. F. ZENATI, Litec, 1992, spéc. p. 15 et s., n° 15 et s. L’auteur explique la différence existant entre le travail-activité et le travail-résultat. En raison de son fort rattachement à la personne du travailleur, le travail-activité n’est pas considéré comme un objet appropriable. Seul le travail-résultat est considéré comme bien. T. REVET défend l’idée selon laquelle une sorte de quasi-propriété pourrait appréhender la force de travail. Or, le droit d’auteur est un mécanisme typique de l’appropriation d’un résultat. Cependant, l’œuvre présente quelquefois des liens étroits avec l’action, notamment dans les œuvres du body art ou encore du street painting. L’acte créatif participe parfois de l’œuvre, auquel cas il devient difficile de dissocier l’action de son résultat.

4 L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle exprime le principe d’appropriation du seul fait de la création, indépendante de toute formalité et résultant de l’activité de l’auteur.

5 Ph. GAUDRAT, « Réflexions dispersées sur l’éradication méthodique du droit d’auteur dans la « société d’information » », RTD com. 2003, p. 285, n° 75 : « La vérité est que, même affaiblis, parfois discrédités, quelques fois détournés, souvent divisés, ces groupements sont les seuls qui puissent faire entendre la voix des créateurs et des interprètes. A raison de la qualité de leurs sociétaires, ils sont aussi les dernières entités susceptibles, par leur représentativité et les sommes brassées, de prendre rang dans le concert lobbyiste ».

6 N. BOUCHE, « Sociétés civiles de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits voisins », Rép.

civ., Dalloz, 2016, n° 8 et s.

7 Ordonnance n° 2016-1823 du 22 décembre 2016 portant transposition de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins et l'octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur, JORF n° 0298 du 23 décembre 2016, texte n° 63.

(14)

13 l’acte réalisé par tout auteur, artiste-interprète ou ayant droit lors de l’adhésion aux statuts, mérite un examen attentif, car il constitue un préalable nécessaire à l’ensemble des opérations de gestion collective. Or, les termes statutaires sont différents d’une société à l’autre. Dans ces circonstances, il est difficile de cibler la nature du contrat qui permet sa mise en œuvre.

Tandis que la loi est restée longtemps silencieuse sur le sujet, la jurisprudence a apporté des réponses variables et contradictoires, ne permettant pas de discerner sa qualification.

3. Les éléments constitutifs, l’économie générale, les finalités, ainsi que les effets du contrat de gestion collective doivent donc être éprouvés à l’égard des catégories contractuelles du droit civil. L’acte semble, à première vue, dépourvu de gravité. Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 322-1 du Code de la propriété intellectuelle suggère qu’il s’agit d’un contrat ne réalisant pas nécessairement la dépossession corrélative de l’auteur, crainte par la doctrine9 et la jurisprudence10. Néanmoins, l’omniprésence de la notion de cession dans le Code et la référence, constante, à l’« apport des droits » dans les organismes de gestion collective, invitent à réfléchir sur sa véritable nature juridique.

4. L’étude du contrat de gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins exige de mobiliser les notions et les catégories de plusieurs domaines différents du droit.

L’identification d’un acte mettant en œuvre plusieurs corps de règles, tantôt de droit commun, tantôt du droit de propriété intellectuelle, nécessite l’adoption d’une approche transversale. Le

8 Même après l’adoption de la récente réforme de la gestion collective, le Code utilise, de façon synonyme, les termes d’« autorisation de gestion » et d’« apport » relativement à l’acte faisant l’objet de la présente étude. V., p. ex., l’article L. 322-3 du Code de la propriété intellectuelle, rédigé comme il suit : « L'autorisation de gestion des droits par l'organisme de gestion collective porte, au choix du titulaire, sur tout ou partie des droits, catégories de droits, types d'œuvres ou autres objets protégés et territoires définis par les statuts ou le règlement général de l'organisme. L'étendue de cette autorisation est précisée dans un document auquel le titulaire de droits a donné son consentement, y compris par voie électronique.

La liberté de définir l'étendue des droits que leur titulaire autorise un organisme à gérer ne fait pas obstacle à ce que l'organisme fixe, compte tenu de son objet social, de son activité et de ses moyens, les cas dans lesquels un apport de droits indissociables peut être imposé en vue d'en garantir une gestion efficiente ».

9 V., p. ex. : F. MACREZ, « L’exploitation numérique des livres indisponibles : que reste-t-il du droit d’auteur ? », D. 2012, p. 749.

10 « L'adhésion de l'artiste-interprète s'analyse non pas en une cession emportant aliénation de ses droits puisqu'il ne s'en dépossède pas mais comme un apport en gestion de ceux-ci, car il conserve le profit de leur exploitation (...) l'apport singulier que l'artiste réalise en adhérant aux statuts n'est d'ailleurs pas un acte de disposition mais un acte d'administration. Que cependant, il ne s'agit pas d'un simple mandat tel qu'énoncé à l'article 2004 du code civil (...) dans la mesure où notamment, son apport est consenti pour la durée de la société (sauf si l'associé décide de se retirer en respectant les conditions précises fixées par l'article 2 des statuts) et où, en contrepartie de celui-ci, il reçoit une part sociale » : Paris, pôle 5, ch. 2, 25 septembre 2009, n° 08/4612, Sté Europe 1 télécompagnie c/ Sté civile Spedidam, Propr. intell. janvier 2010, p. 632 et 638, obs. A. LUCAS ; RTD com.

2010, p. 126, obs. F. POLLAUD-DULIAN.

(15)

14 contrat permettant la mise en œuvre de la gestion collective du droit d’auteur forme l’objet de la présente étude (I). La recherche de la nature de ce contrat original, dans sa structure, sa façon de fonctionner, ainsi que son impact juridique et économique, constitue l’intérêt du sujet (II), dont les limites doivent être fixées (III) à l’examen de la gestion collective en droit français. L’exposé de la démarche adoptée, ainsi que du plan de l’étude résulteront de l’ensemble de ces éléments.

I. L’objet de la recherche.

5. Plan. Avant d’être gérée collectivement, l’œuvre doit exister et satisfaire aux conditions de protection posées par le droit de la propriété littéraire et artistique. L’étude du droit d’auteur, en tant qu’une récompense au profit de son titulaire (A), est une étape primordiale pour comprendre les raisons de l’émergence, puis le fonctionnement de la gestion collective (B).

A. Le droit d’auteur, une récompense juridique.

6. Un droit autonome. Développé à l’extérieur du Code civil, le droit de la propriété littéraire et artistique présente les traits d’une matière autonome. La propriété reconnue au profit de l’auteur dans le dessein de récompenser le résultat de son activité créatrice, est régie par un corps de règles spécifique, enfermé dans le Code de la propriété intellectuelle. Si la construction du droit d’auteur a pour modèle l’article 544 du Code civil, les particularités qui la caractérisent en font certainement une propriété spéciale11, distincte de celle qui appréhende les choses corporelles.

7. L’article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle sépare catégoriquement l’œuvre de l’esprit et le support qu’elle incarne. Il s’agit seulement de sa « structure formelle »12. La connexité entre le support la forme réside uniquement dans la fonction que celui-ci est amené à remplir13. Le bien matériel portant l’œuvre de l’esprit est un « véhicule »

11 J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD, T. REVET, « De la propriété comme modèle », in Mélanges A.

Colomer, Litec, 1993, p. 281-305.

12 O. PIGNATARI, Préf. Ph. GAUDRAT, Le support en droit d’auteur, éd. Larcier, 2013, p. 18, n° 12.

13 Ibid.

(16)

15 au service de l’extériorisation de l’idée de l’auteur. Toute confusion est dangereuse, tant sur le plan du droit d’auteur que sur le plan du droit des biens corporels14. En toute hypothèse, la propriété de l’auteur porte sur l’œuvre, immatérielle, distincte du corps à travers lequel elle se présente aux sens, même si elle peut par ailleurs entretenir une relation fusionnelle avec celui- ci. Il s’agit d’une propriété présentant tous les caractères qui lui sont « ordinaires » : l’absolutisme, l’exclusivité et la perpétuité. Le « lien de parenté » entre le droit d’auteur et la propriété du Code civil paraît incontestable. La reconnaissance des prérogatives d’ordre moral en constitue un prolongement. CABRILLAC écrivit que l’œuvre est destinée à « (…) prolonger dans le temps et aussi dans l’espace sa personnalité, et, par-là, multiplier sa responsabilité. La paternité spirituelle lui en demeure perpétuellement attachée par des liens insolubles »15.

8. Pour accéder à la propriété artistique, l’auteur doit faire œuvre de création. Il s’agit du résultat d’un travail, d’un choix esthétique, de la mise en œuvre de techniques particulières. N’importe quel type d’œuvre est protégeable. Ce qui appartient en propre à l’auteur, est la façon dont il comprend une idée, un concept, une démarche, une couleur, voire un ton.

14 Dans la célèbre affaire du Café Gondrée, la Cour de cassation avait pourtant décidé que le propriétaire d’un bien immeuble pouvait s’opposer à la reproduction de celui-ci par des tiers, participant ainsi à créer une impression d’empiétement du droit de propriété intellectuelle sur celle des biens corporels : Cass. civ. 1re, 10 mars 1999 : Bull. civ. I n° 87, p.58 ; D. 1999, Jurispr. p. 319, concl. J. SAINTE-ROSE et note E. AGOSTINI ; RTD com. 1999, p. 397, obs. FRANÇON ; RDI 1999, p. 187, obs. J.-L. BERGEL ; JCP 1999, II, 10078, obs. P.- Y. GAUTIER et Cass. civ. 1re, 2 mai 2001 : Bull. civ. I, n° 114 ; D. 2001.1973, note J.-P. GRIDEL ; JCP G 2001, II.10553, note Ch. CARON ; JCP E 2001, p. 1386, note M. SERNA ; Defrénois, 2002, article 37497, note S. PIEDELIÈVRE ; Petites affiches, 22 août 2001, n° 167, p. 8, J.-M. BRUGUIÈRE ; Légipresse, 2001, n° 183, III, p. 115, note G. LOISEAU ; RTD civ. 2001, p. 618. Cette solution fut néanmoins abandonnée, car si la reproduction de l’image d’un bien corporel constituait une atteinte au droit de propriété de l’article 544 du Code civil, alors celle de l’œuvre dont elle est susceptible de devenir le support serait vidée de son sens : Cass. Ass.

plén., 7 mai 2004, Hôtel de Girancourt, préc. Selon B. GLEIZE, les solutions adoptées postérieurement par la Haute cour permettent de dissocier la chose et l’image dont elle est porteuse : « (…) si l’exclusivité sur la chose ne s’étend plus à l’image de la chose, c’est que l’image ne se confond plus avec la chose qu’elle représente » : La protection de l’image des biens, préf. de J.-M. BRUGUIÈRE, Défrenois, Lextenso-éditions, 2008, p. 229-231.

Cette dissociation a été critiquée par T. REVET, pour qui la propriété de la chose corporelle doit comprendre l’ensemble des éléments, ainsi que des propriétés physiques de la chose sur laquelle elle porte : « La Cour de cassation teste une nouvelle figure juridique : un propriétaire non propriétaire », op. cit. Dans le même sens : F.

ZENATI-CASTAING, « Propriété et droits réels », RTD civ. 1999, n° 4, p. 866, pour qui l’image d’un bien n’en est qu’une dimension. Une partie de la doctrine estime néanmoins que la référence au « trouble anormal », nécessaire pour engager la responsabilité de l’auteur de la reproduction de l’image d’un bien appartenant à autrui depuis cet arrêt, renvoie toujours à la propriété, car elle est connectée à la théorie des troubles du voisinage : F.

SIIRIAINEN, « Une autre image de « l’image des biens… et de la propriété », CCE 2004, étude 35, p. 22-26.

15 CABRILLAC, La protection de la personnalité de l’écrivain et de l’artiste. Essai sur le droit moral, thèse, Montpellier 1926, p. 6.

(17)

16 L’essentiel, au-delà de la forme perceptible qu’il choisit pour la manifester, se niche dans sa manière, personnelle, de la penser et de l’exprimer16.

9. L’œuvre doit donc exister en dehors de l’esprit17. La forme qui véhicule l’idée doit être originale : elle doit présenter une part de sa personnalité. Elle doit être représentative d’une partie de l’artiste lui-même, aussi minime soit-elle18. Tantôt, elle exprime ses passions, ses préférences, ses amours ; tantôt, elle ne consiste qu’en un choix, plus ou moins imposé par la technique de réalisation. Ceci étant dit, l’auteur doit infuser quelque chose dans l’objet créé19.

L’œuvre ne doit cependant être ni nouvelle, ni belle, ni fonctionnelle. Les conditions de protection au titre du droit d’auteur sont indifférentes au mérite, au genre et à la destination20.

10. L’accès de l’œuvre à la protection donne corrélativement naissance au droit d’auteur, une véritable récompense lui permettant de l’exploiter et de percevoir une rémunération, qui est en principe proportionnelle aux recettes21. L’exploitation de l’œuvre est naturellement

16 BRY a brillamment décrit le propre de l’auteur en ces termes : « La composition, l’expression de la pensée, la façon de comprendre l’idée, de lui donner une forme, un ton, une couleur, voilà ce qui constitue le propre de l’auteur » : BRY, Traité de la propriété industrielle, littéraire et artistique, 3e éd., Sirey, 1914, p. 556.

17 V., sur ce point, une analyse intéressante, qui voit dans le système nerveux central le support personnel de l’auteur, à distinguer de la forme externe de l’œuvre : O. PIGNATARI, op. cit., p. 28, n° 55 et s.

18 A. MAFFRE-BAUGÉ, L’œuvre de l’esprit, empreinte de la personnalité de l’auteur ?, thèse, Montpellier 1997, p. 329, n° 296 : l’auteure observe que le critère de l’empreinte personnelle n’a pas perdu son caractère subjectif, au profit du critère objectif de nouveauté, malgré la confusion qui semble s’installer en jurisprudence ; S. ALMA-DELETTRE, Unité ou pluralité des propriétés intellectuelles ?, thèse, Montpellier, 1999, p. 177, n°

254 ; p. 209 et s., n° 305 et s. : si l’auteure retient une vision « personnaliste » du critère d’originalité, elle suggère que celui-ci a perdu de son caractère subjectif. Aussi, sous la notion d’originalité se cacheraient les notions d’apport créatif et de nouveauté.

19 CABRILLAC propose de décrire l’œuvre comme une part de la chair de l’artiste, au sens de sa vie : « Et, en effet, l’œuvre d’art n’est pas seulement le jeu pur de règles idéales, c’est aussi un peu de la chair même de l’artiste, qui lui a prêté ses sentiments, ses passions, en un mot, sa vie. Sur cette partie détachée de lui, le créateur doit conserver des droits » : CABRILLAC, La protection de la personnalité de l’écrivain et de l’artiste. Essai sur le droit moral, thèse préc., p. 5. Selon Ph. GAUDRAT, l’originalité est consubstantielle à la notion d’œuvre.

« Le droit français intégra dans la propriété la fonction qualitative et affective de l’amateur, pendant exact de la fonction de création : ce que recherche l’amateur, ce qui le pousse à se faire consommateur, c’est ce qu’infuse l’auteur : autrement dit, l’originalité. Celle-ci ne peut être que subjective puisqu’elle nourrit un mécanisme identitaire » : Ph. GAUDRAT, « La propriété intellectuelle : une pensée unique ou modèles multiples ? », RTD com. 2011, p. 562.

20 Il convient de citer ici l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui est sans équivoque à ce sujet : « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ».

21 Article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle.

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17 opérée par le biais du contrat, l’accord de volontés étant la technique la plus adaptée pour assurer la circulation et le partage des richesses22. Étant des biens, les œuvres devraient pouvoir faire l’objet des cessions. Le Code de la propriété intellectuelle valide expressément cette possibilité. Celles-ci devraient également pouvoir être exploitées sous forme de concessions. Or, le Code ne renvoie qu’indirectement au louage, à travers le terme d’« autorisation ». L’existence de cette distinction en matière du droit d’auteur est discutée23. Ainsi, l’adoption par l’ordonnance du 22 décembre 2016 du terme « autorisation » relativement au contrat de gestion collective ne permet pas, d’emblée, de préjuger de sa nature juridique.

11. Les contrats négociés et conclus individuellement par l’auteur peuvent s’avérer désavantageux pour le moins informé. Le droit des contrats d’auteur est un droit de protection : le créateur est un contractant faible aux yeux du législateur, qui veille à l’équilibre entre les parties et entre les prestations convenues. Le formalisme24 des contrats d’auteur, imposé par la loi, en témoigne.

La pratique a développé, de son côté, des moyens de protection collectifs. La mise en commun des droits de propriété artistique au travers de l’apport en société devrait pallier les difficultés d’exploitation et de négociation individuelles. Les sociétés de gestion collective exigent toutes la réalisation d’un apport des droits dans le dessein de remplir leur mission. Il convient dès lors de définir l’apport en société pour le confronter avec le contrat permettant la l’organisation de la gestion collective des droits d’auteur.

B. La gestion collective, émergence et fonctionnement.

12. La nature des droits exercés. — Pour cerner la nature des prérogatives exercées par les organismes de gestion collective, il conviendrait de mesurer l’étendue de l’« apport »

22 M.-A. FRISON-ROCHE, « Contrat, concurrence, régulation », RTD civ. 2004, p. 451, n° 7 et s. ; « Le contrat et la responsabilité : consentements, pouvoirs et régulation économique », RTD civ. 1998, p. 43, n° 15 et 16.

23 A., H. J. LUCAS et A. LUCAS-SCHLOETTER, Traité de la propriété littéraire et artistique, 4e éd., LexisNexis, 2014, p. 557, n° 630 ; A. BOISSON, La licence de droit d’auteur, LexisNexis, 2013, p. 45 et s., n° 8 et s.

24 A. ÉTIENNEY DE SAINTE MARIE, « L’objet des cessions en droit d’auteur : l’interprétation des contrats entre droit commun et droit spécial », RTD com. 2013, p. 669 ; A. BORIES, Le formalisme dans les contrats d’auteur: contribution à l’édification d’un droit d’auteur économique, thèse, Montpellier I, 2007 ; éd. PUAM, 2010.

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18 réalisé. Les apports en nature ont pu être rapprochés des techniques contractuelles de droit commun, en raison de la proximité de leurs effets respectifs. Les auteurs25 distinguent les apports en propriété, qui prennent la forme d’une cession, et les apports en usufruit temporaire, qui seraient analogues au contrat de louage des choses. D’autres types, comme le mandat, ont également été invoqués, pour transposer les techniques de représentation en droit des sociétés.

13. La confrontation du contrat de gestion collective aux catégories issues du droit des sociétés s’impose en raison de ses origines. En effet, celui-ci participe de l’établissement et de l’essor d’un type particulier de sociétés, ayant pour objectif la protection des intérêts, pécuniaires et moraux, des auteurs-adhérents. Le contrat de gestion collective est toujours conclu dans l’objectif d’une gestion mutualisée des biens appartenant aux associés. Derrière l’idée de collectivisation, les sociétés d’auteurs et d’artistes26 s’inscrivent surtout dans une mission de défense des intérêts individuels. Leurs origines, leurs modalités de fonctionnement, ainsi que les objectifs qu’elles poursuivent sont autant d’éléments permettant d’identifier la nature de l’acte qui en conditionne l’existence.

14. Les origines historiques de la gestion collective. — En 1777, Beaumarchais réunit ses amis auteurs autour d’un souper pour leur proposer de s’unir pour lutter contre les représentations « sauvages » de leurs œuvres par certaines salles de spectacle parisiennes. Le mouvement qu’il inspire participe de la reconnaissance légale du droit d’auteur par l’Assemblée Constituante, le 13 janvier 1791. Vingt-deux auteurs forment ainsi le Bureau de Législation Dramatique, qui devient, en 1829, la SACD, la première véritable société de gestion collective. La solidarité et l’action collective deviennent, dès l’origine, les mots d’ordre de celle-ci. Ils en sont devenus le moteur, synonyme de puissance27. Puis, en 1850, sous l’impulsion d’Ernest Bourget, naît le Syndicat provisoire des Auteurs et Compositeurs de

25 V. notamment : H. BLAISE, L’apport en société, thèse, Rennes, 1955, p. 94, n° 66 et s.

26 C’est la dénomination de « l’organisme de gestion collective » qui a été privilégiée dans la réforme du 22 décembre 2016. L’ancienne référence aux sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) a simplement été abandonnée.

27 Comme le décrit Y. DIRINGER, « puiser dans la solidarité de l’action collective la force nécessaire pour mettre un terme aux abus de la comédie française était l’objectif premier des auteurs dramatiques réunis autour de Beaumarchais lorsque fut portée sur les fonts baptismaux la première société d’auteurs » : Y. DIRINGER, Gestion collective des droits d'auteur et droit de la concurrence. Pour une relecture à l'heure d'Internet, op. cit., p. 243, n° 319.

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19 Musique : la future SACEM. Le premier objectif de ses membres consiste à obtenir la rémunération des représentations musicales dans le plus connu café-concert parisien de l’époque, « Les Ambassadeurs ». Le répertoire gagne rapidement en ampleur, pour se généraliser à toutes sortes d’œuvres musicales, provenant de l’ensemble du territoire. Les auteurs de grande renommée rejoignent successivement la société : G. Rossini, H. Berlioz, G.

Verdi, R. Wagner, M. Ravel, G. Bizet, J. Offenbach, A. Bruant, mais aussi J. Vernes, V. Hugo et A. Daudet en deviennent membres.

15. En 2014, la SCAM28 met en ligne un message à destination des créateurs-internautes :

« Vous voulez protéger votre projet avant d'en parler ? (…) Ici, en quelques clics, votre projet est cadenassé (…) à l'instant T, par une signature électronique authentique »29. Près de trois siècles séparent le moment où Beaumarchais réunissait ses compagnons pour mieux défendre, puis mettre en valeur leurs œuvres, et la publication de ce message par les sociétés de gestion collective modernes, proposant des services proches d’un dépôt. Ces organismes connaissent donc trois siècles de fonctionnement constant et de développement technique corrélatif, qu’ils intègrent constamment en vue de remplir leurs objectifs. Le contexte socio-économique fût et demeure propice à l’essor de la gestion collective. Celui-ci il a toujours été le « fioul » de la

« machine » qu’elle constitue.

16. Contexte socio-économique de la gestion collective. L’économie du marché repose aujourd’hui en grande partie sur la consommation de la création30. L'afflux des capitaux dans le domaine des biens culturels est engendré par un développement constant de leur consommation par les populations occidentales. Les montants consacrés par les foyers aux loisirs impliquant la création sont en croissance constante, depuis maintenant des décennies. La consommation de masse des œuvres augmente le poids économique des industriels du secteur et attire les investisseurs31. Les dépenses de la population la plus riche

28 Société Civile des Auteurs Multimédia.

29 Sur ce nouveau dispositif, v. F. MEURIS, « La création d’un dépôt aux effets probatoires », CCE n° 2, février 2015, alerte 14.

30 S. ALMA-DELETTRE, Unité ou pluralité des propriétés intellectuelles ?, thèse préc., p. 21, n° 11 : « La

“logique” de marché a ainsi envahi le monde du droit d’auteur ».

31 Sur ce thème, v. : G. HENRY, L'évaluation en droit d'auteur, Préf. P.-Y. GAUTIER, thèse, Litec, 2007, p. 3.

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20 dans le monde sont aujourd'hui réparties de façon égale entre la consommation d'expériences culturelles, l'acquisition des produits manufacturés et des services de base32.

Les économistes ont un mot pour désigner ce mouvement : il s’agit de la « nouvelle économie », basée sur la consommation culturelle, qui a, au fil du temps, acquis une définition propre. Celle-ci peut être trouvée notamment dans le Lexique d’économie, publié sous la direction d’A. SILEM et A. GENTIER : « Avec le développement de la convergence de l'informatique, de l'audiovisuel et des télécommunications (plus particulièrement les réseaux à large bande de transport rapide des images, du son et des données) la nouvelle économie désignerait cet état de développement, dans lequel les technologies de l'information jouent un rôle important »33. L’économie est centrée sur le marché des œuvres de l’esprit dans une dimension jamais connue de notre histoire34. Grâce à l’essor des techniques de reproduction et, singulièrement, de la numérisation, la création a acquis une place d’importance dans les échanges économiques. L’explosion des moyens sophistiqués de représentation par le biais de l’écran et l'évolution constante des réseaux de télécommunication modernes (comme Internet, le câble, le satellite, et la téléphonie) sont à l’origine d’un changement de paradigme dans la réception de la création par le public. Dans ce contexte de facilité de communication, un droit privatif constituant une entrave à la libre circulation des biens intellectuels est en proie à des vives critiques. La réservation de l’incorporel fait l’objet de débats qui, pour certains, visent directement à sa suppression.

17. Le débat sur la réservation de l’immatériel. — Depuis plusieurs décennies, le droit de propriété intellectuelle est stigmatisé par les exploitants et les consommateurs. Il s’agirait, selon les termes d’A. LAURENT35, d’une mauvaise habitude, d’ores et déjà entrée dans les mœurs. L’irrespect de la propriété de l’auteur et de l’artiste, qu’il qualifie d’« agissant et massif »36, est devenu un sérieux problème pour les ayants droit. Divers acteurs sont en cause, en commençant par les grandes sociétés déployant leurs activités sur Internet, les moteurs de recherche les plus célèbres, jusqu’aux internautes, refusant de payer pour accéder au contenu

32 J. RIFKIN, L’Âge de l'accès. La nouvelle culture du capitalisme, La Découverte Poche, 2000, p. 15.

33 A. SILEM et A. GENTIER, Lexique d'économie, 14e éd., Dalloz, 2016, v. « nouvelle économie ».

34 G. HENRY, L'évaluation en droit d'auteur, op. cit., p. 3.

35 A LAURENT, Préface de : SPOONER, Plaidoyer pour la propriété intellectuelle, Les belles lettres, coll.

« Bibliothèque classique de la liberté », 2012, p. IX.

36 Ibid.

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21 qui les intéresse. Pour certains, le droit d’auteur et les droits voisins sont devenus simplement une inadmissible entrave à la liberté de circulation des idées et au droit d’accès à la culture.

Procédant d’un abus légal, la protection offerte aux créateurs, « avides et égoïstes »37, serait dépourvue de logique et arbitraire. Autrement dit, la sphère des biens immatériels issus de la création devrait demeurer un lieu non réservé et non réservable, à l’instar des res communis.

Il s’avère difficile de surveiller la consommation et la circulation des créations protégées en ligne38 en raison de l’ampleur du phénomène. Les mécanismes de contrôle et de sanctions, instaurés récemment en France, ont été extrêmement mal reçus et fournissent l’illustration de l’extrême complexité du problème. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la loi dite « Création et Internet », ou encore « Hadopi »39, en date du 12 juin 2009, à l’origine de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet40. Il s’agit d’un organisme indépendant de régulation, avec pour mission de contrôler et, le cas échéant, poursuivre les internautes en cas de contrefaçon. Il est devenu difficile de concilier les intérêts divergents, entre la soif de l’accès à la culture et la nécessité de rémunération de ceux qui la créent. Diverses propositions tendent à réduire le droit de l’auteur sur son œuvre et le droit de l’artiste sur son interprétation à un simple droit à rémunération.

18. Certains auteurs vont jusqu’à accuser de vol les personnes souhaitant tirer les fruits légitimes de l’exploitation de leur création. D’après F. LATRIVE, les titulaires de droits tiennent un discours « apocalyptique », alors que la propriété intellectuelle est en constante expansion. La réservation de l’immatériel constituerait une voie ouverte pour la marchandisation de la connaissance41.

37 Ibid.

38 L.-M. DUONG, « Les sources du droit d’Internet : du modèle pyramidal au modèle en réseau », D. 2010, p.

783. L’auteur observe notamment que « le phénomène du web 2.0 a donné naissance à des sites communautaires sur lesquels les usagers déposent du contenu, généralement des fichiers vidéos, parfois au mépris du droit d’auteur ». Or, chaque loi technique permettant d’y remédier devient rapidement obsolète, car lesdits

« hébergeurs », qui déclinent leur responsabilité, trouvent toujours les moyens d’y échapper. L’auteur propose donc d’instaurer un modèle de droit négocié, entre les utilisateurs du réseau, les auteurs et les diffuseurs, pour parvenir à l’élaboration d’une sorte de lex electronica : Ibid, n° 21.

39 Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

40 Remplaçant l’ARMT (Autorité de régulation des mesures techniques), créée par la loi DADVSI (la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information).

41 F. LATRIVE, op. cit., p. 23.

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22 Les sociétés de gestion collective constituent une réponse juridique spontanée face aux reproches adressés, dès ses origines, à la propriété littéraire et artistique. Les arguments d’ordre économique et juridique, propres à justifier le recours à ce système, sont nombreux.

19. L’intérêt pratique de la gestion collective. — Le processus d’exploitation des droits d’auteur engendre des dépenses face auxquelles l’auteur individuel se trouverait démuni.

Celle-ci dépasse les compétences d’un artiste et engendre des frais considérables. Les exemples concrets permettent de l’illustrer.

Une œuvre musicale peut être reproduite sur un support digital, puis numérique, pour se fondre dans les canaux de grande distribution. Elle peut également être diffusée à la radio et à la télévision. La même œuvre peut être écoutée simultanément dans une salle d’attente et chez un coiffeur. Elle peut servir de sonnerie à l’usager d’un téléphone mobile, en même temps d’être interprétée sur scène. Un auteur isolé ne saurait se livrer à des investigations juridiques et techniques propres à lui assurer une rémunération juste face à une telle multitude d’usagers. La gestion individuelle des droits d’auteur est simplement peu rentable.

Pour les titulaires des droits, la gestion collective présente surtout un mécanisme porteur d’économies d’échelle. Un personnel compétent se charge de négocier à leur place. La négociation, collective, s’opère entre les organismes de gestion et les représentants de diverses catégories d’utilisateurs. Ceux-ci contribuent à l’instauration des relations stables et continues, grâce auxquelles les œuvres sont régulièrement exploitées et génèrent des redevances. De même, les rémunérations perçues sont collectées et distribuées aux associés de façon minutieuse. Le système de contrôle, permettant de veiller au respect des autorisations délivrées, de rechercher les contrefacteurs et d’intenter des actions en justice, fait de ces organismes les principaux acteurs de la défense d’intérêts, individuels et collectifs, de la profession qu’ils représentent.

Les sociétés de gestion collective constituent en outre un interlocuteur unique pour les utilisateurs, qu’il est aisé d’identifier et solliciter afin d’obtenir des autorisations nécessaires à l’exploitation de l’œuvre. Le système de « guichet unique » permet d’éviter de contacter une multitude d’ayants-droit. Grâce au contrat général de représentation, les tiers acquièrent l’accès à des vastes répertoires, dans lesquels ils peuvent puiser à volonté, sans avoir à conclure des contrats particuliers. Les redevances sont réglées sous forme de forfait, ajustable en fonction des besoins. Aussi, l’accès au répertoire d’œuvres est facilité et le coût d’exploitation réduit.

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23 Plus généralement, il convient de souligner la capacité de la gestion collective à simplifier les échanges et la diffusion des œuvres. Il s’agit d’une solution spontanée d’ordre privé face à l’échec des pouvoirs publics dans le contrôle de l’effectivité du droit d’auteur42. Or, les relations contractuelles individuelles sont susceptibles de la restreindre, car l’auteur n’est pas toujours à même de négocier les conditions d’exploitation conformes à son propre intérêt.

20. Du déséquilibre des parties au déséquilibre des prestations. — Le risque de position d’infériorité par rapport aux exploitants est, en effet, l’une des sources du succès connu par les organismes de gestion collective. Les activités qu’ils développent sont respectueuses du modèle personnaliste du droit d’auteur, prédominant en Europe. Il s’agit d’assurer la « défense de l’œuvre comme expression d’un individu créateur et non comme une valeur économique détachée de son auteur »43.

Cet objectif implique que la personne de créateur soit associée à toutes les formes d’exploitation de l’œuvre44. La législation tend à inciter à la création, à assurer une rémunération juste aux auteurs et à favoriser, à long terme, la diversité culturelle. Or, l’auteur est généralement considéré comme le « maillon » le plus faible de la chaîne de l’industrie culturelle45. Il arrive fréquemment que les conditions contractuelles qui lui sont proposées, « à prendre ou à laisser »46, deviennent une relation à laquelle il n’a fait qu’adhérer. En effet, les auteurs et les artistes manquent de puissance de négociation47. Le principal risque réside dans l’abus de la partie exploitante, qui est toujours encline à se voir consentir des avantages sans rapport avec la cession des droits dont elle bénéficie. Moyennant promesse d’une avance

42 « The spontaneous private solution to government failure in the enforcement of copyright law » :R. TOWSE, C. HANDKE, Regulating copyright collecting societies : current policy in Europe, SERCI, Annual Congress 2007, 12-13 July 2007. Disponible sur : http://www.serci.org/2007/towsehandke.pdf, p. 15. Document disponible uniquement en anglais, consulté en janvier 2017.

43 F. POLLAUD-DULIAN, « La loi du 11 mars 1957 a cinquante ans : Bilan et perspectives », RIDA, n° 213, juillet 2007, p. 35.

44 Y. DIRINGER, op. cit., t. I, p. 244, n° 320.

45 Ibid, t. I, p. 244, n° 320.

46 F. POLLAUD-DULIAN, Propriété intellectuelle. Le droit d’auteur, 3e éd., Economica, 2014, p. 1091, n°

1617-1.

47 V. T. DESURMONT, C. GUERNALEC, « Sociétés de perception et de répartition des droits. Notions générales », J.-Cl. Propriété Littéraire et Artistique, Fasc. 1560, LexisNexis, 2002 (date de fraîcheur : novembre 2016), n° 5.

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