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Submitted on 25 May 2020
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bioéconomiques dans les filières forêt-bois à l’échelle du territoire ?
Sylvain Caurla, Claire Montagné-Huck
To cite this version:
Sylvain Caurla, Claire Montagné-Huck. Quels outils économiques pour analyser les innovations bioé-
conomiques dans les filières forêt-bois à l’échelle du territoire ?. Innovations Agronomiques, INRAE,
2017, 56, pp.59-70. �10.15454/1.5137801193779648E12�. �hal-01608216�
Quels outils économiques pour analyser les innovations bioéconomiques dans les filières forêt-bois à l’échelle du territoire ?
Caurla S. 1 , Montagné-Huck C. 1
1 UMR INRA - AgroParisTech, Laboratoire d'Economie Forestière, 14 rue Girardet, CS 14216, F- 54042 Nancy Cedex
Correspondance : sylvain.caurla@inra.fr
Résumé
Cet article analyse le concept de bioéconomie et décrit la nature des outils économiques mobilisés pour l’explorer. Il s’inscrit dans le prolongement d’une réflexion initiée au sein du Laboratoire d'Economie Forestière.
Il découle de ce travail que la bioéconomie peut être interprétée par le biais de deux axes principaux : une première vision « disciplinaire » (bioeconomics) et une seconde vision plus « technico-industrielle » (bioeconomy). La vision disciplinaire de la bioéconomie peut elle-même s’ouvrir sur deux approches : le courant de Georgescu-Roegen, qui vise à modifier profondément la conception de l’économie (analyse économique comme cycle ouvert intégré dans un cycle biologique fermé) et le courant visant à intégrer les disciplines économie et biologie, lequel n’est pas forcément incompatible avec les principes de l’analyse économique néoclassique. La vision plus « technico-industrielle » et politique, quant à elle, s’intéresse principalement à la création de richesse (voire de croissance) à partir de la ressource renouvelable biomasse.
Mots-clés : Bioéconomie, Economie, Outils économiques, Filière forêt-bois, Durabilité
Abstract: Which economic tools to analyse bioeconomic innovations for forest sector at regional scale?
This paper analyzes the concept of bioeconomy and describes the nature of the tools economists can use to explore it. It extends a discussion initiated at the Laboratoire d'Economie Forestière (UMR LEF 356 INRA-AgroParisTech). We show that bioeconomy can be interpreted through two main axes: first a
"disciplinary" axe (“bioeconomics”) and, second, a "technico-industrial" axe (“bioeconomy”). We separate the disciplinary axe into two approaches: the Georgescu-Roegen school, which seeks to profoundly alter the conception of economics (economic analysis as an open cycle integrated into a closed life cycle) and the environmental economics approach which seeks to integrate the economics and biology disciplines, which is not necessarily incompatible with the principles of neoclassical economic analysis. The "technico-industrial" and political view, in turn, focuses on the creation of wealth (or even growth) from the renewable biomass resource.
Keywords: Bioeconomy, Bioeconomics, Bio-based economy, Economics, Sustainability
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Introduction
Le concept de bioéconomie est devenu incontournable en l’espace de quelques temps, autant dans les médias, les discours politiques que dans les projets technico-industriels ou les projets de recherche.
Dans la « stratégie nationale bioéconomie » française (2016), la bioéconomie est définie comme
« l’économie de la photosynthèse et plus largement du vivant. Elle se base sur la production et la mobilisation de biomasse pour une valorisation optimale. Elle permet d’utiliser au maximum une énergie abondante, renouvelable et gratuite : l’énergie solaire. La bioéconomie englobe l’ensemble des activités liées à la production, à l'utilisation et à la transformation de bio-ressources [matières d’origine biologique non fossilisées]. Elles sont destinées à répondre de façon durable aux besoins alimentaires et à une partie des besoins matériaux et énergétiques de la société, et à lui fournir des services écosystémiques ».
Pour l’économiste spécialiste des questions d’environnement et de ressources naturelles, le terme peut laisser perplexe : la présence du mot « économie » laisse la porte ouverte à une entrée par la discipline économique mais le préfixe « bio-» laisse entrevoir une vision plus techno-centrée.
Une revue de littérature autour du terme suggère qu’une grande diversité de visions plus ou moins théorisés et/ou politisés l’entoure. Pour Passet (2012), la bioéconomie n’est ni une discipline nouvelle, ni une branche supplémentaire de l’économie, mais celle-ci toute entière subordonnée au respect des mécanismes régulateurs par lesquels la biosphère assure sa reproduction dans le temps. Pour Kleinschmit et al (2014) et Loiseau et al. (2016), la bioéconomie est une sous-partie d’un concept parapluie plus large appelé « Green Economy ».
Globalement, on peut regrouper les différentes visions qui se revendiquent de la bioéconomie en trois grandes catégories :
- Une vision politique qui fonde le concept sur l’utilisation de la biomasse pour la production.
- Une vision disciplinaire qui tente de situer le concept dans le cadre disciplinaire économique en vigueur.
- Une vision théorique qui repense et transcende complètement l’approche économique néoclassique.
Un premier objectif de notre contribution est d’explorer ces différentes visions afin de dessiner le(s) contour(s) du concept de bioéconomie. Se pose ensuite la question du choix des outils que l’économiste peut mettre en place pour étudier les innovations bioéconomiques : faut-il mobiliser les outils classiques de l’économie ou faut-il en développer de nouveaux, et si oui, lesquels ? Le second objectif de notre contribution est ainsi d’exposer l’ensemble des outils développés au laboratoire d’économie forestière qui peuvent être mobilisés pour étudier la bioéconomie. Bien sûr, notre contribution ne prétend pas à l’exhaustivité et la réflexion qu’elle porte cherche plus à susciter et alimenter le débat qu’à présenter un état finalisé du savoir sur la bioéconomie.
Nous organisons notre exposé comme suit. Dans un premier temps, nous proposons de situer ce que nous entendons par bioéconomie par rapport aux concepts suivants : l’économie de l’environnement, l’économie des ressources naturelles, l’économie circulaire et l’écologie industrielle, l’économie écologique et l’économie bio-basée (« bio-based economy »). Nous verrons que, dans son acception usuelle, la notion peut être considérée comme un assemblage de différentes approches tout en étant, paradoxalement, assez éloignée de sa signification originelle.
De cette définition protéiforme découle la possibilité de mobiliser des outils d’analyse économique
variés pour la filière bois à l’échelle du territoire, que nous tâcherons d’exposer dans une seconde
partie.
1. Des fondements historiques de la bioéconomie pour en comprendre le sens Le terme « bioéconomie » en français peut, en réalité, être la traduction de deux termes anglo-saxons qui n’ont pas grand-chose en commun : « bioeconomics » et « bioeconomy » ou « bio-based economy ». Cette distinction fait l’objet de l’article de Zawojska (2016) auquel nous renvoyons le lecteur souhaitant approfondir le débat. Nous analysons ici ces deux notions et les situons par rapport à l’économie de l’environnement et des ressources naturelles, l’économie circulaire et l’écologie industrielle.
1.1 « Bioeconomics » : de la première utilisation (re-)connue à l’économie écologique
L’origine du terme « bioeconomics » remonte aux travaux de Nicholas Georgescu-Roegen sur la
« thermoéconomie ». Dans son ouvrage The Entropy and the Economic Process (Georgescu-Roegen, 1971), il postule que l’activité économique n’est qu’une partie d’un système plus vaste composé de toute l’activité biologique terrestre et ses interactions avec l’environnement. En utilisant les concepts issus du champ de la thermodynamique, et notamment sa seconde loi 1 , il montre que l’activité économique peut être vue comme génératrice d’entropie (Missemer, 2013). En effet, produire des denrées, fabriquer des produits, vendre des services, s’apparente toujours à consommer de l’énergie ou transformer des matières premières. « Autrement dit, le prix à payer pour faire tourner l’économie, c’est une « facture entropique », une dégradation irréversible de l’énergie selon la seconde loi de thermodynamique 2 ». Carton et Sinaï (2013) rappellent d’ailleurs que tout le problème de la bioéconomie (au sens « bioeconomics », donc) découle de l’arbitrage que nous devons réaliser entre deux sources distinctes de basse entropie : l’une terrestre, polluante, rare mais concentrée et facile d’accès (énergie fossile), l’autre, quasi illimitée, non polluante, mais dispersée et difficilement exploitable (énergie solaire).
Cette conception conduira notamment Georgescu-Roegen à remettre en question les théories de l’école néoclassique. Cette dernière fonde son approche sur des outils mécaniques, implicitement réversibles et pense le système économique comme un flux cyclique et infini de biens et services doublé d’un flux monétaire, c’est-à-dire un système fermé et autosuffisant, ce qui s’oppose à l’approche thermodynamique (Maréchal, 2011 ; Missemer, 2013).
Comme la bioéconomie de Georgescu-Roegen, l’économie écologique, née dans les années 80 et initiée par des figures comme Daly, Boulding ou les frères Odum, approche le système économique comme un sous-système ouvert d’un système fermé : l’écosystème (Maréchal, 2011). Dans ce cadre, l’objectif économique néoclassique reflétant la rationalité économique des individus et se traduisant par une volonté de croissance de la richesse est remplacé par un objectif plus large : la recherche d’une soutenabilité englobant à la fois la survie de l’espèce humaine mais également celle des écosystèmes dans lesquels elle s’intègre.
La bioéconomie de Georgescu-Roegen et l’économie écologique diffèrent néanmoins sur la conception de la soutenabilité. Daly considère que la production peut se stabiliser tout en maintenant le niveau de services environnementaux stables (en reprenant à John Stuart Mill son concept d’état stationnaire).
Pour Georgescu-Roegen en revanche, la loi de l’entropie conduit irrémédiablement à une diminution des capacités de production et de consommation futures ce qui l’emmène à prôner une forme de
« décroissance » 3 .
1
La seconde loi nous apprend que toute transformation d'un système thermodynamique s'effectue avec augmentation de l'entropie globale incluant l'entropie du système et du milieu extérieur. On dit alors qu'il y a création d'entropie qui peut être comprise comme une mesure du « désordre ».
2
http://www.inspire-institut.org/economie-et-thermodynamique-vous-ne-voyez-pas-le-rapport.html
3
Cependant, note A. Missemer (2013), il ne s’agirait pas de la croissance en soi mais de la «croissance actuelle». Georgescu-
Roegen «ne dénonce pas la croissance comme dynamique générale de l’économie, mais la croissance telle qu’elle se
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Aujourd’hui, la portée du terme « bioeconomics » se veut même parfois politique et prône une forme d’anti-capitalisme comme le rappelle Mohammadian (2003). Ainsi, même s’ils portent en eux l’idée d’un développement (limité) durable, la « bioeconomics » originelle et ses descendants (l’économie écologique notamment) sont des visions théoriques assez éloignées de ce que semble être l’acception politique actuelle du mot bioéconomie telle que définie dans la stratégie bioéconomie pour la France présentée en introduction.
1.2 L’économie de l’environnement et des ressources naturelles : des liens disciplinaires entre économie et considérations environnementales
L’économie de l’environnement et des ressources naturelles s’est développée au fur et à mesure de l’apparition des préoccupations environnementales. C’est donc une discipline relativement jeune, très active depuis le milieu des années 70. L’économie de l’environnement et des ressources naturelles a pour objectif d’intégrer l’environnement au modèle économique néo-classique à travers notamment ce que les économistes appellent l’« internalisation » des externalités environnementales. Il ne s’agit pas de changer de référentiel comme le proposent la bioéconomie de Georgescu-Roegen ou l’économie écologique mais bien d’intégrer à l’analyse économique les valeurs des variables environnementales, jusqu’alors extérieures à l’analyse. Même si le cadre reste identique, une modification profonde dans les fonctions de bien-être s’opère: outre la consommation des biens marchands, l’économie de l’environnement suppose en effet que le bien-être dépend aussi de la valeur de services environnementaux non-marchands. Les caractéristiques des biens et services environnementaux obligent par ailleurs à étendre l’analyse à la notion de bien commun et bien public qui complexifient le modèle économique de base en relâchant l’hypothèse sur la propriété privée des biens marchands. En outre, l’économie des ressources naturelles, qui fonde son analyse sur la limitation des ressources naturelles 4 permet d’inclure, sous forme de contrainte, cette limite pour modéliser la production optimale.
Toutefois, comme dans le modèle concurrentiel de base de l’économie néoclassique, ce sont toujours les concepts d’efficacité et d’optimalité qui sont mobilisés pour décrire un système économique équilibré. L’optimum social (situation dans laquelle le bien-être global de la société est le plus élevé) résulte alors de l’efficacité économique de la consommation, de la production et de l’échange.
En définitive, l’économie de l’environnement et des ressources naturelles propose un cadre pour analyser les externalités environnementales et leur impact sur le fonctionnement de l’économie.
L’internalisation au cadre analytique est rendue possible par l’évaluation économique des services environnementaux. Elle permet également d’étudier d’optimum de production en lien avec la dynamique d’épuisement ou de renouvellement des stocks et des ressources. Ces notions, que l’on peut regrouper sous les bannières « multifonctionnalité » et « production durable » sont très présentes dans les discours politiques sur la bioéconomie qui ne peut donc pas être déconnectée de ces disciplines fondatrices.
1.3 Ecologie industrielle et économie circulaire : des concepts émergeants, au croisement des sciences économiques et des sciences de l’ingénieur.
L’écologie industrielle et l’économie circulaire peuvent être considérées comme une réponse opérationnelle au concept de développement durable formalisé par l’économie des ressources naturelles. Elles répondent à la problématique de la raréfaction des ressources en réconciliant les
manifeste dans les sociétés industrielles, c’est-à-dire à travers le prisme d’une prédation excessive des ressources naturelles [...] Ce n’est pas l’activité économique dans l’absolu qui doit être nécessairement remise en cause ».
4
En distinguant les dynamiques des ressources renouvelables de celles non-renouvelables.
apports théoriques de l’économie des ressources naturelles et l’approche système technologique (une filière, un territoire). Contrairement aux disciplines mères, les notions d’efficacité et d’optimisation sont ici comprises dans le sens de l’utilisation des ressources physiques. La notion d’optimum de Pareto notamment disparaît complètement de l’analyse.
L’écologie industrielle s’appuie en premier lieu sur le « métabolisme industriel », c’est-à-dire sur l’analyse des flux de matières sous-jacents à toute activité. L’idée est de représenter le système industriel de manière globale, comme un écosystème. L’objectif de l’écologie industrielle est bien de valoriser les déchets d’une filière comme ressource pour cette filière, ou pour une autre filière, de manière à réduire les déchets ultimes. L’économie circulaire reprend cette représentation en « boucle » mais en la couplant avec son environnement et en distinguant, notamment, les produits d’origine biologique (recyclables dans l’écosystème global) des autres. In fine, certains voient l’économie circulaire comme le modèle global tandis que l’écologie industrielle est une stratégie que l’on applique à une filière, un territoire, etc 5 .
Beaucoup de ces notions sont reprises dans le concept de bioeconomie appliqué à la filière bois notamment. En particulier la circularité (« utilisation en cascade des produits dans la filière »).
1.4 « Bioeconomy » ou « bio-based economy » : le sens restreint mais communément accepté de « bioéconomie »
Enfin, dans son sens le plus largement utilisé, notamment dans les discours politiques, la
« bioeconomie » fait référence aux concepts anglosaxons de « bioeconomy » ou « bio-based economy » (Marchetti et al., 2014 ; Kleinschmit et al., 2014). Ces concepts peuvent être vus comme une des déclinaisons opérationnelles de l’économie des ressources naturelles à travers le concept de développement durable.
Dans ce cadre, la bioéconomie désigne les activités productives qui mobilisent des ressources issues du monde du vivant en les substituant aux ressources minérales et/ou synthétiques et/ou fossiles. La bioéconomie est en ce sens très proche des notions d’éco-conception, d’éco-design, d’éco-innovation, etc.
1.5 La place de la bioéconomie dans la nébuleuse des approches techno-bio- économiques
En France, la stratégie nationale pour la bioéconomie 6 qui découle de l’application de la Loi sur la transition énergétique promeut, aux côtés de l’émergence de produits nouveaux qui font clairement écho à l’éco-innovation (donc à la « bio-based economy »), la « préservation des ressources et des services écosystémiques et le stockage de carbone » qui eux, répondent plutôt à la multifonctionnalité des filières, thématique largement appréhendée par l’économie de l’environnement et des ressources naturelles.
De même, le rapport du Sénat « De la biomasse à la bioéconomie : une stratégie pour la France 7 » embrasse le concept en l’élargissant à la prise en compte de la valeur des externalités et en appelant à une « internalisation » de ces dernières (même si le mot n’est pas explicitement mentionné), et à la mise en place d’une circularité dans les filières biomasses. Deux enjeux explorés par l’économie de l’environnement et l’économie circulaire.
5
http://www.rfeit.fr/actualites/economie-circulaire-et-ecologie-industrielle-et-territoriale-quelle-relation.html
6
http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/bioeconomieok-bd.pdf
7
http://www.senat.fr/rap/r15-380/r15-380.html
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Pour la filière forêt-bois, le récent rapport de l’EFI « Forest bioeconomy – a new scope for sustainability indicators » (Wolfslehner et al., 2016) classe les indicateurs bioéconomiques de la filière en 5 catégories : « sustainable resource management ; independance of non-renewables ; climate change adaptation & mitigation ; food security ; competitiveness & jobs ». La nature des indicateurs dans chaque catégorie dépasse largement la notion d’éco-innovation autour du matériau bois. En particulier, on retrouve l’utilisation en cascade des produits bois, le bilan des gaz à effet de serre de la filière, l’impact sur les services écosystémiques (biodiversité, récréation, etc.), les impacts sur le commerce de bois, etc. En définitive autant de concepts qui sont analysés à travers des outils issus de l’économie de l’environnement, des ressources naturelles ou de l’écologie industrielle (analyse de cycle de vie par exemple, voir infra).
Ces exemples d’utilisation du terme bioéconomie montrent qu’il ne peut être réduit à un seul des concepts que nous avons énumérés au-dessus mais qu’il en est, au contraire, un assemblage. Pour autant, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, le terme ne semble pas être associé à son sens originel dans les discours politiques et les rapports de synthèse. Il semblerait que la césure se situe au niveau de la vision même de la croissance portée par les utilisateurs du terme : le contenu de la bioéconomie ne semble pas remettre en cause une version « faible » de la durabilité, compatible avec la croissance économique. Pas plus qu’il ne semble porteur d’une remise en question des modèles économiques utilisés jusqu’à présent. Il apparait, au contraire, promouvoir une plus grande substituabilité des biens de consommation et des facteurs de production. Autrement dit, les approches issues de la « bioeconomics » semblent hors de la portée de l’acception actuelle du terme. Pour mieux saisir l’étendue du concept nous choisissons de l’étudier selon deux axes thématiques, nous plaçons les différents approches/concepts que nous avons présentés ci-dessus sur ces deux axes et tentons de dessiner les contours de la bioéconomie dans son acception francophone actuelle (Figure 1).
Figure 1: La place de la bioéconomie dans la nébuleuse des concepts techno-bio-économiques
L’axe vertical propose de distinguer les approches selon leur conception de la soutenabilité. Sur la partie supérieure de l’axe, nous plaçons les approches qui considèrent le capital naturel comme non substituable aux autres capitaux (capital physique, capital humain et capital intellectuel). Dans sa partie inférieure, nous plaçons les approches qui considèrent que le capital naturel est, au moins en partie, substituable ce qui rend la croissance infinie potentiellement possible (Solow, 1993 ; Hartwick, 1977).
Sur l’axe horizontal nous distinguons les approches théoriques (développées par les économistes) des approches opérationnelles (développées par les ingénieurs). Cette double distinction permet d’appréhender l’étendue, à la fois en terme de visions de développement durable et de champs disciplinaires mobilisés, dont fait l’objet la « bioéconomie ».
2. Quelques outils développés au LEF pour l’étude de la bioéconomie 2.1 Outils émanant de l’économie de l’environnement
L’analyse coûts-bénéfices est un outil opérationnel issu du calcul économique. Une décision est collectivement souhaitable et économiquement justifiée si la somme des bénéfices qu’elle engendre est supérieure à la somme des coûts qu’elle occasionne.
Les bénéfices environnementaux qu’elle requiert peuvent être estimés à travers des méthodes d’évaluation des biens environnementaux. Ces méthodes permettent de quantifier en termes monétaires toutes les valeurs (coûts et bénéfices) associées aux biens environnementaux afin de fournir une information objective qu’on peut ensuite intégrer dans la prise de décision.
Les « services écosystémiques » sont définis par les experts du Millenium Ecosystem Assessment comme étant « les bénéfices que les populations tirent des écosystèmes » (MEA, 2005). Ils sont répartis en quatre catégories : 1) les services culturels (récréation, caractère esthétique de la nature, etc.), 2) les services de régulation (e.g. régulation de la qualité de l’eau, de l’air, du climat), 3) les services d’approvisionnement (e.g. production de bois, ressources halieutiques, etc.) et 4) les « supporting services » (e.g. formation des sols, cycles biogéochimiques, etc.) .
Valeur Economique Totale de la forêt
Valeurs d’usage Valeurs de non-usage
Valeurs d’usage direct
Valeurs d’usage indirect
Non consommation
Tourisme / Recréation
Culturel / Spirituel / Historique
Science / Education
Paysage et fonctions écologiques
Valeurs d’option
Valeurs d’existence Valeurs de
legs
Consommation
Commercial Subsistance
Usages directs et indirects
futurs
Usage et non usage pour les
générations futures
Habitats, espèces menacées
Biodiversité, conservation des paysages et habitats