Paris le 24 décembre 2007,
Alice Cardoso
Franck Thénard-Duvivier
Responsables du groupe Histoire-Géographie SNES – 46, rue d’Ivry – 75647 PARIS Cedex 75013
à
Monsieur Laurent Wirth Inspecteur général d’Histoire
Président du groupe de travail sur les nouveaux programmes du collège IGEN – 107, rue de Grenelle – 75007 Paris
Objet : nouveaux programmes d’Histoire et de Géographie au collège
Monsieur l’Inspecteur,
En préparation de notre prochaine rencontre, nous souhaitons vous faire part de nos réflexions concernant la refonte des programmes d’Histoire et de Géographie au collège. Celles-ci sont le fruit d’une enquête et de débats menés lors de plusieurs stages syndicaux – académiques et nationaux – réunissant au total une centaine de collègues.
En préalable, permettez-nous de saluer certaines nouveautés du projet actuel tout en vous rappelant les fondements de notre conception des programmes d’Histoire et de Géographie.
Nous avons déjà eu l’occasion de défendre, devant le groupe d’experts, une autre conception des programmes qui les rendrait moins pléthoriques en privilégiant des entrées notionnelles, des noyaux durs et en accordant une large place aux questions aux choix. Sur ce dernier point, nous avons été quelque peu entendus. Mais, selon nous, la part de ces questions « au choix » et des
« entrées possibles » devrait être amplement développée. Ce serait un moyen d’accorder une véritable autonomie pédagogique : elle ne se traduirait dès lors plus par la seule mise en œuvre des programmes mais aussi par une réelle possibilité de choix pour les collègues.
Concernant l’approche très européano-centrée, voire franco-centrée, des programmes, nous vous sommes gré d’avoir initié une ouverture sur les « autres mondes ». Toutefois, on pourrait souhaiter étudier d’autres espaces, comme l’Amérique précolombienne par exemple, et surtout leur voir accorder une place plus conséquente dans les programmes, c'est-à-dire davantage de quelques heures noyées dans un gros chapitre ou encore reléguées en fin d’année.
Vous n’ignorez pas que l’accumulation de connaissances factuelles engendre beaucoup de frustration chez les collègues. Les résultats de la dernière enquête de la DEPP montrent d’ailleurs à quel point cela ne se traduit guère en terme d’acquis tangibles sur le long terme pour les élèves.
Concernant les « repères chronologiques et spatiaux », il serait utile, plutôt que d'en augmenter le nombre, de leur donner du sens, d'insister sur une approche qui en fasse des supports à un véritable apprentissage et non à un simple exercice de restitution dans la perspective du Brevet ou encore du
« livret de compétences ». Dans cette perspective, la frise chronologique et les cartes sont des outils
de premier ordre à condition de ne pas limiter leur usage à de simples exercices de manipulation de dates ou d’espaces.
De la même manière, nous saluons l’abandon des références aux « documents patrimoniaux » tout en vous rappelant notre attachement à replacer les sources historiques au cœur de notre enseignement. Il s’agirait de proposer une accroche concrète sous forme d’études de cas présentées comme de véritables « enquêtes » aux élèves. En axant chaque année du collège sur une source privilégiée (archéologique, monumentale, iconographique, médiatique), mais non exclusive, on aurait alors un axe méthodologique structurant qui garantirait aux élèves la pratique effective des principales sources de l'histoire ; ce que ne permet pas l’étude actuelle des « documents » trop nombreux, largement tronqués et peu contextualisés (voir les rapports de la DEPP sur le sujet).
Permettez-nous aussi de développer les points qui ont cristallisé les débats et qui, de fait, retiendront toute notre attention lors de la consultation officielle
Concernant l’étude des faits religieux et plus particulièrement des trois monothéismes en classe de sixième, nous insistons sur la nécessité de ne pas les dissocier de l’étude des contextes dans lesquels ils se sont développés afin de mieux en comprendre les fondements. C’est pourquoi nous craignons que l’étude groupée des trois monothéismes en fin d’année scolaire présente le risque d’être « bâclée » et d’aboutir soit à un travail comparatif de type tableau dans la recherche séduisante d’un œcuménisme de circonstance ; soit au développement d’un catalogue de mythes fondateurs et de récit des « révélations », de personnages incontournables et de documents patrimoniaux. Nous aurions à ce sujet d’autres propositions à vous soumettre.
Concernant les programmes d’histoire en classe de troisième, outre notre souhait de traiter une histoire plus sociale et mieux incarnée, nous nous interrogeons sur l’orientation du choix de certains épisodes retenus pour l’histoire politique de la France. Par ailleurs, il ne nous semble pas pertinent de traiter, avec des collégiens, les épisodes de l’histoire immédiate, comme les années 2000. Par contre, nous ne voudrions pas regretter la disparition de toute référence explicite à l’année 1917, aux « lois sociales » de 1945-1947, à la IVe République ou encore aux mutations de 1968 et de la décennie 1970.
Concernant les programmes de géographie, nous craignons leur manque de cohérence d'ensemble, sans notions clairement identifiées servant de fil directeur à chaque année du collège.
Pour les classes de quatrième et de troisième, il apparaît inacceptable de les concevoir sur le modèle de ceux du lycée en traitant, par exemple, de la mondialisation sous l’angle des acteurs, des flux et des réseaux. Ainsi on pourrait étudier le fonctionnement du monde actuel à partir des enjeux du développement des territoires, du développement durable et des conflits d’intérêt entre leurs différents acteurs. En outre d’autres questionnements sont possibles. Pourquoi les hommes se déplacent-ils ? Qui produit et qui consomme ?
En espérant retenir toute votre attention, nous vous prions de croire, Monsieur l’Inspecteur, en notre attachement au service public national d’Education.
Alice Cardoso Franck Thénard-Duvivier