Bre`ve communication
Syndrome de la queue de cheval re´ve´lant un neuroblastome Cauda equina syndrome revealing neuroblastoma
M. Bourezgui
a, M.A. Rafai
a,*, B. El Moutawakkil
a, F.Z. Boulaajaj
a, M. Sibai
a, S. Lezar
b, A. Adil
b, S. Benchkroun
c, R. Kadiri
b, I. Slassi
aaService de neurologie–explorations fonctionnelles, pavillon 30, CHU Ibn-Rochd, quartier des Hoˆpitaux, Casablanca, Maroc
bService de radiologie centrale, CHU Ibn-Rochd, Casablanca, Maroc
cService d’he´matologie clinique–oncologie pe´diatrique, CHU Ibn-Rochd, Casablanca, Maroc r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 4 ( 2 0 0 8 ) 1 0 4 8 – 1 0 5 1
i n f o a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 20 aouˆt 2007 Rec¸u sous la forme re´vise´e le 20 novembre 2007
Accepte´ le 11 mars 2008 Disponible sur Internet le 2 juillet 2008
Mots cle´s :
Syndrome de la queue de cheval Neuroblastome
IRM
Keywords:
Cauda equina syndrome Neuroblastoma
MRI
r e´ s u m e´
Introduction. – Le neuroblastome est une des tumeurs solides les plus fre´quentes de l’enfant, souvent de localisation re´trope´ritone´ale. L’atteinte neurologique de me´canisme compressif est rarement re´ve´latrice.
Observation. – Une fillette, aˆge´e de sept ans, fut hospitalise´e pour un syndrome de la queue de cheval d’installation rapidement progressive. L’IRM me´dullaire retrouva une masse re´trope´ritone´ale gauche s’e´tendant en sablier dans le canal me´dullaire en regard de la charnie`re lombosacre´e. Les donne´es morphologiques couple´es au dosage sanguin et uri- naire des cate´cholamines permirent de retenir le diagnostic de neuroblastome. Une chimio- the´rapie permit une ame´lioration clinique partielle.
Conclusion. – Un syndrome de la queue de cheval re´ve´lant un neuroblastome est une situation exceptionnelle et de diagnostic difficile vu la tranche d’aˆge de survenue de cette tumeur. Son traitement est base´ sur la chirurgie, et/ou chimiothe´rapie et/ou la radio- the´rapie. Son pronostic reste greffe´ de se´quelles parfois graves.
#2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
a b s t r a c t
Introduction. – Neuroblastoma is the most common solid tumor of childhood. Neurological involvement is rare resulting from cord or nerve compression.
Case report. – A 7-year-old child was hospitalized for cauda equina syndrome. MRI showed retroperitoneal lesion with dumbbell intradural spreading. Blood and urinary catechola- mine level were elevated confirming the diagnosis of neuroblastoma. She was treated with chemotherapy alone with partial neurological recovery.
Discussion and conclusion. – Cauda equina compression revealing neuroblastoma is excep- tional especially at an early phase in the youngest patients. Treatment is based on surgical resection and/or chemotherapy and/or radiation therapy. Long-term prognosis is someti- mes poor with neurological sequels.
#2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail :mo.mi2@caramail.co(M.A. Rafai).
D i s p o n i b l e e n l i g n e s u r w w w . s c i e n c e d i r e c t . c o m
0035-3787/$ – see front matter#2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
doi:10.1016/j.neurol.2008.03.023
1. Introduction
Le neuroblastome est la tumeur solide la plus fre´quente de l’enfant apre`s les tumeurs du syste`me nerveux central. Il survient habituellement au cours des premie`res anne´es de la vie avec un pic entre deux et trois ans (Hoover et al., 1999 ; Bernardi et al., 2001 ; Kushner et al., 2003 ; Weinstein et al., 2003 ; Kushner, 2004). Dans 7 a` 15 % des cas, la tumeur s’e´tend a` l’inte´rieur du canal me´dullaire pouvant eˆtre asymptoma- tique ou a` l’origine d’une compression de la moelle e´pinie`re ou des racines. Cette compression est souvent de localisation dorsale ou lombosacre´e ; exceptionnellement, il s’agit d’une atteinte isole´e de la queue de cheval (Plantaz et al., 1996). Nous rapportons un cas de syndrome de la queue de cheval isole´
re´ve´lateur d’un neuroblastome.
2. Observation
2.1. Cas no2931/58/06Une fillette, aˆge´e de sept ans, sans notion de traumatisme rachidien ni de tuberculose, fut hospitalise´e pour des douleurs de type radiculaire du membre infe´rieur gauche e´voluant depuis sept mois, suivies par l’installation d’une lourdeur du meˆme membre associe´e a` des troubles sphincte´riens a` type d’impe´riosite´ mictionnelle, sans alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral.
L’examen clinique retrouva une monopare´sie crurale gauche une discre`te amyotrophie du quadriceps, une abolition du re´flexe rotulien gauche et des re´flexes achille´ens. L’e´tude de la sensibilite´ mit en e´vidence une anesthe´sie en selle, une hypœsthe´sie superficielle dans le territoire radiculaire de S1.
Le reste de l’examen clinique re´ve´la un syndrome rachidien lombosacre´e. L’e´lectroneuromyogramme montrait une atteinte pluriradiculaire lombosacre´e. L’IRM me´dullaire lom- bosacre´e objectiva un processus le´sionnel paraverte´bral gauche s’e´tendant sur quatre verte`bres (de L4 a` S2), infiltrant le psoas homolate´ral avec une extension en sablier a` travers le foramen interverte´bral L5–S1 re´alisant ainsi une composante endocanalaire refoulant les racines de la queue de cheval. Ce
processus mesurait 68 mm87 mm98 mm et s’exprimait en discret hypersignal T1 se rehaussant apre`s injection du gadolinium (Fig. 1) et he´te´roge`ne en se´quence T2 (Fig. 2). Le dosage sanguin des cate´cholamines e´tait normal alors que le dosage urinaire de leurs de´rive´s notamment l’acide vanyl- mandilique (VMA) et l’acide homovanilyque (VHA) e´tait tre`s augmente´ a` 10,60 mg par 24 heures (normale : 0,2–2 mg par 24 heures), permettant de retenir le diagnostic de neuro- blastome de localisation re´trope´ritone´ale re´ve´le´ par un syndrome de la queue de cheval. Le bilan d’extension comportant une radiographie thoracique, une e´chographie abdominopelvienne et une biopsie oste´ome´dullaire resta ne´gatif. Le traitement consista en huit cures de chimiothe´ra- pie dont quatre comportaient la vincristine, le cyclophospha- mide et l’Adriblastine1 et quatre autres comportant l’e´thoposide et la carboplastine. L’e´volution initiale fut bonne avec une ame´lioration clinique et une normalisation du bilan biologique. Dix mois apre`s l’arreˆt de la chimiothe´rapie, la patiente pre´senta des douleurs abdominales. Le dosage urinaire du VMA retrouva un taux e´leve´ a` 6,39 mg par 24 heures, une e´chographie abdominopelvienne et une radio- graphie du thorax furent normales. Une scintigraphie a` la me´ta-iodo-benzyl-guanidine (MIBG) fut demande´e, mais la patiente fut perdue de vue.
3. Discussion
L’atteinte neurologique au cours du neuroblastome est relativement rare, observe´e dans 4,7 a` 5,2 % des cas (Punt et al., 1980 ; Riyaz et Vinayan, 1998 ; Hoover et al., 1999 ; Bernardi et al., 2001, 2005). Elle est secondaire a` une extension tumorale, a` travers le foramen interverte´bral, a` l’inte´rieur du canal me´dullaire re´alisant une tumeur dite en sablier (Riyaz et Vinayan, 1998 ; Kushner, 2004). Cette extension survient habituellement a` l’e´tage dorsal ou dorsolombaire alors que l’e´tage lombosacre´ est rarement atteint (Riyaz et Vinayan, 1998 ; Bernardi et al., 2001). L’atteinte isole´e et re´ve´latrice de la queue de cheval est exceptionnelle, observe´e dans 1,58 % des cas (Plantaz et al., 1996 ; Hoover et al., 1999 ; Bernardi et al.,
Fig. 1 – L’IRM me´dullaire lombosacre´e. Se´quence ponde´re´e en coupe T1 axiale (A), sagittale T1 sans(B)et avec injection de gadolinium(C): le´sion paraverte´brale gauche he´te´roge`ne avec rehaussement apre`s injection de gadolinium s’e´tendant de L4 a` S2 et infiltrant le psoas avec une extension en sablier a` travers le foramen interverte´bral L5–S1.
Spinal MRI axial T1-weighted (A) and sagittal T1-weighted without (B) and with gadolinium injection (C): heterogeneous T1 paraspinal mass with dumbbell extension through L5–S1 intervertebral foramina with contrast enhancing.
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2001). En fonction du degre´ de croissance tumorale, les signes neurologiques peuvent eˆtre absents, discrets (paresthe´sies, douleurs radiculaires) ou re´aliser un tableau de compression me´dullaire.
Il a e´te´ constate´ dans les diffe´rentes se´ries de la litte´rature que le neuroblastome avec atteinte neurologique survient a` un aˆge plus pre´coce que celui sans atteinte neurologique. En effet, il concerne le plus souvent les enfants de moins d’un an, ce qui explique la difficulte´ d’interpre´tation des symptoˆmes clini- ques et de les rattacher a` une le´sion organique du syste`me nerveux (Punt et al., 1980 ; Riyaz et Vinayan, 1998 ; Katzenstein et al., 2001 ; Bernardi et al., 2001). Par ailleurs, il a e´te´ constate´
que les enfants pre´sentant un neuroblastome avec extension neurologique faisaient moins de me´tastases (Punt et al., 1980 ; Bernardi et al., 2001, 2005). La dure´e moyenne de l’e´volution des symptoˆmes est habituellement courte, allant de 17 jours a`
deux mois (Bernardi et al., 2001, 2005). Les formes asympto- matiques du neuroblastome avec envahissement en sablier du canal me´dullaire sont plus fre´quentes, repre´sentant 7 a` 15 % des cas (Molofsky et Chutorian, 1981 ; Hoover et al., 1999 ; Bernardi et al., 2001, 2005 ; Weinstein et al., 2003).
Le diagnostic du neuroblastome en sablier repose sur l’imagerie par re´sonance magne´tique me´dullaire. Le dosage urinaire des cate´cholamines et de leurs de´rive´s (VMA et HVMA) viendra confirmer la nature histologique. Rarement quand ce dernier est normal, on aura recours a` une biopsie par abord direct de la tumeur. Le diagnostic se fait souvent durant les premiers jours ou mois d’e´volution et tout retard expose a` un risque e´leve´ de se´quelles neurologiques parfois invali- dantes.
Le traitement des formes symptomatiques du neuroblas- tome en sablier reste tre`s controverse´. En effet la chirurgie, la radiothe´rapie et/ou la chimiothe´rapie ont tous montre´ leur efficacite´. Cependant, le traitement optimal reste inconnu et jusqu’a` l’heure actuelle il n’existe pas de protocole codifie´
(Weinstein et al., 2003). Le taux de re´cupe´ration est identique chez les enfants traite´s par chimiothe´rapie et ceux traite´s par chirurgie. Cependant, les se´quelles orthope´diques (scoliose, cyphoscoliose) sont plus fre´quentes dans le second groupe (Katzenstein et al., 2001 ; Plantaz et al., 1996). Ces donne´es
soulignent la supe´riorite´ d’une chimiothe´rapie premie`re dans le traitement du neuroblastome avec extension intracanalaire et la ne´cessite´ de re´server la chirurgie (excision tumorale avec ou sans laminectomie de´compressive) a` certaines situations, notamment lors de la persistance d’un re´sidu tumoral apre`s chimiothe´rapie, de l’aggravation du tableau neurologique malgre´ la chimiothe´rapie et de l’installation rapide des troubles neurologiques en quelques heures a` quelques jours (Hoover et al., 1999 ; Katzenstein et al., 2001 ; Bernardi et al., 2001 ; Plantaz et al., 1996 ; Weinstein et al., 2003).
Dans tous les cas, le traitement doit eˆtre instaure´ le plus toˆt possible au sein d’une e´quipe multidisciplinaire.
L’e´volution est habituellement favorable (Weinstein et al., 2003), mais le pronostic reste parfois greffe´ de se´quelles neurologiques pouvant eˆtre graves et invalidantes particulie`- rement chez les enfants de plus d’un an, ce taux pouvant aller jusqu’a` 50 % (Punt et al., 1980 ; Weinstein et al., 2003). Les enfants avec un syndrome de la queue de cheval ou du coˆne me´dullaire pre´sentent un risque plus e´leve´ de se´quelles par rapport a` ceux ayant un tableau de compression me´dullaire (Punt et al., 1980).
La particularite´ de notre observation consiste dans la rarete´
des neuroblastomes re´ve´le´s par un syndrome de la queue de cheval isole´, la discre´tion du tableau clinique malgre´ une dure´e d’e´volution de sept mois et la bonne e´volution initiale avec une re´cupe´ration totale sans se´quelles neurologiques ou orthope´diques, malgre´ un aˆge de survenue tardif sous chimiothe´rapie seule.
4. Conclusion
Un syndrome de la queue de cheval re´ve´lateur d’un neuro- blastome est une situation exceptionnelle et de diagnostic difficile compte tenu de l’aˆge des enfants atteints, rendant tre`s de´licat la mise en e´vidence des signes neurologiques a` une pe´riode d’acquisition de la marche et du controˆle sphincte´rien et soulignant l’inte´reˆt d’y songer vu les impe´ratives the´ra- peutiques qui en de´coulent afin de limiter les se´quelles neurologiques.
Fig. 2 – IRM me´dullaire lombosacre´e. Se´quence ponde´re´e en coupe axiale (A), coronale(B)et sagittale(C)T2 : aspect he´te´roge`ne de la tumeur.
Spinal MRI axial (A), coronal (B) and sagittal (C) T2-weighted sequence: heterogeneous tumor aspect.
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