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Le formalisme conventionnel : illustration de la notion de contrat-cadre

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HAL Id: hal-01662036

https://hal.parisnanterre.fr//hal-01662036

Submitted on 12 Dec 2017

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de contrat-cadre

Magdi Sami Zaki

To cite this version:

Magdi Sami Zaki. Le formalisme conventionnel : illustration de la notion de contrat-cadre. Re- vue internationale de droit comparé, Société de législation comparée, 1986, 38 (4), pp.1043 - 1096.

�10.3406/ridc.1986.2546�. �hal-01662036�

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Le formalisme conventionnel : illustration de la notion de contrat- cadre

Magdi S. Zaki

Résumé

Le contrat classique est un accord créateur d'obligation. Le contrat-cadre est un accord producteur de normes. Il s'agit, dans cet article, d'esquisser la théorie générale du contrat-cadre, à partir de l'une de ses multiples applications pratiques : le formalisme conventionnel qui englobe les accords fixant le mode d'expression ou de communication de la volonté dans les futurs actes juridiques.

Abstract

The usual contract is an agreement which creates obligations. The framework contract is an agreement which produces norms. This paper will outline the general theory of the framework contract, illustrated by one of it's multiple practical applications : the conventional formalism which incorporates those agreements determining the nature of expression or communication of intention in future juristic acts.

Citer ce document / Cite this document :

Zaki Magdi S. Le formalisme conventionnel : illustration de la notion de contrat-cadre. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°4, Octobre-décembre 1986. pp. 1043-1096.

doi : 10.3406/ridc.1986.2546

http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1986_num_38_4_2546

Document généré le 14/10/2015

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LE FORMALISME CONVENTIONNEL ILLUSTRATION DE LA NOTION DE

CONTRAT-CADRE

par

Magdi Sami ZAKI

Chargé de cours à l'Université de Dijon

Le contrat classique est un accord créateur d'obligation. Le contrat- cadre est un accord producteur de normes. Il s'agit, dans cet article, d'esquis ser la théorie générale du contrat-cadre, à partir de l'une de ses multiples applications pratiques : le formalisme conventionnel qui englobe les accords fixant le mode d'expression ou de communication de la volonté dans les futurs actes juridiques.

The usual contract is an agreement which creates obligations. The frame work contract is an agreement which produces norms. This paper will outline the general theory of the framework contract, illustrated by one of it's multiple practical applications : the conventional formalism which incorporates those agreements determining the nature of expression or communication of inten tion in future juristic acts.

1. On fait de plus en plus appel au législateur et le législateur fait de plus en plus appel à l'écrit pour permettre à l'acte juridique d'exister. La renaissance du formalisme est un phénomène constant de notre époque (1) . La loi n'est cependant pas la seule source des formes (2), celles-ci peuvent

(1) BERLIOZ-HOUIN et BERLIOZ, « Le droit des contrats face à l'évolution écono mique », in Mélanges Houin, 1985, p. 11 et s.

(2) LE TOURNEAU, « Quelques aspects de l'évolution des contrats », in Mélanges

Raynaud, 1985, p. 361 et s.

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être imposées par les usages. Il en est ainsi des billets de théâtre (3).

Mais elles proviennent surtout des conventions. Pour attirer l'attention des salariés sur des conditions de travail pénibles ou désavantageuses, les conventions collectives, en Allemagne Fédérale, ne manquent pas de subordonner la validité du contrat de travail à la rédaction d'un écrit (4).

En France, ces mêmes conventions collectives prévoient le renouvellement automatique des contrats de travail à durée déterminée en l'absence de notification par écrit (5). Les individus, de leur côté, lorsqu'ils ne se trou vent pas astreints à observer les formes légales, s'aperçoivent que leurs engagements peuvent résulter, à leur insu, d'un consentement rudimen- taire, d'un geste automatique ou d'une parole faite pour s'envoler. Pour se protéger, ils créent leurs propres formes. Comme remède à la précipita tion, ils prescrivent le recours à l'écrit et même à un acte notarié avant de sceller définitivement leur accord. Malgré la méfiance biblique envers « la plume mensongère des scribes » (Jérémie 8, 8), les sujets de droit, depuis les romains jusqu'à nos jours, préfèrent contracter in scriptis (6). Les accords de forme se multiplient. Ce mouvement prend de l'ampleur avec la complexité croissante des affaires et en réaction à une civilisation de masse qui laisse peu de place au débat contractuel et à l'individualisation des rapports sociaux.

2. La stipulation de l'écrit pose aux juristes quelques problèmes de conscience (7). Une clause de réserve de propriété jusqu'à la rédaction de l'acte authentique risquerait de favoriser la volte-face du vendeur, qui demeurant propriétaire, refuse de signer l'acte pour pouvoir l'aliéner à celui qui lui offre le prix le plus fort (8). Pareille objection est certes à écarter en présence d'une clause de forme proprement dite qui retarde, au moment de l'acte notarié, non seulement l'effet translatif de propriété mais aussi la naissance même de l'obligation de vendre et d'acheter (9).

L'embarras de la doctrine (depuis longtemps libérée de tout préjugé ant iformaliste) s'il paraît à première vue dissipé, n'en est pas moins à son comble. Comment condamner la clause de forme sans heurter la liberté conventionnelle ? (10). Mais comment admettre le foisonnement de cette clause sans renier — ce qui semble difficile à certains esprits — son caractère

(3) FLOUR, « Quelques remarques sur l'évolution du formalisme » , in Mélanges Ripert, 1955, t. 1, p. 104 et s.

(4) SCHONER, « Formvorschriften für Eistellugen in Tarifverträgen », in Der Betriebs- Berater, 1969, p. 183.

(5) CAMERLYNCK, « Les modes non formels d'expression de la volonté en droit français », Ass. Capitant, 1968, p. 161.

(6) STOUFF, « Étude sur la formation des contrats par l'écriture dans le droit des formules du Ve au VIIe siècle », in Rev. hist. dr. fr. et étranger, 1887, p. 249 et s.

(7) MALAURIE, Droit civil, Contrats spéciaux, Les Cours de Droit 1980-81, p. 124.

(8) Civ. 5-1-1979, Defrénois, 1980, 32385, note MORIN ; J.C.P. éd. N., obs. THUIL- LIER ; J.C.P. 1981, II, 19697, note DAGOT.

(9) Civ. 5-1-1983, Rev. trim. dr. civ. 1983, obs. RÉMY ; J.C.P. 1984, II. 20312, note THUILLIER.

(10) André GUESNU, De la rédaction d'un écrit conventionnellement érigée par les

parties en condition deformation d'un contrat, (Thèse, Toulouse), 1947, p. 10.

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purement potestatif rendant nulle la convention ? (11). Comment surtout tolérer ce foisonnement sans renverser le principe de consensua- lisme ? (12).

D'où l'âpreté de notre sujet et l'hésitation (13) des juges qui ne se rencontre pas dans les accords ayant pour objet non la forme mais la preuve de l'acte juridique.

3. La jurisprudence est en effet limpide en matière de conventions sur la preuve (14). Celles-ci peuvent modifier la charge de la preuve (15), la force probante des moyens de preuve (16), assouplir ces moyens (par exemple admettre la preuve testimoniale ou par présomption alors que la loi exige une preuve littérale) ou les aggraver (exiger la preuve littérale

alors que la loi se contente du témoignage ou des présomptions).

4. Ce pouvoir souverain de la volonté ne saurait évidemment, face au formalisme légal, s'exercer dans le sens de l'atténuation. Si les parties peuvent remplacer les moyens de preuve parfaits par des procédés imparf aits, elles ne sont pas autorisées à susbtituer aux formes légales d'autres

formes de moindre valeur et se contenter par exemple d'un écrit sous seing privé lorsque la loi exige pour la validité de l'acte un écrit authentique (ainsi en matière de donation (17)) ou d'un accord verbal quand les textes imposent un accord écrit (ainsi pour la modification d'un marché à forfait (18)).

5. Mais le pouvoir de la volonté peut-il s'exercer dans le sens de l'aggravation et stipuler comme condition sine qua non de l'existence de l'acte, des formes complémentaires non prévues par la loi ? La réponse est sûrement négative s'agissant par exemple de l'état civil des personnes. Les (11) THUILLIER, « Les chausses trappes de la promesse de vente », J.C.P. éd., not.

Prat, 1980, p. 256 ; VIATTE, « Les effets attachés par les parties à la signature de vente », in Journal des notaires et des avocats, 1980, p. 1091.

(12) M. A. GUERRIERO, L'acte juridique solennel, Paris, 1975, p. 83 et s.

(13) Exemples de cette perplexité : a) L'acte écrit est souvent retenu comme condition suspensive (Angers 15-2-1866, 5. 1866, 2, 169 ; Réq. 24-2-1896, D. 1897, I. 33, note GUE- NÉE ; Civ. 29-5-1901, S. 1902, 1. 359 ; Seine, 8-12-1927, Gaz. Pal. 1928, 1. 392 ; Civ. 21-7- 1958, J.C.P. 1958, II. 10843, note BECQUÉ ; Toulouse, 19-10-1960, D. 1962, 96, note BREAU) parfois comme condition résolutoire (Civ. 8-12-1903, 5. 1905, 1. 241, note WAHL) parfois encore comme simple modalité d'exécution (Civ. 6-10-1966, B, n° 460, p. 350).

b) Le caractère purement potestatif de la condition suspensive est tantôt nié pour valider la convention (Réq. 8-1-1947, J.C.P. 1947, éd. n. II. 3813, note MAQUET) tantôt affirmé pour l'annuler (Civ. 7-6-1983, Gaz. Pal. 1983. 2. Panorama, p. 295, note DUPICHOT).

c) Certains arrêts assimilent l'exécution de l'accord (prise de possession et paiement du prix) à une renonciation à l'écrit (Réq. 16-12-1946, J.C.P. 1947, éd. G, IV. 22 ; Civ. 29-1-1951, B. 1, n° 35, p. 28) ; d'autres arrêts se sont prononcés en sens inverse (Civ. 30-4-1954, B. 1, n° 126, p. 107 ; Civ. 11-12-1963, D. 1964, p. 198).

(14) Req. 13-12-1911, 5. 1912, I. 148 ; LE BALLE, Des conventions sur le procédé de preuve en droit civil, (thèse Paris), 1923 ; MAZEAUD, de JUGLART, CHABAS, Les leçons de droit civil, t. 1, v. 1, Introduction à l'étude du droit, Montchrestien, 1980, n° 373.

(15) Civ. 6-3-1958, /.C. P. 1958, IL 10902, note CHEVALLIER ; Soc. 24-3-1965, J.C.P.

1965, IL 14415, note LAPP.

(16) Req. 30-3-1876, D. 1877, I. 254, rap. LEPELLETIER (à propos des registres et papiers domestiques).

(17) Sur la nullité de la promesse de donation sous seing privé, v. LÉGIER, note sous Aix, 11-1-1983, D. 1985, 169.

(18) Civ. 10-6-1931, D. 1932, 1. 65, note JOSSERAND ; Civ. 17-10-1966, D. 1967, 29 ;

BORRICAND, D. 1965, ch. 105 ; Basse-Terre, 3-11-1980, D. 1981, 373, note FLORO.

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fiancés peuvent certes se promettre d'ajouter une cérémonie religieuse à la célébration civile du mariage. Une telle promesse n'engage pas seul ement la conscience. Sa violation peut être une cause de divorce (19). Mais la validité du mariage est acquise par le seul échange des consentements devant l'officier de l'état civil. Ne pas se prêter à la cérémonie religieuse n'affecte pas le mariage et n'entraîne pas sa nullité. Les formes légales d'ordre public sont nécessaires et suffisantes. Est-ce également le cas d'au tres formes légales ? Une réponse indiscutable se dégage aisément de l'esprit de la forme. Dans leur plus haute expression, les formes, qu'elles soient religieuses, politiques ou juridiques, pour assumer leur fonction conservatrice de la mémoire des fidèles et des citoyens sont dominées par un principe fondamental, celui de l'économie des moyens. Emblèmes, empreintes, sceaux ou autres modes symboliques de reconnaissance des institutions et des comportements humains se doivent d'être éloquents dans leur concision s'ils veulent durer et se propager. C'est le signe simplifié au maximum qui, plus que tout autre discours, assure l'unité des États, des églises et des peuples (20). C'est l'économie des formes qui réalise le miracle de placer l'infiniment grand dans l'infiniment petit. Ainsi « les billets de banque. . . permettent aujourd'hui de réduire le poids d'un million à quelques grammes » (21). C'est encore la même économie qui permet à l'individu de réclamer son « droit » en exhibant son « titre » : effet de commerce, titre de transport, billet de théâtre, etc., tous reconnus par l'examen instantané des mentions qu'ils portent (22). « Le formalisme des mots employés devient ainsi une économie de temps comme un numéro de téléphone qui fixe une identité » (23). Cette simplification et cette souplesse ne datent cependant pas d'aujourd'hui. Le droit romain, impré gné de formalisme, s'est illustré par l'emploi de formules« lapidaires » (24) que les plaideurs devaient prononcer avec une exactitude extrême sous peine de perdre leurs procès. La stipulation romaine se ramenait à une interrogation spondesne (promets-tu ?) suivie d'une réponse spondeo (je le promets). Cette procédure indispensable à la plupart des conventions se produit en « une seule minute » (25), « au moyen d'un seul mot » (26).

6. Par leur souci d'économie, les formes sont d'une interprétation stricte. Non pas dans le sens où cette interprétation serait littérale ou

(19) En dernier lieu, v. DEKEUWER-DEFOSSEZ : « Impressions de recherche sur les fautes, causes de divorce », D. 1985, ch. 219 ; Nancy 8-7-1957, J.C.P. 1957, II. 10300.

(20) JHERING, L'esprit du droit romain, t. 3, Paris, 1887 (trad, de Meulenaere) où l'auteur note que le peuple puise dans la forme « sa continuité historique », p. 207 ; H. LÉ- VY-BRUHL : « Sur le formalisme », in Aspects sociologiques du droit, Paris, 1955 : « Les rites, les formules, les symboles relient le présent au passé et les individus à l'ensemble » (p. 95).

(21) JHERING, op. cit., p. 355 ; LEVY-BRUHL, op. cit., p. 88.

(22) FLOUR, op. cit., p. 97 et 103 et s. ; MOENECCLAEY, De la renaissance du formalisme dans les contrats (thèse Lille), 1914, p. 17 et s..

(23) DEMOGUE, Les notions fondamentales du droit privé, Paris, 1911, p. 112.

(24) JHERIN G, op. cit., p. 293. Le caractère lapidaire d'une clause ne doit cependant pas la rendre invisible ou inintelligible, Civ. 19-2-1974, B. III, n° 79, p. 60.

(25) Ibid., p. 190, 249.

(26) Ibid., p. 255.

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restrictive mais dans celui où elle est exclusive de toute condition supplé mentaire non prévue dans les textes. Le juge sera appelé à chercher la signification des formes mais il ne crée pas, ne doit pas créer des exigences formelles nouvelles. Il lui est interdit d'agir praeter legem. La Cour de cassation a censuré la décision qui en violation de la loi du 28 décembre 1966, a déclaré nul un contrat de prêt au motif que la mention du taux effectif global aurait dû figurer en toutes lettres au recto et non par de simples initiales alors que ce texte n'impose aucune règle particulière quant à la forme et à l'emplacement de la dite mention et que les initiales T. E.G.

peuvent donc être valablement utilisées (27). « Des signes mathématiques ou chimiques » auxquels Lévy-Bruhl comparait les formes (28), on s'ache mine vers les sigles, ultime traduction de l'économie des moyens. Le législateur prend parfois soin d'affirmer le caractère clos des formes légales.

Le testament olographe suppose trois éléments : écriture, date, signature.

Et l'article 970 du Code civil de préciser, « il n'est assujetti à aucune autre forme », exemple remarquable où la forme, ouverte à l'intérieur est fermée à l'extérieur : X écriture peut, en effet, varier à l'infini (« en langue vivante ou morte, nationale ou locale », au crayon, au sang, etc. (29)) mais aucune parole sacramentale n'est exigée pas plus qu'un acte instrumentaire (un écrit quelconque, une lettre-missive suffit (30)). La signature peut évoluer avec les mœurs (le prénom est accepté (31)) mais on n'impose pas une signature habituelle (32). La date peut être indiquée en chiffres ou en lettres mais son enregistrement n'est pas nécessaire (33). Dès que les él éments requis de la forme sont réunis, l'acte juridique est né, II existe dans la plénitude de son être. Le juge ne saurait désormais méconnaître sa réalité. La volonté privée non plus. A côté des formes légales, les formes complémentaires volontaires sont surabondantes, superflues. Aussitôt qu'un écrit daté et signé renferme des dispositions mords causa, le test ament est constitué. Peu importe que le de cujus y ait inscrit la mention « à recopier », « pour donner à sa pensée une forme plus solennelle (34) » ou même y ait posé la mention « projet » ou « testament provisoire » (35).

7. Rien n'empêche les parties d'aggraver la forme légale et exiger par exemple un acte authentique alors que le législateur se contente d'un acte sous seing privé (ainsi pour l'accord précité, modificatif d'un marché à forfait). En pareil cas, la forme convenue produira les effets propres à l'authenticité du procédé (titre exécutoire, force probante élevée) mais

(27) Civ. 24-6-1981, J.C.P. 1982, II. 19713, note VASSEUR.

(28) LÉVY-BRUHL, op. cit., p. 91.

(29) REUTER, « La main du testateur », J.C.P. 1978, éd. N, p. 153 ; adde ROSSI, J.C.P. 1974, I. 2645.

(30) Jean-Pierre WAYMEL, Les formes du testament olographe (Thèse Paris), 1963, p. 55 ; GUERRIERO, op. cit., p. 323.

(31) Civ. 24-6-1952, J.C.P. 1952, II. 7179, Note VOIRIN.

(32) WAYMEL, op. cit., p. 76.

(33) WAYMEL, op. cit., p. 135 ; GUERRIERO, p. 432.

(34) Bourges, 3-7-1905, 5. 1906, 2. 71 ; Dole, 12-3-1908, D. 1908, 5. 47 ; Besançon, 15- 7-1908, D. 1910, 2. 313.

(35) Seine, 14-5-1932, DH. 1932, p. 454. La solution est d'autant plus justifiée qu'« un

testament n'est, par lui-même, jamais définitif ».

(8)

n'ajoutera rien à l'existence même de l'acte. Ce dernier est, en droit, formé si préalablement à l'acte authentique, un écrit sous seing privé est dressé.

L'accord est d'ores et déjà scellé, revêtu de sa forme nécessaire et suffisante aux yeux de la loi bien avant l'accomplissement de la forme convenue.

Formalisme convenu sur formalisme légal ne vaut.

8. L'effet constitutif du formalisme conventionnel se limite donc aux contrats consensuels (vente, bail, mandat...). Les parties peuvent subor donner à un écrit la validité d'un acte destiné à créer, modifier ou éteindre un rapport juridique pour lequel la loi n'impose aucune forme.

Cet écrit est un moyen d'expression de la volonté de contracter, de sous-contracter, de céder son contrat.

Il est, s'agissant d'une manifestation de volonté unilatérale, un moyen de communication de la volonté de se dédire, de résilier, de donner congé ou encore d'autoriser le locataire à modifier les dispositions des locaux.

9. Quelle est l'utilité de cette stipulation ? A quoi sert par exemple la clause de forme exigeant l'autorisation écrite du propriétaire permettant au locataire de procéder au changement de la destination du bien loué lorsque celle-ci est indiquée avec précision dans le bail ? Le locataire qui, de son propre chef, modifie cette destination se heurterait au bail. Or, il ne peut prouver contre ou outre l'écrit que par un écrit (articles 1341, 1728 C. civ.) qui comporterait précisément, en l'occurrence, l'autorisation du bailleur. Il serait donc superflu d'insister, par une clause de forme, sur la nécessité de cette autorisation écrite quand un instrumentum est dressé, au titre de preuve, définissant l'état des lieux. On sait cependant que la preuve littérale s'écroule sous les exceptions (36). Celles-ci conduisent à la liberté de preuve même contre et outre l'écrit. Il suffit de se prévaloir d'un commencement de preuve par écrit (37) ou d'une impossibilité de prouver par écrit. La seule description minutieuse écrite, ad probationem du bien loué n'interdit pas au locataire d'avoir recours aux témoignages et aux présomptions pour établir l'autorisation verbale du bailleur s'il bénéficie d'une exception de la preuve littérale. Tout autre sera la situation si un écrit est exigé ad solemnitatem (38) pour communiquer l'autorisation du bailleur. En pareil cas, les exceptions qui renversent la preuve par écrit ne jouent pas contre la forme (39).

10. La forme conserve d'autres avantages. Non seulement elle fixe avec certitude, surtout si un acte notarié est prévu, le moment et le contenu du contrat (40) mais elle permet à chaque partie jusqu'à la signature de l'acte, si l'équilibre contractuel ou la confiance mutuelle est rompu, de se dégager sans avoir à affronter les conditions strictes et les aléas de l'action en rescision (41) ou en résolution (42).

(36) MEURISSE, « Le déclin de la preuve par écrit », Gaz. Pal. 1951, 2. 52.

(37) Civ. 3-1-1933, DH. 1933. 83.

(38) On utilise aussi les expressions ad validatetem, ad substantiam, ad essentiam.

(39) Civ. 27-11-1967, B.I. n° 347, p. 260.

(40) HELDRICH, « Die Form des Vertrages », A.C. P. 1941, p. 91.

(41) GUESNU, op. cit., p. 56 et s.

(42) Ibid., p. 62 et s., par le jeu des lettres de confirmation, les mandants se réservent

la possibilité d'agréer ou non les opérations proposées par leurs mandataires, GESNU,

p. 32 ; Dietrich REINICKE, Rechsfolgen formwidrig abgeschlossener Verträge, Zurich, 1969,

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11. Malgré ses avantages, le formalisme conventionnel est marginalisé entre les deux thèmes géants que sont le formalisme légal et le consensua- lisme. Pour mesurer la portée exacte de la forme convenue, il faudra dans une première partie, examiner et la théorie de la forme et celle du consentement.

La voie sera ainsi tracée pour aborder, dans la deuxième partie, la nature juridique de l'accord sur la forme.

LA FORME DE L'ACCORD I. REGARDS SUR LA FORME

A. — La forme comme exception au consensualisme a) Exposé.

12. Si les parties ont expressément subordonné la validité de leur accord à l'accomplissement d'une forme (rédaction authentique ou sous seing privé), le contrat n'existe qu'après la réalisation de la forme conve nue. Le problème se pose lorsque les contractants n'ont pas précisé leur intention. L'écrit est-il stipulé pour former l'acte ou uniquement pour le prouver ? Il appartient aux juges du fond de lever l'ambiguïté en s'inspirant de toutes les circonstances de l'affaire et des comportements des par ties (43). Si l'incertitude persistait, la jurisprudence française décide que l'écrit a été stipulé ad probationem (44). Le contrat est donc formé dès l'échange des consentements bien avant la rédaction de l'écrit. La doctrine justifie cette solution par le caractère exceptionnel du formalisme légal ou conventionnel par rapport au consensualisme (45). Or, les exceptions sont d'interprétation étroite (Exceptio est restrictissimae interpretationis) . Entre le formalisme et le consensualisme, la préférence sera accordée à ce der nier (46). Le doute profite au droit commun (47).

13. Dans sa thèse consacrée à l'acte solennel, Mme Guerriero adopte une conclusion identique en partant de prémisses différentes. Le forma lisme supprime la liberté des parties de choisir le mode d'expression de leur volonté. En tant qu'exception au consensualisme, il ne peut avoir

p. 158. Sur cette pratique conforme aux usages commerciaux, v. Réq. 14-5-1912, D. 1913, I. 281, note VALÉRY ; Lyon 8-1-1931, Gaz. Pal. 1931, 1. 218 ; Narbonne 8-12-1930, Gaz.

Pal. 1931, I. 372.

(43) Civ. 12-12-1968, B. III, n° 548, p. 421 ; Civ. 5-2-1971, D. 1971, p. 281, rapp.

CORNUEY.

(44) Riom, 9-3-1844, 5. 1844, 2. 324 ; Réq. 23-8-1843, 5. 1844, 1. 182, note DEVILLE.

(45) WEIL, TERRÉ, Droit Civil, Les obligations, Dalloz, 1980, p. 143 ; GORÉ, « Rapp ort général », in Ass. Capitant 1968, Paris, 1972, p. 21 ; SOUCHON (sous dir. Rodière), Forme et preuve de contrat, France, 1979, p. 39.

(46) BOYER, « Promesse de vente », Encycl. Dalloz, n° 170.

(47) Sur le droit commun en tant que panacée, v. COUTURIER, « Les techniques

civilistes et le droit du travail », D. 1975, ch. p. 151.

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qu'une origine légale. La forme convenue n'est pas une véritable forme solennelle. Elle concrétise tout simplement le choix des parties du mode d'extériorisation de leur consentement « il n'y a donc pas exception au principe du consensualisme (...), mais bien au contraire application de ce principe » (48). Cependant, après avoir rattaché la forme convenue au consensualisme, Mme Guerriero rejoint la doctrine pour qui la forme stipu lée se ramène, en cas d'hésitation, à une règle de preuve. Car, dit-elle, « le consensualisme est le principe » auquel il faut revenir dans le doute (49).

Il y a quelque paradoxe à associer la forme convenue au consensualisme et puis, dissocier la forme de l'acte au nom de ce même consensualisme, à moins de dire que si la stipulation de la forme est consensualiste, la libération de la forme l'est encore davantage !

14. Il n'en demeure pas moins que la plupart des auteurs opposent le formalisme légal ou conventionnel au consensualisme. D'où une restriction systématique du premier au profit du second. Cette tendance dominante suscite de sérieuses réserves.

b) Discussion.

15. 1) Sur le plan qualitatif , la forme n'est pas forcément une alterna tive au consentement mais plutôt à la cause. Selon M. Rouhette, la volonté nue (nudo pacto) est insuffisante, aujourd'hui comme hier, à créer l'enga gement. Pour obliger, elle doit, dit-il, être revêtue soit d'une cause (contre partie, raison économique, intérêt, avantage, etc.), soit d'une forme (50).

La forme n'est donc pas une exception au consensualisme mais participe au même titre que la cause à la protection du consentement.

16. 2) Sur le plan quantitatif, la forme se généralise à mesure que le rôle de la volonté s'amenuise. Elle enveloppe les actes frileux et fragiles : Actes à vie (mariage, adoption), actes abstraits (effets de commerce), actes unilatéraux (testament (51)), actes gratuits (donation), actes d'adhésion (apprentissage, actes de consommateur (52)), actes à risque (hypothèque) . . .

17. 3) Si, malgré cette extension, le formalisme légal continue à être traité comme une exception au principe du consensualisme, lequel découle de l'autonomie de la volonté, le formalisme conventionnel, lui, se rattache à un autre principe tout aussi capital, celui de l' auto-limitation de l'autono mie de la volonté (53) : Les parties sont libres de s'engager sans observer

(48) GUERRIERO, op. cit., p. 89.

(49) Ibid., p. 87.

(50) Georges ROUHETTE, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat (Thèse Paris), 1965, P. 482.

(51) Jacques MARTIN DE LA MOUTTE, L' acte juridique unilatéral (thèse Toulouse), 1949, p. 162 et s.

(52) AYNES, « Formalisme et prévention », in Le droit du crédit au consommateur, Litec, 1982, p. 64 et s.

(53) Autres exemples de l'auto-limitation de la volonté : La stipulation de terme ou de condition, v. GORLA, « Le rôle de la volonté dans la promesse comme acte juridique », Rev. de droit, Univ. d'Alexandrie 1952, p. 4, note 2 ; La stipulation des clauses d'exclusivités, v. Georges DURRY, Les restrictions conventionnelles au libre choix de la personne du

contractant (thèse Paris), 1957, p. 91 et s.

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aucune forme. Elles sont libres aussi de se soumettre aux exigences formell es. Forme convenue et consensualisme ne seraient donc pas confondus dans la même branche — comme dans le système de Mme Guerriero — mais se situent l'une et l'autre sur des branches différentes d'égale import ance, issues du même arbre.

La jurisprudence (d'ailleurs critiquée par la doctrine (54)) qui transformerait la forme légale en une règle de preuve à défaut de mention expresse de la nullité, en cas de méconnaissance de la forme, ne saurait être transposée au formalisme conventionnel, sinon on heurterait l'autono mie de la volonté en quête légitime de solennité.

18. 4) L'évolution de la science herméneutique empêche désormais d'utiliser la technique de l'exception à la seule perspective de limiter l'appli cation d'une règle. Sauf s'il s'agit d'un jus sangulare, vraiment exorbitant du droit commun (pénalités, incapacités, privilèges) où il n'y a pas lieu de raisonner sans texte ou par analogie, chacun admet, après les travaux de Robine, le caractère éminement relatif de l'exception. Il est parfois difficile de distinguer règle et exception (55). Ce qui paraît exception par rapport à un principe plus élevé peut constituer une règle par rapport à une autre inférieure (56), l'exception peut absorber la règle à laquelle elle déroge (57). Mais surtout il ne faut pas oublier que l'exception est elle- même une règle pour le cas qu'elle vise et devant être appliquée dans toute l'étendue de sa prescription (58). C'est le moment de citer l'aphorisme « si les principes régnent... les exceptions gouvernent » (59). Maintes fois, la

Cour de cassation abandonne aux juges du fond le soin de préciser, espèce par espèce, si l'écrit stipulé par les parties l'est ad solemnitatem ou ad probationem. La Cour suprême qui règne dans les « principes », laisse les « exceptions » au gouvernement souverain des juges du fond (60).

Pourquoi ces derniers se sont-ils gardés de présumer, dans le doute, que l'écrit est stipulé ad solemnitatem ?

19. 5) Dans la lex 17, C, De fide instrumentorum, Justinien établit une présomption selon laquelle l'écrit envisagé par les parties doit être considéré comme élément constitutif du contrat (61). D'autres droits ont adopté la même présomption. Il en est ainsi du droit allemand (62) , du droit (54) FLOUR, AUBERT, Droit civil, Les obligations, v. I, L'acte juridique, Paris. 1975, n° 310.

(55) Ex. : art. 1172, C. civ. (nullité de la convention assortie d'une condition impossib le), art. 1173 (validité de l'obligation contractée sous condition de ne pas faire une chose impossible).

(56) Ex. : art. 1384, al. 1, exception à l'égard de l'art. 1382 mais règle comparée aux alinéas suivants de l'art. 1384.

(57) Ex. : la clause de réserve de propriété en extension au détriment du transfert de propriété, solo consensu, v. ORTSCHEIDT, cette Revue, 1983, p. 767, SAINT-ALARY- HOUIN, in Mélanges Raynaud, p. 733.

(58) ROBINE, L'interprétation des textes exceptionnels en droit civil français (thèse Bordeaux), 1933, p. 98.

(59) CORNU, Rev. trim. dr. civ., 1972, p. 615.

(60) Mais la Cour de cassation peut finir par trancher une question qu'elle a longtemps considérée comme un cas d'espèce, ainsi en fixant la formation du contrat au moment de l'émission de l'acceptation, com. 7-1-1981, B. IV, n° 14, p. 11.

(61) STOUFF, op. cit., p. 261.

(62) REINICKE, op. cit., p. 153.

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italien (du moins lorsque la clause de forme était elle-même écrite (63)) et du droit suisse (64). L'article 1157 du Code civil français permet de consa crer cette solution : « lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun ». A quoi peut servir d'exiger l'écrit uniquement ad probationem ? Cela n'ajouterait presque rien à l'article 1341. « Pourquoi les parties auraient stipulé la nécessité d'un consentement écrit si elles avaient voulu rester dans les termes du droit commun et si elles n'avaient pas voulu faire de l'écriture une condition essentielle du consentement exigé ? » (65). En présence d'une clause sur l'écrit, un accord verbal devient ambigu (66). Les parties ont-elles vraiment voulu s'engager sans rédiger l'acte ? La question de savoir si l'écrit était envisagé ad solemnitatem ou ad probationem peut être reprise à propos de l'accord verbal en se demandant s'il y a engagement véritable ou absence d'engagement. L'alternative n'oppose pas être et néant, « être ou ne pas être », auquel cas l'existence infime, infirme, informe de l'acte juridique serait préférable au néant mais elle met en contraste engagement et liberté, « être lié ou être libre », auquel cas la négation du lien, des chaînes et des contraintes doit l'emporter. Le droit commun où l'on s'oriente dans le doute n'est plus le consensualisme (l'eng agement sans écrit) mais la liberté tout court (l'absence d'engagement). In dubio pro übertäte (67). Dans le doute, on doit présumer que les parties n'ont pas voulu s'engager. Le retour à la liberté, comme à l'innocence, s'impose impérativement en vertu des principes fondamentaux du droit (68).

20. René Demogue était enclin à partager cette opinion (69). Cepend ant, s'il admettait des formes sans texte, il ne concevait pas les formes sans finalité, « il n'y a de formalisme que dans la mesure strictement imposée par le but lui-même » (70). Doctrine qui s'est épanouie dans la thèse de M. Vincent Delaporte.

(63) ANTEO GENOVESE, Le forme volontarie nella teoria dei contratti, Padoue, 1949, p. 52 ; CARIOTA-FERRARA, « La forme dei contratti ed i contratti sulle forme », Rivista del notario, 1948, p. 12 ; COURTOIS, « Forme et preuve de contrat, Italie », dir.

RODIÈRE, op. cit., p. 77.

(64) DROIN, « Les modes non formels d'expression de la volonté en droit civil suisse », Ass. Capitant, 1968, p. 95 et s.

(65) A propos du consentement écrit exigé pour la sous-location, v. le pourvoi rejeté par la Cour de cass. 19-6-1839, 5. 1839, p. 461.

(66) IVAINER, « L'ambiguïté dans les contrats », D. 1976, ch. p. 153.

(67) SCHNEIDER, « In dubio pro libertate », in Hundert Jarhe deutches Rechtsleben, Bd. 2 Karlsruhe, 1960, p. 263.

(68) Cet impératif contraste avec l'article 1162 (in ambiguis interpretatio contre stipulato- rem, favor debitoris) réduit à une « recette... (SIMLER, Juris-Classeur civ., art. 1156 à 1164, n° 48)... subsidiaire » ;(J. LOPEZ SANTA MARIA, Les systèmes d'interprétation des contrats (thèse Paris), 1968, p. 68 et s.) et au mieux à un conseil « simple précepte de déontologie judiciaire », DUPICHOT, « Pour un retour aux textes... », Mélanges Flour,

1979, p. 182.

(69) DEMOGUE, Traité des obligations, t. I, Paris, 1923, p. 347.

(70) Ibid., p. 317.

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B. — La forme comme accessoire au fond et moyen au but poursuivi par la règle principale

a) Exposé

21. Selon M. Delaporte, la forme ne représente pas un concept auto nome. Il n'y a pas de forme mais des formes (71) : volonté expresse (exemp le : solidarité (72)), oralité (mariage), écriture manuscrite (testament olo graphe), actes sous seing privé (cession de brevets d'invention) ou authentiques (hypothèque), mentions obligatoires (vente d'immeuble à construire) , rédaction en caractère très apparent (clause de déchéance dans le contrat d'assurance), enregistrement (promesse unilatérale de vente).

A cette pluralité de procédés correspond une pluralité de régimes et de sanctions (73).

Il n'y a pas de forme qui s'impose pour la forme. Aucune forme n'a de valeur en soi, de raison d'être qui lui soit propre : l'écrit peut être exigé aussi bien pour la preuve (art. 1341, C. civ.) que pour la solennité, l'enregistrement pour la validité de l'acte (promesse unilatérale de vente) que pour son opposabilité (art. 1328, C. civ.) (74).

La règle de forme se rattache nécessairement à une règle de fond. Elle s'y rattache par « un lien d'accessoire à principal » (75). Elle est au service du but poursuivi par la norme principale. Elle doit être « façonnée » (76) par la règle de fond, « modelée » (77) sur la finalité visée par celle-ci.

23. L'interprétation de la règle de forme ne doit pas être littérale mais rationnelle (78).

« L'essentiel est que le but soit atteint et non que la règle de forme, dénuée de sa valeur propre, soit observée » (79). La sanction s'impose non parce que la forme a été négligée mais parce que le but a manqué. Dès que le but est réalisé, même par tout autre moyen, la sanction doit être écartée en dépit de la violation de la règle de forme.

24. On rencontre déjà le système d'équivalence des moyens dans les formes de procédure (80) (pas de nullité sans grief), dans les formes probatoires (81) (l'aveu et le serment décisoire suppléant à l'écrit), dans les formes d'opposabilité (82) (la connaissance effective peut remplacer la publicité). M. Delaporte s'efforce d'appliquer ce système d'équivalence aux formes solennelles proprement dites. Mais les exemples cités concer nent soit des actes dont le caractère solennel est discutable (vente de fond

(71) Vincent DELAPORTE, Remarques sur la forme des actes juridiques en droit inter national privé (thèse Paris), 1974, p. 4, p. 95.

(72) Ibid., p. 16, comp. GUERRIERO, p. 91 et s.

(73) DELAPORTE, p. 72.

(74) Ibid., p. 75 et s.

(75) Ibid., p. 7.

(76) Ibid., p. 73.

(77) Ibid., p. 85.

(78) Ibid., p. 111.

(79) Ibid. pp. 85, 98.

(80) Ibid., p. 100.

(81) Ibid., p. 111.

(82) Ibid., p. 113.

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de commerce) (83), soit des actes hautement solennisés tel le test ament (84) qui oppose à la méthode téléologique des limites infranchissa bles. Malgré son attrait, la recherche rationaliste (trop rationaliste ?) du but (85) ne s'applique pas à toutes les formes (M. Delaporte le reconnaît d'ailleurs) et risque, à la pousser à l'extrême, de transformer la règle de forme en règle de preuve, voire de l'anéantir en la remplaçant par « tout autre moyen ».

b) Discussion.

25. 1) La forme n'a pas de raison d'être, pense M. Delaporte. Mais en a-t-elle besoin pour se maintenir ? Jhering, bien qu'il place le but au centre du droit (86) répond, dans son ouvrage consacré au formalisme, par la négative. « Comme tout ce qui est plus humble en comparaison de ce qui est plus noble, la forme possède une force vitale plus tenace. Elle peut végéter, c'est-à-dire durer sans être comprise, l'idée ne le peut » (87). A la différence des idées, la forme peut survivre quand bien même sa raison d'être primitive a été oubliée. Le magistrat britannique continuait à porter la perruque disparue des autres têtes (88). La formalité « bon pour... » subsiste encore dans les mœurs françaises après son abolition dans le code.

26. 2) Au sens large, comme mode d'expression humaine, c'est la forme qui crée le droit et non l'idée pure. Pour bénéficier, par exemple,

de la propriété littéraire et artistique, l'idée doit prendre forme (89). Au sens étroit, comme mode d'expression de la volonté, la forme peut encore créer seule le droit indépendamment des règles de fond (Forme dat esse rei). A l'exemple classique des effets de commerce s'ajoute aujourd'hui

« le contrat de consommation » (90) dont la régularité formelle exclut tout débat sur le fond, l'instrumentation se confondant avec le negocium (91).

La forme peut même créer la sanction. Ainsi l'avertissement ou le reproche verbal adressé par un employeur à un salarié ne constitue pas une sanction.

Celle-ci exige un avertissement écrit (92).

27. 3) Que faut-il entendre par le but de la règle de fond qui doit l'emporter sur la règle de forme ? S'agit-il du « résultat désiré » ? (93). La même règle de forme pourrait alors avoir des destins différents au gré des juges. On se souvient de la jurisprudence, aujourd'hui dépassée, pour qui

(83) Ibid., p. 102.

(84) Ibid., p. 109.

(85) Pour la rationalisation de toutes les formes, v. un ouvrage du philosophe François DAGOGNET, Pour une théorie générale des formes, Paris, 1975 ; contre l'abus de rationalisa tion, v. Jacques LAURENT, Le nu vêtu et dévêtu, Idées Gallimard.

(86) JHERING, « Der Zweck » im Recht Bd. /., Leipzig, 1877.

(87) JHERING, L'esprit du droit romain, t. 3, op. cit., p. 209.

(88) Ibid., p. 202.

(89) La Cour de cassation en a déduit une conséquence excessive en considérant comme dépourvue de cause la cession d'une idée de jeu télévisé moyennant une rémunération, Civ.

6-10-1981, B.I. n° 273, p. 227. Pourtant, Orson Welles a « vendu » à Charles Chaplin l'idée du film « Monsieur Verdoux ».

(90) Hélène BRICKS, Les clauses abusives, Paris, 1982, p. 3.

(91) AYNES, Formalisme et prévention, op. cit. . (92) Paris 9-7-1985, D. 1985, inf. rap. p. 408.

(93) DELAPORTE, p. 85.

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le testament signé du prénom était valide au profit des conjoints (94) mais nul vis-à-vis des concubins (95).

28. 4) Conviendrait-il, au contraire, de définir le but comme un

« intérêt protégé » ? (96). Mais s'agit-il d'un intérêt moral, économique, juridique ? Cette piste révèle des paradoxes. L'article 1907 du Code civil exige un écrit pour la stipulation des intérêts conventionnels. La finalité semble être morale, économique : « protéger le débiteur contre la voracité du créancier dont il veut contenir la cupidité par le frein de la honte » (97).

La jurisprudence en a tiré une règle de forme. L'article 2044 qui exige le même écrit pour la transaction semble poursuivre une finalité purement juridique : éviter que la transaction ayant précisément pour but de terminer un litige ne soit pas elle-même l'objet d'un nouveau contentieux quant à ses clauses propres (98). La jurisprudence en a tiré une simple règle de preuve.

29. 5) La méthode téléologique comme l'équité à l'assaut du ius stric- tum s'épuise à traquer des bastions imprenables. Or, il existe, en droit, des règles rigoureuses qui ne tolèrent pas de tempéraments. On y rangeait les formes à côté des délais préfixes (99), les présomptions irréfragables, les indemnités forfaitaires.

30. 6) Le néo-formalisme n'a plus certes aujourd'hui cet aspect intransigeant. Cependant, la considération du but en vue d'atténuer la rigidité des formes ne saurait s'étendre aux formes légères réduites au strict minimum. Dans le formalisme le plus simplifié, il y a un noyau dur qui ne se laisse pas « édulcorer » (100) sans se briser.

31. 7) Au-delà des formes simplifiées, mettre tout l'accent sur le but au détriment des moyens, jugés accessoires, risque de transformer toute règle de forme en règle de preuve. Peu importe, dans cette doctrine, que la règle de forme soit inobservée pourvu que le but visé par la règle de fond soit satisfait. Mais ce serait la destruction pure et simple du formalisme. Or le but ne justifie pas tout moyen. Le moyen compte aussi bien que le but.

Si le défaut de la date du testament n'entraîne plus sa nullité, c'est à la condition qu'aucune contestation n'existe quant à la capacité du de cujus ou à la non révocation du legs par des dispositions ultérieures incompatib les (101). En cas de litige, il est permis de reconstituer la date du testament à l'aide d'éléments intrinsèques et non aliunde (102). Il est exclu de prouver par tous moyens la date du testament. D'autres mentions obligatoires

(94) Aix 15-3-1933, J.C.P. 1933, p. 474.

(95) Aix 3-12-1935, J.C.P. 1936, p. 122.

(96) DELAPORTE, p. 95.

(97) MEURISSE, op. cit., p. 50 et s.

(98) Civ. 9-6-1947, J.C.P. 1947, II. 3931, note RODIÈRE.

(99) Paul ROUBIER, Théorie générale du droit, Paris, 1951, p. 90 et s.

(100) VOIRIN, note sous 7-7-1965, J.C.P. 1965, II. 14385 ; note E. M. sous Civ. 8-11- 1956, J.C. P. 1957, II. 9730.

(101) Civ. 9-3-1983, D. 1984, 641 ; GRIMALDI, « La jurisprudence et la date du testament olographe », D. 1984, chr. p. 253, comp. jadis, PICARD, note sous Réq. 5-11- 1913, D. 1914, I. 233.

(102) Civ. 14-3-1984, D. 1984, 642 ; 4-2-1981, J.C.P. 1982, II. 19715, note RÉMY adde

Paris 5-4-1851, D. 1852, 2. 123.

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résistent encore davantage à l'interprétation téléologique. Telle la signa ture ayant pour but d'attester la présence du signataire à l'acte. Si la signature manque, l'acte est nul quand bien même la présence de la per sonne qui devait signer était incontestable en raison de ses paraphes appos és en marge ou en bas des pages de l'acte (103). Certains moyens sont seuls à pouvoir atteindre le but. Ainsi la dictée visant à assurer la spontanéité du disposant dans le testament authentique. Elle est tout simplement irremplaçable (104).

32. 8) Si le formalisme ne connaît pas d'exceptions analogues à celles qui ruinent la règle de preuve littérale, il admet parfois des équivalences.

L'exception peut détruire la règle, l'équivalence ne fait que la traduire. Le formalisme n'est pas remplacé par un moyen quelconque, comme en matière de preuve, mais par des substituts substantiels. Substituts qui sup pléent à une carence et substantiels car ils ont une valeur intrinsèquement égale à celle de la forme omise. Il en est ainsi du « déguisement » de l'intention libérale dans un acte onéreux et de la « remise » de la chose, qui ont été assimilés à la forme authentique nécessaire à la validité de la donation (105).

33. 9) Si le formalisme conventionnel suivait, d'une manière absolue, la méthode téléologique, il disparaîtrait. Voici un bail stipulant que le congé doit être adressé au co-contractant par lettre recommandée. Le congé serait valable s'il était porté à la connaissance de ce dernier par lettre simple (106). La forme sera remplaçable par tout autre moyen assurant la réalisation de son but. L'exploit d'huissier pourrait être remplacé par une

lettre recommandée ou ordinaire ou par un simple appel téléphonique ! Cependant, les moyens de communication formels ont, dans l'esprit des parties, une valeur particulière qui interdit leur substitution automatique.

Lorsque l'acte extrajudiciaire ou la lettre recommandée est exigé par la loi, la jurisprudence n'admet pas qu'ils puissent être suppléés par tout autre moyen de valeur moindre (lettre ordinaire, protestations verbales) (107) . Il ne devrait pas en être autrement pour la forme convenue qui est la loi des parties (108). Le congé donné par lettre simple et non par lettre recommandée comme prévu, était certes validé mais en raison de son acceptation (109) par le bailleur. S'il était jugé de même pour la levée

(103) Civ. 15-6-1962, Gaz. Pal. 1962, 2. 181.

(104) Paris 2-3-1959, J.C.P. 1960, éd. N, II. 11391, note VOIRIN.

(105) FLOUR, Mélanges Ripert, op. cit., p. 111 ; Huguette MÉAU-LAUTOUR, La donation déguisée en droit civil français, Paris, 1985, p. 370 et s. ; Mme GUERRIERO nie cette équivalence : « la donation n'est pas faite en une forme autre que la forme notariée exigée par la loi, c'est un acte juridique différent mais aboutissant au même résultat, qui est accompli » (op. cit. , p. 120) . Si on suit cette analyse, on devrait reconnaître la force obligatoire de la promesse de don manuel. Or, cette promesse, comme celle ayant pour objet un service gratuit, n'engage pas.

(106) Req. 11-2-1907, Gaz. Pal. 1907, I. 297.

(107) A propos d'un exploit d'huissier, Colmar 28-10-1930, Gaz. Pal. 1930, 2. 287 ; sur la nécessité de la lettre recommandée dans l'article 105 du C. com., DURAND, Juris-Class.

Com., art. 105 (et les références).

(108) IVANIER, « La lettre et l'esprit de la loi des parties », J.C.P. 1981, I. 2023.

(109) Req. 11-2-1907, précité.

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d'option, c'est parce qu'il y avait, dans une espèce, « prise de possession du terrain par le bénéficiaire au su et au vu du vendeur » et réception par ce dernier « des acomptes » (110) ou parce que le stipulant, dans une autre espèce, avait « accusé réception par lettre simple » (111). Tout porte à croire que s'il n'y avait pas eu « acceptation sans réserve » du procédé employé ou « exécution partielle » du marché, les décisions citées se seraient prononcées pour la nullité.

34. 10) Les moyens de communication formels ne sont pas interchan geables. Les moyens d'expression de la volonté non plus. Le jugement tient lieu d'écrit stipulé ad probationem mais non si celui-ci est convenu ad solemnitatem. M. Guesnu a eu le mérite de montrer le prix que les parties attachent à la rédaction volontaire de l'acte par opposition au jugement forcé. Ce dernier nécessite des frais. Il ne constate pas le paiement souvent lié à la rédaction de l'écrit. En outre, la partie qui refuse de bonne grâce de signer l'acte, n'inspire pas confiance à l'autre partie qui préfère alors, à son tour, ne plus donner suite à l'opération ébauchée (112).

35. Le moyen comptant autant que le but, il faut examiner sa valeur intrinsèque avant d'émettre un jugement d'équivalence. Interroger la volonté, c'est déjà évoquer le consentement dont les diverses conceptions influent sur le formalisme conventionnel.

II. REGARDS SUR LE CONSENTEMENT A. — La conception formelle du consentement

36. Quoique le consentement soit promu dans l'article 1108 du Code civil au rang d'élément de fond, comme l'objet et la cause, il n'en conserve pas moins des traces, des séquelles, des réminiscences du temps où il n'était qu'une forme parmi tant d'autres, l'une des vestimenta destinée à envelopper le pacte nu pour lui permettre d'accéder à la vie juridique. A côté des contrats verbis, litteris ou re (113) c'est-à-dire conclus par des paroles sacramentales (stipulatio) ou par l'écriture et l'inscription sur un registre (novation par changement de débiteur) ou par la remise de la chose (mutuum), le « consensu » fait à Rome une apparition timide pour habiller les actes les plus usuels (vente, louage, mandat, société). La forme nouvelle connut des fortunes diverses. Tantôt, elle reculait, dès le 5e siècle, avec les invasions barbares ; tantôt, elle progressait, aux 12e et 13e siècles, sous l'influence des Canonistes. Au 17e siècle, elle séduit Loysel qui affirme : « on lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles », annonçant ainsi le principe « solus consensus obligat » repris par Domat puis par Pothier à la veille du Code civil (114).

(110) Civ. 6-7-1964, B. I, n° 369, p. 288.

(111) Civ. 18-2-1976, B. I, n° 78, p. 63.

(112) GUESNU, p. 61 et s.

(113) G. LEPOINTE, R. MONIER, Les obligations en droit romain et dans l'ancien droit français, Paris, 1954, p. 184 et s.

(114) GUERRIERO, p. 7 et s. ; Raoul ROUXEL, Recherches des principes généraux

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37. L'avènement du consensualisme devait marquer la fin du forma lisme romain alors qu'en fait il s'agissait de la domination d'une forme, celle du consensu sur toutes les autres.

Le contrat réel disparaissait, la tradition n'étant plus une condition de formation mais d'exécution du contrat (115). La forme orale survit à peine dans quelques actes (ex. la dictée dans le testament authentique ; les termes sacramentaux dans les effets de commerce ; les contrats litteris laissent enfin quelques vestiges (contrat de mariage, donation, hypothèque).

38. On saluait certes le triomphe du volontarisme sur le formalisme, de l'idée abstraite sur les rites, les cérémonies. Le consensu est un vestimen- tum souple, une tenue tellement légère, une tunique si transparente que le pacte qu'elle couvre apparaît presque nu. Mais ce pacte apparemment nu, à première vue revêtu du plus simple appareil, n'est pas dénué de toute forme (en fait contraignante), celle précisément du consensu. Gestes, att itudes, paroles, écrits peuvent être librement utilisés (ce qui donnait l'ill usion du consensualisme) mais pour s'enfermer dans la forme prépondérante du consensu.

39. Le consensu était une forme qui absorbait toutes les autres. C'était une forme qui déclenchait instantanément l'obligation, interdisant la rétractation, le repentir, le retour en arrière. « Un soliloque à voix basse, un cri lancé aux quatre vents, un écrit caché dans un étui puis jeté au fond de l'océan » n'engagent à rien (116). Mais dès que deux volontés concordantes s'extériorisent l'une face à l'autre, le contrat est né revêtu de sa forme {cum sentire) ; on est aussitôt ligoté par le consensu sans peut- être le savoir ou le vouloir réellement. La vente est parfaite par le seul accord sur le prix et la chose même si les parties n'ont pas voulu s'engager immédiatement croyant faire une simple promesse car selon l'article 1589 du Code civil : « la promesse de vente vaut vente » (117).

40. On peut, certes, distinguer consensu et formes classiques et pas seulement sur le plan de la simplification mais aussi sur celui de la sanction : l'irrégularité de forme, tout comme l'absence de forme, entraîne la nullité absolue de l'acte alors que le vice de consentement, à la différence de l'absence de consentement, est sanctionné par la nullité relative. Cela n'empêchait pas le consensu de fonctionner comme une forme, n'interdisait pas de penser qu'elle était une forme et cela même au sens le plus extrême, dans celui où la forme remplaçait le fond. Le consensu est une forme qui engage, peu importe son contenu. Peu importe, qu'au fond, le consente ment soit irréfléchi, passionnel, immature (118). Le consensu clôt l'acte et

régissant l'évolution contemporaine du formalisme des actes juridiques (thèse Caen), 1934, p. 11 et s.

(115) Sur le débat, v. JOBARD-BACHELLIER, « Existe-t-il encore des contrats réels en droit français ? », Rev. trim. dr. civ. 1985, p. 1 et s.

(116) CARIOTA-FERRARA, Le forme dei contratti, op. cit., p. 9.

(117) GARREAU DE LA MÉCHENIE sous Req. 20-7-1943, S. 1945, I. 10.

(118) Sur des contrats conclus dans un état de crainte (« la peur de manquer »), de

passion (« le désir de fréquentation aristocratique ») ou d'affaiblissement dû à l'âge, v. MA-

GNIN, « Réflexions critiques sur une extension possible de la notion de dol dans la formation

des actes juridiques, l'abus de situation », J.C.P. 1976, I. 2780.

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exclut tout débat en profondeur, du moment qu'un individu passe un contrat sans aucun vice de consentement (un demi-consentement est inconcevable), de même que, lors de l'examen de l'imputabilité pénale, on admet jusqu'au milieu du 20e siècle que l'homme n'agissant pas sous l'em pire de la contrainte, est entièrement libre et celui qui n'est pas fou est parfaitement raisonnable.

41. Cette conception formaliste du consentement devait longtemps rejaillir sur le traitement réservé au formalisme conventionnel. De deux choses l'une, ou bien les parties n'étant pas d'accord sur toutes les questions débattues, reportent la formation du contrat jusqu'à la rédaction de l'écrit ou bien elles sont d'accord sur tout mais souhaitent ne s'engager que par écrit.

Dans le premier cas, il y a accord partiel, incomplet. Les éléments en suspens (par ex. modalités de paiement (119), durée (120)) devront faire l'objet d'une discussion ultérieure lors de la rédaction de l'écrit. Le contrat n'est donc pas formé à défaut de consensu et non à défaut d'écrit.

Dans le second cas, l'accord est total. Le contrat est formé, revêtu de sa forme légale, le consensu. La forme convenue, la rédaction d'un écrit, n'y ajouterait plus rien. Subordonner la formation du contrat à cette rédac tion alors que les parties sont d'accord sur tous les éléments essentiels du contrat, tenir compte de la forme convenue à côté de la forme légale, heurterait le principe de l'économie des formes. C'est parce que le consensu était envisagé comme une forme destinée à achever la construction de l'acte que la stipulation de l'écrit a été réduite dans plusieurs arrêts à une simple clause de preuve {ad probationem (121)). Formalisme convenu sur formalisme légal ne vaut. Le même acte ne peut cumuler deux formes

différentes.

42. Contre cette conception étriquée du consensu, le législateur a fini par réagir en développant le formalisme informatif en matière de consommation. L'écrit portant des mentions obligatoires devrait rensei gner le profane et l'amener à prendre une décision éclairée (122). La forme écrite (litteris) remplace alors non pas tant le fond de l'acte, comme on a pu le croire (123), mais tout simplement le consensu, en tant que forme trop légère pour assurer aux personnes inexpérimentées une protection efficace.

43. Bien avant les récentes interventions législatives, la conception formelle du consentement a dû reculer au lendemain du Code civil de 1810.

En proclamant le « solus consensu obligat », ce code n'entendait pas, en effet, consacrer la simple généralisation du consensu en tant que forme,

(119) Besançon, 20-8-1881, D. 1882, 2. 177 (dans l'espèce, les modalités de paiement étaient de la plus haute importance pour l'acheteur dont « les très faibles ressources ne lui permettraient pas de se libérer avant de longs délais »).

(120) Req. 12-11-1889, D. 1980, I. 33.

(121) Cass. 10 Therm, an 13, S. 1808, p. 147 ; Civ. 9-12-1930, D. 1931, I. 118 ; Paris, 11-3-1964, J.C.P. 1965, II. 14169, note M.F.P. ; Civ. 2-5-1968, B. III. n° 182, p. 144 ; Orléans, 9-8-1972, J.C.P. 1973, éd. IV, p. 110.

(122) « Le contrat d'adhésion et la protection du consommateur », enaj., 1978.

(123) AYNES, op. cit., p. 70 et s.

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au détriment des autres. L'extension quantitative a opéré un changement qualitatif. Le consensu devait cesser d'être une forme qui consomme l'acte juridique dès son apparition. C'est un élément suffisant pour créer le contrat à défaut de stipulation contraire, élément que les parties peuvent enrichir à leur guise. Un minimum et non un maximum ; un point de départ et non un point d'arrivée. Ce n'est pas un nouveau culte, certes simplifié et sans liturgie, chassant les anciens modes de célébration de la foi jurée mais un esprit libre, une liberté de pensée et d'expression qui s'installe avec l'essor du libéralisme au 19e siècle. Les parties peuvent donc utilement stipuler que le seul consentement ne suffit pas à les engager et exiger la réitération de ce consentement par écrit. Cette évolution, la Cour de cassation l'a annoncée peu de temps après la promulgation du Code civil.

En 1821, elle a décidé qu'une vente verbale ne vaut pas vente tant que l'écrit stipulé n'est pas encore rédigé (124). Le solus consensu obligat doit être écarté si telle est la volonté des parties.

Respecter la volonté, est-ce adopter une conception psychologique du consentement ?

B. — La conception psychologique du consentement

44. Chacun sait qu'un acte juridique peut être nul, malgré la régularité de la forme, pour vice de consentement. La forme ne remplace pas le fond de même que le fond ne remplace pas la forme. Cependant, à suivre une partie de la doctrine, le consensualisme conduit au volontarisme le plus exaspéré. L'acte juridique serait axé sur la volonté, l'intention, Vanimus au point de déloger la forme ou la réduire à des proportions insignifiantes.

45. On privilégie alors les modes d'expression non formels. « Même dans les actes solennels, la volonté s'exprime librement en toute liberté » écrit M. Rieg (125). Il est vrai qu'un mariage in extremis a pu être célébré, le consentement du mourant ayant été déduit de « ses larmes et son regard » (126) mais faut-il rappeler que le consentement libre devait néces sairement s'exprimer devant l'officier de l'état civil (127) ?

46. La recherche psychologique trouvait son terrain de prédilection dans le testament, acte solitaire par excellence.

C'est Vanimus testandi qui transforme un simple projet en test ament (128). Logiquement, cet animus suppose une complète conscience des effets de l'acte excluant ainsi toute possibilité de faire un testament sans le savoir. Or, dans l'exhérédation, le de cujus « déshérite tous ses parents sans instituer aucun légataire ». Il est animé par « une volonté privative » et non par « une volonté attributive », gratifier l'État. Cette

(124) Cass. 12-11-1821, S. 1821, I. 512.

(125) RIEG, « Rapport sur les modes non formels d'expression de la volonté en droit civil français », Ass. Capitant 1968, p. 41.

(126) Civ. 22-1-1968, D. 1968, p. 309.

(127) Pour une critique complète, v. GUERRIERO, p. 36 et s.

(128) VOIRIN, note sous 27-1-1942, J.C.P. 1942, II. 1836, adde Paris, 30-12-1921, D.

1922, 2. 36 ; Dijon, 24-11-1932, DH. 1933, p. 91 ; Civ. 3-5-1935, DH. 1935, p. 314, 7-5-1951,

B. n° 140, p. 110 ; Paris, 20-4-1961, p. 397 ; Paris, 3-12-1962, Gaz. Pal. 1963, I, p. 234.

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dernière conséquence, non voulue, se produira cependant automatique ment. Au-delà de Y animus du de cujus « exclure, c'est disposer », ou plutôt

« exclure, c'est laisser la loi disposer » (129).

Lorsqu'un texte comporte plusieurs feuillets dont un seul est daté et signé, on s'interrogeait encore sur l'intention du de cujus pour savoir si, dans son esprit, ils formaient un ensemble indivisible (l'indivisibilité objective est rarement évoquée). Le doyen Savatier n'hésite pas à repro duire ce raisonnement en cas de lacération du testament par son auteur,

« un testament déchiré en plusieurs feuillets, demeure, ou non, un testa ment, suivant que, dans la pensée du disposant, les morceaux continuent, ou non, à constituer un même acte » ! (130). On aperçoit le danger que font courir ces « investigations subtiles et quasi-divinatoires » (131).

La poursuite de la volonté permettait enfin de corriger des testaments irréguliers en la forme (132). Il en est ainsi dans la participation prépondér ante du tiers guidant la main du testateur illettré ou infirme. Le testament serait valable si l'écrit ne trahissait pas la pensée du testateur (133). C'est oublier que l'examen de la forme doit précéder celui du fond (134). En l'absence de graphisme personnel, il n'y a pas de testament olographe qui puisse être corrigé, redressé en remontant à la volonté du défunt.

47. Le volontarisme exaspéré, s'il sauvait des testaments défectueux, détruisait le formalisme conventionnel. Selon certains auteurs allemands, le formalisme conventionnel arrive soit trop tard, soit trop tôt. Ou bien, la stipulation de l'écrit suit un accord verbal et elle sera sans effet, le contrat étant parfaitement conclu aurapavant (135). Ou bien, elle est suivie d'un accord verbal et elle sera considérée comme effacée par la renonciation tacite des parties découlant de l'accord verbal ultérieur (136).

48. Prenons la première hypothèse où la clause de la forme a succédé à l'accord sur le fond. La doctrine italienne observe que la présomption légale de forme s'applique à l'écrit stipulé en vue d'un acte juridique futur ou en cours de formation. Elle ne joue donc pas lorsque l'acte juridique est déjà formé, antérieurement à la stipulation de l'écrit (137). Certes, les parties peuvent nover un précédent accord mais il appartient alors à celui qui invoque la novation de la prouver, l'écrit stipulé a posteriori étant fréquemment exigé ad probationem (138).

(129) Note signée H.M. sous Aix, 5-2-1934, J.C.P. 1934, p. 435.

(130) R. SAVATIER, note sous Civ. 5-5-1965, J.C.P. 1965, II. 14311.

(131) MAURY, note sous Civ. 2-2-1971, D. 1971, p. 421.

(132) ROUXEL, op. cit., p. 157.

(133) REUTER, p. 162.

(134) WAYMEL, p. 45, p. 69.

(135) BASEDOW, « Forme et preuve du contrat, Allemagne », dir. RODIÈRE, p. 87.

(136) HELDRICH, p. 126 ; REINICKE, p. 154 ; SCHMIDT-SALZER, « Rechtspro bleme der Schriftformklauseln », NJW. 1968, p. 1257 ; en sens contraire, avec des arguments tirés de l'art. 1341 du C. civ. français, v. EISNER, « Die Schriftformklausel in Der Praxis », NJW. 1969, p. 118 et s.

(137) CARIOTA-FERRARA, p. 22.

(138) TEDESCHI, « Forme volontarie nei contratti », in Studi in onore diAscoli, 1931,

p. 216 et s.

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En France, Pothier distinguait selon que l'accord à passer devant notaire était déjà conclu sous seing privé ou verbalement. Dans le premier cas, le défaut d'acte authentique est sans influence sur l'existence de l'a ccord ; dans le second cas, il risque de le priver d'efficacité, compte tenu de la nécessité de prouver par témoins « les marchés dont l'objet excède cent livres » (139).

Demolombe se prononçait par une présomption de fait en faveur de la forme (en raison d'« une pratique très populaire aujourd'hui ») lorsque l'acte authentique est prévu à la suite d'une entente verbale. En revanche, si un acte sous seing privé est déjà dressé, « la présomption doit être qu'elles (les parties) n'ont pas entendu subordonner la formation de leur convention à la rédaction de l'acte notarié » (140).

49. Nous ne pensons pas qu'il faille distinguer selon le caractère oral ou écrit de l'accord que les parties ont convenu d'écrire ou de réécrire.

Dans les deux cas, la forme n'est pas à exclure du seul fait qu'elle est stipulée a posteriori (141). Une déclaration expresse de formalisme n'est même pas nécessaire contrairement aux vœux de Portalis (142) et de la doctrine italienne. Car il ne s'agit pas de nover c'est-à-dire de remplacer un accord par un autre mais d'arrêter le cours d'une opération, le temps nécessaire au réexamen de son opportunité. Le formalisme peut donc se déduire des circonstances (143). Ainsi le fait de retarder tous les effets du contrat (le transfert de propriété et le paiement du prix par exemple dans les ventes) jusqu'à la rédaction de l'écrit, constitue un indice très fort pour le formalisme (144).

La maxime selon laquelle « celui qui veut le principe, veut les consé quences » a presque son double, « celui qui ne veut pas les conséquences, ne veut probablement pas le principe ». Nous disons probablement et non certainement. Car les parties auraient bien pu stipuler un terme et retarder seulement l'exigibilité de leurs obligations et non leur naissance. Encore faut-il, pour cela, prévoir un événement futur et certain. Ce n'est pas le cas de l'écrit dont la rédaction est laissée à la discrétion des parties (145).

50. Envisageons maintenant la seconde hypothèse de l'accord verbal subséquent à une clause de forme. Cet accord est fort ambigu. Est-ce une négation voulue de la forme ou le prélude à sa rédaction ? Celui qui s'en tient à la stipulation de l'écrit et refuse d'exécuter l'accord verbal, semble violer ce dernier. Mais l'autre partenaire qui se prévaut de l'accord verbal ne viole-t-il pas la clause de forme ? Certainement pas s'il y a une renonciat ion à celle-ci. Mais alors la renonciation doit se dégager des éléments

(139) Œuvres de Pothier par BUGNET, Paris, 1848, t. 2, n° 11, pp. 10 et 11.

(140) C. DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon, XXIV, traité des contrats, t. I, Paris 1863-67, n° 36, pp. 40 et 41.

(141) C'est ainsi qu'il a été jugé (Req. 8-1-1947, J.C.P. 1947, éd. N, IL 3813, note Maquet) alors que la forme notariée était stipulée après un premier accord par correspondance réitéré par acte sous seing privé.

(142) Sur l'opinion de PORTALIS, v. Cass. 12-12-1821, 5. 1821, I. 512 ; Riom, 9-3- 1844, 5. 1844, 2. 324 et la note ; PONT, Rev. crû. légis. juris. 1853, p. 286 et s.

(143) Req. 4-5-1936, DH. 1936, p. 313.

(144) Civ. 30-4-1970, B. I, n° 148, p. 119.

(145) DEMOGUE, « Des contrats provisoires », Mélanges Capitant, 1939, p. 169.

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