De la vie sur Encelade?

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L'astronomie au gré des saisons, 2018-09-25

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De la vie sur Encelade?

Tapping, Ken

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DE LA VIE SUR ENCELADE?

Le carbone est un drôle d’élément. Ses atomes peuvent se combiner directement pour former d’énormes molécules composées de longues chaînes et d’autres structures. Comme le disait mon professeur de sciences, au secondaire, « les atomes de carbone sont des bandits à quatre bras ». Lorsqu’ils se donnent la main pour créer une chaîne, il leur en reste encore deux pour accrocher d’autres atomes – d’hydrogène,

d’oxygène, de phosphore ou d’azote, par exemple, voire plus d’atomes de carbone. Des chaînes de six ou sept atomes de carbone peuvent se constituer dans les nuages cosmiques et d’autres lieux, et engendrer des substances comme les acides aminés, blocs de construction de la vie. Le laboratoire ou l’usine de plastique mis à part, il n’y a cependant qu’un seul endroit au monde où l’on trouve des molécules faites de dizaines, de centaines, sinon de milliers d’atomes de carbone enfilés les uns aux autres : les organismes vivants. C’est pourquoi on qualifie d’organique la chimie des molécules de carbone, hormis les plus simples. Ce terme signifie « qui a rapport à la vie ». Nous disposons ainsi d’un puissant outil pour chercher la vie. En effet, la découverte de molécules de carbone complexes (MCC) trahira la présence, actuelle ou passée, d’organismes vivants. Le charbon et le pétrole regorgent de MCC parce que ces matières se sont développées il y a des millions d’années, après l’enfouissement de débris végétaux. Prélevez un échantillon d’eau de mer, dans n’importe quel océan du monde, et vous y découvrirez des MCC. Ces molécules peuvent être issues de la décomposition de choses mortes, de peau ou d’écailles perdues après une mue, des sous-produits des réactions organiques ou de minuscules créatures capturées, par malchance, lors de l’échantillonnage.

Nous sommes presque certains que la vie sur Terre a pris naissance dans l’océan. La majorité des organismes vivants ont besoin de la lumière et de la chaleur du soleil pour survivre. Cependant, d’immenses communautés de créatures exotiques

prospèrent grâce à l’eau chaude, riche en minéraux, qu’expulsent les cheminées

hydrothermales, dans les profondeurs glacées des fonds abyssaux. Les rayons du soleil ne jouent aucun rôle dans la vie de ces animaux, ce qui soulève une possibilité intéressante : les lunes des géantes gazeuses que sont Jupiter et Saturne sont si éloignées du soleil que leur surface est couverte de glace. Pourtant, sous cette croûte, on pense que des océans d’eau existent à l’état liquide. L’eau y resterait fluide à cause de l’énorme chaleur dégagée par le « pétrissage » périodique résultant de la force d’attraction de la planète autour de laquelle gravite la lune. Pareille chaleur alimentera sans nul doute des cheminées

hydrothermales. Or, ces océans présentent un grand avantage sur ceux de la Terre : ils sont chauffés par le fond. La convection répartira la chaleur partout dans l’eau, alors qu’ici, les océans sont réchauffés par le haut et plus on s’y enfonce, plus le froid augmente jusqu’à atteindre presque le point de congélation. La population animale par kilomètre carré dans les fonds océaniques est d’ailleurs très faible, sauf à proximité des cheminées hydrothermales.

Une bonne façon de savoir s’il y a de la vie dans les océans des lunes chauffées par les marées consiste à chercher des MCC dans l’eau, pourvu que l’on parvienne à l’échantillonner. La chance était avec nous sur Encelade, l’un des satellites de Saturne. En effet, le chauffage de marée y est si intense que des geysers percent la glace pour projeter l’eau haut dans l’espace. La sonde Cassini a observé le phénomène durant son périple autour de Saturne et de ses lunes. Et l’on vient tout juste de découvrir que l’eau éjectée contient des traces de MCC. Les premiers résultats semblent encourageants.

Europe, l’un des satellites de Jupiter, nous

intéresse particulièrement. La lune est enveloppée d’une couche de glace sous laquelle se cache un océan chauffé par les mouvements de marée. Les images des sondes spatiales montrent une

banquise qui se morcelle et se ressoude

d’eau, qui s’évapore et laisse des composés chimiques derrière elle. On projette d’envoyer un engin spatial balayer la surface d’Europe dans l’espoir d’y détecter la signature infrarouge de MCC. Le côté le plus excitant de l’expérience consistera toutefois à poser la sonde sur Europe pour qu’elle perce un trou dans la glace, y fasse descendre un robot sous-marin et nous montre directement ce qui pourrait nager dans ce lointain océan.

Mars, la planète rouge, est très visible en soirée, au sud-est. Saturne vogue très bas dans le ciel, au sud, tandis que Jupiter rase l’horizon au

sud-ouest. La lune entrera dans son dernier quartier le 2 octobre.

Ken Tapping est astronome à l’Observatoire fédéral de radioastrophysique du Conseil national de recherches du Canada à Penticton (C.-B.), V2A 6J9. Tél. : (250) 497-2300; téléc. : (250) 497-2355