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LE ROSSIGNOL,
OPERA.
Imprimerie de le
Normant,
rue de Seine , n°. 8.LE ROSSIGNOL,
OPÉRA COxMIQUE EN UN ACTE,
REPRESENTE POUR LA PREMIERE FOIS SUR LE THEATRE DE
L-1
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE, LE 23 AVRIL
1816.PARIS,
Chez
ROULLET,
Libraire de l'Académie royale de Musique,
Palais Royal, galerie du Théâtre Français, n°, ig, Etrue des Poitevins, n°. 7.
^ww-2
M.
D.ce a XVI.
Les
Paroles sontde M. Etienne.
La Musique
estde M. Lebrun.
Les
Ballets sontde M. Gardel.
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*\vvvvv%vvv\vvv**\vvvvvvvw«wvvvvvvvvvvv\vvvvvvvvvvv\vv^
Ie
Rossignol n'est point de La Fontaine, quoiqu'il ait été inséré dans plusieurs éditions de ses Œuvres.On
Fattribue à
M.
Lamblin , conseiller au Parlement de Dijon, ou à M. du Trousset de Yalincour, de l'Académie Française. Ce joli conte a déjà fourni le sujet de plusieurs piècesde théâtre. Collé l'a traité sous le titre du Rossignol, ou le Mariage secret; cette petite comédie, mêlée d'a- riettes , fut représentée pour la première fois, le j8 no- vembre iy5i , cbezle comte de Clermont, princedu sang.En
1755, l'abbé de Lattaignant donna aussi un Rossignol sur le Théâtre de la Foire. Enfin, il y a environ vingt ans qu'un comédiende province,nommé
Dancour, fit jouersur un de nos petits théâtres un autre Rossignol, dont M.Le-
brun avoit composé la musique.Ce
dernier ouvrage neréussit point. L'auteur avoit placé la scène à Athènes, et son action froide et languissante étoit entièrement dénuée de comique. Le succès qu'obtint, il y a deuxans, l'opéra deJoconde, rappela à M. Lebrun le sujet du Rossignol, qu'il
persistoit à croire très-propre à la scène lyrique. Il eut la
bonté de penserque je serois aussi heureusement inspiré par ce conte que je Pavois été par le premier, et il
me
proposa d'en faire un acte pour l'Académie Royale de Musique.J'avoue que la chose
me
sembla d'abord impossible. Cepen- dant,il y aquelques mois que j'imaginaiunesituation quime
parut assez théâtrale, et alors je
me
décidai à soumettre ce petitOuvrageauPublic.Je désire qu'il ne soit point indignede son suffrage. J'ai eu plus d'un obstacle à vaincre.
Nous
avonstrop ou nous n'avonsplus assezde
mœurs
poursouffrir aujourd'hui sur la scène ce que se permettoit l'abbé de Laltaignant au Théâtre de la Foire , ou ce qu'osoit Collé dans les petits appartenons d'un prince. J'ai placémon
action dans une vallée des Pyrénées, convaincu que moins
le sujet paroissoit décent , plus j'avois besoin de l'inno- cence des
mœurs
et de la naïveté du langage.Ce petit opéra pourra, je le sens, paroitre déplacé sur une scène consacrée aux brillantes fictions de la mytho-
logie, et aux grands traits de l'histoire. Mais s'il a le
bonheur de plaire, il servira du moins à varier un peu le genre.
Aux
expositions publiques de nos Musées, ne place- t-on pas des scènes champêtres au-dessous des plus vastes compositions? Et l'œil qui vient d'admirer un magnifique tableau ne se repose»t—il pas avec plaisir sur un petit paysage?«t
ACTEURS ET ACTRICES
CHANTANT DANS LES CHŒURS.
*g-»:'..s.
PERSONNAGES DANSANS.
VILLAGEOIS.
Ier CORPS.
M.
Albert.M
lle Bigottini.MM.
Petit, Verneuil, Faucher, Brau.M
11!* Adélaïde, Cézarine, Baudesson, Yolet, ir*.ENFANS.
MM.
Ragaine, Gosselin.M
1,cs Clotilde, Julie Berri.>=-iW»;;j|Wli
"
2e corps;
M.
Paul.M
meS Gardel, Fanni Bias.1
MM.
Pequeux, Maze, Pupet, Gallais, Groneau;M
,lesLemière, Naderkor, Aubrj, Gosselin, Vigneron»ENFANS.
MM.
Leblond, L'Enfant.M
UcsRoland, Kaniel, ir*.3e CORPS.
M.
Ferdinand,M
me Courtin.MM.
Auguste, Eve, Gogot, Bertrand.M
ll!sAngéline, Nanine, Brocard, Vauglere.ENFANS.
MM.
Richard, Crombé, 1".M
Ues Salquin, Mangin.UN SABOTIER.
M. Beaupré.
M
Ues Marinette, Bertin.MUSICIENS.
MM.
Romain, Rivière,L'Enfant, Paul, Louis.PERSONNAGES. acteurs.
LE BAILLI, M. Lays.
MATHURIN, M. Dérivis.
LUBIN, M. Nourrit.
UN BERGER, M. Alexandre.
PHILIS
,
M
meAlbert.
DEUX BERGERES, M-V Lebrun
,Bénard.
La
scène sepasse dans une
valide des Pyrénées.VVVVVVVVVV\VVVVVVA/VVC\\VV\\^AIVVV>V^VV>\IVVVVVVV\A/VVVVVVVVVVVVVV^VVVVVVV\VVVVVVVVVVVVVVVV\VV
LE ROSSIGNOL,
OPERA.
Le théâtre représente un paysage frais et riant; une cabane sur ]a droite; à gauche un grand bosquet ayant une entrée sur le devant de la scène et une dans le fond du théâtre,
com-
muniquant au dehors.SCENE PREMIERE.
LUBIN
seul.V oila
lemodeste
séjourOù sommeille encor ma bergère
;Voilà
lebosquet
solitaireOù
je la surpris l'autre jour.D'ici je
découvre
la plaineOù
serencontrent nos troupeaux
;C'est
au bord de
cette fontainei±
LE ROSSIGNOL,
Qu'elle vient
prendre du
repos.Tout en
ces lieuxme
parle d'elle :Dans
la foret, sur les coteaux,Oui, chaque
objetme Ja
rappelle.AIR.
Arbres, que vous
êtesheureux!
Vous
lui prêtez votreombrage;
Ruisseau, dans
tes flotsamoureux Tu
réfléchisson image.
Ah
!que
n'ai-je votre destin !Je gémis
, je soupireen
vain.Matin
et soirdans
cebocage Je
viens exprèspour
lachercher,
Et
n'ose jamaisrapprocher.
Ma
Philis estun peu farouche,
Un
rienalarme
sapudeur
;Et quand l'amour remplit mon cœur La
crainteme ferme
labouche.
Hélas
! j'aiperdu mon bonheur.
RÉCITATIF.
Mais
l'aurorevermeille Vient dorer nos coteaux;
Le
rossignol s'éveilleEt charme
les échos.Ah
!que
sa voix esttendre
! Philisaime
à l'entendre :De
ses chants je suisjaloux.SCENE IL
$Si je
pouvois
surma
flûte légèreImiter
desaccens
sidoux, Peut-être
je saurois lui plaire;Essayons.
(// imite sur saflûte la voix du rossignol.)
SCÈNE
II.PHILIS,
sortant de sa cabane;LUBIN.
LUBIN.
Quel bonheur
! c'est elle.(// entre dans le bosquet.)
PHILIS.
J'entends
mon
rossignol fidèle.{Elle écoute.)
Chaque matin, au
leverdu
soleil Il vient saluermon
réveil.Oh
!comme
ilchante
!Ilsemble qu'aujourd'hui
savoixsoitplus touchante.Que
jevoudrois comprendre
ce qu'il dit!Il
gémit
, ilsoupire
;Vraiment
il m'attendrit.Du moins
ilpeut
redireAux échos
d'alentourSa peine
etson amour.
Et moi,
jecache ma
souffrance :J'aime,
hélas! et j'aimeen
silence.14
LE ROSSIGNOL,
Malheureuse!
qu'ai-je fait?J'ai failli trahir
mon
secret.Si
quelqu'un
m'avoitentendue
Ah!
je seroisperdue.
Mais au
milieude
la forêt,Dans
cette retraite écartée,
Le
rossignolde
cebosquet Pourroit
seulm'avoir écoutée Et
ce n'est pasun
indiscret.Dieu
! quelbruyant ramage
De
ses chants lebocage
A
retenti soudain.CAVATINE.
Seul, confident
de ma
tendreN'abuse
pasde ma
foiblesse;Garde bien
le secretéchappé de n
A
toi seul Philis le confie.Oh
! rossignol, je t'en supplieNe
vas pas le dire àLubin.
scène m.
LUBIN,
PHILIS.TTTRTTtf cnrtnni J„ Lncnusl
SCENE
III.LUBIN.
Oui,
c'est luDUO.
PHILIS.
LUB
Quedevenir!ô trouble extrême! Trouble enchanteu EnfinLubin saitquejel'aime: Enfin jesaisqueP Je n'ose plus leverlesyeux.
Ah
! quelmomentLUBIN.
Aveu charmant.
PHILIS.
Aveu
funeste.Lubin
, éloignez-vousde moi.
LUBIN.
Non
,ma
Philis.PHILIS.
Partez.
LUBIN.
Je
reJe
suis sibien auprès de
toi.PHILIS.
Mais voyez donc
quelle assuranc»16
LE ROSSIGNOL,
LUBIN.
Que pouvez- vous me reprocher?
PHILIS.
Yous
êtesvenu me surprendre.
Ah
!que
c'estmal de
secacher
1LUBIN.
Philis, n'allez
pas vous
fâcher :Yous
chantiez , etde vous entendre
,
Dites-moi
quipeut s'empêcher?
ENSEMBLE.
Que devenir? ô
troubleextrême!
etc.LUBIN.
Du
rossignol,pour charmer ma bergère
,
J'imitois la voix légère.
PHILIS.
Lubin
,vous
êtesun trompeur.
LUBIN.
Je
Fai surpris cetaveu
quicouronne Et ma constance
etmon
ardeur.PHILIS.
Ah! Lubin,
je tepardonne;
II devoit tôt
ou
tards'échapper de mon cœur.
SCÈNE
IV. i7ENSEMBLE.
PHILIS. LUBIN.
Quedevenir!ô trouble extrême! Trouble enchanteur! plaisirextrême!
Ah!voussavezquejevousaime: C'enestdoncfait, maPhilis m'aime:
Jen'ose plus leverlesyeux. Je veuxle liredanssesyeux.
PHILIS.
Mais
silence ! voicimon père
:En
t'écoutant, je crainsde
lui déplaire;Eloigne-toi
de
ces lieux.LUBIN.
Pour
la fête aujourd'hui le village s'assemble;
Nous y
seronsensemble
,
Et
dès ce soir àMathurin
Je
demande
tamain.
PHILIS.
Point d'imprudence;
LUBIN.
De
l'espérance.Adieu,
Philis.PHILIS.
Adieu, Lubin»
2
tU
LE ROSSIGNOL^
SCÈNE IV.
MATHURIN,
THILIS.MATHURIN.
Bonjour, ma
fille;Que
te voilà fraîche et gentille ,Qui peut donc
, dis-le-moi, t1
éveiller si
matin?
PHILIS.
Du
rossignol je viensentendre
La
voixmélodieuse
et tendre.MATHURIN.
C'est singulier, j'ai
cru que
j'entendois parler;Mais
ilne chante
plus : l'ai-je fait envoler?Le chant du
roosignol estbien
faitpour
te plaire.Mais
voici,ma
Philis,un
avis salutaire.Et
je t'engage à l'écouter.AIR.
Par un
brillantramage
Il
ne
faut pas toujours se laisser enchanter.Quand une
fille est sage Elle doit éviter,Elle doit
redouter Les
oiseauxde
passage.Il
en
estun
qui plaîtPar son
joli langage :SCÈNE
IV. i9A
l'entendre,on
croirait Qu'ilcherche
l'esclavage ;Mais soi-même on
seprend
Aux
piègesqu'on
lui tend.Sa
voix est caressante,Sa mine
est séduisante ;Il soupire, il
gémit,
Il
charme
, il attendrit.Malheur
àl'imprudente Qui
lui livreson cœur
;Dès
qu'ilen
estvainqueur,
Il s'enfuit, il s'envole.
On
pleure ,on
se désole.Inutiles regrets !
Il
ne
revient jamais.Cet
oiseau si perfide,
Qu'on
voit lepremier
jour Sidoux
et sitimide
,On
l'appellel'Amour.
Prends-y garde, ma
fille,S'il te trouve gentille
,
Pour
temieux engager, Auprès de
toi , sansdoute
,
Il
viendra
voltiger.Evite le
danger
:Tu
vois ce qu'ilen
coûteA
fille qui l'écoute.Philis ,
pour ton bonheur,
je dois le répéter,Par un
brillantramage
ao
LE ROSSIGNOL,
Il
ne
fautpas
toujours se laisser enchanter.Quand une
fille est sage Elle doit éviter,Elle doit
redouter Les
oiseauxde
passage.PHILIS.
|
Mon père
, vos avisSont
excellens , sansdoute
;Mais
le rossignolque
j'écouteEst un
oiseaudu
pays.MATHURIN.
Silence !
J'entends à travers le bois
Les musettes
et les hautbois :C'est la fête qui
commence.
Va
teparer de
tes plusbeaux
habits.Ma chère
enfant, je t'avertisQue Monsieur
le Bailli doit te faire visite :Il te trouve jolie , et je t'en félicite.
PHILIS.
Àh
!mon père
, qu'ilme
déplaît !Comme
il est vieux,comme
il est laid;Et pourtant
il se croit aimable.MATHURIN.
Hé bien
, s'il est désagréable,
Il faut tout
bas
lepenser
,mon
enfant.Mais
il est juge , il est puissant :SCENE
V. aiIi faut tout
haut
dire qu'il estcharmant.
On
vient.Yas
te parer,ma
chère.PHILIS.
Si j'y vais , à
coup
sûr ce n'est paspour
lui plaire.SCÈNE V.
MATHURIN, BERGERS, BERGÈRES.
CHŒUR.
Dans
ce riant séjourAllons danser ensemble
:Amis, chantons T Amour,
C'est lui qui
nous
rassemble.UNE BERGÈRE.
Au bord de
ce ruisseauLe
plaisirnous
appelle;
Que chaque pastoureau
Rende hommage
à sa belle.UN BERGER.
Couronnez-vous de
fleurs,
Aimables
pastourelles ;N'ayez
plusde
rigueursPour
vos bergers fidèles.PREMIÈRE BERGÈRE.
Mais
le Bailli vienten
ces lieux.22
LE ROSSIGNOL, DEUXIEME BERGÈRE.
Qu'il a l'air grave et sérieux !
SCÈNE VI.
Les mêmes, LE BAILLI.
CHŒUR.
Tous
les habitansdu
villageA Monsieur
le Bailli présentent leurhommage^
LE
BAILLI.Bonjour,
enfans,bonjour;
Je
suistouché de
cesmarques d'amour, Et
jeveux, dans un
sibeau
jour,Prouver combien
j'y suis sensible;Yous
le savez, il seroitimpossible
De trouver un
Bailli qui surmoi
l'emportât ;A
l'intérêt je suis inaccessible,
Je
suishonnête
, délicat.Tour
à tour indulgent , sévère ,Je
suisun de
ces magistratsComme
à présenton
n'en voitguère
,
Ou
plutôtcomme on
n'en voit pas.Pour moi
lespauvres
sont des frères,
Je
chéris tous les habitans;
Je
suisami de tous
les pères,Et père de
tous les enfans.Mais par malheur
le cielne m'a
pas fait la grâceSCÈNE
VI. 25De bénir mon premier hymen
,
Et,
je le vois avec chagrin.Mes amis
, aprèsmoi
, quiremplira ma
place ?Rassurez-vous
; jeveux dans
cecanton
Eterniser la justice etmon nom.
Dans de nouveaux nœuds
jem'engage
;Ce
soir,devant
tout le village,Je veux moi-même
, àhaute
voix,Vous
faireconnoître mon
choix.AIR.
Allez, jeunes bergerettes, Allez cueillir
des bouquets.
Bergers
,prenez
vosmusettes
,
Préparez
vos galoubets:Apprêtez
tous des offrandesPour
la reinede mon cœur
;Apprêtez
tous des guirlandes,
Et
célébrezmon bonheur.
CHŒUR,
ensortant'Pour
la reinede son cœur Apprêtons
tousdes
offrandes;Apprêtons
tous des guirlandes,Et célébrons son bonheur.
24
LE ROSSIGNOL,
SCÈNE VII.
LE BAILLI, MATHURIN.
LE
BAILLI.Mathurin
, votre fille est l'heureusepersonne
Que
j'associe àmon
destin.Je lui
donne mon nom,
je luidonne ma main;
Mais
, avantque
je lacouronne
,
Jurez-moi que
jusqu'à ce jour Elle n'apas connu
l'amour.MATHURIN.
Ainsi
que vous
, je lesuppose
,
Je pourrois presque
l'assurer;Mais
entrenous
c'estune chose
Dont
ilne
faut jamais jurer.Elle vient; parlez-lui
vous-même
:Elle est
d'une candeur extrême
,
Et ne
saura rienvous
cacher.LE
BAILLI.C'est
bon
, dites-luid'approcher.
MATHURIN.
Elle est naïve, et
vous pouvez
la croire.LE
BAILLI.Nous
allonscommencer son
interrogatoire.SCÈNE
VIII. *5SCÈNE VIII.
Les mêmes
;PHILIS,
parée de ses habits defête.LE
BAILLI.Que de
fraîcheur!que de beauté!
TRIO.
Ma chère
enfant,point d'imposture;
Il faut
répondre avec
sincérité.PHILIS.
Oui, Monsieur
le Bailli, je jureDe vous
dire la vérité.MATHURIN.
Oui
,Monsieur
le Bailli, je jure Qu'elle dira la vérité.LE
BAILLI,Aimez-vous quelqu'un?
PHILIS.
Oui,
jene
puisvous
le taire,LE
BAILLI.Eh!
quidonc
, s'ilvous
plaît?26
LE ROSSIGNOL,
PHILIS.
J
'aimed'abord mon père
,
LE
BAILLI.Ce
n'estpas mal assurément.
Au sentiment
qu'ilvous
inspireJe ne
trouve rien à redire;|G'est
un amour bien
innocent.PHILIS.
'Ce n'est pas
mal assurément.
ENSEMBLE.
(Au doux sentiment
qu'il m'inspire[Qui
pourroit trouver à redire?[C'est
un amour bien
innocent.MATHURIN.
Ce
n'estpas mal assurément.
Au doux sentiment que
j'inspireQui
pourroit trouver à redire?C'est
un amour bien
innocent.LE
BAILLI.Mais, ma chère
enfant, votrepère
Est-il le seulque vous aimiez?
Point de détour, point de mystère;
Avec
franchise il fautque vous
parliez.PHILIS.
Hé bien
, j'aimeencore
Fidèle.SCENE
VIII. 37LE
BAILLI.Pour
lecoup
voicidu nouveau.
Eh
! quel est-ildonc
ce Fidèle?PHILIS.
Monsieur,
c'estainsiqu'on
appelle Celui quigarde mon
troupeau.(Maihurin luifait signe que c'est son chien. )
LE
BAILLI.Ce
n'estpas mal assurément
, etc.Aimez-vous encor quelque chose
? PHILIS.Oui, Monsieur.
LE
BAILLI.Dites-le, PHILIS.
Je
n'ose.LE
BAILLI.Ne
craignez rien.Parlez.
PHILIS.
Hé bien
,
J'aime
le rossignol qui tous les jours m'éveille :11
charme
lecœur
et l'oreille.Ah
!Monsieur
, ilchante
à merveille.aS
LE ROSSIGNOL,
ENSEMBLE.
Ce
n'estpas mal assurément;
C'est
un amour bien
innocent.SCÈNE IX.
LE BAILLI, MATHURIN, LUBIN,
PHILIS.(Lubin paroît dans le fond; Philis luifait signe de ne pas avancer, etil entre dansle bosquet.)
LE
BAILLI.Quelle décence extrême!
Quelle douce candeur!
Philis, Je
veux moi-même
Faire
votrebonheur.
PHILIS.
,Àh! Monsieur, pour que
j'yprétende,
Il faut
que
tous les jours j'entendeMon
joli rossignol chanter.LE
BAILLI.Hé
bien,on peut vous
contenter.D'ailleurs, quelle crainte est la vôtre?
Il n'est pas seul
dans
la forêt;
Et
si celui-là se taisait,.Vous
en écouteriezun
autre.MATHURIN.
Il
ne vaudra
jamais le nôtre.SCÈNE
IX. *9Oh
! c'estun
rossignol parfait :Matin
et soir ilnous
enchante.PHILIS.
* Il
m'accompagne quand
je chante.LE
BAILLI.Mais
celatientdu
merveilleux.D'entendre un
telduo
je serois curieux.(Luhin imite sur saflûte la voix du rossignol.)
MATHURIN.
On
diroit qu'ilvous
devine.LE
BAILLI.Oui, par ma
foi, je l'entends.Allons
, Philis, à ses accensUnissez
votre voix divine.(// s'approche du bosquet.)
PHILIS.
Votre
habit noirpourroit
l'effaroucher.Restez
là-bas sous cetombrage
:Il
me
connoît;moi
je puisrapprocher.
RÉCITATIF.
Entendez-vous
sous le feuillageDes
oiseaux lebruyant ramage?
Ils font retentir à la fois
Tous
leséchos
des bois.Oiseaux,
faites silence,Et
cessezde chanter
;3o
LE ROSSIGNOL, Le
rossignolcommence
,Yenez
tous écouter.AIR.
O
toi ! qui saisnous charmer
etnous
plairePar
desaccords
si ravissans ,Permets qu'une
foiblebergère
S'unisse à tes divins accens.C'est le
bonheur
quinous rassemble
Dans
ce riant séjour.Chantons
,chantons ensemble
,
Et chantons
tourà
tour.LE
BAILLI ,MATHURIN.
Chantez
,chantez ensemble
,Et chantez tour
à tour.PHILIS.
Mais suspends
ces chants d'alégresseQuand
tu célèbreston amour
;Je
voisun
avidevautour
Prêt
à ravir l'objetde
ta tendresse.Ah
!n'abandonne pas
Ta compagne
chérie :Sauve-
ladu
trépas , C'est ta fidèleamie.
Quand nous
seronsheureux
Nous reprendrons nos chants mélodieux
,Et nous
dirons tousdeux
:C'est le
bonheur
quinous rassemble
SCENE
IX. 3iDans
ce riant séjour.Chantons, chantons ensemble^
Et chantons tour
à tour.LE
BAILLI ,MATHURIN.
Comme
ilschantent bien
tour à tour;Ah
!que
leurs voix semêlent bien ensemble
!MATHURIN.
Oh
! lecharmant
oiseau !Ce
n'estpas
assezde
l'entendre 7Je veux
le voir.(// entre dans lebosquetou est Lubin,)
Oh
! qu'il estbeau
!( Lubin s'enfuit. )
PHILIS, effrayée.
Mon
père....MATHURIN.
J'ai failli le
prendre;
Mais soudain
il a prisson
vol.Par ma
foi, c'estun
rossignolDe
singulière espèce.LE
BAILLI.Le maladroit
!Pourquoi
lui fairepeur
? PHILIS, à part.Il a
vu Lubin
: quelmalheur
!LE
BAILLI.Ma chère
enfant , pointde
tristesse.PHILIS, à part.
Ah
!nous
voilà perdus.Sa
LE ROSSIGNOL,
LE
BAILLI.Pauvre
enfant , elle se désole.PHILIS.
Hélas
!pour
toujours il s'envole ;Il
ne reviendra
plus.LE
BAILLI.Je
vous
consolerai ,croyez-en ma
parole :Vous
n'aurez plusaucun
regret.LE
BAILLI , àpart àMathurin.J'aidepuistrès
long-temps un charmant perroquet
:Du matin au
soiril babille;
Je
le destine à votre fille ; Il la divertirapar son
joli caquet.Il disoit autrefois :
Je
t'aimeAvec une
grâceextrême.
MATHURIN.
Le
dira-t-ilencor de même
?LE
BAILLI.Oui,
jecours
lechercher... J'entendsnos
villageois:Je veux auparavant
leurannoncer mon
choix.SCÈNE X.
Les mêmes, LUB1N. CHŒUR.
CHŒUR.
Voici
des fleursnouvellement
éclosesPour
labeauté
quitoucha
votrecœur.
SCÈNE
X. 3âCouronnons-la de
jasmins etde
roses ,Doux
attributsde
l'aimablecandeur.
LE
BAILLI à Philis.Prenez
ces fleurs fraîches ecloses.PHILIS.
Moi
,Monsieur
?LE
BAILLI.Elles sont à
vous;
Et
c'estvous
dire assezque
je suis votreépoux,
PHILIS.Est-il vrai,
mon père
?MATHURIN.
Oui
,ma
fdle.Ah
! quelhonneur pour ma
famille ! PHILIS.O
ciel! qu'ai-jeentendu?
LUBIN.
Malheureux
! je suisperdu
!LE CHŒUR
, couronnant Philis, et lui offrantunbouquetblanc.Voici
des fleursnouvellement
eclosesPour
labeauté
quitoucha
votrecœur.
Couronnons-la de
jasmins et des roses7Doux
attributsde
l'aimablecandeur.
34
LE ROSSIGNOL^
LE
BAILLI, à PhilisïAIR.
Rendez
grâceau
destinpropice D'une
si brillante faveur.Venez embellir
la justiceDe
tout Féclatde
lapudeur.
Oui
, bientôt votremain charmante
Va répandre
tousmes
bienfaits ;Bientôt
votre voix caressanteAdoucira
tousmes
arrêts.Mais demeurez simple
etmodeste
;Gardez- vous de
l'orgueil funesteQu'inspire souvent
lagrandeur
:Et
sivous
désirezme
plaire , Baillive , 11 fautd'une bergère Conserver
toujours ladouceur.
(
A
part, à Mathurin-)Mais pourquoi
,Mathurin
,répand-elle des larmes?MATHURIN.
C
'est le saisissementQu'on éprouve
toujoursdans
lepremier moment.
LE
BAILLI.Les
pleursde
l'innocenceont pour moi bien
descharmes MATHURIN.
Et
puislerossignolluicause desregrets.SCENE XL
35LE
BAILLI.Vous
avez raison... j'oubliais...Je veux vous
tenirma promesse
;Je
vaisvous chercher
leprésent
Que vous
destinema
tendresse.Attendez-moi
,ma chère
enfant..
Dans
le plaisirque
lesheures
s'écoulentQue chacun danse
etboive
tour à tour;
De
toute partque
des flotsde
vin coulent r.Et que Bacchus rende hommage
àl'Amour.
CHŒURS
, en sortant.Dans
le plaisir , etc..SCÈNE XL.
PHILIS, LUBIN,
LUBIN,
regardant le bouquet>quonvientd? offriràPhiliscNe garde pas
cettecouronne,
Ah
! Philis, ôte cebouquet,
PHILIS.Je
les reçus avec regret :Les
voilà, je te lesdonne.
LUBIN.
Philis, je vais partir,
36
LE ROSSIGNOL, DUO.
Plus de repos
, plus (Tespérance
:Adieu bonheur,
adieu plaisir.Philis , je dois ) . ( ta
)
T , . > fuir < >
présence.
Lubin
, tuveux
} (ma
) 'Que de tourmens
je vais souffrir!PHILIS.
Âh
! resteencor,
je t'en supplie.LUBIN.
Non
,non
, je pars,ma tendre amie
;Je
vaisau
milieu desforêtsCacher mes
pleurs etmes
regrets.PHILIS.
Quoi
! tume
quittespour
jamais?LUBIN.
J'abandonne
tout sans réserveEt ma cabane
etmon troupeau
:De
tousmes
biens jene conserve
Que ma
flûte etmon chalumeau.
PHILIS.
Crois-moi
, tupeux encor
attendre.LUBIN.
Du
rossignolau fond
des bois J'imiteraisouvent
la voix.Hélas
! Philisne pourra
plusm'cntendrc.
SCÈNE
XIT. 37PHILIS.
Que
va-t-elledevenir?
ENSEiMBLE.
Plus
de repos
, plus d'espérance , etc.SCÈNE XII.
Les mêmes; MATHUR1N
etLE BAILLI,
dansle bosquet.
PHILIS, basàLubin.
Faisons
silence :C'est
mon père
qui s'avance ;Il est avec le Bailli.
Ne
t'éloignepas
d'ici.(Lubin remanie lefond du théâtre.
)
LE
BAILLI à Mathurin.Que
dites-vousde son
langage?Pour que
Philis n'ait plusaucun
regret,
Je
viensde
placer lacage Précisément dans
lebocage
Où
le rossignol chantait.(Dans le moment où il sort du bosquet, Lubin y entre parlefond du théâtre.)
35
LE ROSSIGNOL,
FINALE.
LE
BAILLI, à Philis.Philis , entrez
dans
cebosquet
5Yous y
trouverezquelque chose Qui vous
plaira.PHILIS.
Monsieur,
je n'ose.MATHURIN.
Philis, entrez
dans
ce bosquet.LE
BAILLI.Votre père vous
lepermet.
LUBIN,
àpari.Philis, je suis
dans
le bosquet.(Elle
y
entre; Mathurin et le Bailli écoutent.)PHILIS.
Ah
! c'est toi!bonheur suprême
!LE
BAILLI.Ecoutons
s'il ditbien
:Je
t'aime.LUBIN.
Oui
,ma
Philis,me
voilà.LE
BAILLI.Croyez
tout ce qu'il dira,
Tout
cequil
répétera.SCÈNE
XII. 39LUBIN.
Oh! combien
je t'aime ! je t'aime ! PHILIS.Répète
cent fois je t'aime.LUBIN.
Je
t'aime ! je t'aime !MATHURIN
,LE
BAILLI.Oh
!comme
il ditbien
je t'aime.Dieu
! quel plaisir est lemien
!Que
cet oiseau parlebien
!PHILIS.
L'agréable surprise !
Que
cesmomens
sontdoux!
LE
BAILLI.Mathurin,
elle est prise.Hé
bien, Philis,qu'en
dites-vous?PHILIS.
Il est
charmant.
LE
BAILLI.Il està vous.
PHILIS.
Il est à
moi
?LE
BAILLI.Je vous
ledonne.
Ecoutez-le
7 jevous l'ordonne
:4o
LE ROSSIGNOL,
Croyez
tout ce qu'il dira,Tout
ce qu'il répétera.LUBIN.
Ma
Philis,combien
je t'aime.PHILIS.
Bonheur suprême
I iRepète
cent fois je t'aime.LUBIN.
Je
t'aime ! je t'aime !MATHURIN, LE
BAILLI.Oh
!comme
il ditbien
je t'aime.Dieu
! quel plaisir est lemien
!Que
cet oiseau parlebien
!PHILIS.
Me
ledonnez-vous, mon père?
MATHURIN.
Par ma
foi , jene
puismieux
faireQue Monsieur
le Bailli;Puisqu'il te l'a
donné,
je te ledonne
aussi.LE
BAILLI.Il
vous
ledonne
aussi.TOUS ENSEMBLE.
Heureux momens
! plaisirsuprême
!Oh
!ma
Philis,combien
je t'aime ! etc.SCÈNE
XII: 4iLE
BAILLI, transporte dejoie, entre dans le bosquet, apercevant Lubin auxgenoux de Philis. <Dieu
! qu'ai-jevu
?Lubin
!LUBIN.
Que
fais-tu là?Sans
doute.LE
BAILLI.LUBIN.
Je
parle.LE
BAILLI.Et vous,
Philis?PHILIS.
J'écoute;
LE
BAILLI.Ce
n'étoitpas notre
oiseau qui parlait?MATHURIN.
Je vous
l'ai dit : letemps
l'aurarendu muet;
Pour
lui le rossignol chantait.LE
BAILLI.Oh
!que
lesfemmes
sont coquettes I PHILIS.Vous
avez tortde m'accuscr
; Puis-jehonnêtement
refuserUn présent que vous me
faites ;Non,
jene
dois plus lecéder
:C'est
de vous
qu'ilme
vient, et jeveux
le garder.4
42
LE ROSSIGNOL,
LE
BAILLI.Voyez-vous comme
elle babille !Pour moi
, jevous
l'avoue, elleestpar
tropgentille ; Je luireprends
etmon cœur
etma main
:Qu'elle
épouse son Lubin.
SCÈNE DERNIÈRE.
( Les chœurs et la danse , précédés de ménétriers et de tambours de basane.
)
CHŒUR.
Au
bruit des castagnettes,
Au
bruitdu tambourin, Bergers
et bergerettesMettons
ladanse en
train.LE
BAILLI.Ah
! quelchagrin
!Voici
ladanse
:La
fêtecommence
,
Et
c'estpour Lubin,
CHŒUR.
C'est
pour Lubin.
LE
BAILLI.Oui
, c'estpour Lubin.
SCÈNE DERNIÈRE.
43Je donne un
balmagnifique
,
Je
fais venir lamusique
,
Et
c'estpour Lubin.
MVTHURIN.
Allons
, Bailli,pas de chagrin
;Leurs
plaisirsne
sont plus les nôtres :A
notreâge on
doit s'en passer;Mais quand on ne peut
plusdanser
,
On regarde danser
les autres.(L'actefinitpar un Ballet.)