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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Illustrations : Mireille Gayet

www.lesureau.com www.adverbum.fr

© Éditions Le Sureau 2009

ISBN 978-2-911328-45-9, pour la version imprimée ISBN 978-2-911328-91-6, pour la version ebook

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou repré- sentation, intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque  procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…)  sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite  et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants  du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois, l’autorisation d’effectuer des  reproductions par reprographie (photocopie, télécopie, copie papier réalisée par  imprimante) peut être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit  de copie (CFC) - 20, rue des Grands-Augustins - 75006 PARIS..

Dans la même collection 

Béatrice Vigot-Lagandré, Petit traité de l’omelette Martine Agrech, Petit traité de la farine complète

Mireille Gayet, Petit traité de la confiture Pierre-Brice Lebrun, Petit traité des pâtes Mireille Gayet, Grand traité des épices

Prix Gourmand Awards Illustrations, 2010

Olivier Gaudant, Petit traité des sauces Martine Agrech, Petit traité de l'huile d'olive

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Petit traité de

la boulette

Pierre-Brice Lebrun

Les accords mets & vins sont de Régis Lebrun, œnologue amateur et éclairé,

Les Chambres de Bonneval (Dordogne).

Prix Cerise sur le gâteau 2009

du Festival des littératures gourmandes

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Voir des adresses recommandées sur le site www.adverbum.fr

Abréviations cc : cuillère à café cs : cuillère à soupe

g : gramme kg : kilogramme

l : litre cl : centilitre

Note de l’éditeur

La graphie utilisée pour les noms de vin, cépage, domaine,  château, etc., correspond au seul choix de l’auteur.

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Prolégomènes

Elles sortaient du four à midi, dorées sur le dessus, grillées, moel- leuses en dessous, encore roses.

Elles crépitaient dans le beurre blond qui brunissait au fond du  plat en pyrex.

Elles  me  faisaient  frémir :  je  leur  dois  mes  premiers  émois  gustatifs.

Le roi des Belges, j’en étais sûr, n’en mangeait pas d’aussi bonnes ;  je le crois toujours, et il ne sait pas ce qu’il perd.

Elles dégageaient une odeur de viande tendre, goûteuse, onctueuse,  une odeur de beurre fondu. Je n’ai jamais su la reproduire ; je m’en  suis, je l’avoue, à peine approché.

Je continue ma quête, mais je pleurerai comme le gamin que j’étais  quand, un jour, je les retrouverai : elles portent en elles, ces fabu- leuses boulettes, toutes les saveurs de mon enfance, les goûts, les  odeurs et les couleurs de mes premières années.

Elles étaient ma référence, elles le sont d’ailleurs toujours. Ce que,  dans les rues de Burenville, je trouvais bon, l’était toujours moins  que les boulettes.

Elles me servent encore d’étalon quand, le carnet à la main, je m’at- table pour travailler : chaque plat, même le plus élaboré, le plus  créatif, coloré, osé, se mesure à l’aune des boulettes de ma grand- mère, qu’aucun chef, aussi étoilé soit-il, n’a jamais été capable  d’égaler.

J’aimais que la viande ne soit pas hachée trop menu : il fallait des  morceaux, des filaments, de la matière à mastiquer…

Elles fondaient dans la bouche, j’en descendais deux, voire trois,  alors qu’une seule, normalement, devait servir de repas.

On ne pouvait en manger que le mercredi, pour d’obscures raisons  de compatibilité avec le marché, la soupe et l’os du bouilli : ma 

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Petit traité de la boulette

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grand-mère avait des principes, basés sur des certitudes, forgés  dans  des  habitudes.  Mon  grand-père  avait  depuis  longtemps  renoncé à les commenter. Il soupirait, fataliste, en levant les yeux  au ciel, mais, le mercredi, quand les boulettes sortaient du four, il  était aussi excité que moi.

Les boulettes se suffisaient à elles-mêmes, on ne les accompagnait  d’aucun légume : on mangeait des boulettes, et puis c’est tout ! On pouvait les terminer le soir, quand il en restait. Elles étaient  délicieuses froides, avec des frites et de la mayonnaise.

Mon amour des boulettes, des marchés et des plats en pyrex date  de ces mercredis matin à Burenville, tout à côté de Liège, ces  mercredis matin passés en compagnie de ceux que j’ai, de toute ma  vie, le plus aimés et à qui je dédie sans hésiter le présent ouvrage.

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De l’origine de la boulette

Impossible de dater précisément sa naissance. 

Nous pensons qu’elle a vu le jour, il y a très longtemps, à proximité  d’une grotte.

Ce n’est qu’une probabilité, mais les archéologues gourmands  tiennent la chose pour acquise. Difficile de détailler, d’argumenter  ou d’étayer ici leur point de vue, nous avons décidé d’inscrire  cet ouvrage dans une démarche de vulgarisation, afin qu’il soit  accessible aussi à ceux qu’une rigueur trop scientifique pourrait  rebuter.

Nous  ignorons,  par  contre,  sur  quel  continent :  aucun  écrit  de  l’époque,  aucune  peinture  rupestre  n’en  fait  explicitement  mention.

Il faut attendre quelques siècles pour que la boulette fasse son  apparition dans les témoignages que ces civilisations disparues  nous ont légués.

Nous y reviendrons.

S’il est exact que peu de traces, peu de fossiles de boulettes ont été  mis au jour, il est toutefois désormais possible d’énoncer un certain  nombre d’évidences, en résumant, sans les altérer, les conclusions  des chercheurs, mais il n’existe pas – c’est bien dommage –, d’his- toire officielle de la boulette. Peu de thèses ont été publiées sur le  sujet, qui a été, c’est vrai, peu étudié : nous allons ici nous efforcer  de les citer toutes et de les analyser ; nous allons essayer, même, de  les compléter, de les améliorer, grâce à notre réflexion personnelle  et à notre connaissance académique, empirique, de la question.

La boulette a sûrement vu le jour grâce au hasard, comme la tarte  des sœurs Tatin, le vinaigre d’Orléans, le pineau des Charentes ou  la bêtise de Cambrai.

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Petit traité de la boulette

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Un homme, une femme, peut-être pour rire, peut-être mû par une  soudaine inspiration, a roulé dans ses doigts la chair, l’aliment  qu’il ou elle s’apprêtait à déguster. 

Était-elle, cette chair, posée sur une feuille de bananier ? 

Était-il, cet aliment, présenté sur une écorce de baobab en guise  d’assiette, ou posé à même le sol ?

La question divise les spécialistes, mais un certain nombre d’élé- ments permettent toutefois d’assurer que ledit individu a bien  roulé, entre ses doigts, la chair qu’il s’apprêtait à déguster, l’accom- pagnant de légumes ou de riz.

La boulette était née.

Dans l’histoire de la Gastronomie, la boulette apparaît en fili- grane, injustement bafouée, censurée et oubliée. Ainsi, lorsque  l’on s’intéresse à l’histoire des épices, on découvre qu’elle débute 

« 4 000 ans avant notre ère, sur la côte de Malabar, au sud-ouest  de l’Inde », quand un homme – un pêcheur, paraît-il, un pêcheur  costaud – cueillit quelques grains de poivre pour en saupoudrer  son riz. Il voulait ainsi en améliorer le goût.

Qui s’est réellement demandé comment ce pêcheur de Malabar l’a  dégusté, son riz ?

Personne !

Il ne l’a pas mangé avec des baguettes, bien sûr : nous sommes en  Inde, elles n’y sont guère répandues (et ne seront inventées que  2 000 ans plus tard) ; il ne l’a pas mangé avec une cuillère, dont la  naissance n’est attestée qu’à partir de l’Antiquité ; encore moins  avec une fourchette !

Tout en contemplant la mer, assis sous l’ombre bienfaitrice du  palmier  autour  duquel  la  liane  de  poivre  s’était  enroulée,  ce  pêcheur de Malabar a fait un petit tas avec son riz.

Il a roulé le riz entre ses doigts, pour plus de commodité, et a  porté à ses lèvres ce petit tas rond de riz amalgamé, cette petite  boulette, lorsqu’il l’a estimée suffisamment solide pour supporter  l’ascension.

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9 Il l’a avalée avant de replonger la main dans son bol en bois pour  se  préparer  une  deuxième  bouchée :  bouchée  et  boulette  sont  cousines, on le remarque ici.

On ne fait qu’une bouchée d’une petite boulette, on avale une grosse  boulette en deux, voire trois bouchées (sauf les boulettes de ma  grand-mère, que l’on voulait à tout prix faire durer longtemps).

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Petit traité de la boulette

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De la crainte d’en dire trop

Pierre Poivre (1719-1786), qui fit tant pour la muscade, n’accorde  aucune attention à la boulette, sans qui, pourtant, ses épices chéries  n’auraient probablement jamais atteint un tel niveau de notoriété.

Alexandre Dumas (1802-1870) n’en fait pas plus mention dans  son célèbre Grand Dictionnaire de cuisine1 : il ose y sauter sans  s’attarder de boulanger à bourrut (que de nombreux lexicographes  écrivent d’ailleurs bourru), alors qu’il consacre près d’une page au  hachis !

Or,  qu’est-ce  que  le  hachis,  à  part  une  sorte  de  saucisse  mal  embossée ? Et qu’est-ce qu’une saucisse, sinon une boulette qui  a mal tourné, ou, pire, qui n’a pas tourné du tout ? Une saucisse  n’est  qu’une  boulette  difforme  qui  n’assume  pas  ses  formes  appétissantes !

Alexandre Dumas aurait pu avoir le courage de l’affirmer.

Notre époque préfère d’anorexiques merguez, toujours trop sèches,  toujours trop grasses, à ces magnifiques boulettes charnues : on  peut le regretter, certes, mais on ne peut que constater que la  mode est au filiforme. Tel n’était pas le cas au xixe siècle, où la  fesse se portait bien rembourrée, la poitrine se devait d’exubérer :  la boulette aurait fait fureur si on lui avait laissé sa chance. Mais  non ! La boulette, consciente de sa valeur, de son potentiel, s’est  modestement cantonnée, comme le riz, aux tavernes mal famées,  pour ne pas déranger, aux quartiers oubliés, cités périphériques et  autres cours des miracles.

Elle est devenue le refuge des restes, des rognures d’os et des abats,  elle s’est entièrement consacrée à améliorer l’ordinaire des pauvres,  décorant leurs écuelles arides de ses joyeuses joues rebondies.

Les pauvres l’ont appréciée pendant les périodes de disette, de  famine ou de guerre, ou lors des fins de mois difficiles, comme 

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11 d’ailleurs la saucisse, plat de paysan fauché par excellence, qui  n’utilisait du cochon que les bas morceaux, difficiles à vendre ou  à manger tels quels.

On peut tout de même se poser une question : de quoi Alexandre  Dumas a-t-il eu peur, pour ainsi ne pas la citer ?

Ne voulait-il point s’attirer les foudres des puissants ?

Il l’a dissimulée sous le nom de « boulette de godiveau », qui  apparaît à godiveau, et non à boulette, mais il s’est bien gardé de  la définir.

Et que dit Antonin Carême2 (1784-1833) de la boulette ? Antonin Carême n’en dit rien !

Qu’en dit alors Curnonsky (1872-1956), prince des gastronomes ?  Rien de plus que les autres…

La boulette dérange, la boulette inquiète, elle prête même à sourire :  ne dit-on pas de celui qui a commis une erreur qu’il a « fait une  bou lette » ?  Quelle  hérésie !  Car  « faire  une  boulette »,  en  cuisine, est drôlement compliqué : elle ne doit être ni trop sèche,  ni trop moelleuse, ni trop cuite, ni pas assez, ni trop goûteuse, ni  insipide.

C’est un Art que de confectionner des boulettes !

Elle exige des compétences que peu de chefs possèdent, c’est pour- quoi ils ne la proposent que rarissimement à leur carte.

Posez-leur  la  question,  ils  se  gausseront :  une  boulette ?  vous  n’êtes pas sérieux ? pourquoi pas une tranche de jambon avec des  coquillettes ?

Ils peuvent bien rire : la vérité est qu’ils se méfient de la boulette  comme de la peste.

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Petit traité de la boulette

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De la rondeur des choses

La boulette contrarie parce qu’elle est ronde et bonhomme : nul ne  peut aisément s’en saisir, les commentaires désobligeants glissent  sur sa carapace dépourvue d’aspérités.

Même malmenée, la boulette retombe toujours sur ses pieds ! Elle se drape dans sa dignité comme elle se nappe de sauce tomate,  ou, à Liège, de sauce Lapin, car oui, la boulette aime la sauce.

Un rien complexée, timide – faites-vous, dans l’obscurité d’un  frigo, d’une marmite, appeler bouboule tout le temps et par tout  le monde, vous verrez si vous ne développerez pas un minimum  d’inhibitions, liées à votre taille gironde –, la boulette utilise la  sauce pour s’exprimer.

C’est  dommage :  une  bonne  boulette  est  d’abord  une  bonne  boulette nature ! La sauce n’est qu’un plus, qui ne doit jamais  masquer la saveur originelle. On dissimule trop souvent, sous  d’appétissantes sauces, d’infâmes boulettes.

Elles avancent masquées pour tromper leur monde : qui se méfie  d’une boulette ? Son air jovial, la splendeur de la sauce qu’on lui  associe encouragent à la commander, à la dévorer avec plaisir,  mais, à l’arrivée, quelle déception, quand la viande se révèle sèche,  ratatinée, caoutchouteuse et sans saveur…

La boulette est ronde, c’est ce qui fait son charme ; la boulette est  conviviale, c’est sa qualité principale.

Dans  les  cultures  où  l’assiette  n’est  pas  nécessaire,  lorsque  les  hommes, les femmes et les enfants s’assoient en rond autour du plat  familial dans lequel, en devisant, ils piochent de quoi se nourrir,  que font leurs doigts plongés dans la semoule, dans la sauce ou  dans le riz ?

Leurs doigts, machinalement, roulent des boulettes, des boulettes  composées de viande et de légumes, des boulettes plus ou moins  compactes, plus ou moins abouties, des boulettes de mensaf ou de 

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13 maglouba, de mafé ou de couscous, qui permettent de partager la  nourriture de la manière la plus chaleureuse qui soit, à même le  plat posé sur le sol.

Il faut savoir, assis en rond sous la tente bédouine, touareg ou  berbère, à l’ombre d’une paillote ou d’un baobab, effilocher la  viande de sa seule main droite, sans s’aider jamais de sa main gauche,  éviter d’avoir recours au couteau, récupérer habilement un peu de  garniture, la rouler, la porter à la bouche en espérant ne pas tout  perdre en route, ce qui, immanquablement, fait marrer les enfants,  épatés qu’un type qui arrive en avion du bout du monde soit aussi  peu doué. Il ne faut jamais demander, même poliment, une four- chette, une cuillère : elles créent une distance entre l’homme et ce  qu’il mange, entre l’homme et ceux avec qui il mange. Elles éloi- gnent l’homme de ce que ses hôtes, parfois démunis, lui offrent  avec autant de plaisir. La boulette roulée entre les doigts est un  lien direct entre l’homme, son estomac et sa nourriture. Il n’y a  rien de plus naturel, de plus chaleureux, de plus agréable, que de  manger avec la main ; ce n’est possible, de manière décente, que  grâce à la boulette : elle rapproche les hommes et leur permet de  vivre ensemble ces moments uniques de partage et de connivence. 

La boulette a ainsi permis que de nombreux accords se nouent,  que de salvatrices alliances voient le jour.

La boulette est l’apanage de ceux qui n’ont pas encore perdu de  vue le vrai sens de la vie, de ces peuples nomades d’Afrique et du  Moyen-Orient, d’Asie et de Belgique, où manger ses frites autre- ment qu’avec les doigts est vécu comme une incorrection majeure.

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