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s'alliait ici à des vœux de réforme et de renouveau. L'œuvre qu'ed~ond Picard avait conçue continuait. *

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JOIJRNM

EDMOND PICARD 1882 - 1898

LEON HENNEBICQ

1900 - 1940

Le double jubilé

du << Journal des Tribunaux >>

Avons-nous eu raison de vouloir fêter ce double jubilé du JournaL des Tribunaux?

Comment en douter encore au lendemain de ce concours de sympathies et d'encourage- ments que la bienveillance de nos amis nous a prodigués et qu'accompagne notre long ren1erciement. ..

N'eussent-ils que la vertu de ces témoi- gnages, il faudrait rendre grâce aux anni- versaires. Autour de la table d'ordinaire stu- dieuse et maintenant fleurie, les collaborateurs de l'œuvre sont réunis. Ils en revoient le sens et i'esprit. Ils mesurent les fruits de leur ef- fort et aussi tout-le champ qu'il faut encore moissonner.

Le Jou mal des Tri bunaux a 65 ans. Sa re- naissance, après l'occultation que nous avait imposée l'enne~i, date d'il y a. cinq années déjà. Au lendemain des réunions clandestines de la rue du Prince-Royal, dans le local mi- patronage mi-W elfare où le Cercle Florent

Vits tenait ses séances, nous avons recom- mencé cette chronique de la vie judiciaire qu'Edmond Picard avait fondée pour diffu- ser u les œuvres de la Justice n.

Après la seconde épreuve de nos libertés, la désorganisation de l'Etat et les ravages d'une législation d'expédients, le Droit avait bien besoin de retrouver de l'ordre et des principes. Les difficultés étaient nombreuses et urgentes. Tout de suite il fallait pourvoir aux vacances et assurer le cours de la justice.

Le Journal prit ardemment parti pour la non rétroactivité de la loL.eénale, le maintien du contrôle de la Ccn.; ssation, la libert-é_

et le respect de la déten~

Il tenta, en même temps, de reforger l'outil dont les praticiens du droit percevaient de manière si aiguë la nécessité, privés qu'ils étaient depuis plusieurs années de commen- taires et de synthèses juridiques.

Ceux qui s'attachèrent à cette entreprise y dépensèrent beaucoup de dévouement dé- sintéressé. Ils acceptaient la consigne de don- ner à leur profession plus que ses exigences ordinaires, et d'en augmenter le prestige en approfondissant cette technique du droit qui, comme toute science appliquée, ne supporte ni l'imprécision ni le désordre.

Cette recherche de la méthode et du tra- vail achevé s'accompagna de critiques cons- tructives dont l'écho répondait aux vivantes campagnes de jadis.

Elle ne pouvait nous faire négliger les dis- ciplines professionnelles où se meut notre ac- tivité de chaque jour. Le rappel des traditions

s'alliait ici à des vœux de réforme et de renouveau. L'œuvre qu'Ed~ond Picard avait conçue continuait.

** *

Sans doute chaque temps a son style et le Jo.o.dateucde œ

_Jo.ur.cal.

".in.c.o~onL à.Ja _na-

ture et à la vien, avait lui-même observé que les formes de ses polémiques subiraient op- portunément l'influence des mœurs et des besoins.

C'est pourquoi, sans qu'il y eut, à dire vrai, de césure l'on a pu remarquer que le sujet et le ton des publicistes a évolué comme celui des harangues. C'est pourquoi aussi, dans un monde où la vanité des improvisa- tions romantiques a été cruellement mise à jour, la nécessité est davantage apparue de traduire les desseins avec plus de netteté et de rigueur.

Notre cher bâtonnier Albert Chomé qui fm de cette équipe de l'entre-deux guerres que présidait le bâtonnier Léon Hennebicq avec ses dons si exceptionnels d'imagination, sa riche intelligence et sa culture bouillon- nante, se souvient, dans le message qu'il nous envoie avec sympathie, de quelques invasions du Journal, dans l'ample domaine des pro- blèmes nationaux.

Il nous approuve d'entendre ne point mêler le droit et la politique. Nous croyons effec- tivement que le Journal des Tribunaux où collaborent dans un si heureux esprit de re- cherche, d'indépendance et de tolérance, tous les membres de la famille judiciaire, n'a point à se jeter aujourd'hui. dans des- aeôan où, en dépit de son objectivité, il serait bien- tôt taxé de partisan, sans profit pour qui- conque.

Mais nous pensons tous et croyons avoir montré que chaque fois que nos libertés, nos privilèges, les droits de la personne, et la sé- rénité de la justice seraient en péril, nous ferions retentir des protestations aussi ferven- tes que celles de nos devanciers.

** *

Ils sont d'ailleurs parmi nous. L'équipe de 1944 entretient le souvenir des morts qui lui ont tracé tant d'exemples; Edmond Picard, le prodigieux animateur, Léon Hennebicq, dont la verve fulgurante étonna le monde judiciaire pendant 40 ans, Georges Dubois, que pleurait la rédaction de 1911, Frédéricq Ninauve, Octave Maus, Bonnevie, Alexandre de Burlet, Jacques des Cressonnières, Emile J..aude, Henri Puttemans, Lucien Fuss ...

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE EDITEURS : Maison FERD. LARCIER, S. A.

26-28, rue des Minimes, Bruxelles.

** *

Parmi nous, que d'hommages à adress~r aussi bien à ceux qui, ayant connu les temps passés se sont affectueusement réunis autour du drapeau de nouveau fixé sur notre mai- son. Les anciens retrouvent ainsi des signa- tures que le Journal, d'avant la tourmente, leur avait rendues attachantes. Les noms de Me Henry Carton de Wiart, de Me Charles Gheude, de Me Thomas Braun, de Me Fer- nand Passelecq,. sont entourés de notre véné-

rarion~-Nous-TeVoyom comme hier MM. Jean Constant, Théodore Smolders, Pierre Reyn- tens, J. Borginon-Cantoni, Callewaert, R. War- lomont, Jean Van Parys, Jean Thevenet, An- dré Jansseris-Brigode mêlés à tant de pré- sences nouvelles qui nous sont précieuses, celles de Marcel Feye, de Simone Huynen, de Jean Baugniet, d'Alfred Bernard, d'André Mast, de Roger van Roye, de René Smits, de Marcel Grégoire, d'Edgar Van Pé, d'Eu- gène Flagey, de Jules Nauwelaers, de Pierre Vermeylen, d'André Delvaux, de Roger Fer- rier, de Robert Hendrickx, de Jean Van Ryn, de Pierre Ansiaux, de Paul Humblet, de G.

Lermusiaux, de Maurice Cornil, de Baccara, de W. Verougstraete, s'il est permis de ne citer que quelques aînés et d'entourer tous les autres d'un égal témoignage.

Mais aussi de chaque coin du pays tant de dévouements et d'amitiés à l'école du bâton- nier Théo Collignon, du bâtonnier Maurice Cambier, des bâtonniers Reumont, Smeesters et Devos : Simone David, R. Vander Made, Gourdet, R. Janne, J. van den Bossche, G.

Hoornaert, Jean Eeckhout, André Vaes, Paul Pollet, Achille Degryse ...

Et dans les chroniques si chères à nos lec- teurs, Jean Dal, Martha Goebel, Marie-Thé- rèse Àf,otte, /Risopoulos, F. CoiJ.pé, sans omet- tre les ombres gracieuses qui joignent leur mystère à beaucoup d'esprit.

Liste si loin d'être ainsi épuisée et à laquelle manquent les noms des plus jeunes d'entre nous, ceux qui assurent si opportunément les relèves et insufflent chaque semaine au Jour- nal cette fraîcheur qui est la condition de

~a vitalité. Ils se rangent autour de Robert Pirson à qui je ne dirai jamais assez notre gratitude . et mon admiration, à mon cher collaborateur Cyr Cambier, à Renée Leblus, dont le zèle éclairé et le dévouement n'ont point de bornes, à Sluszny, De Bluts, Henri Lévy Morelle, Jean-Pierre Paulus, Albert Wintergroen, Léon Goffin, Joseph Vankerk- hove, Marcel Mayné, et combien d'autres ...

** '*

Quand je les considère, c'est le Journal qui s'anime et toutes ses rubriques vivantes, austè- res ou plaisantes, sa technique et sa fantaisie.

son bon combat loyal, sans exclusives ni dé-

(2)

MO

dains, son magnifique esprit d'équipe ou p- mais il n'y eut de faille, sa probité de l'esprit, son respect de l'opinion d'autrui, son souci du travail minutieux.

Il convient en ce double jubilé de leur ex- primer avec modestie . ce remerciement affec- tueux. Nous formons un foyer : chacun d'eux y garde une place qui lui est chère et que leur fixe ma reconnaissance. Puis-je leur dire, de tout mon cœur, ce qu'ils ont samedi ajouté à notre amitié ?

Nos éditeurs MM. Mignolet, Ryckmans et . Clynans, avec une compréhension atten- tive et une égale bonne grâce, nous aident précieusement.

*

Edmond Picard a écrit que le droit vivant

est un immense et salutaire réseau sans lequel tout tomberait en dissolution.

Le Journal des Tribunaux doit comme hier en retenir les mailles : aider à construire le droit et le défendre, rechercher le perfec- tionnement de nos techniques, combattre toutes les médiocrités, promouvoir l'indépen- dance et les vertus de l'ordre judiciaire, aug- menter l'éclat du Barreau, exalter ses privi- lèges, son honneur, sa liberté, retenir ainsi les leçons de nos anciens, élargir l'horizon de nos soucis- d'équilibre et de beauté et aussi continuer de sourire parce que c'est un signe d'humanité et de confiance.

Tel est le vœu que je forme et que je re- mercie mes collaborateurs d'exaucer avec 1e conseil et l'appui de tous nos lecteurs, nos amis, pour qui se poursuivra cet effort.

Charles VAN REEPINGHEN.

CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE

Les successions

(1940-1948)

PRELIMINAIRES

Prohibition des pactes sur succession future. ·

1. - S'insurgeant contre les pratiques en usage sous l'ancien droit, pratiques visant à changer la dévolution successorale normale, le législateur de 1804 a formellement pro- hibé les pactes sur succession future et a clairement manifesté cette volonté en plu- sieurs textes du Code civil (art. 1130, 791,

1389 et 1600 du C. civ.).

Le pacte sur succession future peut se définir une convention ayant pour objet de disposer de tout ou partie d'une succession non encore ouverte, ou des droits qui feront partie de cette succession. Il est toutefois parfaitement licite de disposer d'un droit actuel en subordonnant l'exercice de ce droit au décès d'une personne. Chaque jour des biens sont transmis à terme de décès et nais- sent des créances et des dettes dont l'exigi- bilité dépend du décès d'une personne déter- minée. Ces conventions sont parfaitement licites car elles ne rentrent pas dans le cadre des pactes sur succession future, lesquels supposent la disposition d'un droit qui n'exis- tera que dans la succession ou de tout ou partie de la succession elle-même.

Les pactes sur succession future sont en vertu de la loi frappés de nullité.

n

ne. peut ètre fait échec à cette prohibition qui est d'ordre public (Cass., 28 nov. 1946, J. T., 627;

Cass. fr., 2 juill. 1903, D. P., I, 353; 19 févr.

1929, Rev. prat. not. 1930, 187 et 11 janv.

1933, B. J. 1933, col. 252). Dès lors le moyen tiré de la prohibition des pactes sur succes- sion future peut être soulevé pour la pre- mière fois devant la Cour de cassation (Cass., 28 nov. 1946 précité).

Rappelons que le Code lui même a cepen- dant admis certaines exceptions à ce prin- cipe, notamment en matière d'institutions contractuelles (art. 1082 et 1093), de sub- stitution permise (art. 1048), ou de donation partage (art. 1076). Malgré la prohibition formelle à quatre reprises répétée par le Code, les tentatives plus ou moins habiles de réaliser des pactes sur succession future ont été nombreuses. Dès lors les litiges ont été fréquents et la jurisprudence a été amenée à prendre très souvent position.

Depuis 1940 plusieurs décisions sont inter- venues qui restent dans la ligne de la doc- trine et de la jurisprudence antérieure.

2. - Un arrêt de la Cour de Rouen du

26 janvier 1942 (Rev. prat. not. 1945, 227) a décidé que constituait un pacte sur suc- cession future la donation des biens immobi- liers sous réserve d'usufruit faite par des parents à chacun de leurs enfants, lorsque s'étant fait antérieurement donation mutuel- le en faveur du survivant de l'usufruit des biens meubles et immeubles du premier mou- _ rant, ils ont stipulé comme condition expresse de la donation faite aux enfants que les donataires seront tenus d'exécuter dans son entier effet la donation faite par celui des époux qui prédécédera et de souffrir que le survivant jouisse pendant sa vie de l'inté- gralité des biens donnés.

Cette décision doit être approuvée car la clause envisagée fait échec au droit des enfants d'obtenir leur· réserve et tente de leur enlever le droit à l'action en réduction.

Or le droit à la réserve et l'action en réduc- tion qm en assure la sauvegarde font incon- testablement partie de la succession (Laurent t, XVI, n" 88 et 90; - Baudry-Lacantinerie et Wahl, Successions, n• 1008).

En principe la nullité d'une condition con- stituant un pacte sur succession future a pour seul effet que cette condition est réputée non écrite, si elle affecte une libéralité (art. 900 C. ci v.). En l'espèce, la Cour a considéré que cette condition communiquait sa nullité à l'acte tout entier comme ayant le caractère de cause impulsive et déterminante de la libéralité. L'annotateur anonyme de cette décision relève que la solution eut été différente si les biens avaient fait l'objet d'un partage d'ascendant sous réserve d'usu- fruit jusqu'au décès du dernier des ascen- dants donateurs.

Pareille convention ne constitue pas un pacte sur sucèession future et est licite. ·En effet, il y a d'unè part donation partage aux enfants de la nue propriété des biens et réserve de l'usufruit, et d'autre part donation directe et mutuelle entre époux de l'usufruit.

Mais si la réserve d'usufruit avec clause de réversibilité sur la tête du survivant in- sérée dans un partage d'ascendant ne con- stitue pas un pacte sur suècession future et échappe à la nullité qui les sanctionne, les héritiers n'en conservent pas moins le droit d'agir éventuellement en réduction au cas où il apparaîtrait lors du décès de l'époux donateur que la quotité disponible a été dé-:- passée. A ce sujet, M. Vande Vorst (Rev. prat.

not. 1936, 546) suggère toutefois, pour éviter l'action en réduction, que les époux imposent à leurs héritiers, lors de la donation-partage, et à titre de charge de celle-ci, l'obligation

de céder à l'époux survivant l'usufruit des biens donnés jusqu'à son décès. Il ne s'agit plus alors d'une donation de l'époux prédé- cédé à l'époux survivant mais de l'exécution d'une charge acceptée par les héritiers pour bénéficier de la donation, charge qu'ils se trouvent dans l'obligation d'exécuter.

3. - Un jugement du Tribunal de Dinant du 13 octobre 1943 (Pas. 1944, TII, 67) recon- naît à juste titre un pacte sU:r succession future dans la convention par laquelle l'un des contractants cède à l'autre des biens immobiliers en stipulant que l'acquéreur sera propriétaire de ces biens « à partir du jour où lui même en deviendra propriétaire de plein droit, c'est-à-dire après le décès de la nue propriétaire ».

Il a été jugé également que la convention par laquelle un fils prête à sa mère une somme de trente mille francs pour acheter une maison avec stipulation que cette mai- son ne pourra être vendue et lui reviendra au décès de la mère, constitue un pacte sur succession future de même que la convention par laquelle le fils. cède ses droits dérivant de la convention précédente à un tiers (Trib. · Hasselt, 9 oct. 1946, Recht. Weekb·l. 1946-47, 325). E~. l'espèce le pacte a pour~ objet un bien actuel mais envisagé in tuturo dans son

· appartenance à une succession non encore ouverte.

Enfin, nn arrêt de la Cour de Gand du 10 juillet 1947 confirmant sur ce point un jugement du Tribunal d'Audenaerde du 21 mars 1946 (voir les deux décisions au J. T. 1948, 90 et s.) a gffirmé que si les enfants peuvent renoncer en faveur de l'un d'eux au bénéfice d'un droit d'option qu'ils ont hérité de leur père, ils ne peuvent renon- cer aux droits qu'ils tiennent de leur mère encore vivante et cotitulaire de l'option, cette renonciation constituant un- pacte sur suc- ~

cession future.

PREMIERE

PAR~riE

DEVOLUTION DE LA SUCCESSION

CHAPITRE PREMIER De la vocation héréditaire.

Le conjoint survivant.

4. - On sait que l'article 767 introduit dans le Code civil par la loi du 20 novembre 1896 règle les droits successoraux du con- joint survivant. Quoique dans la pratique il faille tenir compte le plus souvent des droits du conjoint survivant dans la communauté conjugale ou dans une société d'acquêts, des avantages matrimoniaux ou des libéralités dont il est fréquemment le bénéficiaire, il n'en est pas moins vrai que le législateur a fait un sort successoral fort peu enviable au conjoint sutvivant. Si la loi de 1896 a déjà · sensiblement atténué la parcimonie du code civil à son égard, la situation du conjoint survivant reste néanmoins des plus précaires et l'opinion quasi unanime réclame une réforme.

Nous examinerons brièvement ci-dessous les quelques décisions, peu nombreuses d'ailleurs, qui ont été consacrées à cette matière au cours de ces dernières années.

Caractères du droit successoral du conjoint survivant.

5. - 1) Successeur irrégulier. - La pré- carité du sort du conjoint survivant apparaît notamment du fait que celui-ci n'est pas un héritier mais seulement un successeur · irré- gulier.

Comme tel il n'a pas la saisine et il devra demander aux héritiers la délivrance de son usufruit.

Un arrêt de 1a Cour d'appel de Bruxelles du 9 janvier 1941 (Rev. Ass. 1941, 3436) re- connaissant le caractère de propre d'une in- demnité due au mari pour souffrances -mo- rales endurées avant sa mort, décide, à juste titre, que la femme ne peut agir en paye- ment de la somme due contre le tiers res-

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ponsable, à défaut de justifier avoir obtenu des héritiers la délivrance de son usufruit.

s. -

2) Le conjoint survivant n'est pas réservataire. - L'article 767, II, § 4 du Code civil précise que l'usufruit successoral du conjoint survivant « ne s'exerce que sur les biens formant la quotité disponible et dont le prédécédé n'aurait pas disposé ». Il en résulte incontestablement que l'usufruit suc- cessoral du conjoint survivant ne constitue pas une réserve (Galopin et Wille, Succes- sions, n• 87; - Van Biervliet, Successions, n• 122). Deux décisions sont venues, s'il €n était encore besoin, confirmer ce principe (Brux. 9 janv. 1941, déjà cité supra n• 5 et Brux. 7 juill. 1943, Rev. prat. not. 1945, 187).

Exercice de l'usufruit et contribution de l'usufruit.

7. - Nos lecteurs n'ignorent pas que la masse des biens sur laquelle se calcule le montant de l'usufruit du conjoint survivant (art. 767, II, § 3) diffère profondément de la masse des biens sur laquelle le conjoint sur- vivant exercera effectivement son usufruit

(art. 767, II, § 4). Cette dernière apparaît souvent en fait beaucoup moins étendue que la première. Il en résultera fréquemment hélas, que le droit du conjoint survivant ne sera qu'un leurre.

Une fois calculé l'usufruit et déterminés les biens sur lesquels l'usufruit s'exercera effectivement, se pose le problème de savoir dans quelle mesure chacun des successeurs y contribuera (art. 767, II, §

in fine).

Un jugement du Tribunal de Gand du 26 novembre 1941 (Rev. prat. not. 1944, 124 et Tijdschrijt voor Notarissen 1943, 88) a décidé que l'usufruit -légal du conjoint survivant devait être calculé sur ce qui revient aux héritiers aussi bien en pleine qu'en nue pro- priété mais que l'usufruit devait rester tem- porairement sans effet sur les parts en nue propriété jusqu'à ce que les droits d'usufruit que les tiers auraient sur ces parts auront pris fin.

Cette décision, tout en rappelant que les biens existant au moment du décès, un des éléments de la base de calcul prévue par l'article 767, II, § 3, comprennent à-la fois les biens en ·pleine propriété et ceux en nue propriété (De Page et Dekkers, t. IX, n• 359;

- Baudry-Lacantinerie et Wahl, Successions, n• 541) tranche plutôt un problème relatif à la contribution à l'usufruit.

En effet, l'article 767, II, § 1•• in fine pré- voit que chacun ·des successibles est grevé de l'usufruit proportionnellement à ce qu'il reçoit en pleine propriété ou en usufruit.

La nue propriété ne contribue donc pas à l'usufruit. Lorsque la propriété est démem- brée entre les héritiers, et c'est le cas le plus -fréquent, l'usufruit successoral du con-

joint s'exercera sur les parts en usufruit, l'héritier ayant reçu la nue propriété n'y contribuant pas pour celle-ci. Mais l'usufruit .se retrouvant dans le chef d'un des succes- sibles, l'usufruit du conjoint survivant pourra pleinement s'exercer. Le problème se pose notamment dans l'hypothèse prévue à l'ar-

ticle 754 du Code civil lorsque le défunt laisse en présence son conjoint, un ascen- dant et des collatéraux ordinaires. En ce cas l'ascendant a droit à l'usufruit du tiers des biens auxquels il ne succède pas en pro- priété, soit l'usufruit du tiers des biens attri- bués aux collatéraux ordinaires. L'ascendant contribuera à l'usufruit du conjoint survivant pour ce qu'il recueille en propriété et égale- ment pour la part qu'il recueille en usufruit.

Si l'ascendant vient à mourir et l'usufruit à s'éteindre, la propriété est remembrée dans le chef des collatéraux. On admet à juste titre qu'à l'extinction de l'usufruit du père la. charge de l'usufruit de l'époux qui lui incombait pour partie se reporte sur l'ac- croissement en pleine propriété acquis aux collatéraux. La -charge de l'usufruit accom- pagne les fruits qui font retour au patri- moine des collatéraux (Galopin et Wille,

Successions, n• 105; - Van Biervliet, Suc- cessions, n• 117; - De Page et Dekkers, t. IX, n• 369).

Ici le problème envisagé par la décision commentée est différent. L'usufruit appar- tient à un tiers qui ne peut être contraint d'en laisser le bénéfice au conjoint survivant et la nue propriété n'est pas tenue d'y con- tribuer. En ce cas, le jugement du Tribunal civil de Gand décide fort justement que l'usu- fruit restera temporairement sans effet sur les parts en nue propriété. Si le tiers usu- fruitier vient -à décéder avant le conjoint survivant, celui-ci verra à ce moment s'ouvrir son droit à usufruit sur la propriété remem- brée. Il y aura donc en ce cas un double règlement de l'usufruit, à effectuer le premier lors du décès du conjoint, le second lors de l'extinction de l'usufruit appartenant à un tiers. Si le conjoint survivant décède avant la cessation de l'usufruit dont le tiers est titulaire, son droit ne s'ouvrira jamais (voir Vanisterbeek, Des Droits successoraux du conjoint survivant, n• 173).-

Etendue des droits . du conjoint survivant usufruitier.

a. -

Rappelons encore que dans l'exer- cice de son usufruit le conjoint survivant a les mêmes droits qu'un usufruitier ordinaire.

C'est ainsi que le jugement du Tribunal de Gand commenté au numéro précédent a décidé que lorsque l'usufruit successoral a pour objet une somme d'argent il se trans- forme en quasi usufruit, l'époux survivant devenant propriétaire de la somme lors de la délivrance, sous l'obligation de la restituer à la fin de l'usufruit (art. 587 C. ci v.).

De même, le conjoint survivant qui a droit aux fruits à part.ir du décès (art. 767, II, § 2) n'a droit qu'aux fruits véritablement obtenus et il appartient au conjoint de prouver que l'argent a produit des intérêts.

Conversion de l'usufruit.

g. - Relevons un jugement du Tribunal civil de Bruxelles du 4 mars 1947 (J. T. 1947, 587) qui a justement décidé que la faculté de provoquer la conversion de l'usufruit en rente viagère (art. 767, II, § 7) ne s'applique qu'à l'usufruit légal du conjoint survivant et est inapplicable à l'usufruit attribué par testa- ment.

CHAPITRE II

Les qualitéS requises pour succéder.

Généralités.

1

o. -

Pour succéder il ne faut pas seu- lement avoir la vocation héréditaire, mais il faut encore être capable et digne de suc- céder. Seules sont capables de succéder les personnes physiques à condition qu'elles soient nées ou tout au moins conçues et non décédées lors de l'ouverture de la suc- cession. En outre, ces personnes doivent être dignes de succéder, c'est-à-dire, ne pas tom- ber sous le coup de la déchéance comminée par l'article 727 du Code civil.

Nous passerons successivement en revue les décisions ayant trait à ces qualités et qui concernent plus spécialement :

1) Le problème des comorientes;

2) L'indignité successorale.

I. - Les Comorientes Généralités.

11 • - Le Code est intervenu dans ses artièles 720, 721 et 722 pour établir des pré-- somptions légales de survie dans le cas où plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre viennent à périr dans le même événement. Ces pré- somptions n'ont pas été instituées dans le but de détenniner, à défaut d'autres élé- ments de preuve, l'ordre des décès mais bien pour, dans un cas spécial, régler par l'éta- blissement d'un ordre fortaitaire des décès la dévolution successorale légale (voir à ce sujet Tri b. Mons, 7 janv. 1944, Pas., 1945, III, 6).

Les articles 720 et suivants ne peuvent donc être considérés comme instituant simplement un mode forfaitaire de détermination de l'ordre des décès. Le législateur n'a établi les présomptions de survie qu'en fonction du - but qu'il poursuivait : régler la dévolution successorale légale dans le cas de comorien- tes. Ainsi que nous le verrons (infra n•• 16 18) les présomptions ne peuvent jamais être invoquées que pour déterminer la dévo- lution successorale légale. Elles ne peuvent être invoquées dans le cas où plusieurs per- sonnes ont une vocation successorale légale réciproque si la dévolution légale est en l'espèce écartée par une dévolution testamen- taire ou contractuelle. n résulte en outre_ du texte même de l'article 720 du Code civil que les présomptions ne peuvent déterminer l'ordre de décès au cas où il n'y a pas voca- tion successorale réciproque (voir Trib. Mons, 7 janv. 1944 précité). Il apparaît donc bien que les articles 720 et suivants n'ont pour but que de régler un problème de dévolution suc- cessorale légale dans les limites tracées par ces dispositions elles-mêmes. C'est en fonc- tion du rôle ainsi précisé des articles 720 et suivants que nous examinerons la juris- prudence et la doctrine relatives aux como- rientes dans cètte partie réservée à la dévolution successorale plutôt qul de la traiter, ainsi que le fait le Code civil d'ail- leurs, dans le chapitre relatif à l'ouverture de la succession.

1 2. - Nous n'énumérerons pas ci-dessus les présomptions de survie.

Qu'il nous suffise de rappeler ici que le législateur a formulé dans l'article 720 un principe général dont il a précisé l'applica- tion dans les deux articles suivants : la pré- somption de survie est déterminée par la force de l'âge et du sexe.

Ces _présomptions ont été de tout temps fort critiquées par la doctrine et la juris- prudence. S'il peut arriver dans certains cas que les considérations sur lesquelles s'est fondé le législateur apparaissent pertinentes, elles se révèleront le plus souvent parfaite- ment arbitraires et même fréquemment anti- naturelles et injustes (Laurent, t. VIII, n• 517; - Galopin et Wille, Successions, n• 18; - Van Biervliet, Successions, n• 40;

- Beudant, t. Vbis, n• 22; - Trib. Mons, 7 janv. 1944, Pas., 1945, III, 6; - contra étude, J. L. Bandin, Rev. prat. not., 1941, 265).

Ces présomptions étaient devenues d'ap- plication assez rares avant 1940.

Cette matière est cependant revenue au premier plan de l'actualité juridique depuis 1940, la guerre avec ses moyens de destruc- tion de plus en plus étendus ayant multiplié considérablement pendant les années écou- lées le nombre de cas d'application des dites présomptions.

Caractère des présomptions.

13. - 1) Les présomptions des articles 720 et suivants du Code civil- sont des pré- somptions légales dérogatoires au droit com- mun.

Le droit commun de la matière réside dans les articles 135, 136 et 1315 du Code civil.

En vertu de ces dispositions c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en établir l'existence, c'est à celui qui réclame un droit échu à un individu dont l'existence n'est pas reconnue à prouver que celui-ci vivait encore au moment où le droit est né.

L'écrasante majorité de la doctrine et de la jurisprudence reconnaissent le caractère dé- rogatoire au droit commun de ces présomp- tions et cette opinion est encore confirmée par une décision récente (Civ. Mons, 7 janv.

1944 précité; -voir également De Page et Dekkers, t. IX, n• 55; - contra cependant J. L. Bandin, Rev. prat. not., 1941, 265 et Pierre De Pelsmaeker, Tijdschrijt voor Nota-- rissent, 1944, 69). Il faut déduire de ce prin- cipe que les présomptions de survie sont de stricte interprétation et ne peuvent être éten- dues à des hypothèses non prévues par le

(4)

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législateur. Nous verrons (infra n•• 15 et 18) qu'il en découle . d'importantes conséquences pratiques.

1 4 . -2) Les présomptions de survie n'ont toutefois qu'un caractère subsidiaire. Elles n'interviennent en effet qu'à défaut de preu- ves quant à l'ordre des décès, Le juge puisera avant tout sa conviction dans les circon- stances de fait de la cause et ce n'est qu'à défaut de preuve suffisante quant à l'ordre des décès que les présomptions légales s'im- poseront au juge. A titre d'exemple relevons un jugement du Tribunal civil de Gand du

s

octobre 1941 (Tijdschrijt voor Notarissen, 1942, 169) qui applique les présomptions léga- les après avoir écarté des présomptions de fait comme insuffisantes pour établir l'ordre des décès. Il s'agissait de deux époux trouvés asphyxiés par l'acide carbonique. Le mari avait été trouvé à côté du lit, les doigts recroquevillés, étendu sur le sol. La femme se trouvait sur le lit présentant l'attitude du sommeil. On en déduisait que la femme était morte avant le mari sinon elle n'eû.t pas conservé sa position lorsque le mari s'était levé. Le tribunal répond fort juste- ment à cet argument que l'attitude de la femme n'implique pas nécessairement _ son prédécès. En outre, on avait argué également de l'état" de santé respectü des époux, ce qui n'avait en l'espèce rien à voir avec une asphyxie par l'acide carbonique. Le tribunal ayant rejeté ces présomptions de fait comme insuffisantes, appliqua les présomptions lé- gales. On constate que souvent les juges ont tendance à fonder, dans toute la mesure du possible, leurs décisions sur les présomptions humaines afin d'éviter de devoir appliquer les présomptions légales le plus souvent ar- bitraires. M. J. Bandin (loc. cit.) s'élève contre cette tendance.

Cas des décès simultanés.

15. -Le législateur en instituant les pré- somptions des articles 720 et suivants avait eu en vue des cataclysmes comme les incen- des, les inondations, naufrages, asphyxies, tous accidents entraînant de toute évidence des décès successifs dont l'ordre était déter- miné d'après le degré de résistance présumé des victimes. ·

Mais les rédacteurs du Code n'ont certes pas eu en vue les développements prodigieux de l'industrie qui a réussi à créer des moyens de destruction d'une violence insoupçonnable à cette époque. Que l'on songe notamment aux méthodes de destruction employées au cours de la dernière guerre. Il est certain que nombre de moyens de destruction mis en œuvre ces dernières années ont occasionné des décès simultanés, par exemple lorsqu'une bombe tombait au milieu d'un groupe de personnes.

Le problème est de savoir si les présomp- tions sont encore applicables en cas de décès simultanés. Il nous semble évident que le législateur n'a pas envisagé cette éventualité et que dès lors les présomptions étant de stricte interprétation ne s'appliquent pas à cette hypothèse.

En ce cas, c'est le droit commun qui s'ap- pliquera et faute de preuves de la survie d'une de ces personnes, la succession de chacune d'elles sera dévolue comme si les autres étaient déjà décédées lors de son ouverture (en ce sens De Page et Dekkers, t. IX, n• 56 et Liège, 8 janv. 1947, Rev. prat.

Not., 44).

_ M. J~ L. Bandin, (loc. cit.) professe l'opinion contraire pour le motif qu'en réalité il n'y a pas deux éclats de bombe qui aient frappé les victimes au même instant. Bien que l'éventualité d'une simultanéité absolue ne puisse .être exclue, il est certain qu'en raison pure les éclats ont vraisemblablement frappé à d'infimes fractions de secondes de distance.

Mais en fait le juge ne doit-il pas en ce cas admettre que les décès ont été simultanés.

Nous ne voyons pas l'utilité sociale qu'il y a. établir coûte que coüte une survie si minime soit elle.

Champs d'application des présomptions.

16. - Succession ab intestat. - Les pré- somptions ne s'appliquent que si les como- rientes ont une vocation héréditaire légale

réciproque. .

Il a toujours ét,é admis par tous, car le texte de l'article 720 est formel, que la vo- cation héréditaire devait être réciproque.

La doctrine et la jurisprudence unanimes avaient toujours admis également que pour donner application aux présomptions, il fallait une vocation successorale ab intestat, les présomptions ne recevant pas application en cas de succession testamentaire ou con- tractuelle (De Page et Dekk.ers, t. IX, n• 63;

- Schicks et Vanisterbeek, t. IV, n• 589; - Galopin et Wille, SUccessions, n• 19).

La jurisprudence récente n'a en général fait que confirmer cette opinion mais nous verrons se dessiner dans la doctrine récente un courant en sens contraire.

17. - Dans le sens de la doctrine et de la jurisprudence traditionnelles nous men- tionnons d'abord un jugement du Tribunal de Gand du 8 octobre 1941 (Tijdschrijt voor Notarissen, 1942, 169) qui déclare que ces présomptions valent pour toutes les person- nes qui sont appelées par la loi à la succes- sion l'une de l'autre, qu'il s'agisse d'héritiers légitimes ou de successeurs irréguliers, no- tamment les époux entre eux.

Relevons encore un jugement du Tribunal de Termonde du 12 juin 1941 (Rev. not. Prat.

1944, 85; - Tijdschrijt voor Notarissen 1943, 27) qui exclut l'application des présomptions quand les époux qui sont morts dans le même événement avaient conclu un contrat de mariage contenant une donation récipro- que au bénéfice du survivant de tous les biens qu'ils laisseraient au moment de leur décès, de sorte que ces donations font dis- paraître leur vocation héréditaire ab intestat

(voir dans le même sens Civ. Louvain, 14 niai 1945, Rec. Gén. 1946, p. 240).

Le jugement très longuement motivé du tribunal de Mons du 7 janvier 1944, juge- ment que nous avons déjà cité à plusieurs reprises, a exclu l'application des préSOJ:l?.P- tions dans un cas où par leur contrat de mariage les époux avaient attribué au sur- vivant d'eux, à défaut de génération issue de leur mariage, notamment la pleine pro- priété des meubles meublants dépendant de la communauté d'acquêts convenue entre eux, et par donation subséquente s'étaient fait mutuellement donation de la totalité de la succession du prémourant. Cette décision reprend la grande majorité des arguments qui ont été avancés pour restreindre l'appli- cation des présomptions à la succession légale.

En l'espèce les demandeurs avaient fait valoir que les conditions de l'article 720 étaient réalisées puisqu'il y, avait .vocation successorale réciproque des conjoints en vertu de l'article 767 du Code civil. De la sorte, prétendaient-ils, on peut déterminer l'ordre des décès suivant les . présomptions légales et ensuite seulement examiner le sort des legs ou des donations prévoyant le cas de survie. Le jugement répond fort jus- tement que les articles 720 et suivants ne

·visent pas le fait du décès mais règlent la dévolution successorale légale, la dévolution du patrimoine de personnes décédées dans un même événement, que s'il en était autre- ment on devrait appliquer les présomptions de survie même lorsqu'il n'y a pas vocation réciproque, ce qui est formellement contredit par le texte même de l'article 720.

Il apparaît donc qu'en l'espèce les ayants droit des époux ne pouvaient ·invoquer les présomptions légales pour déterminer com- ment s'opérera la dévolution de la succession contractuelle. Mais devant l'impossibilité de preuve la dévolution contractuelle ne s'ac- complissant pas, on retombe dans la suc- cession légale où les époux ont une vocation réciproque, et leurs ayants droit sont fondés à invoquer les présomptions pour se faire attribuer la succession ab intestat. Toutefois,

étant donné l'existence de parents des époux au degré successible, les deux époux n'avaient qu'une vocation réciproque à une part en usufruit. Il n'y a donc plus à en tenir compte puisque l'usufruit s'est éteint par la mort des époux. C'est ce que le jugement relève très justement.

18· - A ce courant traditionnel confirmé par la jurisprudence récente s'oppose dans la doctrine de ces dernières années une ten- dance à étendre le champ d'application des présomptions légales et plus particulièrement à l'étendue aux successions testamentaires et contractuelles (voir à ce sujet l'étude de J. L. Bandin, Rev. not. Prat. 1941, 265 et Pierre De Pelsmaeker, Tijdschrift voor Nota- rissen 1944, p. 69).

Les arguments des tenants de cette opinion ne nous paraissent pas suffisamment con- vaincants. Nous examinerons brièvement ci- dessous les plus importants de ceux-ci.

La doctrine traditionnelle tire argument de la place du texte des articles 720 et suivants dans le Code. En effet, toutes les dispositions du chapitre l" du titre I" du livre III dans lequel sont insérés ces articles, ne concernent que les successions· ab intestat.

Bandin répond à cet argument que la juris- prudence connaît des cas d'extension de présomptions par l'élimination des conditions mises à leur emploi. Le caractère dérogatoire- au droit commun de ces présomptions nous paraît cependant constituer un obstacle invin- cible à une interprétation extensive.

Dès lors l'argument subsidiaire tiré des motüs qui ont inspiré les articles 720 et sui- vants nous parait superfétatoire. Cet argu- ment peut se résumer comme suit : Il était inutile de prévoir le jeu des présomp- tions en cas de succession testamentaire ou contractuelle puisque à défaut de celles-ci, la dévolution successorale légale pouvait s'opé- rer. Mais par contre le législateur voulant éviter que l'ordre normal de dévolution des successions légales ne soit dérangé et la succession transmise à des héritiers éloignés, par application du droit commun (art. 135, 136 et 1315) a entendu prévoir dans le cas de comorientes l'ordre de la dévolution légale.

Bandin réplique à cet argument que le législateur a placé la dévolution testamen- taire et contractuelle sur le même pied que la dévolution légale. La loi attribue force obligatoire à la volonté du de cujus exprimée dans les formes èonvenables. Et dès lors les présomptions sont nécessaires en matière de succession testamentaire ou contractuelle pour assurer une transmission conforme à la volonté complète de la loi.

Tout d'abord les rédacteurs du Code opé- rant une trai:lSaction entre le . droit romain, le droit -coutumier, le droit intermédiaire et de nombreux courants philosophiques n'ont pas mis sur pied un système parfaitement cohérent et ordonné dans ses moindres dé- tails. Et lorsqu'on envisage l'ensemble du droit successoral et du droit testamentaire il n'apparaît pas du tout certain que telles règles particulières imposées par le législa- teur en matière de dévolution légale doivent être transposées dans le cadre des successions testamentaires ou contractuelles. En outre, il nous paraît que, sans rien retirer de la faveur accordée à la volonté du de cujus, le législateur pouvait n'estimer les présomptions nécessaires qu'en cas de succession ab intes- tat. En effet, si la dévolution testamentaire ou éontractuelle ne peut s'accomplir à raison de l'impossibilité d'établir, suivant le droit commun, l'existence de celui qui devait en être le bénéficiaire, il y a là une circonstance extrêmement regrettable, mais qui ne vise en quelque sorte que des intérêts strictement lndividuels. Veiller à ce que dans ces circon- stances la succession légale puisse malgré tout être dévolue dans les conditions estimées les meilleures répondait à des préoccupations sociales et familiales qui paraissaient s'impo- ser. impérieusement au législateur de l'époque.

(5)

Le législateur a voulu en quelque sorte sauve- garder l'essentiel.

19. - Même événement mortel. - Pour déclencher le mécanisme des présomptions légales, il est indispensable que les comou- rants aient péri dans le même événement, c'est-à-dire, que leur mort ait une cause unique.

C'est ainsi qu'il a été décidé que lorsque trois personnes se sont suicidées en même temps et que l'ordre chronologique des décès ne résulte pas des circonstances de fait, les présomptions des articles 720 et suivants sont applicables parce qu'elles supposent comme condition essentielle que les comourants aient péri dans le même événement c'est- à-dire qu'ils aient été en butte à une cause commune et antérieure de destruction. Trois suicides, même concertés et commis sous l'empire de la frayeur collective provoquée par les événements de guerre sont autant de faits distincts trouvant chacun sa cause dans la volonté individuelle de son auteur (Civ.

Charleroi, 31 oct. 1942. Pas., 1943, III, 44).

20. - 3) Cas non prévus par les articles 721 et 722 du Code civil. - Ainsi que nous l'avons exposé l'article 720 énonce le principe général suivant lequel, à défaut de circon:..

stances de fait, la présomption de survie est déterminée par la force de l'âge ou du sexe.

Les articles 721 et 722 ne font qu'appli- quer ce principe à divèrses hypothèses. Mais on sait que le législateur a omis de préciser qui était présumé survivre lorsque l'un des comourants était âgé de 15 à 60 ans et l'autre de moins de 15 ans ou de plus de 60 ans.

La doctrine et la jurisprudence argumen- tant a fortiori des articles 721 et 722 ont jusqu'à présent admis que la personne âgée de 15 à 60 ans devait être présumée avoir survécu (Civ. Tournai, 12 janv. 1898, Pas.,

m.

81; - Civ. Liège, 6 nov. 1908, Pand. pér. 1909,

n• 518).

Depuis 1940, plusieurs décisions dans le même sens ont encore été publiées (Civ.

Tongres 12 nov. 1939, Tijdschritt voor Nota- rissen 1940, 15; - Rev. prat. not. 1941, 291;

- Civ. Termonde, 12 juin 1941, Tijdschritt voor Notarissen 1943, 27; - Civ. Gand, 8 oct.

1941, Tijdschrift voor Notarissen 1942, 169).

Une opinion plus rigoureuse s'est toutefois fait jour.

En effet, MM. De Page et Dekkers (t. IX, n· 59) estiment que le cas n'étant pas prévu in terminis par le législateur, ie principe d'in- terprétation restrictive impose en ce cas d'en t·evenir au droit commun. Cette opinion a été suivie par un arrêt de la Cour de Liège (8 janv. 1947, Rev. prat. not., 44).

Cette opinion nous paraît trop rigoureuse car si l'interprétation restrictive fait obsta- cle- à l'interprétation analogique du texte, elle n'interdit cependant pas de lui donner - toute sa portée. Or le législateur en créant pour les successions ab intestat un système exceptionnel a formulé dans l'article 720 le principe général qui se _ trouve à la base de son système. Les articles 721 et 722 ne font qu'appliquer ce prmcipe aux diverses hypo- thèses qui peuvent se présenter. On remar- quera d'ailleurs que les cas spécialement visés par le législateur sont ceux qui apparaissent les moins certains, ceux qui sans l'interven- tion du législateur eussent, malgré le prin- cipe général de l'article 720, donné le plus de soucis au juge obligé de les interpréter.

Quant aux· deux cas qui ne sont pas spéciale- ment prévus par le texte, le principe. général formulé par l'article 720 et les applications re- prises sous les articles 721 et 722 en font ap- paraître la solution comme certaine. Dès lors la solution donnée à ces deux cas par la jurisprudence et la doctrine traditionnelles rie dépa5se pas la portée du principe général de l'article 720 éclairé par les applications contenues dans- les articles suivants. Une interprétation restrictive ne doit pas écarter une interprétation de bon sens laquelle est d'a1lleurs, semble-t-il, parfaitement confor- me à la volonté du législateur.

Conclusions.

21. - n apparaît de ce bref tour d'horizon qu'à la faveur des circonstances de guerre la matière des comorientes a connu un triste regain d'actualité. Ainsi que nous l'avons vu la tendance générale de 13. jurisprudence et de la doctrine belges de ces dernières années reste dans la ligne -de leurs devancières. En règle générale il en est de même en France (voir à cet égard les quelques décisions citées par R. Piret et R. Pirson, Examen de juris- prudence à la Revue critique de Jurisprudence belge, 1949, p. 271).

Deux courants nouveaux sont apparus toutefois. Le premier de ceux-ci incline à étendre le champ d'application des pré- somptions au delà des limites traditionnelles, plus spécialement en appliquant les pré- somptions en matière de succession testamen- taire ou contractuelle (Bandin, op. cit. et P. Pelsmaeker, op. cit.).

Le second tend à restreindre encore le champ- d'application des présomptions en soustrayant à celles-ci les deux hypothèses non prévues par les articles 721 et 722 (De Page et Dekkers. loc. cit. et Liège, 8 janv.

1947, loc. cit.).

II. - L'indignité ·successorale.

2 2. - Il peut arriver qu'une personne normalement apte à succéder soit déclarée indigne par la loi et exclue à ce titre de la succession.

L'article 727 du Code civil précise les trois causes d'indignité. Il va sans le dire que cet article comminant une déchéance est de stricte interprétation.

Est notamment déclaré indigne par l'article 727 : « Celui qui serait condamné pour a voir donné ou tenté de donner la mort au défunt».

Un déJicat problème d'interprétation a surgi au sujet de cette cause d'indignité. Le texte en effet, exige une condamnation pour dé- clencher l'indignité du successible. Est-il applicable à l'auteur d'un homicide volon- taire sur la personne du défunt, auteur qui a été interné par une décision judiciaire prise conformément aux articles 7 et 10 de la loi du 9 avril 1930 et fondée non point sur un état de démence de l'auteur, mais seulement sur un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale ?

2 3. - La Cour de Cassation a répondu par l'affirmative à cette question (Cass.

20 déc. 1945, Pas., I, 296 sur pourvoi contre Gand, 24 nov. 1943, Rev. prat. not. 1944, 346).

La Cour a fondé sa décision sur ce « qu'en édictant cette disposition, le législateur a eu pour but de faire dépendre la preuve de l'mdignité morale justifiant l'exclusion de la succession, de la constatation par le juge du crime, de la culpabilité du successible, con- statation qùi en vertu de la 1égis!ation alors en vigueur, entraînait nécessairement la con- damnation du coupable, quel que fut le degré de sa responSabilité, à des sanctions quali- fiées peines par la loi ».

La Cour tire également argument de l'arti- cle 12 de la loi du 9 avril 1930 lequel s'ex.:.

prime comme suit : « La juridiction répres- sive saisie de l'action civile en même temps que l'action publique demeure compétente pour statuer sur la première dans le cas de l'article 7 de la présente loi... ».

La Cour estime qu'il résulte de cette dis- position que la loi a laissé à la décision ren- due sur l'action publique, quant aux suites civiles du crime ou du délit, l'autorité de la constatation d'une culpabilité de l'aut~ur.

Malgré toute l'autorité qui s'attache aux décisions de notre Cour suprême nous ne pouvons approuver cet arrêt. Peùt-être la Cour s'est elle laissé ébranler par l'horreur qui s'attachait à l'acte commis par le suc- cessible (homicide volontaire avec intention de donner la mort, commis sur la ·personne de sa mère légitime) mais les conséquences qu'elle en tire 4Ur le plan des principes juri- diques ne nous paraissent pas acceptables.

· L'arrêt de la Cour de Gand contre lequel le pourvoi avait été formé avait déjà statué

dans le même sens, sans toutefois tirer argu- ment de l'article 12 de la loi de défense sociale. Cet arrêt a fait l'objet d'une critique très serrée de la part de MM. J. Raey- maeckers et Th. Daumerie (L'indignité suc- cessorale et la loi de défense sociale, étude à la Rev. prat. not. 1944, 323 et suiv.). Nous ne pouvons que souscrire entièrement à cette critique qui reste valable à l'égard de l'arrêt de la Cour de cassation (voir également De Page et Dekkers, t. IX, n• 76, p. 79, note 5).

Les arguments présentés par MM. Raey- maeckers ·et Daumerie peuvent se résumer comme suit :

1) Une condamnation suppose nécessaire- ment une peiné. Or, la jurisprudence et la doctrine unanimes s'accordent à reconnaître que l'internement n'est pas une peine, mais une mesure de défense sociale.

Ajoutons que suivant les propres termes de la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass., 25 mars 1946, Pas., I, 117 et J. T.

1946, 380) l'internement est « une mesure de sécurité sociale et d'humanité dont le but est de mettre le dément ou l'anormal hors d'état de nuire et en même temps de le soumettre, dans son propre intérêt, à un régime curatif scientifiquement organisé ».

2) La condamnation dont il est question à l'article 727, r n'est pas exigée seulement à titre de preuve. C'est certes une des inten- tions du législateur mais ce n'est pas la seule. En effet, la culpabilité du successible peut être établie en dehors d'une condamna- tion sans que l'indignité en résulte. Ce sera le cas lorsque l'infraction est déclarée prescrite alors qu'il y a eu flagrant délit ou aveu, ou lorsqu'après aveu, l'action publique vient à s'éteindre par suite du décès du suc- cessible. Dans tous ces cas, il a toujours été admis que les conditions nécessaires à l'appli- cation de l'article 727, r n'étaient pas réunies car le texte est formel et l'interprétation stricte s'impose puisque nous nous trouvons en présence d'une déchéance constituant en quelque sorte une peine accessoire civile.

3) De plus, lorsque la loi de défense sociale s'applique, il n'y a pas meurtre ou tentative de meurtre. Le délinquant tombant sous l'application de la loi de défense sociale ne commet pas d'infraction mais seulement des faits qualifiés crimes ou délits (voir art. 7 de la loi de défense sociale du 9 avril 1930).

Il y a d'autant moins meurtre ou tentative de meurtre que la loi de défense sociale a véritablement créé une cause de justification nouvelle (voir Léon Cornil, Rev. dr. pén. et de criminologie 1934, 274). En effet la loi de défense sociale a été introduite sous le cha- pitre VIII du livre premier du Code pénal in- titulé «Des causes de justification et d'excu- se ». L'article 71 du Code pénal ne contient d'àilleùrs pas. seur toutes les causes de justi- fication (voir art. 70, 416 et 417 du Code pénal).

Nous souscrivons entièrement à cette argu- mentation.

Mais nous avons vu que la Cour de cas- sation prétendait trouver dans la loi de défense sociale elle-même, et· plus particu- lièrement en son article 12, la preuve de ce que le législateur avait entendu maintenir à la décision d'internement les effets civils d'une condamnation.

Cet argument procède, il nous semble, de l'erreur de base qui consiste à admettre que la condamnation n'a été réclamée par le législateur qu'à titre de preuve du crime dont l'existence devrait motiver l'application de la déchéance. Nous avons vu comment cet argument avait été réfuté · (supra même numéro).

En outre, la Cour nous paraît exagérer la portée de l'article 12 de la loi de défense sociale. En effet, cette disposition dans sa première phrase ne vise que l'action civile.

Or, l'indignité successorale est ·absolument étrangère. à celle-ci de même qu'aux principes qui gouvernent la responsabilité civile. L'in- dignité successorale est une ca use . de dé- chéance, véritable peine civile dont le méca-

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