Analyse multivariable
de quelques caractères morphologiques
de populations de chênes
(Quercus robur L. et Quercus petraea (Matt.) Liebl.)
du Hurepoix
J.L. DUPOUEY atoire de Phyto-écolog
Laboratoire rle
Phyto-écologie
/ore.stière/.Af.7}.!., Centre rle Recherches /orestières, Champenoux, F 54280
Seichamps
Résumé
L’auteur analyse la variabilité des caractères
morphologiques
desfeuilles,
infrutescences et écorces dans deuxpopulations
de chênes sessiles etpédonculés sympatriques. Quinze caractères,
divisés en un total decinquante-trois
classes sont ainsi mesurés pourquarante-trois
arbres. L’analyse factorielle des
correspondances,
quiapparaît
comme la méthode laplus objective,
permet dedistinguer
nettement les individus à rapporter au taxon Quercus petraea de ceux appartenant à Quercus robur. Les caractères discriminants sont la longueur du pédoncule, la longueur dupétiole
et l’angle des oreillettes.Glands, cupules
et écorces nesont pas
significativement
différents, pour les caractères étudiés, dans les deuxespèces.
Laprésence
de moins de 5 % d’arbresmorphologiquement
intermédiaires dénote de la faiblesse desphénomènes d’hybridation-introgression
dans cet échantillon. Lagénéralité
de ce résultatest discutée.
1. Introduction
Si par le
passé,
le chêne sessile(Quercus
petraea(Matt.) Liebl.)
et le chênepédonculé (Quercu.s
roburL.)
ont souvent été réunis dans lagestion forestière,
ilapparaît aujour-
d’hui nécessaire de leur
appliquer
des traitementssylvicoles différents,
en accord avecleurs
exigences
différentes. Dès1897,
MATHIEUsouligne
dans sa flore forestière :« On ne saurait attacher
trop d’importance,
dans les travaux derepeuplement,
à cette différencefondamentale,
afin deplacer
chacune de ces deux essences dans la stationqui
lui est propre ». Ledépérissement
du chêne en forêt deTronçais (Allier), qui
semblen’affecter que le
pédonculé
à l’exclusion du sessile (BECtcEx &L EVY , 1982),
montrel’acuité d’une telle réflexion et la nécessité
qu’il
y a encoreaujourd’hui d’approfondir
nos connaissances sur
l’écologie respective
des deuxespèces.
Or les études
autécologiques
nepeuvent
être dissociées de celles du statut taxono-mique
du matérielvégétal
étudié. On sait parexemple
les difficultés souvent rencontrées (*
) Cette étude a été réalisée avec les étudiants et enseignants du D.E.A. d’Ecologie de la Faculté d’Orsay de l’année 1980-1981.
par les
phytosociologues
lors des relevés devégétation
où les deuxespèces
de chênessont
présentes.
Dans le cas duchêne,
ces étudestaxonomiques
ont divisé les botanistes sur unequestion
non encore résolue : Ies individusmorphologiquement
intermédiairesentre
chêne sessile et chênepédonculé,
trèsfréquemment
observés dans la nature, sont-ils le fait de lagrande
variabilité de l’une ou l’autre des deuxespèces,
ou le résultat dephénomènes d’hybridation
etd’introgression ?
On trouvera uneanalyse
de cette contro- verse dans un article de GARDINER(1970).
Dans le cadre de l’étude
autécoLogique
des deuxchênes,
menée dansquelques
stations du
Hurepoix (rebord
oriental duplateau
deBeauce),
nous avons, dans unpremier temps,
étudié la variabilité dequelques
caractèresmorphologiques
enessayant
depréciser :
- le statut
taxonomique
des individus étudiés(chêne sessile,
chênepédon.culé,
ou
hybride),
- les caractères
morphologiques
discriminantsresponsables
de la variabilitéobservée,
ceci sur la base d’une
analyse
multivariable des données.2.
Site,
matériel et méthodeLes chênes ont été échantillonnés au cours du mois de
septembre
dans deux zonesforestières du
Hurepoix (région soumise
à une variante sèche du macroclimat du BassinParisien,
où le hêtre estsporadique).
2.1. Sur le camplls de la Faculté des Sciences
d’Orsay
Le
long
d’un transectlarge
de 200 m, établi sur la rivegauche
de l’Yvette(exposée
au
Sud),
la presque totalité des chênes a été inventoriée - soit environ centcinquante individus
-.Après
détermination sur le terraind’après
les critèresusuels,
nous avonsobtenu les
proportions
suivantes : 27 p. 100 de chênessessiles,
33 p. 100 de chênespédonculés
et 40 p. 100 d’individus que nous avonsqualifiés provisoirement
d’ «hybri-
des » en raison de leurs caractères
morphologiques
intermédiaires.Trente-quatre
chênesont ensuite été choisis pour le
prélèvement
des échantillons de manière à :- couvrir de
façon
laplus homogène possible
l’ensemble du transect ;- avoir un nombre sensiblement
égal
d’individus de chacune des troiscatégories précédentes ;
- éviter les chênes
trop rapprochés ;
eneffet,
les échantillons ayant été ramassésau
sol,
il fallait être sûr de leur provenance.Ces conditions définissent en fait un
échantillonnage
stratifié selon le milieu etl’appartenance taxonomique
définie ctpriori.
Les
caractéristiques topographiques
etgéologiques
du transect sontprésentées
figure
1. Les sols du versant sont pour laplupart développés
sur un matériau colluvion- naired’origine périglaciaire
et dont lacomposition présente
desproportions
variées de chacune des formations enplace.
Ce sont des solsbruns,
bruns lessivés oupodzoliques,
présentant
diversdegrés d’hydromorphie
selon lapente.
L’étude
phytosociologique
(Bnm.E,1980)
montre laprésence
degroupements
duCarpin ion
betealü Oberdorfer 1953 et duQuercio ll rohori-pefraeae (M AI , CUIT , 1929)
Br.-BI. 1932.
2.2. Sur le
plateau
deHnrepoix (autour
deBoullay-les-Troux)
Neuf chênes ont été
choisis,
dans des stations semblables auxprécédentes.
Pour
chaque
chêneinventorié,
on a ramassé au sol feuilles et fruitsjusqu’à
concur-rence d’au moins
vingt-cinq
échantillons (bien queR USHTON ,
1978, semble avoir montré quecinq
échantillons par arbresuffisent,
du moins pour lesfeuilles). Toutefois,
pour certains chênespédonculés,
ce nombre de fruits n’a pu êtreatteint,
laglandée ayant
été inférieure en abondance à celle du chêne sessile. BECKER(1972),
PELLECUER(1976),
T
URBANG
(1954),
font une observationanalogue.
JONES(1959)
constate pour sapart, après plusieurs
annéesd’études,
une fertilitéégale
des deuxespèces :
POSKIN(1934),
quant àlui,
observe uneproduction supérieure
du chênepédonculé.
Il semble doncimpossible
actuellement degénéraliser
de telles observations. Laglandée
de 1980 a toute-fois été suffisante pour que nous ne soyons pas
obligés
d’écarter de l’échantillon les arbres à faibleproduction.
De
plus,
nous avons mesuré sur l’arbre certaines variables concernant lerhytidome, présentées
ci-dessous.Notons enfin que
l’origine
« naturefle » sinonspontanée
de cespeuplements,
bienque vraisemblable, ne peut être assurée.
3. Caractères mesurés
De très nombreux caractères ont été
proposés
pour différencier les deuxespèces.
P
OSKIN
(1934)
en fait uneprésentation
relativement exhaustive.Nous avons choisi pour notre
part
des caractères facilement mesurables(éliminant
par
exemple
les caractèresfloraux,
ainsi que ceux concernant le bois ou leport),
limitantau maximum la
subjectivité
de l’observation (mesuresquantitatives)
etsusceptibles
dediscriminer les deux
espèces.
De nombreuxcaractères, peut-être plus discriminants,
auraient pu être inclus dans l’étude(nombre
de lobesfoliaires, position
de laplus grande largeur
desfeuilles...). Mais
lamultiplication
des mesures aurait rendu une telle étude troplourde,
sansgarantir
de meilleurs résultats.Ont été retenus pour
l’analyse (voir fig. 2) :
3.1. Pour la
feuille
!
longueur
dupétiole (LP) ;
!
angle
des oreillettes(AO).
Sur
chaque feuille,
on mesurel’angle
de latangente
au lobe Leplus développé passant
par lepoint
dejonction
du limbe aupétiole
avec l’axe de la feuille.Cette méthode a été
adoptée
afin d’éliminer les notationssubjectives
comme parexemple
lacomparaison
avec des séries de feuillestypiques,
utilisée par RusHTOrr(1974)
ou KISSLING
(1980 a).
3.2. Pour !es
fruits
e
longueur
totale dupédoncule,
dupoint
d’attachement au rameaujusqu’à
l’extré-mité de l’infrutescence
(PT) ;
e
longueur
dupédoncule jusqu’à
lapremière cupule (PG),
ceci afin desupprimer
le biais éventuel introduit lors de la mesure de PT par les
pédoncules brisés ;
< nombre de
cupules (développées)
parpédoncule (NC) ;
hauteur des
cupules (HC) ;
! diamètre des
cupules (DC) ;
!
Longueur
desglands (LG) ;
! diamètre maximum des
glands (DG).
3.3. Pour l’écorce
Nous avons
appliqué
sur l’écorce del’arbre,
à la hauteur de1,30
m, deux arcsde cercle d’une
longueur
de 30 cmchacun,
l’un sur la faceexposée
auNord,
l’autresur la face
exposée
au Sud.Ont été mesurés le
long
de ces arcs :! le nombre de côtes du
rhytidome (CN
au Nord et CS auSud) ;
! la
largeur
cumulée du sommet des côtes(LN
etLS).
Au total
donc, quatre
caractères del’écorce, sept
de l’infrutescence et deux des feuilles sontpris
encompte.
Le but étant surtout de déterminer des critèressimples
de
différenciation,
s’ilsexistent,
nous avons éliminé del’analyse
toutes les variablessynthétiques
obtenues par combinaison desprécédentes (excentricité
dugland...). Comme
le
souligne
RusHTOrr(1978),
iln’y
a pas de raison apriori
de supposer que les carac-tères bruts donnent une mauvaise
séparation taxonomique.
4.
L’analyse
des donnéesLes différentes méthodes utilisées dans
l’analyse
des donnéesmorphologiques
pour les
espèces morphologiquement proches
sont décrites par WiGSTOrr(1974).
Parmicelles-ci,
deux ont étéparticulièrement employées
pour l’étude despopulations
de chênes.4.1. La méthode des
diagrammes
dedispersion symboliques (ou métroglyphes)
Sur un
plan repéré
par deux axes, onreporte
laposition
des individus étudiésselon leurs valeurs pour deux variables choisies
(par exemple, longueur
dupédoncule
floral sur l’axe des abscisses et
longueur
dupétiole
sur l’axe des ordonnées - voirfig. 3).
Sur ce
diagramme
dedispersion
à deuxvariables,
d’autres caractères sontfigurés
par dessymboles ajoutés
surchaque point représentant
un individu. On obtient alors unmétroglyphe.
Laposition respective
despoints permet
de décider s’ils’agit
de popu- lations pures,hybrides, introgressées...
RusHTOrr
(1978)
a très bien montré lesdangers
du choix apriori
de deux variablesdescriptives, auxquelles
on accorde defaçon subjective
uneimportance particulière.
Ce même auteur a, par contre, recours à l’autre
méthode,
pourtant non exempte desubjectivité
comme nous a1lons le montrer.4.2. L’indice
d’hybridité
Chaque
caractère étudié est noté 0 s’il serapporte,
dans le cas deschênes,
àQuercus robur,
1 s’il est« typique
» deQuercus
petraeaet s’il
est detype
inter- médiaire(ou
encore 0 pourQuercus robur,
4 pourQuercus
petraea et de 1 à 3 pour leshybrides).
Pourchaque individu,
on fait la somme des notes pour tous les caractères étudiés.Ainsi,
si on étudie ncaractères,
unpédonculé type
aura un indice0,
un rouvretypique
un indice n et les «hybrides
» des indicesd’hybrid;ité
entre 0 et n, selon ledegré d’introgression.
114 m w n 4 m w 1 4 v 1
IH : indice
d’hybridité
n,. nombre de caractères attribués à
Quercus
roburnp :
nombre de caractères attribués àQuercus
petraea ni : nombre de caractères intermédiairesSupposons
maintenant que certains caractères considérés comme intermédiaires soienten
fait
à attribuer à l’une ou l’autre desespèces :
TH’
-
(n -1- P) x (1 -1- (n. - p- a’1 x 1 -)- (n -1- P’1 x 1 d’où
IH’ = IH + 2- (e’- e!
e : nombre de caractères attribués à tort au
type
intermédiaire et faisantpartie
dudomaine de
Quercus
robure’ : nombre de caractères attribués à tort au
type
intermédiaire et faisantpartie
dudomaine de
Quercus
petraeaOn constate donc que l’index
d’hybridité augmente
laproportion
d’index detype
«hybride !
selon les critères de choix de la nature intermédiaire ou pure d’un caractère.La
critique principale
de cette méthode est doncqu’on
y choisit les caractèreshybrides
avant l’étude.4.3.
L’analyse factorielle
descorrespondances
Nous avons choisi une
analyse
multivariablequi
assure la meilleure «objectivité
»au
départ.
Les caractères mesurés ont été divisés en un certain nombre de classes
(tabl. 1),
délimitées comme suit : pourchaque caractère,
on choisit d’abord le nombre de classesen fonction de la variabilité totale. Les limites des classes sont alors déterminées de
façon
à ce que chacune contienne le même effectif d’échantillons(ce qui
minimise laperte
d’information). L’analyse
factorielle descorrespondances
serapporte
donc à la matricecontenant pour
chaque
arbre(individus)
et pourchaque
classe de caractère(variables)
la valeur 1 si l’arbre
appartient
à cetteclasse,
la valeur 0 sinon.5. Résultats
Le
pourcentage
de la variance totaleexpliqué
parchaque
axe est donné autableau 2. On constate que le
premier
axe recèle23,8
p. 100 de la variancetotale,
les suivants décroissantrégulièrement
àpartir
de10,5
p. 100. Il y a doncséparation
nettedu
premier
axe.5.1. Les individus
On trouvera
figures
4 et 5 les résultats del’analyse
pour les axes 1-2 et 1-3. Il y aune différenciation nette de deux ensembles le
long
de l’axe 1, les abscissespositives correspondant
aux chênessessiles,
lesnégatives
aux chênespédonculés.
On trouve deuxindividus en
position intermédiaire,
les arbres n°s 12 et 8. Par contre, lelong
des axes 2et
3,
il n’est paspossible
d’établir des discontinuités à l’intérieur des deux sous-ensemblesprécédents,
et ceci se retrouve lelong
des axes suivants(étudiés jusqu’au cinquième).
5.2. Les variables
Les résultats dans le
plan
des axes factoriels 1-2 et 1-3 sontfigurés figures
6 et 7.L’étude de la contribution absolue de
chaque
variable pour les troispremiers
axes(en pourcentage
de l’inertie totale dunuage)
permet de hiérarchiser les caractères respon- sables de la formation dechaque
axe(tabl. 3).
Sur les axes 2 et3,
on nedistingue
aucun
gradient morphologique capable d’expliquer
larépartition
des arbres. Sur lepremier
axe,qui
semble donc être le seulinterprétable,
les caractères PG et PT(longueur
du
pédoncule),
LP(longueur
dupétiole)
et AO(angle
desoreillettes)
se détachentnettement.
6. Discussion
Il est
remarquable
de constater, au sein despopulations
étudiéesici,
une très bonnediscrimination entre chêne sessile et chêne
pédonculé,
d’autantplus
que lors dupré-
lèvement des échantillons sur le
terrain,
il était souvent apparu difficile de rattacher les individus observés à l’une ou l’autre des deuxespèces.
La forme sensiblementparabolique
du nuage de
points
dans leplan
des axes 1 et 2 del’analyse
factorielle des corres-pondances
est due à un effetGuttman,
confirmant l’existence d’un facteur hautementsignificatif
de la structure des données. Enl’occurrence,
ce facteursignificatif
cor-respond
à la structure dugénome
des individusétudiés, plus
ou moinsproche
de l’uneou l’autre
espèce.
La
séparation
entre les deuxespèces
est si nette que lediagramme
de lafigure
3peut
êtrerapproché
de celuireprésenté
par RusHTOrr(1978, fig. 8)
danslequel
sontanalysées
deuxpopulations, « typiques
» dechaque espèce,
maisallopatriques (alors
que,rappelons-le,
les individus que nous avonsanalysés
sont, pour au moinstrente-quatre
d’entre eux, enmélange pied
àpied).
Seul deux individus peuvent encore êtrequalifiés
d’intermédiaires pour l’ensemble des caractères
mesurés,
soit4,7
p. 100 de l’ensemble des arbres échantillonnés. Ce pourcentage peut être considéré commereprésentatif
de laproportion
réelled’hybrides
dans lespopulations étudiées,
car le biais introduit lors de la stratification del’échantillonnage
reste faible. Nous sommes ainsi en accord avecGA
THY
(1969) qui
considèrel’hybridation
comme unphénomène
rare, accidentel et àpourcentage d’apparition
très faible parrapport
autemps
de cohabitation. JoNES(1959)
pense
qu’il
est inhabituel de rencontrerplus
de 5 p. 100d’hybrides
dans unepopulation mélangée (bien qu’il
en recense lui-même trois survingt-cinq
individus, àBagley Wood).
MAYER
(1977,
inBEER, 1981),
comme JONES(loc. cit.),
supposent que lacompréhension imparfaite
des caractèresspécifiques plus
variablesqu’on
ne le pensehabitucllement, expliquerait
que certaines études aient déterminé desproportions
trèsimportantes d’hybrides
enpopulations
naturelles. Cette variabilitépourrait
être bien sûrd’origine génétique
ouphénotypique.
Notons que KRnHL-URanN et al.(1955)
ont mis en évi-dence une forte variabilité
intraspécifique
desagglutinines
des feuilles et fruits selon la provenance.Pour leur
part,
CARLISLE & BROWN(1965),
COUSENS(1965),
WIGSTON(1974),
RusaTOrr(1978)
enAngleterre,
KISSLING(1980 b)
enSuisse,
OLSSON(1975 a)
enSuède,
mettent en évidence de
larges phénomènes d’hybridation introgressive
dans les popu- lations de chênesqu’ils
étudient. Notons que tous ontemployé
des méthodes d’études peuobjectives (index d’hybridité, métroglyphes, ...), excepté
RUSHTONqui
utilise uneanalyse
multivariable. Il n’étudiecependant
que des caractèresfoliaires,
ensupposant
ceux-ci bien corrélés aux caractères des infrutescences. Or c’est bien souvent en raison des contradictions entre caractères foliaires et caractères des infrutescences que les botanistes ne peuvent déterminer un chêne avec sûreté !
Les essais
d’hybridation
artificielle devraient permettre de cernerl’importance
naturelle du
phénomène. Or,
si les tentatives de DENGLER(1941,
inR USHTON , 1977)
ont été variablement réussies(0
à 2 p. 100 deréussite,
mais 15 p. 100 en 1936 pour le croisementQuercus
robur XQiterctis
petraeai
celles de RUSHTON(1977)
ontmontré un très faible taux de réussite
interspécifique (0,6
p.100)
devant le taux intra-spécifique (39,9
p.100).
Deplus
lesglands
issus de ces croisements sontplus petits
que ceux des
espèces parentales (résultat
confirmé parGn T riv, 1969)
et nonviables, infirmant
toutehypothèse
d’hétérosis.Nous avons retrouvé dans notre étude les caractères discriminants mis en avant par la
plupart
des auteurs, en les hiérarchisant :longueur
dupédoncule floral, longueur
du
pétiole, degré
dedéveloppement
des lobes foliaires basaux. Les caractères mesuréssur les
glands
etcupules
ne montrent pas de liaisonsignificative
avec le statut taxo-nomique
desindividus,
confirmant des résultats similaires(J ONES , 1959 ; B ECKER , 1972 ; RusHTOtv, 1977).
La forme desglands
serait donc surtout le résultat de l’action des facteurs externes. Il en est de même pour la forme durhytidome qui
varieindépen-
damment de
l’espèce.
Ce dernier résultat n’infirme pas l’observation courante selon la-quelle
le chênepédonculé
a unrhytidome plus épais
etplus profondément
fissuréque le chêne sessile. Par contre, il confirme que cette différence
peut
être totalementmasquée
par divers facteurs dont la vitesse de croissance del’arbre,
liée elle-même à lasylvicu4ture.
De
façon pragmatique,
l’étude dudiagramme
de lafigure
5 permet de définir les limites de variation des caractères pourchaque espèce,
dans la zone étudiée : le chêne sessile est caractérisé par unpédoncule
delongueur
totale inférieure à 20 mm(ou, jusqu’au premier gland,
15mm),
delongueur
depétiole supérieure
à 9 mm etavec un
angle
du lobe de base leplus développé
inférieur à 70&dquo;. Cette dernière valeur est nettementsupérieure
à celle couramment utilisée etexplique
enpartie
la forteproportion
d’ «hybrides » répertoriés
sur le terrain au début de notre étude. Pour cecaractère,
le chêne sessile serait doncsujet
à uneplus large
variabilité que nous lesupposions « h riori.
Le chênepédonculé,
delongueur
depédoncule
totalesupérieure
à20 mm, a une
longueur
depétiole
inférieure à 5 mm et unangle
d’oreillettesupérieur
à 140&dquo;. Les
hybrides
éventuels sont à rechercherparmi
les arbres ayant unelongueur
moyenne de
pédoncule
de 20 mmenviron,
et deslongueurs
depétiole
etangles
desoreillettes intermédiaires avec les valeurs
précédentes (respectivement
5 à 9 mm et70 à
140°).
Ainsi de nombreux auteurs classent a
priori
les chênes àlongueur
depédoncule comprise
entre 20 et 30 mm dans lacatégorie
«hybride
». Selon notrecritère,
ilsdeviendraient
partie intégrante
del’espèce
chênepédonculé.
Il est intéressant de citer à cesujet
les résultats de DEae-r VARCIN (1983). Sur la base d’une étudemorphologique ayant
délimité troistypes
dechênes,
sessile(longueur
depédoncule jusqu’à
lapremière cupule nulle), pédonculé (longueur supérieure
à 40 mm) et intermédiaire(longueur comprise
entre 20 et 30mm)
(PELLECUER.1976),
elle étudie lescaractéristiques
techno-logiques
du bois de chacun destypes :
pour aucun des caractères étudiés le chêne de typehybride
ne sesépare
dupédonculé.
Rappelons
enfin que nos résultats sont valables sous réserve que les chênes étudiés n’aient pas été directementplantés.
Ceci ne semble pas être le cas ; en effet, les deuxespèces
serépartissent
lelong
du transect selon deuxgradients opposés.
I_c chênepédonculé
est leplus fréquent
dans les groupementsvégétaux
duC< 7/ ’ /’ ’&dquo;&dquo;o&dquo; botn l ü,
aubas du transect, le chêne sessile le
relaxant
vers le sommet, dans lesgroupements
duQuercion ro b o;1-p<irarar.
7. Conclusion
Notre étude nous a
permis
de délimiter defaçon précise
deux unitéstaxonomiques,
avec moins de
5 p.
100 d’individus intermédiaires que l’on peut attribuer auxphéno-
mènes
d’hybridité.
Nous pensons, sans nier l’évidence de ces
phénomènes d’hybridation-introgression
chez le
chêne, qu’il
faut limiter leurgénéralité
et leurportée
quant àl’expression
de caractèresmorphologiques
intermédiaires dans lespopulations
naturelles. Ceux-ci pour-raient,
pour unegrande
part, être le fait de variationsintraspécifiques.
La confirmation de ces résultats demande l’étude d’ungrand
nombre depopulations.
Il serait donc intéressant d’étendre ce type d’étudebiométrique,
relativementsimple,
à des provenancesgéographiques multiples
tant en milieu naturelqu’en plantations comparatives.
Parallèlement,
lagénétique
desisozymes
devraitpermettre
de trancherplus
nette-ment le
problème.
OI,SSON( 1975 b),
étudiant desisopéroxydases,
n’a pu en trouver le déterminismegénétique,
mais a du moins montré unegrande hétérogénéité
des popu-l,ations,
pourchaque espèce.
Rt,çit
pourpublication
le Il novembre 1982.Summary
Multivariate
analysis of
.somemorphological
chctractersof
oak(Quercus
robur L. azzdQuercus
petraea(Matt.) Liebl.) populations
in the
Hurepoix (France)
The
variability
ofmorphological
characters of leaves, acorns and barks isanalysed
within two mixed
populations
of pedunculate and sessile oaks. Fifteen characters, divided intofifty-three
totalclasses,
were measured or assessed on asample
offourty-three
trees.Reciprocal
averaging wich appear to be the mostobjective
methodpermit
a net distinction between trees belonging to theQuercus
petraea taxon and these of theQuercus
robur taxon.Differential characters are
peduncle length,
petiole length and auricles angle. Nonesignificant
difference is found between the two species for the characters of acorns, acorn-cups and barks under
study.
Less than 5 % of morphological intermediate trees indicates the weakness of the phenomena ofintrogressive hybridation
in thissample. Generality
of this result is discussed.Références
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des chênespédonculés (Quercu.s robur)
et rouvre (Querczr.c petrnea) dans lu canton de Genève :
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