QUELQUES ASPECTS DU TRANSIT GASTRO-INTESTINAL CHEZ LE PORC
P.AUFFRAY
J.
MARTINET,A. RÉRAT
J.-C. MARCILLOUX Station de Recherches surl’Élevage
des Porcs,Laboratoire de
Physiologie de
laLactation,
Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Recherche
agronomique
SOMMAIRE
Le transit
gastro-intestinal
est étudié sous un aspectdynamique
etquantitatif,
à l’aide de latechnique
des fistulesdigestives
permanentes.Simultanément,
onenregistre
la motricité dupylore
et des
régions gastriques
et duodénales voisines au moyen de fins ballonnetsplacés
dans lesparois.
La méthode des fistules montre que la
vidange
stomacale est trèsprécoce
et trèsrapide
si bienqu’au
bout de 15minutes,
30 à 40p. 100du volume de repasingéré
sont évacués dans le duodénum.L’arrivée d’une
quantité
aussiimportante
de bols alimentaires dans l’intestin entraîne alors uneémission discontinue des effluents
gastriques.
Ainsi,
lavidange
stomacaleprésente
deuxphases
distinctes et ne peuts’exprimer
sous la formed’une courbe
mathématique simple.
L’influence du volume et de la nature du
régime
sur l’évacuationgastrique
a étéenvisagée.
Levolume
joue
un rôle trèsimportant
dans larégulation
du transitgastro-intestinal
et il existe une relation linéaire entre les volumesingérés
et les volumes évacuéspendant
lapremière phase
dutransit.
L’étude du fonctionnement du
pylore
a été abordée et les différents faitsacquis
tendent à mon-trer que cet organe
jouerait
un rôle secondaire dans le contrôle de lavidange
stomacale. Larégula-
tion de cette dernière se ferait par des modifications de motricité au niveau du
pylore
et des diffé-rents segments
gastriques.
Le
pH
des bols alimentaires ne semble pas occuper uneplace primordiale
dans cetterégulation.
INTRODUCTION
Le transit des aliments au niveau du tractus
digestif
a faitl’objet
d’ungrand
nombre de travaux chez les
espèces
animales et chez l’Homme. En cequi
concernele
Porc,
le transit a surtout étéenvisagé
sous unaspect global
faisantappel
à latechnique
des colorants ou à la méthode desabattages (RÉ RAT
etal., ig6 3 ). Quant
à la mesure du
débit,
au niveau d’unsegment
intestinaldonné,
il n’existe à notreconnaissance que
quelques
études de CUNNINGHAM( 19 6 2 , 19 6 3 ) entreprises
à l’aidede la
technique
des fistulesdigestives permanentes, technique déjà
utiliséedepuis plusieurs
années chez le Mouton ou la Chèvre par PHILLIPSON et al.( 1952 ),
HOGANet al.
( 19 6 0 ),
HARRIS et al.( 19 6 2 ). Ajoutons
que ces recherches de CUNNINGHAM étaient surtoutenvisagées
sous unaspect biochimique
et concernaient lesparties
pos- térieures de l’intestingrêle.
Actuellement,
latechnique
des canulespermanentes
est la seulequi permette
une étude du transit au niveau du tractus
digestif,
de repas riches en matièressolides,
sous un
aspect dynamique
etquantitatif. Aussi,
l’avons-nous utilisée afin de con-naître l’évolution de la
vidange gastrique
chez le Porc et depréciser
certainsaspects
de sarégulation. Simultanément,
nous avonsenregistré
la motilitégastrique
afin decontrôler les
perturbations possibles
dues à laprésence
des canules.TECHNIQUES
L’ensemble des recherches
qui
sontexposées
ici ont été effectuées sur des porcs de raceLarge
White pesant entre 5o et 70
kg.
A -
Préparation chirurgicale
des animauxa)
Anesthésie.Après
unjeûne
de 24heures, les animauxreçoivent
uneinjection
intra-veineuse d’unmélange
de Nembutal
(éthyl-méthylbutylbarbiturate
desodium),
de Penthiobarbitalsodique (éthyl-méthyl-
thiobarbiturate de
sodium)
etd’Atropine,
dans lesproportions qui
suivent :Après
intubationtrachéale,
l’anesthésie est entretenue à l’aide d’unmélange
gazeux(oxygène- protoxyde d’azote),
cemélange
pouvant ou non barboter dans duméthoxyfluorane (penthrane)
sui-vant le
degré
d’anesthésie souhaitée.b)
Mise enplace
des canules.On utilise des canules de
polyvinyl
dérivées du modèle de ASH( 19 6 2 ).
Une canule destinée auprélèvement
des effluentsgastriques
estplacée
au niveau de l’abouchement du canalpancréatique,
ou à
quelques
centimètres en amont selon lalongueur
du duodénum.Après
incision de laparoi
duduodénum,
au niveau de lagrande courbure,
la canule est intro-duite dans la lumière
intestinale, puis
la fermeture de laplaie
est réalisée à l’aide d’une suture d’en- fouissement avec de la soie sertie n° o. Une suture en bourse est réalisée autour de la canule avec de la soie sertie n° i. En une huitaine dejours,
les tissus au niveau de la bourse sont nécrosés, cequi
entraîne des écoulements de contenus à l’extérieur des canules. Aussi, pour retarder
l’apparition
deces fuites, une deuxième suture en bourse est réalisée autour des canules à l’aide du
péritoine.
La canule traverse les
parois
du flanc droit immédiatement en arrière et en bas des dernières côtes. Elle est maintenue enplace
à l’aide de fils denylon
fixés dans une échancrurepratiquée
à sabase. Ces fils sont
glissés
lelong
de la canule et noués sur un anneau deplastique.
Ce mode de fixationempêche
le retrait de la canule à l’intérieur de la cavité abdominale et le serrage de ces fils retardel’apparition
des fuites à l’extérieur. Cette fistule ainsi mise enplace
est dite fistule duodénale haute.De cette
manière,
nous pouvons récolter tous les effluentsgastriques,
mais leprélèvement
con-tinu a pour effet d’accélérer la
vidange
stomacale. La réintroduction duchyme
dans le duodénum est donc nécessaire : elle est réalisée à l’aide d’une deuxième canuleplacée
une dizaine de centimètresen aval de la
première.
Toutefois, lors desréinjections,
on assiste au reflux d’une certainequantité
d’aliment vers la
première
canule. Pourempêcher
ce reflux, il est déconseillé d’utiliser un ballonplacé
entre les deux canules, car PHILLIPSON( 1952 )
a montré que la distensionproduite
par songonflement
ralentit le transit. C’estpourquoi
nous avons sectionné le duodénum entre les deux canules : les deux extrémités sont fermées à l’aide d’unsurjet
enfouissant,puis
reliées entre elles parquelques points séparés
pour éviter toute déchirure du mésentère ou dupancréas.
Les deux ca-nnles sont réunies à l’extérieur par un tube transparent. Leur diamètre intérieur est de 12 z mm.
La réalisation des bourses autour des canules doit être effectuée avec un soin méticuleux si l’on veut éviter les fuites le
long
de celles-ci. Il est ainsipossible
d’utiliser des animauxpendant
despériodes atteignant
deux mois et celamalgré
leur indocilité.Sur le
plan chirurgical,
les difficultés concernent la brièveté du duodénum et du mésentère.Afin de connaître les
perturbations possibles
dues auxfistules,
nous avonsprocédé
àl’enregis-
trement de la motricité
gastrique
avant la mise enplace
des canules,pendant
lesmanipulations
eten dehors des
prélèvements.
Cette étude est réalisée à l’aide de fins ballonnets de la grosseur d’un
pois.
Ils sontfabriqués
dela manière suivante : l’extrémité d’un tube de
polyéthylène
très fin(diamètre
intérieur : 4/10mm)
est chauffée à la flamme d’un bec Bunzen et fermée à l’aide d’une
pince.
A i ou 2centimètres de cetteextrémité, le tube est
légèrement
ramolli parchauffage puis
dilaté par introduction d’air par l’extré- mité ouverte du tube à l’aide d’uneseringue
munie d’uneaiguille hypodermique.
Avant leur miseen
place,
ces ballonnets sontremplis
deliquide :
l’extrémité du tube située du côté du ballonnet est sectionnée et onremplit
le tube et le ballonnet deliquide
defaçon
à chasser l’air. Puis on referme le tube à la flamme. Les ballonnets sont introduits dans lesparois
du bulbe duodénal, dupylore,
desrégions prépyloriques
et antrales. Les tubes depolyéthylène
sont fixéssoigneusement
au niveau dupéritoine
afin d’éviter une occlusion intestinale,puis après
unlong trajet
sous la peau, ils sont exté- riorisés au niveau du dos. Au bout dequelques jours,
unelégère
réaction tissulaire seproduit
autourdes ballonnets
qui
lesprotège
d’une dilatation excessive.Pendant les
manipulations,
le tuberempli
deliquide
est relié à un capteur depressions.
L’enre-gistrement
de lapression
se fait sur unappareil
à deux voies Sanborn.L’estimation de la matière sèche se fait en
prélevant
une fraction des contenus stomacaux homo-généisés.
Mais cesmanipulations
retardent la réintroduction des bols alimentaires dans leduodénum,
ce
qui
entraîne uneperturbation
du transit.B - Protocole
expérimental
L’étude de la
vidange
stomacale estentreprise
une huitaine dejours après l’opération.
Lesanimaux sont alors
placés
dans une cageanalogue
à une cage àmétabolisme,
àlaquelle
ilss’adaptent
très
rapidement ( 3 à 4 jours).
Ilsreçoivent
deux repas parjour,
lepremier
à 8 heures et le secondà i8 heures. Les
manipulations
se fontgénéralement
au cours dupremier
repas.Les effluents stomacaux sont collectés dans un
récipient
en verre. Ce dernier est en relationavec un tube de verre fin
qui
sert d’indicateur de niveau. Lerécipient
collecteur est entouré d’un manchon permettant la circulation d’eau chaude destinée à maintenir les contenus àtempérature
constante. Les bols alimentaires sont réintroduits dans l’intestin à l’aide d’une pompe à
galets
munied’un compte-tours.
L’étude du transit est effectuée
généralement
sur despériodes de heures, chaque jour pendant plusieurs
semaines.Des
prélèvements
d’essai sont effectuéspendant quelques jours jusqu’à reproductibilité
desrésultats. Pendant les
manipulations,
il faut veiller à ce que l’environnement du Porc soittoujours
le même et surtout éviter tout bruit associé à la distribution de son
régime.
Le
régime
de base utilisé est unrégime semi-synthétique
formé de 65p. iood’amidon,
r7p. 100 de caséine, 8 p. 100d’huile d’arachide, 5 p. 100de cellulose et 5 p. 100d’unmélange
minéral et vita-minique.
L’alimentingéré
est formé d’unepartie
de matière sèche pour deux ou troisparties
d’eau.D’une manière
générale,
le repas est consommé en trois à quatre minutes.On mesure le
pH
sur les échantillons collectés à l’aide d’unpHmètre.
RÉSULTATS
Les résultats suivants sont tirés de l’observation
expérimentale
de 30 porcsfistulés
et surlesquels
nous avonsréalisé
untotal
de3 8 5 manipulations.
Cesrésultats reproduits
dans les tableaux 1, 2, 3, 4, ontété choisis aussi
nombreux quepossible
en tenant
compte
surtout des variationsindividuelles
etjournalières.
I -
As!ect
de la courbe de transita) Repas
normal.En
ordonnée,
sontportées
lesquantités
de contenusrecueillies
au niveau dela
fistule duodénale hauteexprimées
enml,
et en abscisse letemps
divisé enquarts
d’heure.De l’examen de la
courbe,
et pour lapériode
detemps considérée,
il ressortqu’il
existe deux
phases
dans lavidange gastrique :
unephase
initiale trèsrapide qui
débuteavant la fin de
l’ingestion du
repas etpendant laquelle les
contenus évacuésrepré-
sentent 30 à 40 p. 100 du volume
ingéré,
soit 20 à 25 p. 100pendant les cinq
pre- mières minutes(fig.
i et2 ). Ensuite apparaît
une deuxièmephase irrégulière
avecémission
discontinue,
enjets,
desbols alimentaires.
Au cours de cettephase,
lessolides sont évacués d’une manière discontinue
(fig. 3 ) ; leur réintroduction
dans le duodénum entraîne unralentissement,
voire unblocage
du transitgastro-intestinal.
L’action ralentissante
ou inhibitrice est d’autantplus importante
quel’estomac présente
undegré
de vacuitéplus marqué. L’apparition
des solides au niveau de lafistule duodénale haute est
toujours précédée
de celle desliquides.
Si on filtre surgaze les effluents
gastriques
de telle sortequ’on
ne réintroduise que desliquides
dansl’intestin, l’estomac
n’évacueplus
que des bols riches ensolides.
Les
volumes recueillis
aubout de heures
sont environ deux foisplus
élevésque les
volumes ingérés. Ceci
montrel’importance des sécrétions digestives.
b) Repas
échelonnés.Si
le Porc consomme sa ration nonplus
en 3 à 4minutes,
mais d’une manièreétalée sur 15 ou 30
minutes,
on constate que l’évacuationgastrique
restetoujours précoce
et que les volumes recueillispendant
laphase
initialeaugmentent
avec la duréed’ingestion (fig. 4).
c) Composition
des bols alimentaires.La
quantité
de matière sèche émisependant
lepremier quart d’heure, exprimée
en fonction de la
quantité ingérée, représente
10 à 15 p. 100.Le
pH
des échantillonsprélevés
reste constantpendant
lepremier quart
d’heureet
égal
à celui de l’aliment utilisé(6, 3
dans le cas de l’aliment standard à base d’ami-don), puis
devient alcalin et au bout de3/4
d’heure il baisse et oscille entre 5 et 3,5.d)
Motricité.1
° Chez l’animal avec
fistule et
au cours desprélèvements.
Pendant le repas,on observe une
disparition
de toute activité au niveau dupylore
et cecipendant
une à deux minutes. Ils’agit
d’un relâchement et non d’une contraction de fermeture dusphincter pylorique puisqu’une quantité importante
d’alimentquitte
l’estomac. Puis le
pylore
se contracte toutes les 15-20 secondes et au mêmerythme
que lesrégions prépyloriques
et antrales(fig. 5 ).
Ensuiteapparaissent
desphases
derelâchement suivies de
phases
d’activité. Les inhibitions de la motricité accom-pagnent
la réintroduction dans le duodénum de contenus à forteprédominance
en matières solides
(fig. 6).
Au niveau des
régions prépyloriques
etantrales,
au cours du repas, on enre-gistre
uneaugmentation
du tonus. Sur cettevariation tonique
segreffent
des vagues de contraction de faibleamplitude.
Au niveau de cesrégions,
au cours de la deuxièmephase
devidange gastrique,
seproduisent
des alternances d’activité et de reposqui correspondent
à celles desrégions pyloriques. Toutefois,
onpeut
observer des con-tractions au niveau de l’antrum alors que le
pylore
et lesrégions prépyloriques
neprésentent
aucune activité(fig. !).
Dans tous les cas, les émissions de
chyme
stomacal résultent d’un fonctionne-ment unitaire de
l’antrum,
dupylore
et du duodénum.L’effet
inhibiteur sur la motilitépylorique
etgastrique
des contenus solidesréintroduits dans le duodénum
dépend
de leurvolume,
de leur nature et dudegré
de vacuité de l’estomac. De
plus,
cet effet est immédiat et trèsimportant
lors deréinjections trop rapides.
2° L’animal sans
fistule
a une motricité similaire à laprécédente. Toutefois,
les variations
cycliques
au cours de la deuxièmephase
devidange
semblent moinsmarquées.
3
°
L’animal avecfistule,
mais chezlequel
les effluentsgastriques
ne sont pasréinjectés,
sedistingue
essentiellement desprécédents
par des vagues de contractions degrande amplitude
etpratiquement ininterrompues.
II -
Influence
du volumeingéré
et de la naturede
l’aliment1°
Influence
du volume. ,Plus le volume
ingéré
estimportant
etplus grande
sera l’évacuationgastrique.
Entre le volume
ingéré
et le volume évacuépendant
lapremière demi-heure,
il existeune relation linéaire. Les droites
correspondantes (fig. 8)
nepassent
pas parl’origine
car il y atoujours dans
l’estomac dessécrétions
et desreliquats
des repasprécédents, lesquels
sont évacués enraison
del’excitation
du Porcayant
reçu une ration insuffisante.2
0
Influence
de la nature de l’aliment.Nous avons utilisé
quelquefois
desrégimes naturels,
maisplus
souvent desrégimes semi-synthétiques
dont onpeut aisément remplacer
unconstituant
par unautre et dans les mêmes
proportions.
Dans un certain nombred’essais, l’amidon
a étéremplacé
par du saccharose oudu glucose.
Pour un animal
donné,
nousobtenons
une courbecaractéristique
dutransit,
avec
les deux phases précédemment décrites,
sauf si lesglucides
sont sous forme deglucose ; dans
ce cas, onobserve
uneseule phase
aveccependant
unevidange
tou-jours précoce
des contenus stomacaux. Les courbes de transit sedistinguent
essen-tiellement
entreelles
parl’aspect
des émissionscycliques
des effluents gas-triques (fi g . 9).
III -
Influence
dupH
Si nous
remplaçons l’eau
du repas par unesolution tampon
citrate(pH : 2 ,6)
abaissant le
pH
de notrerégime
standard de6, 5
à 4, on constatequ’il
seproduit
une
légère accélération
du transit(fig. io),
mais en aucun cas nous n’observons de spasme dupylore
lors de l’arrivée des bols alimentaires dans le duodénum bien quele pH
de cesbols
se maintienne entre 5 et 2. Une solution d’acidechlorhydrique N
20(pH : 3 , 5 )
introduite dans le duodénum nebloque
pas lavidange
stomacale pen- dant laphase
initiale.IV -
Influence de
la consistance durégime
sur lavidange gastrique Si
onsépare
les deux constituants du repas en fournissant d’abord la farinepuis l’eau,
on constate d’abord une évacuation des sécrétions et des résidus des repasprécédents, puis
des solidesingérés
sous forme d’unepâte
trèsconsistante ;
mais dès que l’eau estingérée,
elle est évacuée trèsrapidement.
Demême,
un repasliquide
tel que le lait écrémé est évacué dans le duodénum en moins de 60 minutes
(fig. 11).
Il n’est pas
possible
en raison de la taille des canules d’utiliser des alimentsgrossiers.
V -
Influence
des aliments contenus dans l’intestingrêle
sur la
vidange gastrique
Deux porcs munis de fistules duodénales sont utilisés simultanément.
Après ingestion
d’un repas, les effluentsgastriques
de l’un des porcs sontprélevés;
ils sontréinjectés
dans le duodénum du deuxième porcqui
est alimenté à son tour. On cons-tate
alors,
soit un ralentissement dutransit,
soit l’absence de toute évacuation.L’effet
obtenu pour un volume donné de repasingéré
est d’autantplus marqué que
la
quantité
de contenus réintroduite estplus importante
et que ces contenus ontséjourné plus longtemps
dans l’estomac.DISCUSSION
Nous discuterons les différents résultats obtenus
après
les avoirrappelés
briè-vement.
A - Du
point
de vueméthodologique
La difficulté
principale
rencontrée lors de l’utilisation des fistulespermanentes
réside dansl’apparition
de fuitesautour
des canules. Ces fuitesprovoquent
une irri- tation cutanée rendant le porcagité
et entraînent unevidange
lente mais continue de l’estomac en dehors desprélèvements. Or,
le transit d’un repas est influencé par lesreliquats
stomacaux du repasprécédent.
La
technique d’enregistrement
de la motricité au moyen de fins ballonnets est très intéressante. Les ballonnets sontplacés
dans laparoi
du tubedigestif
et nondans sa lumière évitant ainsi toute stimulation nerveuse ; de
plus,
lesenregistrements
obtenus sont très localisés.
Les
enregistrements
de la motricité avant etaprès
la mise enplace
des canulessont similaires. Mais les variations
journalières qui
sontparfois importantes masquent
lesperturbations
dues à laprésence
des fistules.Quant
auxtechniques
deréinjection
des contenus stomacaux dans le
duodénum,
elles sontsusceptibles
de modifier beau- coup l’allure du transitgastro-intestinal.
Ces contenus doivent être réintroduits dans l’intestin au fur et à mesure de leur récolte et à la même vitesse.B - Alluye
générale
du transitLe transit
gastro-intestinal
n’est pas unphénomène
continupuisque
l’on observesur la
période
detemps
considéré deuxphases
biennettes. H UNT
et MCDONAr,D( 1954 ) qui,
chezl’Homme, aspiraient
à l’aide desondes,
les contenus stomacaux à différents intervalles detemps après ingestion
de repasliquides,
observaientégalement plu-
sieurs
phases
dans lavidange gastrique. Cependant,
HUNT etSPURRELL ( 1951 )
con-cluaient à une allure
exponentielle
de lavidange
stomacale.Toutefois,
les résultats de ces auteurs ont étérepris
récemment dans leur laboratoire par HOPKINS( 19 66) qui
donne une nouvelleexpression mathématique
nonexponentielle
du transit gas-trique.
Si on
exprime
les résultats sous forme de moyennes, on obtient des courbes d’évacuation relativementsimples,
maisqui
necorrespondent
pas au transit réel.En
effet,
il y a des variations individuelles etjournalières importantes.
C - Rôle du
pylore et
de la motricitéL’introduction
dans le duodénum d’aliments variés ou dechyme
stomacalentraîne la
disparition rapide
de toute motilité dupylore,
mais aussi de celle desrégions prépyloriques
et mêmes antrales.L’inhibition
réflexe de la motricité àpoint
dedépart
intestinal n’est donc pas limitée au
pylore.
Deplus,
cet effet estbeaucoup plus
diffi-cile à obtenir
lorsque
l’estomac est en état deréplétion.
Ces faits sont en accord avec ceux de FRUMIN
( 1942 ) qui
constata que l’intro- duction dans le duodénum d’une solution d’acidechlorhydrique
à o,5 p. 100inhibait les contractionsgastriques.
Des résultats similaires furent obtenus à l’aide de tech-niques
différentes chez le Chien non anesthésié par THOMAS(i 93 i),
CRIDER et THo-MAS
(i 937 ), QuiG L u y
et al.(i 942 ).
A!vmt!z
( 194 8),
lors de nombreuses observationsradiologiques,
constataitparfois
une absence de motricité au niveau dupylore
et desrégions prépyloriques
alors que les contractions étaient bien
marquées
dans les autres territoires de l’esto-mac. Une
compression gastrique
étaitaccompagnée
d’undépart
dechyme
vers l’intestin.Tous ces auteurs concluaient à un relâchement et non à une contraction du
sphincter pylorique.
Ajoutons
que dès1 8 97 ,
Von MERING constatait que la résection dupylore
chezle Chien ne modifiait pas l’évacuation
gastrique
deliquides
variés et que celle-ci seproduisait toujours
d’une manière intermittente. Par lasuite,
ceci s’est trouvé confirmé par de nombreux auteurs.Nous avons vu que, chez le
Porc,
l’évacuation d’un repas étaitaccompagnée
devagues de contractions au niveau du
pylore
et desrégions gastriques
voisines etéga-
lement au niveau du bulbe duodénal. Toute dissociation dans cette coordination motrice entraîne une inhibition de la
vidange
de l’estomac.Toutefois,
au début du repas, l’estomac évacue environ 5 p. 100 du volumeingéré
sans que l’on observe de motilité au niveau dupylore.
Pendant cettepériode
sil’amplitude
des contractions est faible au niveau del’estomac,
par contre, il seproduit
uneaugmentation
de tonusimportante
de la musculature stomacale. Il semblerait alors que lavidange
stomacalese fasse en
partie
sous l’action d’unesystole générale
de l’estomac.Ce fonctionnement unitaire de
l’antrum,
dupylore
et du duodénum aété observé depuis plusieurs
années par de nombreuxphysiologistes
etradiologistes.
Ces consta- tations avaient conduitQ UI G L E Y
et THOMAS à assimiler l’estomac et le duodénum à une pompe. Dans cetteconception,
les vagues de contractionpéristaltiques
pro-voquent des gradients
depression
entre les deux organes, cequi
entraîne lavidange du chyme stomacal.
Nos
études, qui
confirment les faitsapportés
par d’autres auteurs, tendent à montrer que lepylore joue
un rôle secondaire dans le contrôle de lavidange gastrique
et que ce contrôle s’exercerait surtout par des
modifications
dupéristaltisme gastroduodénal.
D - Facteurs
qui
interviennent dans larégulation
de la
vidange gastrique
Deux
d’entre
euxjouent
unrôle important :
ce sontle
volume etla
naturede
l’aliment.
a) Influence
du volume et de la nature de l’aliment.Pendant la
phase initiale,
le passage dequantités importantes
de contenus dansle duodénum entraîne un ralentissement de la
vidange stomacale,
mais le volumenécessaire
pour provoquer ce ralentissement est variable. Il suffit derappeler
à cetégard l’influence du
volumeingéré
surles quantités évacuées.
De
plus,
l’introductionanticipée
de nourriture dansl’intestin grêle
exerce uneaction
plus
ou moinsimportante
sur l’estomac selon sonvolume,
mais aussiselon
le volume du repasingéré.
Pendant cettephase,
larégulation
de lavidange gastrique
serait conditionnée essentiellement par des facteurs
physiques,
résultant durapport
entre les volumes
présents
dans l’estomacqui
le stimulent et le volume des contenus dansl’intestin, lesquels provoquent
sa distension mettant enjeu
desmécano-récep-
teurs. Le
freinage de l’évacuation stomacale
par les contenus arrivant dans l’intestinse
manifeste
par unebaisse progressive
du tonus et del’amplitude
des contractionsau niveau de l’estomac.
C’est
lorsque l’équilibre
est réalisé entre les effetsproduits
au niveau de l’estomacet ceux
produits
au niveau de l’intestin que commence la deuxièmephase
devidange.
L’importance
du facteur volume estdéjà
une idée ancienne(LuDIN, M ORIT2 ,
KAT S C H
,
1912 ; COHNHEIM et REYFUS,ioo8)
et a été biendéveloppée
par HUNT etSPURREL L !I(!5I!.
Pendant la
deuxième phase,
les aliments vontsubir
un début dedigestion
dansl’estomac. Pendant cette action
chimique
seproduisent
des sécrétionsimportantes qui augmenteront
le volume des contenus stomacaux.Simultanément,
auniveau
del’intestin,
se dérouleront des processus dedigestion
etd’absorption.
On assistera alors à undéséquilibre
en faveur de l’estomac entre l’effortpropulsif développé
à sonniveau et les inhibitions
d’origine
intestinale.L’arrivée
dans le duodénum d’unchyme stomacal,
dont la constitutionchimique dépend
de la nature du repasingéré,
entraî-nera une nouvelle
inhibition
dutransit gastro-intestinal.
Ceciexplique
les émissionscycliques caractéristiques
décrites au cours de la deuxièmephase.
b) Influence
du!H.
Les
différentes
valeurs dupH
au cours du transit d’un repas, l’utilisation de repastamponnés, tendent
à prouver quele pH joue
dans lavidange gastrique
unrôle
secondaire enregard
des facteursprécédents.
Ceci confirme une idée ancienne(LI N T VARE
FF, igo 3 ),
et des auteurs comme THOMAS chez le Chien( 1940 ), BERK,
THOMAS et REYFUS chez l’Homme( 1942 )
ont montré que l’acidité des contenus est rarement suffisante pour affecterla vidange
stomacale.Rappelons
quependant
laphase initiale,
l’introduction dans le duodénum d’unequantité importante
d’unesolution d’acide
chlorhydrique
ne ralentit pas lavidange
del’estomac
en état deréplétion.
En
résumé,
lavidange gastrique chez
le Porc est trèsprécoce
etprésente
deuxphases
biendistinctes :
- Une
phase initiale, pendant laquelle
les aliments ne font que transiter au niveau de l’estomac.Pendant cette
phase
10 à 15 p. 100 de la matièresèche ingérée pénètre
dansl’intestin grêle
ne subissant pas l’action du sucgastrique.
- Une
deuxième phase
avecémission discontinue
des contenus stomacaux. Ladigestion
sedéroulera
alors au niveau stomacal et auniveau intestinal.
Ainsi
la vidange gastrique
est discontinue et sonexpression
ne saurait êtreassimilée
à une courbeexponentielle.
Pendant cette
phase,
unequantité
trèsimportante
de sécrétions est recueillie à la sortie de l’estomac. Dans les conditionsphysiologiques,
lepylore
semblejouer
un rôle secondaire dans le contrôle de l’évacuation
gastrique
bienqu’il
soit suscep- tible d’avoir son autonomie parrapport
auxrégions gastriques
et duodénales voi- sines.La
régulation
de lavidange
stomacale parl’intestin
seferait
essentiellement par les modifications de la motricité dupylore
et desdifférents segments
de l’estomac.Loin
de contrôler le transitgastro-intestinal,
lepH n’interviendrait
que pour unefaible part
dans sarégulation.
Reçu
pourpublication
en mars 1967.SUMMARY
SOME ASPECTS OF GASTRO-INTESTINAL FLOW IN THE PIG
The
dynamic
andquantitative aspects
ofgastro-intestinal
transport were studiedby
means ofappropriate
fistulasaccording
to PIIILLIrsoN’stechnique ( 1952 ) adapted
to thepig. Simultaneously,
the
motility
ofpylorus
andadjacent
parts of stomach and duodenum were studiedby
means of aspecial
balloontechnique.
This
investigation
was carried out on 385experiments
on 3oLa y ge
Whitepigs weighing
50to 70kg.
The fistula method showed that
gastric emptying proceeds quickly
at ahigh
rate : within 15mn, 30to 40per centdigesta
hadpassed
out to the duodenum. This considerable flow induced then anmtermittent outpout of
gastric
effluents.Thus, gastric emptying shows
2stages
which cannot be reduced to anexponential
function(fig. i).
These
findings
are not in accordance with those obtained with otherspecies by means
of othermethods of
studying gastro-intestinal
flow(radiographic, slaughtering technique
andaspiration
ofstomach contents at different
lapses
of time after theingestion).
The influences of the amount and
composition
of the diet were studied. A linearrelationship
exists between the
ingested
andemptied
amountsduring
the first stage of the stomachemptying (fig. 8).
yloric
mechanisms wereinvestigated. During
the stomachemptying,
there was asingle
motiveactivity
in thepylorus
andadjacent
muscles(antrum
andduodenum). However,
this coordinationno
longer
existsduring
the meals, as the relaxation ofpylorus
shows it(fig. 5 ). During
thistime,
5
per cent
only
of theingested
volume evacuated the stomach.Any
introduction of food orchyme
into the duodenum induces an
inhibitory
response of thepylorus
andadjacent
muscles, even of thewhole stomach
(fig.
6 and7 ).
These facts incline us to the view that thepylorus only plays
a secon-dary
role in theregulation
ofgastric emptying.
Theprominent
part would beplayed by
alterations inmotivity
in thepyloric
area andadjacent
parts of thealimentary
tract.The
pH
ofchyme
does not seem toplay
a considerable part in theregulation.
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