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L'immigration dans les débats publics des années quatre-vingt-dix – Les étrangers, l'extrême droite et la question de l'intégration

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L'immigration dans les débats publics des années quatre-vingt-dix – Les étrangers, l'extrême droite et la question de l'intégration

GIUGNI, Marco, PASSY, Florence

GIUGNI, Marco, PASSY, Florence. L'immigration dans les débats publics des années

quatre-vingt-dix – Les étrangers, l'extrême droite et la question de l'intégration. In: Hans Mahnig.

Histoire de la politique de migration, d'asile et d'intégration en Suisse depuis 1948. Zurich : Seismo, 2005. p. 416-441

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103533

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14 L’immigration dans les débats

publics des années quatre-vingt-dix – Les étrangers, l’extrême droite et la question de l’intégration

Marco Giugni et Florence Passy

Le contexte international dans lequel évolue la Suisse dans les années qua- tre-vingt-dix n’est pas le même que dans les décennies précédentes, autant sur le plan économique, politique que social. La globalisation économique semble s’accélérer, ainsi que les résistances à ce processus que d’aucuns ju- gent comme inéluctable. Les démonstrations, parfois violentes, qui ont eu lieu lors des sessions de l’Organisation mondiale du commerce à Genève, Seattle et Washington vers la fin de la décennie sont l’expression sur le plan des mouvements sociaux de cette résistance. En même temps, les différences culturelles entre pays semblent se réduire sous la pression d’une progressive homogénéisation qui conduit certains auteurs à parler d’une érosion de la souveraineté de l’Etat national et d’une capacité d’autodétermination affaiblie dans plusieurs domaines politiques au profit de structures et d’entités supra- nationales. Dans le domaine de l’immigration, ce processus de globalisation et d’érosion de l’Etat national prend essentiellement deux formes : l’une se situant sur le plan normatif, l’autre sur le plan institutionnel.

Sur le plan normatif, la définition de la citoyenneté et les critères d’incor- poration des étrangers ne reposent plus sur les seules épaules de l’Etat national, mais tendent à se déplacer au niveau supranational.1 Les normes juridiques qui définissent la citoyenneté et l’incorporation des migrants ne sont plus seulement édictées au niveau national, mais aussi, et de façon accrue, au niveau supranational. Telle est l’hypothèse de base des auteurs qui avancent l’idée de l’émergence d’une citoyenneté « post-nationale ».2 Selon Yasemin Soysal, l’une des figures de proue parmi les théoriciens « post-nationalistes », cette transformation de la citoyenneté proviendrait des changements survenus

1 Par le terme étranger, nous nous référons à l’ensemble de la population migrante vivant ou étant de passage en Suisse. Autrement dit, les étrangers, mais aussi les requérants d’asile et les réfugiés.

2 Voir notamment Jacobson (1996), Sassen (1998), Soysal (1994).

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non seulement dans la conception, mais aussi dans l’organisation des droits individuels. Le discours sur les droits s’est, d’un côté, enveloppé d’une dimen- sion universaliste qui s’est établie théoriquement dans la notion de « personne humaine » (personhood) et, de l’autre, il s’est cimenté et institutionnalisé avec l’élaboration de normes et pratiques sociales au niveau supranational.

Ces deux dimensions ont constitué la base normative pour l’expansion de la citoyenneté. Dès lors, si l’organisation de l’incorporation des étrangers dans les pays d’accueil reste ancrée dans l’Etat national, sa légitimité se situe de plus en plus sur un plan global, notamment par le biais des institutions et des conventions internationales portant sur les droits humains.

Sur le plan institutionnel, des centres de pouvoir et des instances déci- sionnelles se sont créés au cours des dernières décennies. L’accélération du processus d’intégration européenne a une importance fondamentale à cet égard. A partir du milieu des années quatre-vingts, un nombre de pas décisifs ont été faits et ils ont renforcé de façon notoire le pouvoir de l’Union euro- péenne portant sur les questions migratoires. Cette coordination européenne a permis une certaine harmonisation des politiques des pays membres de l’Union. Trois initiatives ont été particulièrement importantes à ce propos:

les Accords de Schengen qui ont pour but d’éliminer les contrôles douaniers internes et d’intensifier les contrôles aux frontières externes;3 le Traité de Maastricht qui définit la plupart des enjeux migratoires comme relevant du domaine d’intérêt communautaire;4 et le Traité d’Amsterdam de 1997 qui constitue un pas fondamental en intégrant ce domaine d’intérêt commun dans le droit communautaire.5 Il est loin d’être prouvé que ces initiatives, ainsi que d’autres plus ponctuelles,6 aient privé l’Etat national de son pouvoir de détermination et de décision en matière de régulation des migrations,7 mais il est certain qu’elles ont un impact important sur la gestion de l’enjeu migratoire dans les pays européens, même dans ceux comme la Suisse qui ne font pas partie de l’Union européenne. La question est précisément de savoir dans quelle mesure ces transformations qui ont eu lieu au niveau internatio-

3 Signés le 14 juin 1985 par la France, l’Allemagne et les pays du Bénélux, mais entrés en vigueur seulement en 1995 avec leur Convention d’application qui date de 1990.

4 Signé le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1 novembre 1993.

5 Signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1 mai 1999. Le Traité d’Amsterdam intègre intégralement les acquis de Schengen.

6 Par exemple, la Convention de Dublin sur les requérants d’asile de 1990.

7 De nombreux auteurs montrent que la régulation des politiques migratoires au niveau de l’Union européenne n’affecte pas, ou très modestement, les logiques mises en œuvre au niveau des Etats nationaux. Voir notamment Favell (1998a), Favell et Geddes (1999), Guiraudon (1999).

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nal influencent les modalités du processus politique suisse dans le champ de l’immigration (et de l’asile), de la citoyenneté (et de la naturalisation) et de la gestion des relations ethniques.

C’est dans ce nouveau contexte international que deux autres facteurs im- portants pour la gestion politique de l’enjeu migratoire viennent caractériser la Suisse des années quatre-vingt-dix, deux facteurs qui découlent en partie de ces changements survenus sur le plan supranational. Le premier facteur a trait à la crise économique qui a traversé toute la décennie. Entre 1992 et 1993, la Suisse a connu une augmentation considérable de son taux de chô- mage, qui a pratiquement doublé en une année. Comme il arrive souvent, cette crise a touché de façon plus importante les travailleurs étrangers que les citoyens suisses. En effet, si au pic de la crise économique de la décade (1997) le chômage de la population autochtone était inférieur à 4%, celui des étrangers dépassait les 10% (voir chapitre 12). Le deuxième facteur est lié aux flux migratoires. La Suisse des années quatre-vingt-dix connaît dès le début de la période une diminution du nombre d’étrangers et du solde migratoire, alors que la population étrangère résidente ne cesse d’augmenter (voir chapitre 2). C’est principalement par l’afflux de requérants d’asile que la population étrangère s’accroît pendant cette décennie. L’augmentation de la population étrangère résidente constitue une nouvelle donne de l’histoire des migrations en Suisse, ce pays qui, jusqu’à présent, n’a jamais intégré les étrangers au sein de sa communauté, étant ainsi l’un des plus fidèles repré- sentants en Europe du modèle de rotation de la main-d’œuvre étrangère.

Quelles répercussions ont eu ces transformations et ce contexte socio- économique sur les débats publics dans le champ des relations ethniques, de l’immigration et de la citoyenneté? Comment ont répondu les acteurs politiques à la nouvelle configuration migratoire internationale et à la nou- velle situation économique et sociale des années quatre-vingt-dix? Telles sont les questions qui nous occupent dans ce chapitre. Pour répondre à ces interrogations nous examinerons à la fois les acteurs qui sont intervenus dans l’espace public pendant cette période, mais aussi les thèmes et enjeux qu’ils ont soulevés. Après une évaluation générale de la structuration de l’espace public autour des questions migratoires durant cette période, nous allons porter une attention particulière à deux types d’acteurs: les étrangers et l’ex- trême droite. D’un côté, les étrangers sont les principaux destinataires des politiques migratoires mises en œuvre dans le pays; nous aimerions définir qu’elle est leur place dans l’espace public suisse pour articuler leurs reven- dications à l’égard de leur pays hôte, mais aussi quel est le contenu de leurs

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demandes politiques. De l’autre, l’extrême droite a souvent été pointée du doigt comme étant un acteur-clé des débats publics dans ce champ politique.

Nous aimerions évaluer sa présence dans les débats publics et examiner ses interventions publiques au cours de cette décennie.

1 La globalisation et l’intégration des étrangers

La situation de la Suisse dans le contexte international des années quatre- vingt-dix, ainsi que les caractéristiques de la conjoncture économique et des flux migratoires, nous permettent d’avancer des hypothèses quant à l’intervention des acteurs politiques et quant aux thématiques abordées dans le domaine de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques. Au niveau des acteurs, nous pouvons tout d’abord nous demander si l’accéléra- tion du processus d’intégration européenne n’a pas fourni des opportunités politiques pour la mobilisation des acteurs opposés au développement de cette structure au niveau supranational, notamment l’extrême droite. Cette aile de l’échiquier politique a toujours perçu le processus d’intégration européenne comme une « menace »,8 et la fortification de ce processus d’intégration pourrait constituer une ressource importante pour la mobilisation de cet acteur, notamment dans le champ des migrations. L’extrême droite a souvent articulé une conception ethnique de la nation que l’idée de l’Europe en tant que communauté politique de différents peuples contredit. Les avancées importantes qui ont été réalisées à partir du milieu des années quatre-vingts pour atteindre une meilleure coordination et même une harmonisation des politiques migratoires, bien qu’elles nous laissent très loin de ces objectifs et bien qu’elles n’impliquent pas directement la Suisse, devraient avoir provoqué un resserrement du camp de la droite radicale qui voit dans l’immigration une menace à sa définition de la nation et de l’identité nationale. En deuxième lieu, on peut se demander si l’intensification des normes et du discours autour des droits individuels sur le plan transnational n’a pas offert des opportunités aux étrangers pour qu’ils participent de façon plus active aux débats publics en Suisse. Définir la citoyenneté au niveau supranational et la relier sur le plan normatif à la notion de personhood permettraient aux étrangers de se mobiliser en activant leurs ressources politiques pour intervenir dans l’espace public. Le respect des droits de la personne (droits humains) constituerait un thème de mobilisation qui trouverait sa légitimité non pas au niveau de

8 Voir notamment Mayer (1999).

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l’Etat national, mais au niveau supranational. Ces opportunités pourraient avoir été renforcées par l’émergence de la question de l’intégration, dans les cantons d’abord et au niveau fédéral ensuite.

En ce qui concerne les thèmes qui sont articulés dans l’espace public, nous pouvons justement nous demander si la question de l’intégration des étrangers n’a pas pris plus d’importance qu’auparavant, en raison de l’émergence de facteurs externes (Union européenne et législation internationale sur les droits individuels) et internes (aggravation de la situation des étrangers sur le marché du travail et plus forte stabilisation de la population étrangère dans le pays).

La crise économique des années quatre-vingt-dix a été gérée différemment que par le passé. Dans les années soixante-dix, la Suisse a voulu et a pu résoudre le problème du chômage en utilisant le modèle de la rotation et en exportant le chômage à l’extérieur de ses frontières en renvoyant la main-d’œuvre étrangère.

L’absence de mesures de sécurité sociale pour la main-d’œuvre étrangère – l’as- surance-chômage et la cotisation du deuxième pilier n’étaient pas obligatoires à l’époque – n’a fait que rendre plus aisée cette politique, qui s’est traduite par un départ massif des étrangers, en particulier ceux qui travaillaient dans des secteurs d’activité qui ont peu stabilisé leur main-d’œuvre, notamment les secteurs de la construction et de la restauration. Ces étrangers ont été les plus touchés par la crise économique des années soixante-dix. Dans les années quatre-vingts, l’introduction de certaines mesures de protection sociale, ainsi que l’augmentation du nombre de permis d’établissement, ont changé les perspectives des travailleurs étrangers, surtout pour ceux qui étaient engagés dans les secteurs d’activité précaire. Ces changements dans la politique de l’emploi de la Suisse ont interagi avec la nouvelle configuration migratoire internationale des années quatre-vingt-dix et avec l’accélération de l’intégration européenne, faisant en sorte que le modèle de la rotation ne pouvait plus être adopté comme il l’avait été auparavant. La politique de la rotation devenait encore plus difficile à appliquer dans la perspective du rapprochement de la Suisse à l’Union européenne, notamment avec la perspective d’adhérer un jour aux accords sur la libre circulation des personnes. Le chômage décou- lant de la crise économique des années quatre-vingt-dix, qui a touché plus fortement les étrangers que les citoyens suisses, demandait donc des réponses nouvelles. Etant donné que la Suisse conçoit traditionnellement l’intégration des étrangers par leur insertion dans le marché du travail, l’impossibilité de diminuer le chômage des étrangers par le biais de leur départ pourrait avoir contribué à stimuler les autorités et les milieux intéressés à rechercher des

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voies alternatives et à mettre le thème de l’intégration (autrement que par l’insertion dans le marché du travail) sur l’agenda politique.

2 Les modèles de citoyenneté comme freins à la globalisation

Au cours des dernières années, la Suisse a effectivement mis sur l’agenda politique le thème de l’intégration de sa population étrangère. Les politiques discutées et parfois mises en œuvre ont touché principalement les cantons et les communes. A cet égard, certains cantons ont été plus actifs que d’autres.

C’est le cas par exemple de Zurich, Genève, Bâle, Neuchâtel et le canton de Vaud. Sur le plan national, le Conseil fédéral avait, dans son « Rapport du 15 mai 1991 sur la politique à l’égard des étrangers et des réfugiés », fait état de sa volonté d’intensifier les mesures visant à promouvoir l’intégration des étrangers en Suisse à tous les niveaux administratifs. Par ailleurs, l’intégra- tion sociale des étrangers a été inscrite dans le programme de la législature 1995–1999 du Conseil fédéral. Il convient cependant de ne pas exagérer ni la portée de ces débats, ni l’ampleur de ces politiques. La volonté d’intégrer les étrangers dans la communauté des citoyens ne semble se concrétiser que très récemment. Au niveau fédéral, l’introduction dans la révision de la Loi sur l’établissement des étrangers d’un article portant sur les subventions pour l’intégration sociale des étrangers,9 le rapport du début de l’année 2000 de la Commission fédérale des étrangers intitulé « L’intégration des migrantes et des migrants en Suisse » et surtout la mise en consultation, en avril 2000, de l’Ordonnance sur l’intégration sont des pas récents et encore peu convertis en politiques concrètes. Par exemple, si l’on se réfère à l’Ordonnance sur l’inté- gration, qui « a notamment pour objectif la création de conditions générales favorables à l’intégration des étrangers résidant et travaillant en Suisse », qui vise à « encourager les étrangers à se familiariser avec l’organisation de l’Etat et de la société en Suisse, à faciliter la coexistence fondée sur la base de valeurs et de comportements communs, à créer des conditions propices à l’égalité des chances et à favoriser la participation des étrangers à la vie sociale »,10 on se rend compte que la Suisse fait encore de modestes avancées en matière d’intégration.

9 Article 25.

10 Ces principes généraux ont été édictés dans le Communiqué concernant la mise en consul- tation de l’Ordonnance sur l’intégration (19 avril 2000). L’Ordonnance sur l’intégration devrait en outre redéfinir les tâches de la Commission fédérale des étrangers, créée en 1970,

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Les objectifs énoncés dans l’Ordonnance soulignent clairement les obligations qu’impose l’Etat aux étrangers pour qu’ils puissent rejoindre la communauté des citoyens. La Suisse persiste à demander aux étrangers de s’assimiler aux us et coutumes du pays pour appartenir à la communauté nationale. On voit également que les droits politiques, du moins au niveau fédéral, restent un sujet tabou et que la Suisse privilégie l’intégration sociale (droits sociaux et principe d’égalité) à l’intégration politique des étrangers.

Jusqu’à présent, la politique d’intégration de la Suisse, du moins sur le plan fédéral et du moins jusqu’à la récente Ordonnance sur l’intégration, s’est limitée à des énoncés d’intention et à des principes généraux peu définis. De surcroît, il convient encore de relever que les ressources (financières et hu- maines) mises à disposition pour développer une politique d’intégration des étrangers restent maigres. Par ailleurs, dans la pratique, les mesures envisagées au niveau fédéral, mais aussi souvent au niveau cantonal, se concrétisent la plupart du temps dans l’organisation de cours de langue pour améliorer la connaissance des étrangers d’une des langues nationales. Les cours de langue sont généralement des mesures visant à améliorer les chances d’intégration des étrangers sur le marché du travail, ce qui montre combien la Suisse reste attachée au modèle d’intégration par le biais du marché du travail.11 L’inté- gration économique des étrangers prédomine toujours dans la politique de l’Etat au détriment d’autres voies d’intégration des étrangers.

Le récent et timide développement de la politique d’intégration des étran- gers en Suisse peut être compris par des explications concurrentes à celles que nous avons émises en introduction, à savoir les processus de globalisation, la crise économique et le changement de structure dans les flux migratoires, notamment par les modèles de citoyenneté. Chaque pays a sa propre manière de définir les critères d’inclusion et d’exclusion des étrangers en fonction de l’histoire de la construction de son Etat.12 Ces conceptions collectives de la

dans le sens de « favoriser l’acquisition de connaissances linguistiques, d’intensifier l’infor- mation, la communication, la formation scolaire et professionnelle des jeunes étrangers, le perfectionnement des adultes, le soutien des services d’aide aux étrangers ainsi que la formation et le perfectionnement des médiateurs » (Communiqué concernant la mise en consultation de l’Ordonnance sur l’intégration, 19 avril 2000).

11 Aux Pays-Bas, il n’était pas demandé aux étrangers et aux personnes se naturalisant de parler la langue du pays. Les autorités ont revu leur politique, car elle tendait à discriminer les étrangers sur le marché du travail. Les cours de langue visent directement l’intégration économique des étrangers.

12 De nombreux auteurs ont mis en exergue cette intime relation entre la construction de l’Etat national et la définition de la citoyenneté. Voir notamment Birnbaum (1998), Bru- baker (1992), Favell (1998b), Joppke (1999), Kastoryano (1996) et Schnapper (1991).

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citoyenneté – non pas seulement dans le sens strict de « devenir » citoyens, mais au sens plus large d’appartenance à une communauté, notamment à la communauté nationale – découlent de l’histoire de la formation de l’Etat national et influencent les modalités de l’intervention des acteurs politiques dans l’espace public.13 En Suisse, comme en Allemagne, prévaut un modèle que nous pouvons appeler ethno-assimilationiste où une définition formelle de l’acquisition de la citoyenneté en termes ethniques (exprimé sur le plan légal par la loi du sang) est couplée avec une conception moniste des obliga- tions culturelles imposées aux étrangers à qui l’on demande de s’assimiler aux normes et valeurs du pays d’accueil. C’est un système plutôt fermé pour les nouveaux venus et qui tend à les exclure de la communauté nationale. Dans ces pays, les nouveaux venus sont généralement définis comme « étrangers » ou « Ausländer », autrement dit en dehors, « aus », de la communauté des citoyens. Le modèle civico-pluraliste qui existe dans des pays comme l’Angle- terre, la Suède et les Pays-Bas s’oppose clairement à la définition suisse de la citoyenneté. D’un côté, ce modèle se définit par une citoyenneté territoriale et politique dont l’acquisition de la nationalité s’établit par le droit du sol et, de l’autre, par une reconnaissance de la différence ethnique où les étrangers peuvent vivre en suivant leurs pratiques culturelles. Dans les pays avec un tel modèle de citoyenneté, les étrangers sont définis comme des « minorités ethniques », donnant le sens de leur incorporation dans l’espace national et de leur possibilité de se mobiliser dans l’espace public en soulignant leurs différences ethniques. Un troisième modèle, civico-assimilationiste qui est en quelque sorte à mi-chemin entre celui de la Suisse et des Pays-Bas, combine à la fois une définition formelle de la citoyenneté en termes civique et territorial et une exigence de monisme culturel à l’égard des étrangers. Ce modèle est à la fois ouvert sur le plan de l’acquisition de la citoyenneté, mais il se ferme lorsqu’il s’agit de reconnaître la différence ethnique des migrants. La France est un exemple typique de ce modèle de citoyenneté où les étrangers devien- nent des « immigrés », inclus dans l’espace national, mais devant s’assimiler aux valeurs de la République.14

13 Pour une discussion théorique de l’influence de ces modèles de citoyenneté sur l’interven- tion des acteurs politiques dans l’espace public, voir Koopmans et Statham (2000).

14 Un quatrième modèle de citoyenneté, que nous pouvons appeler modèle ethno-plura- liste, repose à la fois sur une définition ethnique de la communauté nationale et admet la différence ethnique. L’Afrique du Sud sous l’apartheid est peut-être l’exemple récent le plus extrême de ce modèle qui, toutefois, est moins répandu que les trois autres et qui probablement n’existe pas actuellement en Europe.

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Dans un pays comme la Suisse où prévaut une définition collective de la citoyenneté en termes ethno-assimilationistes, il n’est pas surprenant que les étrangers ne fassent pas l’objet de mesures étatiques vouées à les intégrer dans la communauté nationale. La définition de la citoyenneté suisse constitue un frein important pour le développement de politiques d’intégration et, proba- blement, affaiblit l’impact de la globalisation et du contexte socio-économique sur les politiques migratoires du pays. En considérant les étrangers comme des personnes hors de la communauté nationale, le modèle de citoyenneté suisse offre peu de ressources culturelles aux acteurs politiques pour articuler des enjeux liés à l’incorporation de cette population dans l’espace national.

Ainsi, en Suisse, les acteurs politiques seraient moins enclins qu’ailleurs à articuler l’enjeu de l’intégration des migrants, mais en revanche ils seraient davantage poussés à débattre des enjeux liés à la régulation des flux migra- toires, c’est-à-dire à l’entrée et à la sortie des étrangers de la communauté nationale. Autrement dit, en dépit de forces extérieures qui favoriseraient un débat sur l’intégration des étrangers, telles que la globalisation et les facteurs socio-économiques, la conception ethno-assimilationiste de la citoyenneté suisse procurerait davantage de ressources culturelles aux acteurs politiques pour intervenir dans l’espace public dans le domaine de la régulation des flux migratoires.

De même, le modèle de citoyenneté suisse offrirait des ressources distinctes aux acteurs politiques intervenant dans la sphère publique. Les étrangers, en étant exclus de l’espace national, ont peu d’opportunités et de légitimité pour entrer de plain-pied dans la vie politique et dans les débats publics du pays.

En effet, comme nous avons pu le montrer ailleurs, lorsque les étrangers se mobilisent ou interviennent publiquement, ils interpellent les autorités de leur pays d’origine et que très rarement les autorités politiques de leur pays hôte, alors que les populations migrantes établies en France lorsqu’elles entrent dans l’espace public adressent principalement leurs revendications politiques à l’Etat français et non aux autorités de leur pays d’origine.15 Si le modèle de citoyenneté suisse offre peu de ressources pour la mobilisation des étrangers au sein de l’espace national, il offre en revanche davantage d’opportunités de mobilisation aux acteurs d’extrême droite. La peur de l’étranger, la « menace » culturelle et autres thèmes de mobilisation de l’extrême droite portant sur l’ethnicité résonnent davantage avec le modèle ethno-assimilationiste de la Suisse que les thématiques liées à l’incorporation des étrangers dans la société

15 Giugni et Passy (1999).

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hôte. Là aussi, une comparaison entre la Suisse et la France nous a amenés à confirmer une telle hypothèse.16

D’un côté, la globalisation et le contexte économique et migratoire sont des facteurs qui faciliteraient l’émergence de la thématique de l’intégration des populations étrangères, ainsi que la mobilisation de ces populations et de l’extrême droite dans l’espace public national. De l’autre, la conception de la citoyenneté suisse tendrait à limiter l’émergence de cette thématique et à restreindre l’espace de mobilisation des populations étrangères en Suisse.

Ces facteurs influencent de façon contradictoire les débats publics suisses, notamment par rapport aux enjeux articulés dans la sphère publique et l’intervention politique des étrangers. En revanche, pour la mobilisation de l’extrême droite, ces deux facteurs stimuleraient la présence de cet acteur au sein de l’espace public. Une analyse des débats publics dans les années quatre- vingt-dix, nous permettra d’évaluer le poids des facteurs externes (contexte supranational) et internes (modèles de citoyenneté) dans la structuration des débats publics dans le domaine de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques.17

3 La place de l’intégration des étrangers dans les débats publics suisses

La faible priorité accordée par les autorités fédérales au thème de l’intégration des étrangers est éloquente lorsque nous faisons le décompte des communiqués

16 Giugni et Passy (2000).

17 Nous allons illustrer nos propos par le biais de résultats tirés d’une recherche qui est ac- tuellement en cours. Il s’agit d’une recherche internationale portant sur les mobilisations collectives dans le domaine des relations ethniques, de l’immigration et de la citoyenneté.

Le projet MERCI (Mobilization on Ethnic Relations, Citizenship and Immigration) comprend les pays suivants : la France et la Suisse (étude menée par Marco Giugni et Florence Passy, Université de Genève et de Lausanne), l’Allemagne (Ruud Koopmans, Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung), la Grande-Bretagne (Paul Statham, Université de Leeds) et les Pays-Bas (Thom Duyvené de Wit, Université d’Amsterdam).

Nous avons élaboré un échantillon systématique de revendications politiques formulées dans l’espace public (public claims) à partir du dépouillement d’un quotidien dans cinq pays (Neue Zürcher Zeitung pour la Suisse). Ces revendications politiques sont de trois types : des décisions politiques, des actes de parole (prises de positions publiques) et des mobilisations collectives. Nous avons enregistré un certain nombre d’informations pour chaque revendication collective : l’acteur qui a produit l’événement, la forme de l’action et son but ou contenu. En ce qui concerne ce dernier aspect, nous avons collecté les re- vendications politiques qui impliquent des demandes, des critiques ou des propositions sur les thèmes de l’immigration, de l’intégration des migrants, de la xénophobie et de l’antiracisme. La période couverte par les données va de 1990 à 1998.

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qui traitent des questions liées à l’immigration, l’asile et au racisme. Parmi les 172 communiqués qui ont été publiés entre septembre 1994 et mai 2000,18 seuls 14 portent plus ou moins explicitement sur l’intégration des étrangers.

Autrement dit, bien moins de 10% des communiqués des autorités relèvent de cette thématique. La majorité des communiqués concernent l’asile et la résolution de problèmes temporaires liés à l’afflux de réfugiés, notamment ceux fuyant les guerres des Balkans. Si cette première analyse nous montre au combien le thème de l’intégration des étrangers préoccupe peu les autorités fédérales, l’étude des débats publics confirment, mais cette fois–ci pour l’ensem- ble des acteurs politiques, la faiblesse de ce thème dans l’espace public suisse.

Le tableau 1 présente la distribution des revendications par type d’acteurs au sein du champ politique de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques.19 Moins d’un sixième des revendications touche directement cette problématique. En revanche, environ 60% des interventions publiques dans le domaine que nous étudions portent sur la régulation des flux migratoires.

Si l’on considère les thématiques liées au racisme et à l’antiracisme comme relevant du domaine de l’intégration des étrangers (lutter contre les discrimi- nations raciales, les attaques racistes, adopter des mesures antiracistes, etc.), le pourcentage d’interventions publiques dans ce champ politique s’accroît passablement, sans toutefois devenir dominant. En effet, environ 35% de l’ensemble des revendications politiques dans le champ de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques touchent l’intégration des étrangers.

Parmi les acteurs politiques intervenant dans l’espace public, nous pouvons relever que l’Etat (gouvernement, parlement et administration) et les partis politiques, de droite ou de gauche, articulent moins volontiers que les autres acteurs politiques le thème de l’intégration des étrangers. Leurs interventions publiques touchent abondamment le champ de la régulation des flux migra- toires. Il convient de noter que l’Union démocratique du centre (UDC) traite encore plus volontiers ce thème que les autres partis politiques.

Assez logiquement, les étrangers articulent plus souvent que les autres acteurs des buts concernant la politique d’intégration, mais même dans leur cas les questions liées à leur entrée et sortie du territoire restent fondamentales.

Lorsque les étrangers entrent dans l’espace public national, c’est-à-dire quand

18 Les communiqués portant sur la question des visas sont également compris dans ce dé- compte.

19 Il est important de noter qu’il s’agit ici des interventions des acteurs politiques autour des thèmes listés, indépendamment de leur orientation pour ou contre, par exemple, l’accueil des immigrés. En d’autres termes, c’est l’articulation d’un thème donné et non pas la position par rapport à tel thème dont il est question ici.

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Tableau 1 : Distribution des revendications dans le champ des relations ethniques, de la citoyenneté et de l’immigration par type d’acteur, 1990–1998 EtatPartis de droitePartis de gaucheEtran- gers

Pro- étran- gers

Extrême dr

oite UDCTotal Régulation des flux migratoires69.864.359.030.755.238.567.359.0 Politique d’immigration et politique d’asile en général2.52.10.72.80.92.91.7 Cadre institutionnel11.47.94.52.04.82.810.67.3 Prévention de la migration dans les pays de provenance3.63.30.72.10.91.92.6 Entrée et contrôle des frontières20.830.326.95.910.316.534.620.8 Enregistrement et contrôle interne4.77.19.71.02.83.73.84.9 Reconnaissance des droits de résidence5.45.03.72.80.96.73.9 Accès à la sécurité sociale et au marché du travail1.13.33.00.92.91.5 Expulsions16.72.14.520.827.63.71.912.6 Retour volontaire1.01.01.40.7 Autres enjeux spécifiques2.53.35.20.78.31.93.0 Intégration des étrangers17.111.617.924.816.614.78.716.6 Politique d’intégration en général3.33.31.57.94.15.53.84.2 Droits des étrangers et participation en général0.50.70.3 Naturalisation et citoyenneté3.32.12.20.74.61.02.6 Droits politiques1.72.99.01.01.41.02.7 Droits sociaux4.50.41.58.99.02.71.03.7 Droits culturels1.90.81.45.00.91.01.5 Discrimination et traitement inégal0.40.72.00.4 Problèmes sociaux des étrangers1.82.11.50.70.91.01.3 Racisme et xénophobie13.124.123.138.628.319.224.020.3 Racisme dans les contextes institutionnels0.52.91.01.41.0 Evaluation générale et orientation de la politique4.211.69.713.96.20.911.56.9 Appels moraux et réponses sociales4.30.83.714.914.53.72.05.4 Contre-mobilisation0.11.40.2 Protection des étrangers contre la violence d’extrême droite0.40.73.00.70.5 Répression3.37.85.26.03.511.96.75.7 Alliances politiques et exclusion de l’extrême droite0.11.70.70.70.93.80.5 Revendications xénophobes1.80.2 Revendications non-verbales5.927.54.1 Total N100% 718100% 241100% 134100% 101100% 145100% 109100% 104100% 1695

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ils adressent des revendications politiques aux autorités de leur pays hôte, il s’agit souvent d’enjeux autres que leur intégration dans le pays.20 Si les droits sociaux (90%), notamment leurs demandes relatives à une meilleure protec- tion sociale, l’évaluation de la politique officielle en matière de prévention contre le racisme (14%) et les demandes d’action et de réponses sociales pour lutter contre les attaques racistes qui ont été particulièrement importantes en Suisse vis-à-vis des requérants d’asile (15%) font partie des revendications les plus souvent articulées par les étrangers, il n’en reste pas moins que le thème qui les préoccupe le plus a trait aux expulsions du territoire suisse (21%), thème relevant de la politique de la régulation des flux. Cette thématique de l’expulsion des étrangers, sur laquelle les acteurs pro-étrangers sont inter- venus le plus souvent durant cette décennie, préoccupe aussi fortement les mouvements de solidarité.

Les acteurs d’extrême droite interviennent également faiblement sur la thématique de l’intégration (ou de la non intégration) des étrangers dans la communauté nationale. Leur lutte contre les étrangers ne se focalise pas sur cette problématique, en revanche ils se mobilisent fortement sur le thème de la régulation des flux. Leur thème de prédilection a trait à l’entrée des étrangers dans le territoire et le contrôle des frontières du pays. L’UDC a été particulièrement active sur cette thématique (35%), mais aussi les acteurs d’extrême droite (17%). On voit au combien l’adage « la barque est pleine », brandie par l’extrême droite, est toujours d’actualité. Si l’extrême droite ne tend à se mobiliser que furtivement dans le domaine de l’intégration des étrangers, la question de la lutte contre le racisme et la xénophobie fait partie des thèmes qui la préoccupent.

4 Croissance ou décroissance de la thématique de l’intégration dans les débats publics des années 1990 ?

Nous avons vu que le thème de l’intégration des étrangers est loin d’être dominant dans les débats publics suisses, constat qui souligne le poids des traditions nationales et en particulier le rôle des modèles de citoyenneté dans la structuration des débats publics. Mais est-ce qu’au cours des années quatre- vingt-dix, l’impact croissant de la globalisation et du contexte économique

20 Sur l’ensemble des interventions publiques des étrangers, 69% sont adressées aux autorités de leur pays d’origine (plus de démocratie, libération de prisonniers, critiques de leur gouvernement, etc.) et seulement 31% relèvent de la politique suisse (Giugni et Passy 1999).

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et migratoire change la structuration des débats publics en Suisse? Si nous regardons l’évolution dans le temps des thèmes concernant le champ politique des relations ethniques, de la citoyenneté et de l’immigration, nous pouvons noter une forte stabilité des trois domaines qui forment ce champ politique.

Le tableau 2 présente les distributions pour deux périodes: 1990–1992 et 1993–1998. Nous avons choisi une telle périodisation pour deux raisons.

D’un côté, nous avons voulu distinguer les périodes antérieure et postérieure Tableau 2 : Distribution des revendications par période

1990–1992 1993–1998

Régulation des flux migratoires 63.2 57.1

Politique d’immigration et politique d’asile en général 0.9 2.1

Cadre institutionnel 11.1 5.6

Prévention de la migration dans les pays de provenance 3.8 2.1

Entrée et contrôle des frontières 26.1 18.4

Enregistrement et contrôle interne 0.9 6.7

Reconnaissance des droits de résidence 3.4 4.1

Accès à la sécurité sociale et au marché du travail 1.3 1.5

Expulsions 13.3 12.2

Retour volontaire 0.8 0.7

Autres enjeux spécifiques 1.5 3.7

Intégration des étrangers 14.7 17.5

Politique d’intégration en général 3.2 4.7

Droits des étrangers et participation en général 0.2 0.1

Naturalisation et citoyenneté 1.5 3.1

Droits politiques 1.9 3.0

Droits sociaux 5.2 3.2

Droits culturels 1.5 1.4

Discrimination et traitement inégal 0.4 0.4

Problèmes sociaux des étrangers 0.8 1.6

Racisme et xénophobie 15.4 22.4

Racisme dans les contextes institutionnels 0.6 0.9

Evaluation générale et orientation de la politique 3.8 8.3

Appels moraux et réponses sociales 6.9 4.7

Contre-mobilisation 0.3

Protection des étrangers contre la violence d’extrême droite 1.3 0.1

Répression 2.5 7.1

Alliances politiques et exclusion de l’extrême droite 0.2 0.6

Revendications xénophobes 0.2 0.2

Revendications non-verbales 6.8 2.8

Total N

100.0%

532

100.0%

1163

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à la votation sur l’adhésion de la Suisse à l’Espace Economique Européen;

de l’autre, nous avons voulu distinguer la période où la Suisse a connu une certaine santé économique de celle où elle a vécu une crise majeure, ou du moins une certaine détérioration économique. Nous pouvons voir que les thèmes liés à la politique de la régulation des flux migratoires diminuent quelque peu, alors que ceux concernant la politique d’intégration augmentent légèrement. Dans l’ensemble cependant, ces changements d’une période à l’autre ne sont pas très importants. La variation est en revanche plus signi- ficative pour les thèmes du racisme et de l’antiracisme qui passent de 15%

à 22%. Autrement dit, si nous considérons la politique d’incorporation des étrangers au sein de la société suisse de façon plus large, c’est-à-dire en y intégrant la thématique du racisme et de l’antiracisme, nous pouvons relever une croissance importante de cet enjeu entre le début de la période et la fin des années quatre-vingt-dix.

Si nous regardons de plus près à l’intérieur de ces trois domaines, nous observons trois tendances principales. Premièrement, une diminution des thèmes concernant le contrôle de l’entrée/sortie des migrants. Deuxièmement, il s’agit d’un aspect qui, en Suisse, touche spécifiquement les requérants d’asile.

Egalement les questions concernant l’organisation institutionnelle des procé- dures d’immigration et d’asile diminuent (de 11% à 6%). On voit ici un effet de la résolution de la lenteur administrative du traitement des dossiers des requérants, qui a constitué un problème mobilisant passablement les acteurs de la sphère publique au début des années quatre-vingt-dix. Troisièmement, on constate l’émergence du thème du contrôle des étrangers, principalement des requérants d’asile, à l’intérieur du territoire. Le lien entre immigration et criminalité, qui a souvent été articulé par les acteurs anti-étrangers – no- tamment l’extrême droite – et qui a permis l’établissement des « mesures de contraintes » en 1994, a été un thème mobilisateur dans l’espace public suisse dans la dernière période des années quatre-vingt-dix.

En ce qui concerne la politique d’intégration des étrangers, nous pou- vons souligner trois tendances nouvelles. Premièrement, la thématique des droits sociaux a connu une certaine diminution du nombre d’interventions publiques. Deuxièmement, nous observons une augmentation des débats autour de la naturalisation. La mise sur l’agenda politique de la naturalisa- tion facilitée pour les enfants d’étrangers, qui a conduit le peuple suisse aux urnes, a été un thème relativement mobilisateur au cours de la dernière pé- riode des années quatre-vingt-dix. Troisièmement, le nombre d’interventions publiques sur le thème des droits politiques a légèrement augmenté en fin

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de période. L’octroi du droit de vote aux étrangers au niveau local a suscité une mobilisation des acteurs politiques dans certains cantons. Toutefois, il convient de ne pas surestimer ces trois variations au cours de cette décennie, car ces changements portent sur des thèmes qui ont une faible portée sur l’ensemble des débats publics dans le champ des migrations. En revanche, en prenant de façon plus extensive la politique d’incorporation des étrangers dans la communauté nationale, en y incluant la thématique sur le racisme et l’antiracisme, on peut relever un changement important entre le début des années quatre-vingt-dix et la fin de la période. Il a trait à l’évolution de la politique des autorités en matière de lutte contre le racisme. Plus spécifique- ment, la votation de la Loi contre le racisme en 1994 a fortement stimulé les débats avant et après la consultation populaire qui a permis à la Suisse de rejoindre les autres Etats européens dans l’élaboration de normes juridiques pour combattre les discriminations raciales.

Ainsi, si nous additionnons les thèmes du racisme et de l’antiracisme avec ceux portant plus directement sur la politique d’intégration, nous pouvons conclure que, au-delà d’une certaine stabilité indéniable, les enjeux avant trait à la situation des étrangers résidant en Suisse ont vu leur place au sein de l’espace public s’accroître (de 30% à 40% du total des revendications), alors que la question de la régulation des flux, bien que restant largement dominante, a quelque peu fléchi dans la seconde moitié des années quatre- vingt-dix. Ce résultat nous permet d’avancer l’idée que les facteurs externes ont peut-être eu un léger effet sur la structuration des débats publics en Suisse, en stimulant quelque peu les revendications politiques liées à l’intégration des étrangers.

5 Les étrangers dans l’espace public suisse

Comme nous avons pu le voir dans le tableau 1, une partie importante des revendications portant sur la question de l’intégration et de la lutte contre le racisme, du moins en termes relatifs, sont articulées par les étrangers eux- mêmes. Nous avons également mis en exergue plus haut que l’intervention des étrangers dans l’espace public est modeste par rapport à la mobilisation des étrangers dans d’autres contextes nationaux, comme l’Angleterre, la France ou encore les Pays-Bas, pays qui leur offrent davantage d’opportunités politi- ques pour entrer de plain-pied dans l’espace public national. Les différentes conceptions de la citoyenneté d’un Etat national à l’autre nous permettent de

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saisir ces variations. La Suisse, avec une définition ethno-assimilationiste de la citoyenneté qui tend à exclure de la communauté nationale la population étrangère, leur offre peu de ressources pour pouvoir intervenir dans l’espace public national. En effet, les trois quarts des interventions publiques des étrangers en Suisse ne relèvent pas de la politique nationale, mais de celle de leur pays d’origine. Ceci étant dit, à l’intérieur de ce cadre qui est posé par les définitions collectives de la citoyenneté, nous pouvons nous demander quelle a été la participation des étrangers au sein de l’espace public en Suisse au cours des années quatre-vingt-dix? Plus précisément, nous aimerions évaluer si le contexte transnational – l’intensification du discours et l’élaboration de normes autour des droits individuels, ainsi que le contexte économique et migratoire – n’aurait pas créé des opportunités de mobilisation pour les étrangers leur permettant d’intervenir plus aisément dans l’espace public national.

La figure 1 nous permet de nous faire une idée à ce propos. Elle met en évidence l’évolution, de 1990 à 1998, du nombre de revendications des étrangers ayant trait au champ politique de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques.21 Cette figure souligne une croissance dans l’activité d’activité politique des étrangers en Suisse. Nous observons notamment une augmentation de leurs revendications au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, malgré une chute imporante en 1998. Il est bien sûr difficile de dire s’il s’agit d’un effet conjoncturel ou si ce résultat indique une tendance vers une plus grande participation des étrangers aux affaires de leur pays d’accueil. L’étude de la prochaine décennie nous apportera les éléments de réponse à cette interrogation.

Nous remarquons également qu’il y a eu un déplacement des priorités thématiques dans les revendications des étrangers vivant en Suisse. Comme le souligne le tableau 3, nous pouvons relever une forte diminution des revendi- cations portant sur la politique de la régulation des flux migratoires, autrement dit sur des enjeux liés aux conditions d’entrée et de sortie des étrangers, au profit d’un accroissement notoire des thèmes liés au racisme et à l’antiracisme.

Le tableau 3 distingue deux périodes de la décennie des années quatre-vingt- dix, celle précédant l’introduction en 1994 de la Loi contre le racisme, qui est à l’heure actuelle la mesure législative la plus importante dans le domaine de la lutte contre les discriminations raciales, et celle succédant à l’adoption de cette mesure. L’introduction de cette loi constituait la condition préalable à l’adhésion de la Suisse à la Convention internationale sur l’élimination de

21 Nous avons exclu les revendications qui ne portent pas sur ce champ politique, notamment celles adressées au pays d’origine.

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toutes les formes de discriminations raciales. Son introduction dans le droit suisse témoigne de l’impact des discours et des normes supranationales sur les droits individuels, ainsi que sur la régulation de certains aspects liés aux politiques migratoires sur le plan national, comme l’ont souligné des auteurs comme David Jacobson et Yasemin Soysal.22 Autrement dit, l’introduction de cette mesure, comme nous l’avons suggéré plus haut, créerait de nou- velles ressources politiques pour les étrangers pour intervenir dans l’espace public national et contrecarrerait ainsi le poids contraignant du modèle de citoyenneté suisse. Elle ouvrirait donc une nouvelle fenêtre d’opportunités pour la participation des populations étrangères dans l’espace politique suisse.

Cette hypothèse semble se confirmer au regard du tableau 3. L’introduc- tion de la Loi contre le racisme a effectivement favorisé la mobilisation des étrangers, et principalement sur cette thématique. Il convient cependant de ne pas surestimer le poids du contexte supranational car, comme l’ont mis en évidence James Hollifield et Christian Joppke, c’est précisément par le biais des législations nationales que ces normes et discours ont un effet sur les politiques migratoires au niveau des Etats.23 Les normes internationales Figure 1 : Evolution du nombre de revendications des étrangers, 1990–1998

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

0 5 10 15 20 25 30

nombre de revendications

22 Jacobson (1996), Soysal (1994).

23 Joppke (1998), Hollifield (1992).

(20)

relatives au droit de la personne sont incorporées dans le droit national de façon fort distincte d’un contexte national à un autre.

Certes, l’incorporation des discours et des normes supranationales se fait de manière différente d’un Etat à l’autre, mais il n’en reste pas moins que, dans le cas de la Suisse, l’adoption de la Loi contre le racisme, instaurée suite à une pression externe, a ouvert une fenêtre d’opportunités politiques pour les étrangers. Elle leur a permis d’intervenir plus amplement sur le thème de leur intégration, principalement en matière de lutte contre les discriminations raciales et ethniques. Sans vouloir surestimer l’impact de cette loi, nous pouvons tout de même avancer l’idée que son introduction a vraisemblablement ouvert des canaux pour la participation des étrangers à la vie politique suisse.

6 L’extrême droite dans l’espace public suisse

Le fait qu’une grande partie des revendications articulées par les étrangers touche le « thème » du racisme et de l’antiracisme suggère qu’il s’agit, du moins en partie, d’une réaction à la montée de l’extrême droite et à la mobilisation raciste et xénophobe qu’a connues la Suisse depuis les années quatre-vingts.24 Nous avions émis deux hypothèses par rapport à la mobilisation dans l’espace public des acteurs d’extrême droite. D’un côté, la conception ethno-assimilationiste de la citoyenneté suisse offrirait de plus amples ressources à l’émergence de thèmes protectionnistes en matière ethnique et d’exclusion des étrangers; plus précisément, elle favoriserait la mobilisation d’acteurs politiques d’extrême droite. De l’autre, les transformations qui se sont produites dans le contexte international et la crise économique des années quatre-vingt-dix auraient accru les opportunités de mobilisation des acteurs d’extrême droite. Autrement dit,

24 Altermatt et Kriesi (1998).

Tableau 3 : Distribution des revendications des étrangers par période

1990–1994 1995–1998

Régulation des flux migratoires 48.9 14.8

Intégration des étrangers 23.4 25.9

Racisme et xénophobie 25.5 50.0

Revendications non-verbales 2.1 9.3

Total N

100.0%

47

100.0%

54

(21)

l’extrême droite en Suisse profiterait déjà d’un terrain culturel favorable à son développement, mais le contexte international et économique renforcerait les opportunités d’expression politique de ces acteurs. Ailleurs, nous avons pu mettre en évidence qu’effectivement les modèles de citoyenneté constituent une ressource importante pour le développement de thèmes liés à l’ethnicité et à l’exclusion des étrangers, mais cette opportunité est saisie par l’ensemble des acteurs politiques suisses.25 Nous avons montré que, comparativement à la France qui a un modèle moins exclusif à l’égard des étrangers, les partis de l’establishment suisse (y compris les partis de gauche) sont moins en faveur des étrangers que ne le sont les partis de l’establishment en France. Autrement dit, il est plus difficile pour un parti strictement d’extrême droite d’émerger dans l’espace public suisse que dans l’espace public français, car les thèmes liés à la nation et l’exclusion des étrangers sont déjà articulés, du moins jusqu’à un certain niveau, par les acteurs politiques existants. L’UDC est notamment le parti de l’establishment qui a le plus fortement incorporé les thématiques liées à l’exclusion des étrangers et a ainsi occupé la niche politique existante qui permettait l’émergence et le développement d’un parti d’extrême droite fort.

Outre la forme partisane, qui n’existe pas formellement en Suisse – comme le Front National en France – mais qui est endossée en partie par l’UDC, l’extrême droite prend également l’aspect de mouvement social. Cette forme d’organisation politique est plus fortement développée dans les pays qui ont un modèle ethno-assimilationiste de citoyenneté qu’ailleurs. Si le terrain pour l’extrême droite est favorable dans les pays qui ont une conception ethnique de la citoyenneté,26 est-ce que les changements survenus au niveau international ont renforcé ses opportunités politiques et permis une plus large mobilisation de ses acteurs?

La figure 2 nous permet d’évaluer l’évolution de l’intervention publique des acteurs d’extrême droite et de l’UDC dans le domaine de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques pour la période 1990–1998.27 Nous pouvons souligner une légère diminution de l’intervention des acteurs politiques d’extrême droite (partis et organisations)28 au profit d’une plus forte mobilisation politique de l’UDC sur les thèmes de l’immigration, de la

25 Giugni et Passy (2000).

26 Voir pour le cas de l’Allemagne Koopmans (1997).

27 Nous avons exclu les revendications qui n’ont pas trait au champ de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques et qui touchent d’autres domaines politiques.

28 Dans les partis d’extrême droite sont retenus les Démocrates suisses, la Lega dei Ticinesi et d’autres petits partis. Dans les organisations d’extrême droite, nous avons l’Asin, les groupes skinheads et d’autres groupuscules.

(22)

citoyenneté et des relations ethniques au cours de la décennie. De façon plus détaillée, nous pouvons voir que l’extrême droite a été particulièrement active au début des années quatre-vingt-dix, notamment en 1991 et 1992. Cette forte activité est principalement due à la mobilisation de groupes intervenant de façon violente dans l’espace public national, notamment en attaquant des réfugiés ou des centres d’hébergement de cette population. Plus de la moitié des interventions publiques de l’extrême droite se sont faites de manière violente, notamment au début de la période étudiée. La pression migratoire du début des années quatre-vingt-dix, c’est-à-dire au moment où le nombre de demandes d’asile déposées en Suisse s’est accru fortement (1989–1992) et que parallèlement le nombre de demandes d’asile en suspens touchait son paroxysme, a certainement été un des facteurs de l’intensification des attaques racistes dans ce pays.

A cet égard, il est intéressant de noter que l’extrême droite, face aux deux périodes de forte croissance des demandes d’asile déposées en Suisse, a réagi de manière distincte. Au début des années quatre-vingt-dix, l’UDC est moins

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 0

5 10 15 20 25 30

nombre de revendications

extrême droite UDC

Figure 2 : Evolution du nombre de revendications de l’extrême droite et de l’UDC, 1990–1998

(23)

active que ne le sont les acteurs d’extrême droite. Ces derniers, comme nous venons de le dire, sont intervenus dans l’espace public en usant de la vio- lence. A la fin de la période, lors du deuxième pic de demandes d’asile que connaît le pays – demandes provenant notamment des personnes fuyant le Kosovo –, l’extrême droite n’a pas recours à la violence pour manifester son mécontentement face à cette nouvelle vague de réfugiés. Certes, la Suisse connaît de nouveau des violences raciales, mais le volume de ces violences est nettement moins important qu’au début de la période. Ce changement peut être expliqué, du moins en partie, par une plus forte mobilisation de l’UDC sur les thèmes de l’exclusion des étrangers. L’UDC constitue sans conteste un relais institutionnel important pour les thèmes articulés par l’extrême droite, relais qui tend à restreindre considérablement les opportunités de mobilisation extraparlementaire. En effet, suite à l’accélération du processus d’intégration européenne, l’UDC a de plus en plus mis l’accent sur une conception ethni- que de l’identité nationale, une thématique politique qui connaît une forte résonance dans l’espace politique suisse en correspondant assez fidèlement au modèle dominant de citoyenneté de ce pays. Or, l’activation politique de cette thématique par l’UDC a réduit les opportunités de mobilisation des acteurs d’extrême droite.29

Comme nous avons pu le relever dans le cadre de la mobilisation des étran- gers, les priorités thématiques de l’extrême droite ont également changé au cours des années quatre-vingt-dix. Pour étudier ces changements thématiques, nous avons découpé la décade en deux périodes : une précédant la votation sur l’adhésion de la Suisse à l’Espace Economique Européen (1990–1992) et l’autre succédant à cette consultation populaire (1993–1998). A nouveau, comme le montre le tableau 4, le « thème » du racisme et de l’antiracisme

« gagne » en importance dans la deuxième période. Cependant, la droite radi- cale se mobilise fortement sur le thème de la régulation des flux migratoires.

Sur l’ensemble des enjeux liés au champ de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques, la question de l’entrée des étrangers dans l’espace national reste au cœur de leurs préoccupations. Après l’échec de la votation a quelque peu désamorcé ce débat et amené l’extrême droite à articuler da- vantage d’autres thèmes politiques liés à la présence des étrangers sur le sol helvétique, notamment le racisme et l’antiracisme. L’intensification de cette thématique a été, comme pour les étrangers, activées par l’introduction de la Loi contre le racisme. Directement visée, l’extrême droite a vivement réagi à

29 Giugni et Passy (2000).

(24)

l’adoption de cette mesure contre les discriminations raciales qui condamne les dérives xénophobes dans les discours publics.

Tableau 4 : Distribution des revendications de l’extrême droite et de l’UDC par période

1990–1994 1995–1998

Régulation des flux migratoires 48.9 14.8

Intégration des étrangers 23.4 25.9

Racisme et antiracisme 25.5 50.0

Revendications non-verbales 2.1 9.3

Total N

100.0%

47

100.0%

54

7 Discussion et conclusion

Pour résumer, les débats publics dans le champ de l’immigration, de la citoyenneté et des relations ethniques dans les années quatre-vingt-dix pré- sentent un certain nombre de tendances nouvelles, partiellement liées entre elles : (1) une crispation des acteurs d’extrême droite et de l’UDC autour des thèmes liés à la régulation des flux migratoires; (2) l’émergence de la question de l’intégration de la population étrangère, intégration qui va, du moins dans une certaine mesure, au-delà de la simple insertion dans le marché du travail; (3) l’intensification des préoccupations par rapport à la montée de la xénophobie et des propos racistes; (4) une participation accrue des immigrés dans l’espace public national. La figure 3 illustre de façon schématique le rapport entre les transformations survenues dans le contexte international, les nouvelles conditions sur le marché du travail ainsi que les flux migratoires et ces nouvelles tendances.

La politique migratoire de la Suisse dans les années quatre-vingt-dix s’est construite dans un contexte de transformation sur le plan international de par l’accélération du processus d’intégration européenne. La Suisse, malgré son refus d’entrer dans l’Union européenne, n’échappe pas aux répercussions que ce processus a eues sur la gestion de l’immigration et des relations ethniques.

La « menace » de l’Europe a ouvert des opportunités pour la mobilisation des acteurs de l’extrême droite qui ont pris les étrangers, et surtout les requérants

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