Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 8 octobre 2014 1893
«Quelques éléments laissent aujourd’hui espérer que le mécanisme onusien va pro- chainement se déclencher avec mobilisation du HCR et du PAM, confie le Pr Piot. Je précise que contrairement à ce qu’ont rap- porté de nombreux médias, ce n’est pas la première fois que le Conseil de sécurité se saisit d’une question sanitaire. La première fois, c’était en janvier 2000 et il s’agissait du sida. Il y a d’autre part déjà des casques bleus au Liberia et en Sierra Leone, deux pays qui sortent à peine de terribles guerres civiles. Ils sont là, présents sur le terrain et à mon sens il faut au plus vite les former à la gestion de cette problématique sanitaire et élargir leur mandat en ce sens.»
Comment, citoyen belge, analyse-t-on l’at- ti tude de l’Union européenne et de la France depuis la direction de la London School of Hygiene & Tropical Medicine ?
«C’est le grand sommeil. La priorité est donnée à la constitution de la nouvelle Com- mission. C’est extrêmement décevant quand on sait qu’il existe des personnels, des struc- tures et des fonds européens dédiés aux Affaires étrangères, à la coopération et à l’humanitaire. Et cela l’est d’autant plus quand on observe la mobilisation et la coor- dination des Etats-Unis et du Royaume-Uni vis-à-vis du Liberia et de la Sierra Leone.
Tout le monde attend que la France fasse la même chose en Guinée. On pourrait égale- ment mobiliser les forces de l’Allemagne dont l’armée n’est pas offensive mais dis- pose de moyens sanitaires.»
A moyen terme, le Pr Piot et les spécia- listes londoniens ne partagent pas les pré- visions des CDC américains qui prévoient jusqu’à 1,4 million de cas d’Ebola en janvier prochain.2 Ils les jugent péchant par catastro- phisme et sont plus proches des estimations de l’OMS, publiées dans The New England Journal of Medicine, daté du 23 septembre et qui tablent sur 20 000 cas, début novembre.3
Il lui semble toutefois inévitable que les
mesures indispensables de confinement et de mise en quarantaine d’un nombre crois- sant de personnes soulèvent et soulèveront immanquablement des questions relatives à la privation de libertés civiques. «Cela n’a rien de véritablement nouveau et l’histoire de la lutte contre de nombreuses maladies infectieuses montre qu’il faut parfois en passer par là, déclare-t-il. La priorité doit être donnée à l’intérêt de la collectivité et à la sauvegarde de la nation.»
«Au-delà de la nécessité de l’intensifica- tion de la lutte contre Ebola, notre grande crainte est que cette maladie infectieuse devienne endémique dans les pays où le virus est en train de s’implanter. Que l’on ne parvienne plus à l’éradiquer, conclut-il. On évoque parfois le risque de mutations qui le rendraient transmissible par voie respiratoire.
C’est fort peu vraisemblable. Des mutations peuvent certes survenir mais elles pourraient aussi le rendre moins virulent, avec des taux de mortalité inférieurs à ceux, très élevés, que l’on observe aujourd’hui. Mais quelle que soit l’hypothèse qui prévaudra, la ques-
tion qui nous est posée aujourd’hui est re- doutable. Faute d’avoir pris les bonnes me- sures suffisamment tôt, des millions de per- sonnes sont désormais exposées au risque de contamination. Aussi devons-nous ré- inventer les stratégies classiques de lutte, mises au point quand elles n’étaient que quelques centaines ou quelques milliers.
Réinventer dans l’urgence les modalités de la lutte – et ce jusqu’à ce qu’un vaccin effi- cace et sans danger soit, enfin, disponible et qu’il puisse être utilisé à grande échelle. »
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com Le texte de cet entretien est initialement paru sur le site
francophone Slate.fr Bibliographie
1 Le Pr Peter Piot est l’auteur d’un ouvrage autobiogra
phique «No Time To Lose – A life in pursuit of deadly viruses». Publié chez Norton & Company, l’ouvrage n’est pas disponible en langue française.
2 www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/su6303a1.
htm?s_cid=su6303a1_w
3 www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1411100?
query=featured_home#t=articleTop
La varénicline est un agoniste partiel de l’α4β2acétylcholine nicotinique approuvé pour l’abstinence au tabac. Des études pré
cliniques ont suggéré une diminution de la consommation d’alcool dans le contexte d’un traitement de varénicline ; une étude de la
boratoire, impliquant des sujets humains, a suggéré une diminution de la consommation d’alcool, des signes de sevrage et un renfor
cement des effets d’une consommation d’alcool chez des individus connus pour un tabagisme et une consommation d’alcool à haut risque. Une étude préliminaire, incluant des fumeurs avec une consommation nocive d’alcool qui ont reçu de la varénicline pen
dant trois semaines, montre moins de signes de sevrage et moins de jours de consomma
tion excessive comparés au groupe placebo.
Il s’agit d’une première étude multicentrique avec la varénicline chez les fumeurs et non
fumeurs avec une dépendance à l’alcool. 200 patients avec un syndrome de dépendance à l’alcool ont été randomisés pour recevoir en doubleaveugle de la varénicline ou un placebo pendant treize semaines, en addi
tion à une intervention brève par ordinateur.
• Les patients recevant la varénicline ont dé
crit moins de jours (en %) de consommation nocive d’alcool que ceux dans le groupe place
bo (38% versus 48%). Le statut de tabagisme n’avait pas d’influence sur l’issue primaire.
• Le groupe avec varénicline consommait moins d’unités d’alcool (6 versus 7) et pré
sentait moins de jours (en %) de consomma
tion excessive d’alcool que le groupe placebo (18% versus 26%).
• Il n’y avait pas de différence d’abstinence dans les deux groupes.
• Les effets indésirables ne différaient pas de ceux déjà décrits pour le traitement, qui était bien toléré dans les deux groupes.
Commentaires : le traitement de varéni cline a réduit la consommation d’alcool dans cette étude, chez les fumeurs et nonfumeurs, com
paré à un placebo. Des études plus grandes et longitudinales sont nécessaires pour repro
duire les données de cet essai de démons
tration de faisabilité.
Dr Sonja Ebert (traduction française) Jeanette M. Tetrault MD (version originale anglaise) Litten RZ, Ryan ML, Fertig JB, et al. A doubleblind, pla
cebocontrolled trial assessing the efficacy of varenicline tartrate for alcohol dependence. J Addict Med 2013;7:
27786.
Lien vers la version intégrale de la lettre d’information : www.alcoologie.ch/alc_home/alc_documents/alc
lettreinformation2.htm
dépendances en bref
Varénicline, un traitement potentiel à option pour le syndrome de dépendance à l’alcool chez les fumeurs et non-fumeurs
Service d’alcoologie, CHUV, Lausanne
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