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Péricardite à pneumocoque, cas clinique et revue de la littérature

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 30 novembre 2016

2087

Péricardite à pneumocoque,

cas clinique et revue de la littérature

FRÉDÉRIC MOLLARD, ANNA FAUCHER, MAUD GELEZ, MATHIEU COSTE, PIERRE METTON et KARIM BENDJELID Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 2087-9

IntroductIon

Avant 1950, les péricardites purulentes étaient responsables de 50 % des épanche­

ments péricardiques. L’avènement des an­

tibiotiques a permis de diminuer ce taux à moins de 10 %. La mortalité demeure néan­

moins élevée, autour de 30 %.1,2 Le pneu­

mocoque étant l’agent infectieux le plus souvent à l’origine de cette pathologie. Si la porte d’entrée fréquemment retrouvée est généralement pulmonaire ou oto­rhino­

laryngologique, la dissémination hémato­

gène est une rareté, et il est exceptionnel qu’aucun foyer infectieux ne soit découvert.

cas clInIque

Nous rapportons le cas d’un patient de 61 ans, consultant de nuit aux urgences pour état de choc avec altération de l’état géné­

ral et dyspnée subaiguës. Dans ses antécé­

dents, on note un éthylo­tabagisme et l’ab­

sence de suivi médical ; le patient ne prend aucun traitement. Il présente un mauvais état général, est cachectique (43 kgs pour 168 cm) et pâle. A la prise en charge, il est apyrétique. Le recueil des paramètres vitaux montre une tachycardie à 110 batt / min, une tension artérielle à 85 / 45 mmHg, une fréquence respiratoire 30 / min et une sa­

turation en oxygène à 97 % en air ambiant.

L’examen neurologique montre une absence de confusion, de signe de focalisation, et de syndrome méningé. Les bruits du cœur sont assourdis, sans souffle ni frottement et l’auscultation pulmonaire est diminuée aux bases, sans râles, symétrique. L’abdo­

men est sensible en hypochondre droit, avec une hépatomégalie et des mélénas trou­

vés au toucher rectal. Les membres infé­

rieurs présentent par ailleurs des marbru­

res cyaniques.

Biologiquement, on observe une anémie profonde à 69 g / l, macrocytaire à 105 fl, sans anomalie des autres lignées. Le taux de prothrombine spontané et le facteur V sont à 40 %. L’ionogramme sanguin montre une kaliémie à 5,2 mmol / l, une natrémie à 128 mmol / l et un syndrome inflammatoire

(CRP à 300 mg / l). La fonction rénale est altérée, l’urée à 25 mmol / l et la créatininé­

mie à 120 µmol / l. La clairance de la créati­

nine (Cockcroft) est à 35 ml / min. Les gaz du sang montrent une acidose métaboli que décompensée : pH 7,2, hypocapnie à 3,5 kPa, sans hypoxémie, bicarbonatémie à 16 mmol / l et lactate à 10 mmol / l.

La radiographie pulmonaire objective des épanchements pleuraux bilatéraux, sans pneumopathie et l’électrocardiogramme seulement un microvoltage sans alternan­

ce électrique. L’échocardiographie trans tho­

racique (figure 1) retrouve un ventricule gauche non dilaté, de fonction systolique discrètement diminuée. Il existe un épan­

chement péricardique circonférentiel (3 cm en diastole), avec septum paradoxal. Les flux mitral et tricuspide varient beaucoup avec la respiration. La veine cave inférieu­

re est pléthorique à 2,4 cm de diamètre.

Le patient est alors admis en Unité de soins intensifs en état de choc. Il bénéficie d’une transfusion sanguine de deux con­

centrés globulaires, d’un remplissage par

1000 ml de NaCL 0,9 %, et de noradréna­

line intraveineuse (0,1 mg / kg / min). L’état clinique s’améliore rapidement, avec amen­

dement des signes de choc. Un cathéter sous­xiphoïdien est mis en place sous anes­

thésie générale quelques heures plus tard.

500 ml de liquide purulent, marron et fé­

tide sont retirés.

L’examen direct du liquide péricardi­

que retrouve des diplocoques Gram positif en chaînettes, très évocateurs de pneumo­

coques. Une antibiothérapie intraveineuse associant ceftriaxone 2 g / jour et ornida­

zole 1 g / jour est débutée.

Un scanner thoraco­abdomino­pelvien est réalisé, qui ne montre aucun foyer in­

fectieux, ni masse tumorale intrathoraci­

que, ni fistule péricardo­digestive. Le drai­

nage pleural bilatéral donne 800 ml à gauche et 1100 ml à droite, de liquide transudatif et stérile.

La ponction lombaire, réalisée à titre systématique, demeure stérile. Une fistule péricardo­digestive est exclue par un test au bleu de méthylène. Le drain péricardi­

fig 1 Echocardiographie, voie sous-costale

On visualise de haut en bas, le péricarde, l’épanchement péricardique majeur, circonférentiel, hétérogène, puis les cavités cardiaques. Le ventricule droit, antérieur, apparaît nettement contraint, confirmant la tamponnade.

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RappoRt de cas

que produit 1200 ml sur les 24 premières heures. La noradrénaline est arrêtée 36 heu­

res après l’admission. Les dysfonctions hé­

patique et rénale s’améliorent rapidement.

D’un point de vue bactériologique, la sensibilité du pneumocoque identifié per­

met un relais par de l’amoxicilline, à la po­

sologie de 4 g / jour. Les sérologies VIH, VHB et VHC restent négatives. L’ablation du drain péricardique est réalisée à J5, mais l’épanchement se reconstitut en 36 heures, responsable d’une nouvelle tamponnade.

Une fenêtre pleuropéricardique avec biop­

sies est donc réalisée, difficilement, le pé­

ricarde et le ventricule droit étant très fra­

giles. Le recours aux vasopresseurs dure 48 heures en postprocédure. L’évolution est finalement satisfaisante, avec ablation du drain péricardique au 21e jour, transfert en cardiologie au 26e jour, et retour au domi­

cile au 40e jour.

L’état clinique s’améliore spectaculai­

rement. Toutefois, les données de l’écho­

cardiographie de contrôle évoquent une évolution vers une péricardite constrictive.

Le bilan hématologique réalisé en ambula­

toire (suite à une électrophorèse patholo­

gique) montre que le patient est porteur d’une maladie de Waldenström.

dIscussIon

La péricardite purulente est devenue exceptionnelle depuis la généralisation de l’utilisation des antibiotiques dans les pa­

thologies bactériennes. Comme l’atteste la littérature, l’atteinte péricardique par le pneumocoque reste une rareté, encore plus si elle est isolée.

En 1973, Kauffman et coll. ont rapporté cinq observations de péricardite purulente à pneumocoque et recensé 113 cas dans la littérature anglophone depuis le début du siècle.3 Les auteurs ont noté que 93 % des patients étaient porteurs d’une pneumo­

nie, dont les deux tiers avec empyème.

Les autres portes d’entrée du pneumo­

coque sont beaucoup plus rares et demeu­

rent des cas isolés (ORL, méningite, en­

docardite). Parmi celles­ci, l’atteinte péri­

cardique isolée apparaît exceptionnelle et constitue seulement 2,3 % des cas. La mor­

talité, qui était de quasiment 100 % avant les années 50, s’est bien améliorée grâce à l’antibiothérapie et au développement des techniques de drainage. En 2006, Kan et coll. ont publié les résultats d’une étude prospective, internationale multicentrique, observationnelle, de 844 bactériémies à pneumocoque, soit la plus grande série publiée à ce jour.4 Huit patients (soit 1 %)

étaient victimes d’une atteinte cardiaque, cinq avec endocardite et trois avec péricar­

dite.

L’atteinte cardiaque était significative­

ment associée à trois éléments : un séjour en réanimation, la nécessité d’un recours à la ventilation mécanique, et une élévation plus importante des leucocytes sanguins.

La mortalité n’était pas significativement différente dans le groupe des patients pré­

sentant une atteinte cardiaque.

La physiopathologie de l’atteinte car­

diaque par le pneumocoque n’est pas con­

nue. Une extension directe depuis un em­

pyème pleural est possible, mais il existe d’autres facteurs encore incertains, comme l’encapsulation ou non, la création par le pneumocoque d’un biofilm favorisant l’adhé­

rence et / ou la participation endothéliale.

Une autre revue de la littérature a été réalisée par Géri et coll., en 2008, à l’occa­

sion de la publication d’un cas de péricar­

dite sur Schwannome.5 Les auteurs ont rap­

porté vingt cas dans la littérature, dont trois pédiatriques, entre 1973 et 2008. Ils ont insisté sur la potentielle difficulté à poser le diagnostic. Les signes cliniques rencontrés sont aspécifiques. L’association fréquente à une pneumonie contribue à faire errer le diagnostic.1-6 L’échocardio­

graphie, qui a montré sa place essentielle dans la prise en charge des patients criti­

ques, trouve ici tout son intérêt.7-9 En effet, elle permet de visualiser l’épanchement, d’apprécier son retentissement, mais éga­

lement d’évoquer le diagnostic, sur l’aspect du liquide (hétérogène). Par ailleurs, l’as­

sociation avec une tamponnade fera poser l’indication du drainage échoguidé en ur­

gence.10

La qualité du drainage n’est pas identi­

fiée formellement par la littérature comme facteur indépendant d’évolution. Toutefois, le risque de péricardite constrictive secon­

daire, vu l’inflammation sévère, pousse à ce qu’il soit optimal. La meilleure voie d’abord dépend probablement du degré d’urgence.

Plusieurs études ont montré la bonne évo­

lution du drainage simple sous­xiphoïdien échoguidé, en particulier chez l’enfant.11-13 Ce geste présente l’avantage d’être rapide­

ment réalisable, même chez un malade dont l’état est critique. Une anesthésie locale pourra être utilisée, d’autant plus que l’anesthésie générale est risquée chez le patient en défaillance cardiaque droite aiguë.

La disponibilité du plateau technique fait également partie des contraintes. La nécessité de transport dans des conditions précaires, vers un bloc de chirurgie cardia­

que, rend le drainage percutané préférable

chez le patient en état de choc. L’abord chirurgical, par thoracotomie, voire thora­

coscopie, permet la péricardotomie, l’uti­

lisation de drain de plus gros calibre et la réalisation de biopsies qui peuvent être utiles au diagnostic. Le drainage obtenu est généralement de bonne qualité. Les drains, plus gros qu’en cas d’abord transcutané, permettent d’avoir recours à une fibrino­

lyse intrapéricardique si les épanchements sont cloisonnés, comme c’est le cas dans la prise en charge des épanchements pleu­

raux.14-16 Comme chez ce patient, ces épan­

chements sont volontiers récidivants, et la durée du drainage doit être prolongée. La péricardectomie secondaire est parfois né­

cessaire, en cas d’évolution défavorable vers la constriction.

Les facteurs de risque habituels des in­

fections graves à pneumocoque (déficits immunitaires dont myélome et VIH, éthy­

lisme chronique, diabète, pathologies pul­

monaires chroniques, asplénies) sont bien connus, et doivent être systématiquement recherchés. Il semble utile de pratiquer des sérologies VIH, VHB et VHC, de réali­

ser une électrophorèse des protides san­

guins, des dosages du complément ainsi que pondéral des immunoglobulines. La négativité de ces prélèvements biologiques doit inciter à réaliser un scanner thoraco­

abdomino­pelvien, recherchant une patho­

logie néoplasique associée. Enfin, au terme de la prise en charge, la vaccination anti­

pneumococcique est indiquée.17

conclusIon

La péricardite à pneumocoque est de­

venue une entité rare depuis l’avènement des antibiotiques et l’extension de la vac­

cination. La gravité de la maladie est cer­

taine, surtout du fait du risque de choc obstructif sur tamponnade. L’existence habituelle d’une pathologie à pneumoco­

que extracardiaque, en particulier pulmo­

naire, permet d’orienter le diagnostic. La recherche d’une atteinte péricardique par échocardiographie sera systématique, dès l’existence d’un sepsis sévère, ou sur point d’appel clinique. Le traitement est médico­

chirurgical et repose sur l’association d’une antibiothérapie antipneumococcique rapi­

dement mise en place et sur le drainage péricardique.

Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

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Les données utilisées pour cet article ont été identifiées par une recherche Medline des articles publiés en anglais ou en français depuis 1980 dans le domaine de la cardiologie, des maladies infectieuses et des soins intensifs. Les articles ont été inclus dans la liste des références s’ils couvraient les sujets suivants : épidémiologie des péricardites purulentes, démarche diagnos- tique de la péricardite purulente, principes de prise en charge thérapeutique des épanchements péricardiques. Les deux mots-clés principaux utilisés pour la recherche étaient « pneumococcal » et « pericarditis ». Un sous-ensemble de critères a été simultanément utilisé avec ces deux termes, il comprenait les mots-clés suivants : « epidemiology », « microbiology », « outcome »,

« drainage », « vaccination », « shock », « intensive care unit », « antibiotic », « surgery »,

« purulent », « treatment ».

Stratégie de recherche et critèreS de Sélection DR FRÉDÉRIC MOLLARD ET PR KARIM BENDJELID

Unité des soins intensifs, Département d’anesthésiologie, de pharmacologie et toxicologie cliniques et des soins intensifs, HUG, 1211 Genève 14

frederic.mollard@hcuge.ch karim.bendjelid@hcuge.ch

DRS ANNA FAUCHER, MAUD GELEZ, MATHIEU COSTE ET PIERRE METTON

Unité de surveillance continue, Service de réanimation polyvalente, Centre hospitalier Annecy Genevois, Site de Saint Julien en Genevois, Chemin du Loup, 74164 Saint Julien en Genevois

afaucher@ch-annecygenevois.fr mgelez@ch-annecygenevois.fr mcoste@ch-annecygenevois.fr pmetton@ch-annecygenevois.fr

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* à lire

** à lire absolument

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