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Poétique du carnet de voyage et écriture de terrain: “Le passant de l'Athos” de Bernard Noël

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Fixxion 18 (juin 2019) 155

dans “Le passant de l’Athos” de Bernard Noël

Je ne sais pas si ce que je suis en train d’écrire est un poème, parce que c’est très fléché, très circonstanciel. Une sorte de journal.1

1 Le reste du voyage2 constitue une œuvre à part dans la production poétique de Bernard Noël. Présent à travers un discours à caractère largement narratif et descriptif, le sujet lyrique y prend les aspects d’un sujet autobiographique3. Ce recueil participe d’un ensem- ble d’œuvres contemporaines qui, en associant le vers à la forme du carnet de voyage, ouvrent la voie, à partir de la fin des années 1980, à des modes d’expression poétique peu représentés jusqu’alors. Cette période marque bien un tournant, ne serait-ce que par la réinvention du vers sous des formes plus ou moins inédites, ou par la publication de maints recueils poétiques prenant la forme de journaux et carnets4. Certes, la forme du carnet de voyage en vers a déjà été exploitée lors d’époques antérieures5, mais, dans “Le passant de l’Athos”, la place accordée à l’enquête de terrain et à l’Histoire représente une donnée nouvelle, qui marque aussi d’autres œuvres contemporaines6. Ce type de recueils invite à une réception inattendue du texte de terrain comme œuvre poétique et, conjointement, du poème en vers comme enregistrement du réel historique. Ils contribuent à l’émergence d’un sujet lyrique historicisé et relativisé, relatant l’expérience d’un espace-temps précis, à travers des formes versifiées où s’entremêlent poétique de la circonstance privée et questionnement sur l’Histoire.

De la retraite spirituelle à l’enquête de terrain

2 Même s’il ne répond à aucune commande, le séjour de Bernard Noël au mont Athos tient en partie de la résidence d’écriture. Il a nécessité, comme pour tout visiteur extérieur,

“une autorisation/ civile délivrée par le ministère/ provincial” (PA 39), et il est surtout le fruit d’un projet d’écriture lié à la rencontre du lieu. Le monastère apparaît alors comme espace privilégié de l’inspiration poétique, en vertu de l’isolement et du retour aux sources qu’il permet. La cellule que le voyageur choisit “pour la difficulté” de son accès (PA 30), de même que l’ancienne chapelle grecque qui surplombe la skite et où il a élu domicile pour écrire, sont coupées du monde, du temps, de l’ordre social et de son agitation.

L’higoumène psalmodie une imploration qui “remonte aux débuts/ de la vie érémétique”

et à “saint Antoine” (PA 17). Le voyage, à l’instar de la retraite dans le désert, serait alors l’occasion d’une initiation, d’une expérience radicale éminemment favorables à la création poétique :

sous les ruines ou dessus

j’apprends qu’un certain état religieux vous fait arracher toute chose à ses gonds et d’abord les mots à l’ordre du langage ou du savoir quitte à danser à la tête

d’un cheval par-delà le bien et le mal (PA 31)

3 Membre provisoire d’une communauté monastique, l’écrivain s’initie nonobstant son athéisme7 à la ferveur mystique des moines orthodoxes qui, “pareille aux forces telluriques” semble aussi apte que la philosophie de Nietzsche à surmonter “l’obstacle”

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que représente à ses yeux le rationalisme occidental (PA 43). Mais la foi et la vie monas- tique relèvent pour lui d’une profonde altérité8, et il s’inscrit dans une démarche active et cognitive plus proche de celle d’un ethnographe ou d’un reporter que de celle d’un initié.

L’expérience de terrain constitue alors la voie par excellence de la connaissance. De la pratique du terrain de l’ethnographe, telle que Vincent Debaene la décrit, Bernard Noël retient à la fois le geste de la “collecte” et le principe de “l’immersion”9. Il effectue en effet un recensement des espaces et des objets qui constituent l’univers de la skite, collecte qui relève d’ailleurs autant de l’exploration que de l’immersion, car elle fait partie du travail de restauration de la skite. Au cours de son séjour, le “passant” intègre la petite commu- nauté grecque, composée de trois moines permanents et deux membres provisoires. Il assiste aux “trois offices quotidiens” ainsi qu’aux repas (PA 17) et il aide les moines dans leur entreprise de restauration en ramassant et triant les nombreux objets abandonnés dans les ruines (PA 46).

4 Mais l’exploration méticuleuse des lieux permet aussi une enquête esthétique et historique, appuyée sur divers repérages et témoignages. À travers ses déambulations, le visiteur découvre peu à peu les vestiges artistiques et l’histoire d’un microcosme qui, après l’incendie de 1958, le départ et la disparition progressive des derniers moines russes, semblait voué à la ruine. Au cours de l’enquête, l’histoire de la skite est à peu près reconstituée. L’origine de la République théocratique est évoquée au fragment 49, avec le règlement “promulgué par l’empereur de Byzance/ Constantin le Monomaque”, et la fondation des monastères entre le Xe et le XIIe siècles. Il y est précisé que toutes les fondations ultérieures sont restées “vassale[s]” d’un des vingt monastères d’origine, ce qui est le cas de la vaste skite Saint-André, “bâtie pour huit cents moines russes et qui fut/ un bastion de l’empire du dernier tsar” (PA 17). La dimension impérialiste d’un tel “bastion”

est néanmoins soulignée, notamment à travers le motif récurrent de l’aigle à deux têtes, cet “aigle de Byzance qu’usurpa le tsar” (PA 26). Le récit du Père Paul confirme cette lecture de l’auteur :

À la fin du dernier siècle, les Russes tentaient de s’établir partout, ici, au Liban, en Palestine, sous le prétexte de fondations religieuses. On a retrouvé des milliers de fusils dans les caves, et sous le bâtiment, tout là-bas, il y avait une fabrique de cartouches. Les moines n’en savaient peut-être rien, ils n’étaient pas des soldats, mais la direction était religieuse et politique. (PA 21)

5 Le sens caché des ruines de la skite s’éclaire au fil des témoignages. Une hérésie réprimée en 1912, la guerre et la révolution russe ont entraîné le départ de nombreux moines, dont plusieurs centaines “partis combattre du côté des Blancs” (PA 21). Après la Révolution, ils ne furent plus remplacés, ce qui, “au début des années vingt”, laissa près de “quatre cents moines” restant face à la lente extinction de leur communauté (PA 22). Plus de trente ans après la mort du dernier moine russe, le “passant” découvre les “immenses bâtiments” qui

“forment un grand carré” autour de l’église “à cinq nefs”, ironiquement comparée à “un vaste hangar céleste” : “quinze chapelles”, des centaines de “cellules/ appartements ateliers”, des “kilomètres/ de couloirs de souterrains d’escaliers” désertés puis dégradés, avec leur mobilier et les multiples objets abandonnés là (PA 21, 22, 27, 41). Les débris matériels et les signes du désastre sont passés en revue dans nombre de fragments, qui s’apparentent aux notes d’une véritable investigation, tant ces marques de la destruction posent question :

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dans les gravats gris traînent des ailes d’ange […] un cheval

cassé en deux une tête aux yeux crevés on marche sur la pointe des pieds cherchant pourquoi tout ce fracas tous ces coups de grâce

à des objets qu’on vénérait ici même (PA 26)

6 Les décombres suggèrent qu’à l’abandon, à l’incendie et au temps se sont ajoutés des actes volontaires qui seuls peuvent expliquer un tel degré de désolation. Cette enquête met alors en évidence un décalage déroutant entre le monde de la skite et celui de la République théocratique. D’une part la beauté du mont Athos, son “élan minéral et blanc” (PA 13), favorisent la sérénité de ce pays austère, qui est décrit comme “le plus préservé du monde”, et est entièrement consacré, depuis un millénaire, à la contemplation, cette

“Béatitude par-dessus toute chose” qui selon l’auteur “pourrait/ servir d’enseigne au train de vie athonite” (PA 39). De l’autre, “ces grandes machines impériales” de la skite Saint- André (PA 21), somme toute relativement récentes, cachent des souterrains belliqueux et font apparaître au grand jour les traces d’une violence toute séculière. Selon les locuteurs, plusieurs hypothèses se trouvent alors juxtaposées pour expliquer l’ampleur du désastre.

Pour le Père Paul, la destruction est essentiellement due à l’incendie de 1958 qui a anéanti

“la bibliothèque et le trésor”, mais elle a été complétée par le dernier moine, “l’unique Grec du monastère qui servait de secrétaire et d’interprète” et qui “s’est mis à tout vendre”

après la mort des derniers moines russes (PA 22). Le discours du Père Maximos pointe davantage la responsabilité de ces derniers :

Je pense donc que les Russes… ont vidé le monastère de ses œuvres précieuses parce qu’ils les considéraient comme russes. […] Et ils les ont volées. Après quoi, ils ont provoqué le grand incendie de 1958 pour dissimuler le vol. (PA 43)

7 Un troisième témoignage, vient apporter un autre éclairage sur les ruines, celui de Niko,

“jeune étudiant/ en théologie” (PA 17). Il révèle que les enfants de l’école cléricale locale où il est allé ont passé une partie de leurs récréations à des “saccages et pillages/ du temps où la skite était à l’abandon” (PA 42). Les propos sont transmis dans des fragments épars et l’auteur n’en tire ni synthèse, ni conclusion, ni interprétation. Les points de vue diffèrent, faisant apparaître la complexité et l’opacité du réel historique, dont le sens est comme fragmenté et réfracté par la subjectivité qui l’interroge. Cette polyphonie procède d’une représentation prudente et médiatisée tant du monastère que de l’histoire dont témoigne obscurément son “présent” (PA 11, 47). Face aux vestiges, la démarche cognitive manifeste une conscience de ses propres limites, mettant en évidence les problèmes majeurs que pose l’élaboration d’un récit historique.

Une poétique du carnet de voyage en vers

8 Si le texte apparaît comme le fruit d’un processus cognitif, c’est aussi le fait d’un travail d’écriture. La facture du poème émane du modèle des notes d’un carnet de voyage, genre hybride dont les caractéristiques héritent du carnet en tant que support mais aussi du type de production sur le terrain qu’il autorise par sa dimension portative. Un des traits du genre est la signature induite par le péritexte spatio-temporel, qui contribue à instaurer un pacte de référentialité et de témoignage. Si cet indice n’apparaît pas dans “Le passant de l’Athos”, il est présent dans la deuxième section du Reste du voyage, qui rend compte d’une multitude de voyages accomplis entre “juin 95” et “juin 97” (RDV 49). L’entretien

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avec Dominique Sampiero, mené avant même la publication du recueil, permet en outre de confirmer la référentialité affichée du texte, tout en rendant précisément compte de sa genèse et de sa dimension factuelle10. Il y est précisé que l’hendécasyllabe procède d’une réécriture ultérieure de “notes verticales”11 prises sur place. Le long poème versifié s’offre d’emblée comme le prolongement naturel des notes de voyage.

9 Malgré ce travail de versification secondaire des notes, le texte restitue au plus près le déploiement spatio-temporel de l’enquête du voyageur, créant l’effet d’une immédiateté de l’écriture par rapport à l’expérience. Les indices de narration simultanée abondent : “et me voilà au milieu d’aujourd’hui” (PA 12). Les déictiques tels que “hier” ou “ce matin” sont récurrents, beaucoup d’actions sont rapportées au présent, mêlant les valeurs de narration et d’énonciation : “très romantique ce matin il est noir”, est-il noté à propos du mont Athos (PA 26). L’écriture traduit l’instant présent. Les fragments font irruption sur la page dans une discontinuité analogue à celle que peut connaître la conscience quotidienne d’un voyageur. Fragmentation, collage des différents points de vue, impressionnisme et alter- nance des types de discours contribuent à donner à l’ensemble l’aspect d’une mosaïque.

La chronologie du voyage est respectée et les fragments se suivent dans l’ordre de leur écriture, mais il n’y a pas d’ordonnancement d’épisodes orientés vers une fin comme dans un récit rétrospectif. Le passé de la skite n’est pas retranscrit selon la chronologie historique, mais selon la progression de l’investigation du voyageur. De même, c’est peu à peu, au fil des allées et venues du passant, que se dessine la configuration des espaces qui la composent ou l’environnent. L’arrivée au mont Athos n’est évoquée qu’au fragment 46, le départ n’est pas raconté. Les blancs mettent en évidence la fragmentation du poème et signalent les ellipses et l’inachèvement d’un texte qui, à l’instar du journal personnel, progresse à l’aveugle, dans l’ignorance de son terme12.

10 L’observation de l’espace domine dans ce “journal du regard”13 que l’auteur assimile à un assemblage de “photographies verbales”14, ce qui rappelle le geste d’enregistrement du réel décrit par Marie-Jeanne Zenetti à propos des “factographies”15. En effet, ce geste imite le processus mécanique de “captation” des faits propre à l’appareil photographique ou à la caméra. Dans cette optique, la notation est une forme littéraire de captation. Les expressions se rattachant à la vue ou aux perceptions sensorielles sont récurrentes et, avec les marqueurs spatiaux, elles guident la progression du texte, qui se présente comme la trace, le “reste” d’une exploration itinérante des lieux : “je suis venu voir le Blanc”, “vais à la fontaine chercher de l’eau fraîche/ croisé un tas de coquilles de noisettes” (PA 13, 29). Le style télégraphique signe la vitesse et l’immédiateté de la notation sur le vif. De nombreux fragments s’apparentent à des inventaires qui enregistrent sur le papier les objets collectés. Les nombreux édifices et objets abandonnés par les moines russes sont passés en revue dans maints passages où les vers s’enchaînent selon la parataxe de la liste :

un vase aplati le col servant d’entrée une écritoire nez au sol un buffet

aux portes pendantes beaucoup de gravats (PA 30)

11 Les chiffres de dénombrement, de datation et de mesure rythment le récit d’une déambulation qui s’apparente alors à un arpentage, que ce soit le long des parois de la vieille chapelle grecque que le sujet fréquente assidûment et qui est décrite dans le fragment liminaire (PA 11), dans l’ostéophylakion où il revient aussi plusieurs fois (PA 15, 23), ou face au mont Athos dont les descriptions ponctuent le récit :

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il a deux mille et trente mètres un peu moins que l’Olympe assure Maximos mais plus

que le Parnasse (PA 24)

12 La technique d’enregistrement littéraire se présente donc aussi à travers les transcriptions des paroles des différents moines rencontrés. L’utilisation du discours rapporté confère au poème une polyphonie, mise en relief par l’hétérogénéité que produit à deux reprises le délaissement du vers : les paroles des Pères Paul et Maximos sont tour à tour transcrites en prose16. Chaque discours est introduit par une sorte de titre qui marque d’autant plus la rupture avec le flux des hendécasyllabes. Ces éléments ont pour effet de donner au discours rapporté un “effet de document”17 qui tend d’ailleurs à émaner de l’ensemble du poème.

13 Le geste d’élaboration littéraire et poétique met donc en relief la démarche cognitive et l’adéquation de l’écriture au parcours accompli. L’image du saint suaire vient alors traduire le mythe de l’immédiate concomitance entre le terrain et la page :

quelques gravats de plus qu’hier l’art diminue tous les jours il finira par suinter

des murs comme a suinté du corps cette image

qu’on voit dans le lin du suaire (PA 20)

14 Malgré cette immédiateté d’un art qui n’est plus que le relevé de l’empreinte du monde, le travail de l’écriture a aussi et surtout pour effet de transformer la démarche cognitive en objet poétique. L’effet d’immédiateté résulte d’ailleurs d’un artifice d’écriture. En outre, la coïncidence entre le terrain et le poème est une gageure, et le problème de l’adéquation du langage au référent ressurgit à chaque coin de la skite, qu’il s’agisse de rendre compte de la présence de la nature ou, pire en termes de difficulté, du règne de la destruction.

L’expérience du terrain est aussi expérience du langage et mise à l’épreuve de la représentation :

depuis des jours et des jours je mâche d’autres mots sans en tirer le moindre jus sensé les mots ruines destruction décombres qui servent d’habitude à classer l’affaire

et qui devant elle ne suffisent plus (PA 33)

15 Le carnet de voyage de l’ethnologue devient album que l’artiste utilise “pour épingler des impressions” à l’aide “des mots”, tout en constatant que mots et impressions ne peuvent

“coïncider”18(PA 25). C’est que “l’inventaire isole, sépare, distingue”, d’autant plus que “le mot y purifie l’objet de lui-même” (PA 36).

16 Si la fascination du chiffre associe le texte à un relevé digne d’un carnet de voyage scientifique19, elle entre aussi en résonance esthétique avec la rigueur de la règle monacale à laquelle prend part le voyageur :

Maximos

célèbre les trois offices quotidiens

six dix-neuf et vingt et une heures j’aime comme il manie l’encensoir aux douze grelots

[…] j’aime aussi comme il psalmodie […] j’ai compté

jusqu’à soixante-dix-sept fois ce matin

quatre-vingt-trois hier à l’office du soir (PA 17)

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17 Dès lors le chiffre participe d’une autre psalmodie, celle du poème, dont le format repose également sur un discret chiffrage. Le caractère poétique du texte est intimement lié à cette contrainte chiffrée qui confère une dimension à la fois ludique et rituelle à l’écriture.

Ainsi l’hendécasyllabe, que l’auteur qualifie de “vers bâtard”, “qu’on ne sent pas” est en accord avec le monastère : proche du monument que représenterait l’alexandrin, mais atrophié à l’instar des ruines de la skite. Ce vers présente selon l’auteur l’avantage de conférer au poème de voyage “quelque chose qui soit très contraignant et invisible comme une règle monastique”20. Malgré cette rigueur, l’inventaire chiffré bascule rapidement dans la démesure du gouffre de la destruction :

la porte s’ouvre sur une pièce immense […]

neuf carnets de compte souillés de mortier quelques boîtes en métal rongées de rouille une bouilloire émaillée des bouts de vitre une armoire où pend un reste de manteau trois bahuts brisés des flacons trois cuvettes une anse en porcelaine quatre tiroirs la partie droite de la pièce est un hachis

ferrailles et plâtras et planches moisies (PA 34-35)

18 Les chiffres et autres “carnets de compte” viennent en définitive émailler le chaos et non l’ordonner, leur apparente rationalité est elle aussi mise à mal par la violence des temps.

La psalmodie vire au coq-à-l’âne ou à la comptine entêtante des jeux de langage pour enfants qui seuls peuvent prendre en charge ce microcosme à la dérive.

Enquête de terrain et quête existentielle

19 Bernard Noël prolonge dans ce poème l’exercice de lucidité face à la mort qui caractérise l’ensemble de son œuvre. L’enquête historique se transmue en édification d’une vanité poétique :

cous écrasés l’aigle à deux têtes est gravat parmi les gravats mais le A impérial orne encor son bréchet A pour Alexandre un tsar lui aussi jeté bas mis en poudre

n’ayant pour avoir qu’une mort historique (PA 43-44)

20 La vanité de cet “avoir”, matérialisée par les “gravats” et par la “poudre” auxquels sont réduits l’insigne du pouvoir et le corps de l’empereur, fait écho à maintes sentences bibliques, mais elle prend aussi une portée politique de la part d’un auteur inspiré par les pensées marxiste et anarchiste. Parmi les images ramassées et rangées par le Père Paul, cet auteur d’un Dictionnaire de la Commune s’étonne de trouver une “gravure en noir et rouge” représentant Paris en flammes pendant l’insurrection, et se demande si “un des crânes de l’osteophylakion” a “contenu la pensée communarde”21. Les objets hétéroclites inventoriés placent le sujet face à un improbable puzzle. L’exploration des ruines ouvre sur un mélange de vanité et d’absurdité qui anéantit les fondements de l’avoir et du pouvoir.

21 Mais au-delà de cet examen critique, les traces du passé portent le signe omniprésent de la mort. À l’enquête historique se joint alors une quête obsédante et symbolique, celle du

“dernier mort”, le dernier moine de la communauté, dont la trace est cherchée “derrière

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plus de mille portes” (PA 19). Car la question que font surgir les ruines et leur histoire est aussi de savoir “vers quelle pensée va l’homme/ conscient qu’il n’y aura aucun survivant”

après lui, alors que la communauté humaine a “donné/ le nom d’avenir à la capacité/ de céder sa place au suivant” (PA 18). L’itinérance du visiteur se mue alors en une étrange quête d’un face à face avec ce “dernier mort”, comme s’il pouvait être révélateur du savoir ultime donné par une vie sans avenir, réduite à “l’exercice de la mort” (PA 18). Mais “le cadavre du dernier mort” revêt aussi la valeur emblématique d’une humanité vouée à la solitude des temps derniers (PA 19). Cette solitude est annoncée par saint Jean, “quand il écrit/ l’Apocalypse”, mettant en abyme l’auteur qui écrit lui aussi “dans la chapelle grecque” (PA 40, 20). La quête se voit elle-même frappée d’inanité et tourne court peu avant la fin du poème, au fragment 53 :

il se pourrait que le dernier mort soit là dessous mais à quoi bon chercher un cadavre particulier dans l’immense charogne

qu’est aujourd’hui l’Empire

22 L’histoire emporte les victimes dans un même anonymat, qu’il s’agisse de celles de l’impérialisme du tsar ou de celles de l’empire soviétique. De même, les conquêtes et autres possessions du tsar se sont vues réduites à sa “mort historique” et à sa postérité, qui semblent bien dérisoires au regard du néant (PA 44). Les édifices de la skite forment également un piètre rempart contre l’anéantissement, et un sentiment de vanité émane de manière analogue de la magnificence des divers cultes religieux :

à quoi bon ça

tous ces murs ces monceaux de pierres taillées de par le monde en forme de vérité

sinon pour détourner la venue du rien […]

le mal le péché valent mieux que l’angoisse

d’être devant le rien l’impensable rien (PA 29)

23 La quête du dernier mort, bien que dérisoire, révèle les enjeux de découverte portés par ce texte. Le voyage et la connaissance sont envisagés comme découverte compréhensive de l’autre, de son point de vue, comme lecture du point de passage de l’individuel au collectif, et comme face à face avec cet “impensable” de la mort. À l’issue de son parcours, au moment du renoncement à cette quête du dernier mort, une masse informe de “tissus”

débordant de “grands tiroirs pareils à de basses mâchoires” suffit à faire émerger la conscience de la mort dans ce qu’elle a d’indicible :

ainsi paraît aux yeux du passant la chose qui n’a de nom dans aucune langue il faut

regarder ce trou au milieu de sa tête

c’est un puits d’où ne monte que du silence (PA 44)

24 La troisième personne et le substantif “passant” traduisent cette possibilité du langage et de la conscience de se saisir comme autre, et ici comme “chose” rendue innommable par la destruction. Auteur et lecteur, vivant et mort se retrouvent dans la dépersonnalisation induite par la privation de pensée et de parole. Quiconque devient à son tour le “passant”

anonyme qui observe l’humanité mise à mal, et cette “tête” dépersonnalisée où se lit à la fois la stupéfaction du vivant devant la mort et la béance à venir de toute boîte crânienne.

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Comme sous la plume du prophète Jean, “l’encre est lumière obscène”, livrant au regard ce que l’ordre social maintient hors de scène (PA 40). L’exercice de lucidité vise le point ultime de la conscience qui fait face à “l’impensable ” de la mort, la mort qui rassemble tous les êtres dans une commune égalité, jusqu’à ce “point infranchissable”22 que représente pour chacun sa propre mort et, pour l’humanité entière, la mort du dernier homme.

25 Ainsi, tel Hamlet, le passant revient plusieurs fois fraterniser avec les crânes de l’ostéophylakion, reproduisant le geste emblématique du théâtre baroque en saisissant un crâne dans sa main : “on croit tenir/ dans sa main de gros œufs très fragiles et vides”23. Ce dialogue avec les morts est caractéristique de l’ensemble de la poésie noëlienne, mais, dans Le reste du voyage, elle est comme chargée du poids de la réalité empirique, qui lui donne une portée singulière, volontairement dérangeante. Cependant, même dans ce cas distinct, une dimension fantasmatique vient se greffer sur ces évocations, en particulier lorsque la vision macabre transforme les crânes en “gros insectes carapacés de blancheur”

dont “les plus vifs déjà ont grimpé sur les autres” (PA 24). Cette image d’un comique grotesque n’est pas sans rappeler “la pratique de la joie devant la mort” de Bataille, pour qui “[le] sérieux de la mort et de la douleur est la servilité de la pensée”24. L’enquête de terrain est aussi exercice de contact avec la mort. L’espace synthétique du carnet de voyage en vers, comme le haïku selon Roland Barthes, ouvre la notation d’un microcosme précis à l’évocation générale du macrocosme25.

Interroger des héritages pour explorer de nouveaux territoires poétiques

26 La volonté de confronter l’expérience du voyage au travail poétique de la langue et à l’acuité de la conscience du présent confère au Reste du voyage une grande part de ses aspects inédits. L’écriture est appréhendée comme une expérience cognitive, et donc comme “écriture de recherche”26. L’articulation de la parole poétique au terrain constitue une expérimentation langagière intense menée loin des sentiers battus. Cette exploration est comparée à une découverte érotique :

la langue paraît

pareille à l’amante en train de découvrir

avec toi l’amour (PA 41)

27 Pour Bernard Noël, “la poésie est le foyer de résistance de la langue vivante contre la langue consommée, réduite, univoque”, et en cela elle est marquée par “ce refus, qui la pousse constamment à dresser les vers sur la page”27. Avec la versification, la première personne et la relation d’un séjour dans un monastère, l’œuvre semble s’inscrire dans le prolongement de l’héritage de la poésie en vers et un horizon d’attente lyrique est insensiblement créé, que le texte déjoue toutefois dès les premiers fragments.

L’hendécasyllabe, d’abord, est choisi pour sa qualité de vers “qui ne chante pas”28. En outre, son traitement syntaxique et lexical désamorce toute idée d’ornementation lyrique.

Le lexique familier voire argotique, invite à une réception contre-lyrique du vers : le poème se fout de l’égalité

des rayons du cercle ou que deux plus deux fassent

fatalement quatre (PA 36)

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28 Le vers, en outre, érige matériellement un espace de crise où le mouvement syntaxique du sens se trouve arrêté, troué par le blanc de la page et ouvert à la polysémie par l’absence de ponctuation :

marché dans les couloirs où passa le feu

de vrais fours aux murs rouge et blanc bris de brique où chaque pas bat briquet sur les éclats

plus de flammes la peau des pierres est en cendres (PA 45)

29 Christian Prigent assimile à un “drame” cette tension entre le “discontinu” graphique et la

“continuité” syntaxique, source de puissance “dialectique”29. Cette mise en cause de l’héritage au sein même de la pratique du vers est aussi portée par un libre refus de ce qu’Anne Malaprade a appelé “les c/sensures”30. L’ironie tend à désacraliser le religieux et la mort qui sont abordés avec une proximité familière, crue. Ainsi la description des fresques de l’ancienne chapelle grecque souligne dans le fragment liminaire les injures du temps sur les images sacrées, dont le sens en est comme renversé : “Dieu/ a tellement noirci qu’il est négatif”. L’ironie marque une émancipation des “traditionnelles instances censurantes” que représentent “la religion chrétienne”, mais aussi et surtout “la métaphysique dualiste” et “la raison occidentale”31. La mystique orthodoxe attire la sym- pathie du visiteur parce qu’elle est elle-même affranchie du rationalisme et du dualisme qui ont sous-tendu la théologie catholique et sa relecture aristotélicienne de la Bible :

je n’ai jamais séparé corps et pensée l’étranglement de l’un est celui de l’autre […]

le Dieu de la Bible n’est pas raisonnable il a mis la raison dans un arbre et dit que les fruits en étaient mortels quel travail

pour mettre ensuite la foi sous la raison (PA 31)

30 Malgré l’athéisme de l’auteur, une proximité est d’ailleurs établie entre l’action poétique et l’acte de foi des moines orthodoxes :

la foi pourtant doit jeter bas les montagnes renverser le sens des mots et de l’histoire être cette folie qui chasse les preuves […]

le poème

sème dans le langage la même folie (PA 31-32)

31 Cette complicité est aussi liée au fait que la rencontre avec la spiritualité monastique nourrit la réflexion critique de l’auteur sur l’Occident :

nous parlions

de la grâce elle me semble répondais-je fondamentale en Orient alors qu’à Rome

on a bâti sur le pouvoir (PA 16-17)

32 Le sujet lyrique se positionne symboliquement aux côtés des moines dans leur résistance à la domination mondiale de la culture occidentale, mais aussi dans leur entreprise de restauration de la skite :

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164 autrefois je cassais dit l’étudiant en arrêt devant une boule de verre moi je ramasse des objets et les classe […] le père Paul réunit

toutes les icônes et toutes les images (PA 45-46)

33 Le lyrisme critique met à distance l’héritage culturel et artistique au sein duquel il s’inscrit, héritage qu’il interroge et avec lequel il instaure un dialogue. Si l’emploi du pronom sujet “je” est plus simplement assumé que dans les recueils antérieurs, il n’en reste pas moins problématisé et concurrencé par d’autres formes d’expression de la subjectivité : “les yeux tâtent l’air sur leur gauche” (PA 12). Le corps, cet espace sensoriel où la relation au terrain et la conscience du “dehors” prennent leur source, reprend ses droits et s’émancipe des instances linguistique et rationnelle qui l’assujettissent32. Terrain d’un affranchissement, le poème est aussi l’espace d’une parole métapoétique, en quête d’une conscience d’elle-même, de sa source, de son objet mais surtout de sa destination, en laquelle réside son fondement :

[le poème] n’est tel qu’en lui-même que hors de lui devenu souffle en tête et buée verbale

phénix d’air toujours naissant sur quelque lèvre (PA 37)

34 De l’enregistrement l’écriture passe à l’interaction, se déployant de l’espace figé de la page vers l’espace mental du lecteur qui lui redonne vie. L’image du “suaire” rejoint celle du

“phénix d’air” pour représenter l’activité poétique, révélant cette fois des enjeux qui dépassent le mythe de la transparence ou de l’immédiateté en faveur de problématiques de transformation, d’échange et de don. Ce travail du poème, allant du terrain à la page et de la page au lecteur, est conçu à travers une sorte de matérialisme poétique. Inspirée de l’archéologie de Leroi-Gourhan, la poésie de Bernard Noël explore un “engrenage jamais dit” entre “matière et immatière”, visible et invisible33. La fascination pour les espaces mentaux et leur articulation à la matière est essentielle chez cet auteur, qui s’inscrit dans un héritage poétique donné mais de manière à le renégocier, par exemple en mobilisant, dans le sillage de Hugo et Rimbaud, la thématique de la voyance. La représentation murale de saint Jean est évoquée de telle manière que le prophète apparaît comme une figure tutélaire du scripteur : “j’écris dans la chapelle grecque saint Jean/ ne se fatigue pas de tremper sa plume” (PA 20). Les topos de la vue et de “la lumière” sont aussi récurrents, lumière où saint Jean semble puiser son encre et son inspiration, et à laquelle il “fait signe” (PA 11, 40, 41). Mais la lumière, symbole traditionnel de la grâce divine, prend des connotations différentes pour le “passant”. Dans le premier fragment, l’œil du voyageur est “enflammé”, son regard “cassé par le soleil ”, et il se compare à Tobie que son fils guidé par l’ange doit guérir de sa cécité avec du “fiel”. Il joue alors à inverser malicieusement le remède purificateur et la source impure du mal. De manière symétrique, dans le dernier fragment du poème, la lumière est invoquée de façon à en inverser la symbolique première :

une lueur grandit derrière l’église mon visage attend son flot avec ferveur ô qu’il baigne dans mes yeux la vie passante et que cette lune soit la renversante

qui fera venir le corps au bout du nom (PA 47)

(11)

165

35 Le “corps” et “la vie passante ” sont célébrés au lieu de l’âme et de la vie éternelles dans la prière traditionnelle, et l’incantation n’exprime que le désir d’atteindre à une langue incarnée. La lumière directe du soleil blesse et aveugle, mais la “lueur” lunaire attire et la voix poétique se module suivant le parcours de lumières réfléchies. L’objet de la quête n’est d’ailleurs plus la lumière en elle-même, mais sa trajectoire et sa diffusion colorée à travers les supports matériels qui habitent l’espace du regard : “Jean fait signe à la lumière/ cependant que je touche des yeux la peau/ couleur de chaux de terre et de rose vieille” (PA 41). Les synesthésies œuvrent à rendre à leur concrétude les phénomènes de la lumière et de la vue. Le voyageur n’interroge pas tant l’astre brûlant du jour que “le Blanc”, surnom donné au mont Athos, du fait de l’alchimie qu’il opère sur les rayons :

le Blanc n’est pas blanc par blancheur de la roche

mais par évaporation de la lumière (PA 38)

36 Le poème se termine par un questionnement corollaire sur la lumière nocturne : “mais qui lune ou roc fait jaillir l’aura blanche” ? Restituer exactement la réalité est aussi délicat quand il s’agit de la lumière que du passé. Alors que “la bouche d’ombre” de Victor Hugo guidait vers l’avenir en révélant les mystères de la vie, celle de la fin du poème “a mangé saint Jean”, et la parole poétique n’a plus d’autre fonction que de prendre acte de sa disparition tout en portant son attention sur “la présence du présent” à travers une physique tâtonnante de la lumière, de sa réfraction, de son spectre et de ses réceptacles

(PA 46, 47). La voix du “passant”, lucidement articulée à une “réalité rugueuse à étreindre”34, succède ainsi à la voyance du poète-prophète.

Marie Evette-Deléage Université Paul-Valéry Montpellier 3

NOTES

1 Bernard Noël et Dominique Sampiero, L’espace du poème : entretiens avec Dominique Sampiero, Paris, POL, 1998, p. 49 ; dorénavant EP.

2 Bernard Noël, “Le passant de l’Athos”, Le reste du voyage: et autres poèmes, Paris, Éd. du Seuil, [1997], 2006,

<Points Poésie>, dorénavant respectivement PA et RDV.

3 Fabio Scotto souligne cette singulière “territorialisation”, alors que les lecteurs des poèmes de Bernard Noël étaient plutôt habitués à une démarche apparentée à la “déterritorialisation” mallarméenne. Fabio Scotto,

“Bernard Noël”, Dictionnaire de la poésie de Baudelaire à nos jours, Michel Jarrety (éd.), Paris, PUF, 2001, p.

535-537. Sur la question du sujet lyrique, voir Dominique Rabaté (éd.) Figures du sujet lyrique, Paris, Presses universitaires de France, 1996, <Perspectives littéraires>.

4 Voir en particulierGérald Purnelle,“Le vers contemporain, recherches et innovations en France dans les années 80-90”, Formes poétiques contemporaines, Alain Chevrier et Bernardo Schiavetta (éds.), Paris, Belgique, RdL Les impressions nouvelles, 2003, p. 13 à 24 ; Poésie & autobiographie  : rencontres de Marseille, 17, 18 novembre 2000, éd. Centre international de poésie-Marseille, Marseille, Tours, 2004 ; Michel Braud et Valéry Hugotte (éds), L’irressemblance: poésie et autobiographie, Pessac, France, Presses universitaires de Bordeaux, 2007.

5 Romances sans paroles de Paul Verlaine, Feuilles de route de Blaise Cendrars, ou Le voyage de Hollande de Louis Aragon en sont quelques exemples parmi les plus notables.

6 Voir en particulier Michèle Métail, Toponyme, Berlin  : dédale, cadastre, jumelage, panorama, Saint-Benoît- du-Sault, Tarabuste éd, 2002, <Chemins fertiles> ; James Sacré, America solitudes, Marseille, A. Dimanche, 2010 ; Henri Deluy, Imprévisible passé  : poèmes, Paris, Le Temps des cerises, 2012.

7 Il se présente à Dominique Sampiero comme “libéré du religieux, devenu un homme armé de sa solitude et de son destin” (EP 129).

8 Bernard Noël a qualifié son séjour au mont Athos comme une rencontre avec “l’autre religieux” (EP 47).

9 Vincent Debaene, L’adieu au voyage, Paris, Gallimard, 2010, <Bibliothèque des sciences humaines>, p. 63-69.

10 EP, IVe partie.

11 EP 130.

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12 Philippe Lejeune, “Le journal comme antifiction”, Poétique, n° 149, 2007, p. 3-14.

13 Bernard Noël, Journal du regard, Paris, POL, 1987.

14 EP 49.

15 Marie-Jeanne Zenetti, Factographies. L’enregistrement littéraire à l’époque contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2014.

16 “Récit du Père Paul” (PA 21-22). “Confidences du père Maximos” (PA 43).

17 Marie-Jeanne Zenetti, op. cit., p. 69.

18 PA 25.

19 Marie-Noëlle Bourguet, “Une mémoire de papier. Carnets de notes et journaux de voyages savants (XVIIIe-XIXe siècles)”, Le voyage et la mémoire au XIXe siècle, Sarga Moussa, Sylvain Venayre et Centre culturel international (éds), Grâne, Creaphis éd, 2011, <Silex>.

20 EP 47.

21 PA 46. Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune, [1971], 2 vol., Paris, Flammarion, 1978, <Champs>.

22 Voir Bernard Noël, La vie en désordre, Coaraze, L’Amourier, 2005, p. 10 et 64.

23 PA 24. Voir aussi, les fragmentss 8 et 15 et 54, et cette remarque adressée à D. Sampiero par Bernard Noël : “Je n’étais pas dans l’espace de la question, j’étais dans l’espace d’une présence. Une présence qui incluait son propre anéantissement. Je pense à l’ostéophylakion (…). [La] fin est ce que nous partageons tous, et le sentiment du partage fait disparaître le drame” (EP, IVe partie, p. 115).

24 Georges Bataille, Post-scriptum, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1970 - 1988, Tome V, p. 234.

25 “Et la ténuité du haïku ne doit pas faire illusion : sous forme d’une enclosure, d’une clôture stricte, c’est le départ d’une parole infinie qui peut déplier l’été en nous”. Roland Barthes, La préparation du roman. Cours au Collège de France. 1978-79 et 1979-80, Paris, Éd. du Seuil, [2003], 2015, p. 85.

26 Dans Le sens, la sensure, Bernard Noël oppose cette écriture de recherche au “discours du pouvoir” : “la recherche n’a pas de volonté de puissance, [et] n’est pas tentée par le pouvoir” (Le sens, la sensure, Le Roeulx, Talus d’approche, 1985, p.68-70).

27 EP 142, puis 150-152.

28 EP 47.

29 Christian Prigent, “Le poète corps & âme”, Europe n° 981-982, janier-février 2011, p. 72.

30 Anne Malaprade, Bernard Noël, L’épreuve des c/sensures ; les c/sensures à l’épreuve, Paris, Éditions Seli Arslan, 2003. Le néologisme “sensure” désigne la perte de sens dans un contexte de surcharge informationnelle et de culture audiovisuelle. Il a reçu cette explication parmi d’autres : “La privation de sens - ou sensure - est l’arme absolue de la démocratie : elle permet de tromper la conscience et de vider les têtes sans troubler la passivité des victimes” (Bernard Noël, La castration mentale, Paris, POL, 1997, p. 31-32).

31 Anne Malaprade, op. cit., p. 53 à 56.

32 Sur la question du corps pour Bernard Noël, voir aussi EP 22.

33 Bernard Noël, “Contre-mort”, Extraits du corps, incluant La peau et les mots, Bruits de langue, Les états du corps, L’ombre du double, Paris, Gallimard, 2006, <Poésie>, p. 11-12. Voir aussi EP 30, ainsi que Hugues Marchal, “Des corps en extension. Bernard Noël et André Leroi-Gourhan”, Bernard Noël : le corps du verbe, Colloque de Cerisy, Fabio Scotto (éd.), ENS éditions, Lyon, 2008, p 129 - 140 et de Laura Legros, “La pensée d’un regard”, Europe n° 981-982, op. cit., p. 176 -189.

34 Arthur Rimbaud, “Adieu”, Une saison en enfer.

Références

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