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Gestion diversi!ée : quelle allocation d actifs dans un environnement instable?

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Academic year: 2022

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TABLE RONDE

Gestion diversi!ée :

quelle allocation d’actifs dans un environnement instable ?

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Le bilan est à la fois simple et complexe. Nous sommes face à une crise inédite avec des conséquences économiques que nous n’avons jamais vues : la récession sera très importante ! Cette crise du coronavirus est atypique, car habituellement la récession est causée par un choc de la demande et, dans le cas présent, pour limiter la propagation du virus, les gouverne- ments ont décidé de freiner, voire de fermer, leurs économies pendant deux mois. Il y a donc eu un choc de demande et un choc d’offre. La grande incertitude concerne la durée de cette crise : combien de temps va durer cette épidémie ? Pourra- t-on freiner la propagation du virus et éviter une deuxième, voire une troisième vague ? Il est dif!cile aussi d’anticiper l’évolution des économies après le décon!nement, et surtout le comportement des consommateurs.

Pour une fois, la crise que nous vivons depuis le mois de fé- vrier ne vient pas des marchés !nanciers, mais d’une décision politique consécutive à la pandémie.

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Il y a plusieurs bilans à faire de cette crise. Le premier bilan est humain : mi-mai, le nombre de décès s’élève a plus de 300 000 dans le monde. C’est un chiffre effrayant. Nous n’avons jamais connu une telle crise sanitaire. Cela devrait donc conduire certains responsables politiques à s’interroger sur les systèmes en place. Le bilan est aussi économique, puisque cette crise a plongé l’ensemble des économies de la planète dans un envi- ronnement inconnu. Aucun analyste et aucun modèle mathé- matique n’est en mesure de nous indiquer avec précision l’im- pact qu’aura cette crise sur nos entreprises. En!n, en matière de bilan boursier, cette crise a rapidement fait apparaître les gagnants et les perdants de demain. Elle a crédibilisé certains thèmes d’investissement qui avaient fortement émergé ces der- nières années.



Au-delà du caractère exogène de la pandémie, il y avait quand même des fragilités dans l’économie mondiale avant que la crise n’éclate. La Fed était redevenue accommodante à partir

de septembre, ce qui laissait présager des dif!cultés pouvant se matérialiser en 2020. Nous étions donc plutôt prudents en début d’année, dans une con!guration de cycle à bout de souf!e. La crise du Covid-19 a été un déclencheur inattendu par sa nature et son ampleur, mais les dif!cultés sous-jacentes expliquent la violence de la baisse.

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Je partage ce point de vue. Avant l’arrivée du coronavirus, il y avait une accumulation de facteurs propices à une crise : une dette sur PIB de 300 % dans le monde, des valorisations à des plus hauts historiques sur toutes les classes d’actifs cotés ou non cotés et une économie très mondialisée avec des entre- prises qui pouvaient produire et payer leurs impôts là où elles voulaient, et optimiser leur capital en !nançant par la dette des rachats d’actions. Cette optimisation se paye aujourd’hui, l’économie mondiale ayant sous-estimé le risque extrême qui est arrivé sous la forme d’un virus, mais qui aurait pu se maté- rialiser de différentes manières. Ce virus n’est qu’un déclen- cheur de la crise.

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Nous n’avons pas été vraiment surpris. La première phase de chute violente est assez classique et correspond à une purge du levier qui s’est accumulé pendant plusieurs années. Mais la réponse des banques centrales a été proportionnée, adaptée et rapide. L’ampleur des mesures prises est une première dans l’histoire : aux Etats-Unis et en Europe, cela représente environ 20 % du PIB. Nous sommes dans une phase où ces mesures ont réussi à stabiliser les marchés, et les multiples de creux de marché seront probablement plus élevés que d’habitude, parce que les taux sont plus bas et les mesures prises pour endiguer la crise exceptionnelles. La crise se manifeste désormais par de la dispersion et non plus par une réaction homogène de toutes les classes d’actifs ou de toutes les actions ou obligations au sein de leur classe d’actifs. Prenons l’exemple du S&P 500 : l’indice est à 12 % de son plus haut historique de février, mais l’action médiane est à - 30 %, tandis que les performances des Gafam sont positives depuis le début de l’année. Les indices

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vont donc avoir des réactions moins spectaculaires qu’en mars mais, à l’intérieur d’un indice, il faudra être sélectif.

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En 2008, les banques centrales avaient déjà été réactives. Cette fois-ci, c’est la réactivité des Etats qu’il faut souligner, avec l’an- nonce des plans budgétaires sans commune mesure avec ce qui avait été fait en 2008, en particulier aux Etats-Unis.

Les banques centrales ont été rapides et coordonnées. Ce qui est inquiétant, c’est la foi que l’on a désormais dans les banques centrales. En cas de perte de con!ance, la réaction des marchés pourrait être compliquée.



En effet, il y a une bonne réaction et une bonne coordination des banques centrales, mais il est vrai que les marchés se re- posent beaucoup sur leurs réactions et leurs décisions. En cas de

perte de con!ance, les marchés seraient très nerveux.

Les discours de Jerome Powell et de Christine Lagarde sont scrutés et engendrent de la volatilité sur les mar- chés quand ils sont prononcés. C’est un vrai danger pour la suite : comment les marchés vont-ils pouvoir se détacher de tout ça et revenir à leurs fondamentaux ?



Cette situation inédite que nous connaissons est intervenue dans un environnement déjà fragilisé pour les marchés !nan- ciers, en particulier le marché du crédit, dont les banques cen- trales voulaient éviter la dislocation, le crédit américain mon- trant déjà des signes de faiblesse avant la crise. La réaction des banques centrales a été proportionnelle à l’étendue de cette crise sanitaire et de ses implications potentielles sur l’écono- mie réelle. Cela a permis de stabiliser les marchés !nanciers et d’éviter d’entrer dans une spirale de dépression de l’économie.

Le calme est revenu sur les principales classes d’actifs, et les économies ont pu limiter la casse. Mais il est vrai que, depuis la crise de 2008, les investisseurs s’attendent toujours à ce que les banques centrales viennent les sauver en cas de crises majeures.

Ils s’habituent à leurs interventions, ce qui les pousse à prendre de plus en plus de risques. La Fed intervient désormais sur le marché du high yield. Il ne reste qu’une étape à franchir : les rachats d’actions par les banques centrales si la situation venait à se détériorer encore plus.

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C’est déjà le cas au Japon, où la banque centrale est devenue un des premiers actionnaires de la Bourse de Tokyo.

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Tous les marchés ont été globalement affectés de la même manière. Dans ces moments-là, il y a une recorrélation des actifs par le stress et le risque, mais les Etats-Unis ont fait preuve d’une meilleure résistance grâce au côté refuge du dollar et à la construction des indices davantage exposés à la technologie et à la santé, qui sont apparus comme plus défensifs.



Il est un peu tôt pour évaluer l’impact sur les diffé- rentes économies, mais l’Europe occidentale a été particulièrement touchée. Les pays émergents, en particulier les producteurs de pétrole, sont forte- ment atteints. La Chine a été la première affectée, mais aussi la première à sortir du con!nement. On y constate quelques signes d’amélioration, mais la reprise n’est pas aussi rapide qu’escomptée. Mais, alors que la zone euro sort de façon ordonnée du con!nement, ce n’est pas le cas aux Etats-Unis, où chaque Etat gère la situation en fonction de critères différents. Les premières statistiques éco- nomiques montrent toutefois que l’Europe et cer- tains pays émergents ont été les plus touchés.



Contrairement aux Etats-Unis et à la Chine, l’Europe n’a pas de marché domestique. Elle est beaucoup plus dépendante des exportations que les autres zones et de la globalisation qui avait déjà atteint ses limites avant la crise du Covid-19 avec les ten- sions entre la Chine et les Etats-Unis. L’Europe est la zone qui va le plus souffrir d’une in!exion de la mondialisation.

Avant la crise, les économies avaient un problème de dette, et la crise se règle par un endettement encore plus élevé, car il n’y a pas d’autre solution en attendant que les entreprises soient recapitalisées. Conséquence : la plupart des pays vont avoir une croissance faible, avec peu de secteurs et d’entreprises capables de générer une croissance forte, alors que les multiples de valorisation sont aujourd’hui plus élevés que lors des crises précédentes. Il faudra être très sélectif.



Les premières estimations montrent que c’est bien sûr l’Europe qui va payer le plus lourd tribut à cette crise, et ce pour deux

raisons : elle manque d’une consommation soutenue et est une des économies les ouvertes. L’Amérique latine sera égale- ment très affectée, contrairement à l’Asie qui béné!cie d’une consommation interne soutenue. Toutefois, l’Europe a pris des mesures de con!nement avant les Etats-Unis et a donc pro- cédé à la levée de ces mesures plus rapidement, ce qui pourrait lui permettre de rebondir plus rapidement.

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Nous observons un changement de consensus sur les marchés américains. Récemment encore, une victoire de Joe Biden sur Donald Trump était possible, mais avec un Sénat toujours républicain bloquant les éventuelles réformes. La gestion de la crise par l’administration Trump pourrait rendre possible un

«grand chelem» des démocrates à la Chambre des représentants déjà acquise, à la présidentielle ainsi qu’au Sénat. Le pouvoir

TABLE RONDE

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démocrate étant plus à gauche qu’il ne l’était il y a quelques années, cela pourrait avoir des conséquences non négligeables sur certains secteurs comme la santé ou sur les Gafa.



A l’exception de Roosevelt pendant la Grande Dépression, ja- mais un président américain n’a été réélu durant une récession économique. Trump va bâtir sa campagne sur une rhétorique très agressive vis-à-vis de la Chine, car il lui faut un bouc émis- saire externe. Cela va accroître les tensions commerciales entre les deux pays, ces tensions n’étant que la partie visible d’un ice- berg plus profond. L’enjeu concerne la domination monétaire en Eurasie, la Chine essayant d’imposer sa devise. Par ailleurs, la structure de la reprise aux Etats-Unis va être assez différente des précédentes crises. Auparavant, une crise aboutissait à un renforcement du dollar qui entraînait un dé!cit budgétaire et une relance de la consommation aux Etats-Unis. Cette fois- ci, le marché de l’emploi est en train de muter. Des études montrent que la moitié des emplois perdus ne seront pas re- trouvés. En effet, les entreprises qui licencient emploient beau- coup de main-d’œuvre, alors que les recrutements sont le fait des entreprises technologiques dont les besoins sont limités.

Trump va donc baser sa campagne non pas sur le redémarrage de la consommation, mais sur la relocalisation de la production américaine. Cela peut entraîner des mutations importantes de l’économie américaine.



De nouvelles tensions sino-américaines vont apparaître à me- sure que les élections approchent. Trump va se focaliser sur cet enjeu pour détourner l’attention de sa gestion très moyenne de la crise sanitaire. Tout cela aura des conséquences sur les échanges, le commerce mondial et donc sur la croissance po- tentielle.

nonces comme celle du durcissement des règles de cotation des entreprises chinoises qui va pénaliser ces dernières et li- miter leur rayonnement à l’international. Pour autant, Trump ira-t-il jusqu’à une confrontation directe ? Dif!cile de savoir, compte tenu de la situation économique américaine. Par ail- leurs, la pandémie et ses conséquences sur l’économie améri- caine peuvent être une opportunité pour Joe Biden, que l’on n’entend pas beaucoup. Il doit démontrer qu’il est capable de s’élever à la hauteur de la situation. S’il parvient à se faire en- tendre, cela modi!era les scénarios à mesure que nous appro- cherons de la date de l’élection, les sondages ayant des effets sur l’évolution des marchés. Toutefois, c’est l’issue de l’élection qui sera déterminante, car une victoire des démocrates aura des conséquences sur la hausse des impôts, la régulation des Gafa, etc.



La confrontation entre les Etats-Unis et la Chine vient des deux côtés. La diplomatie chinoise est de plus en plus agres- sive. Récemment, à l’ONS, les Chinois ont essayé d’empêcher une enquête indépendante, par exemple. Aux Etats-Unis, la vision antichinoise est partagée par tous ; historiquement, ce sont plutôt les démocrates qui s’opposaient à la Chine. Cela va perdurer quel que soit le résultat des élections, notamment au Sénat. Si les démocrates sont au pouvoir, la confrontation avec la Chine sera moins brouillonne et plus structurée que celle menée par Trump.



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L’Europe étant une des économies les plus exportatrices de la planète, elle est prise entre deux feux. Le risque majeur dans cette confrontation économique est la création d’une nouvelle

«guerre froide» technologique et commerciale. Les autres éco- nomies seront sommées de se ranger d’un côté ou d’un autre en termes de normes technologiques. La Grande-Bretagne, qui veut renégocier un traité de libre-échange avec les Etats-Unis, risque d’être confrontée à ce problème. Les Chinois n’ont peut-être pas les moyens de se lancer dans une telle guerre, leurs incursions économiques en Afrique ou au Venezuela n’ayant pas eu beaucoup de succès.



Cette guerre est déjà en cours sur le plan digital, et la pro- chaine étape concernera certainement la santé. La perspective de la découverte d’un vaccin a révélé de nouvelles tensions entre les différentes zones, comme l’a montré l’affaire Sano!.

Malgré les discours politiques de coopération mondiale pour la fabrication d’un vaccin, rien ne dit qu’il n’y aura pas de nouvelles tensions en cas de découverte de celui-ci.

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directeur de la gestion diversi!ée et de l’épargne salariale, Crédit Mutuel Asset Management

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TABLE RONDE



La Chine essaie de faire aujourd’hui ce que les Américains ont fait après la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire imposer leur devise à leurs partenaires commerciaux pour dépendre moins du dollar. Ils le font à travers des projets «One belt, one road» ou «Made in China 2025». C’est inacceptable pour les Etats-Unis, parce que la trajectoire du dé!cit budgétaire amé- ricain est malheureusement unidirectionnelle, vers la dégrada- tion. Les Etats-Unis doivent toujours maintenir une pression militaire en Eurasie et augmenter aussi leurs dépenses de santé indépendamment du coronavirus, car les problèmes d’obésité et de diabète coûtent très chers à l’Etat fédéral. Les Etats-Unis doivent donc émettre beaucoup de «treasuries», 3 trilliards de plus qu’en 2019. Ils ne peuvent donc pas se permettre d’avoir dans le monde une autre devise de référence que le dollar américain. Les tensions entre les deux pays vont donc perdurer et prendre des formes multiples. L’Europe en sera très affectée, car c’est l’économie la plus ouverte sur le monde : l’Allemagne est par exemple très dépendante des exportations vers la Chine.



La Chine n’a aucune chance de remplacer le dollar par le yuan comme devise de référence car, pour y parvenir, il faudrait ac- cepter un dé!cit énorme pour !nancer l’économie mondiale.

Or, les Chinois ne consomment pas assez pour se permettre un tel dé!cit permanent. Ils veulent diriger leur aire locale et surtout être les maîtres de la partie sud de la mer de Chine, bordée par des alliés des Américains.



Je suis d’accord avec l’idée que les Chinois auront du mal à remplacer le dollar comme devise de référence, mais ils essaie- ront de limiter son rôle dans l’économie chinoise. Ils ont déjà décidé d’annuler le dollar sur les transactions boursières et de développer l’e-reminbi pour les transactions internes.

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L’allocation d’actifs a été particulièrement dif!cile dans cet environnement, notamment en raison de la volatilité. Nous avons eu une approche pluridisciplinaire, d’abord une éva- luation des conséquences économiques de la crise, puis une approche plus technique pour pouvoir assembler les classes d’actifs. Certes, il s’agit d’assembler des convictions, mais aussi d’assembler du risque. Jusqu’à aujourd’hui, nos portefeuilles ont plutôt bien résisté et restent orientés «prudents». Sur les actions, nous préférons rester investis dans les marchés améri- cains, qui sont davantage exposés aux secteurs de la technolo- gie et de la santé, plus défensifs. Nous avons également main- tenu nos investissements dans les marchés émergents avec une plus grande sélectivité, d’ailleurs plutôt en faveur de l’Asie que de l’Amérique latine et de la Russie. Du côté obligataire, nous

avons continué à investir dans les dettes d’Etat, et notamment les «treasuries» américains, et nous sommes revenus récemment sur l’investment grade européen. Nous regardons de nouveau les subordonnées !nancières, qui nous semblent un peu trop décotées. En!n, nous avons acheté régulièrement des options de protection sur la volatilité pour faire face à cette situation exceptionnelle.



En début d’année, nous étions investis dans les actions, mais nous n’avions pas de crédit, ni investment grade ni high yield, car la classe d’actifs nous semblait survalorisée. Nous n’avons donc pas été impactés au moment de la baisse très sensible de ces actifs, ce qui nous a permis de reprendre ensuite du risque sur cette classe d’actifs compte tenu de l’implication des banques centrales. Sur la partie actions, nous avons privilégié les marchés américains et asiatiques dans un premier temps, en délaissant l’Europe, avec une exposition aux valeurs technolo- giques et pharmaceutiques.

Notre évolution a été assez tactique lors de cette crise, qui s’est déroulée en trois étapes : la correction marquée jusqu’au 23 mars, l’intervention des banques centrales qui a permis de stabiliser les actifs !nanciers et de reprendre du risque sur le high yield malgré une anticipation de la remontée des taux de défaut, et, aujourd’hui, le décon!nement, avec la perspective d’un rebond des économies et le retour progressif de l’acti- vité des entreprises. Dans cette dernière étape, nous cherchons des points d’entrée sur des valeurs cycliques, car les valeurs de croissance ont bien monté et sont chères. C’est un mouvement tactique, car nous pensons que les PMI vont s’améliorer dans les semaines à venir et revenir au-dessus de 50, ce qui se tradui- rait par une surperformance des valeurs cycliques et décotées par rapport aux valeurs de croissance. Mais nous conservons une position plutôt prudente sur l’exposition globale aux ac- tions. Nous allons pro!ter également de la baisse de la volatilité pour remettre des protections sur les marchés actions, car la hausse ne va pas se poursuivre éternellement. Une correction est probable, mais nous ne pensons pas revoir les points bas de mars. Sur la partie obligataire, nous avons des positions sur les

«treasuries» américains, avec des arbitrages du dix ans vers le cinq ans, et sur les emprunts d’Etat italiens, car la BCE conti- nuera à protéger les spreads italiens.



Tous nos fonds modérés et équilibrés sont positifs depuis le début de l’année. Nous avons géré la crise avec un positionne- ment défensif sur les «treasuries» et sur les actions américaines, mais pas sur les valeurs technologiques, que nous jugeons trop chères. Nous avons également acheté du crédit américain après l’intervention de la Fed.

Nos portefeuilles sont positionnés pour faire face à une deu- xième vague de baisse à moyen terme. Le rebond a été trop fort, alors que les conséquences économiques ne sont pas en- core toutes visibles. Nous pourrions donc revoir les plus bas du mois de mars, notamment sur les marchés actions américains.

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

Notre gestion de conviction est concentrée sur les actions et les obligations d’entreprises. Nos allocations d’actifs ne re- posent pas uniquement sur une approche macroéconomique.

Nous analysons 250 actions et 800 émetteurs dans le monde qui correspondent à nos critères et notre fonds !exible compte 25 positions. Nous sommes prudents depuis un bon moment, à tort sans doute en 2019, mais la qualité du stock piking nous a permis de faire des bonnes performances.

Nous avons été contrariants dans la phase de baisse, ce qui nous a permis de pro!ter du rallye. Aujourd’hui, le fonds est concentré sur des valeurs de qualité, car nous restons prudents sur un rebond de la value dans un contexte de taux négatifs et de croissance faible. Nous avons acheté des actions de qualité qui ont été massacrées pendant la correction, notamment en raison de leur poids dans les indices. C’est le cas de certaines valeurs technologiques aux Etats-Unis ou de sociétés appar- tenant à des secteurs jugés comme les perdants de cette crise, comme l’hôtellerie ou le transport. La prudence reste de mise, car nous estimons que la crise est loin d’être !nie pour les entreprises. Les défauts et les restructurations restent à venir, beaucoup d’entreprises vont dépenser une partie de leurs cash-

!ows pour rembourser leurs dettes

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

Le cash est une part importante de nos portefeuilles, car nous restons prudents et disposons de munitions pour reprendre du risque. Nous en avons utilisé une partie pour revenir sur le crédit américain. Nous utilisons des ETF et des dérivés pour construire notre allocation d’actifs, par conséquent nous ne pouvons pas investir directement dans l’or. Néanmoins, nous avons une expo- sition aux valeurs aurifères, car c’est un actif de diversi!cation important, et nous en avons besoin dans le contexte actuel.



Nous n’avons pas peur d’avoir 25 % de cash dans nos fonds modérés, même s’il ne rapporte rien. Nous avons également utilisé les sociétés aurifères comme actifs de diversi!cation, mais le cours de l’or a monté récemment sur des anticipations de rebond d’in!ation qui nous semblent prématurées. Mais c’est un actif intéressant pour la décennie à venir.



Dans notre cas, le cash est utilisé uniquement pour des posi-





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SFAF, directeur de la gestion diversi!ée et convertibles, CPR AM

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tions d’attente de réinvestissement. En revanche, l’or est une classe d’actifs à part entière. C’est un actif de décor- relation que nous avons régulièrement dans nos alloca- tions, au même titre que la volatilité ou certaines devises refuges comme le yen ou le franc suisse.



Nous utilisons beaucoup le cash quand les marchés ou les valeurs dans lesquelles nous voulons investir sont chers. Cela coûte d’avoir du cash, mais c’est un vrai choix. Nous voyons bien, dans cette crise, que, à part l’or, tout autre type de couverture fonctionne plus ou moins bien, surtout quand la volatilité est élevée et les options moins ef!caces.



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Dans les prochaines semaines, le principal risque serait une deuxième vague de correction boursière. A moyen/

long terme, les investisseurs anticipent une croissance dé!ationniste et ne prennent pas du tout en compte l’hypothèse d’une résurgence progressive de l’in!ation liée à une moindre ef!cience des économies et à des choix politiques de !nancement monétaire de la dette émise pendant la crise.



Le risque principal est celui de deuxième ou troisième vague d’épidémie. A court terme, un risque de dé!ation est plus probable qu’un risque in!ationniste. Les banques cen- trales vont rester assez présentes. Les relocalisations d’activités industrielles stratégiques sont une perspective structurelle de long terme. Cela ne devrait pas avoir d’impact immédiat sur l’in!ation. Cette dernière pourrait même être négative en zone euro dans les prochains mois. Mais, à moyen terme, les banques centrales agiront pour un retour de l’in!ation a!n d’alléger le fardeau de la dette.

Par ailleurs, malgré l’action des banques centrales et des gouver- nements, il y a un risque que la reprise ne soit pas au rendez- vous et que nous soyons confrontés à une récession.

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En dehors du risque sanitaire, nous craignons le cycle infernal :

«faillites d’entreprises – chômage – baisse de la consommation des ménages», qui représente une part importante de la crois- sance des différentes économies. Ce sont les principaux risques pour 2021. Quant à la volatilité, elle se gère si on parvient à avoir une bonne allocation et une bonne diversi!cation des portefeuilles.

Récemment, les marchés ont acheté une lueur d’espoir, celle du décon!nement, de la réouverture des commerces et des usines, mais ce rebond repose plus sur la psychologie que sur

des données réelles. Quand il y a autant d’incertitudes, les inves- tisseurs se rattachent à des racines émotionnelles, mais ils !ni- ront par être confrontés à la réalité des publications de résultats des entreprises. Accepteront-ils alors de payer de tels niveaux de valorisations pour cette qualité de résultats, même dans un en- vironnement de taux bas ? Nous ne sommes pas à l’abri d’une deuxième vague de baisse. Quant à l’in!ation, cela ne semble pas être un risque à court et moyen terme, en raison du double choc que nous vivons sur l’offre et la demande.

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L’in!ation est un risque à moyen terme car, à court terme, il ne peut y avoir d’in!ation sans reprise de la demande. L’action des banques centrales a été calibrée pour lutter contre une dé!a- tion très forte, à juste titre. Les banques centrales auront du mal à revenir en arrière. L’exemple du «tapering» en 2018 montre à quel point c’est douloureux pour les marchés !nanciers.

Quand la demande repartira, l’in!ation fera son retour, d’autant que les dé!cits budgétaires seront importants dans un monde moins globalisé. Or, la mondialisation a été un facteur dé!a- tionniste important. De même, la population mondiale en âge de travailler ne cesse de se contracter depuis 2010, en partie à cause du vieillissement de la population chinoise. Il faudra donc apprendre à nouveau à investir dans un monde in!ationniste.

TABLE RONDE

(9)

Qui dit in!ation dit compression de multiples, et il faudra des résultats en hausse pour compenser. Or, il n’y a pas beaucoup de secteurs ou d’entreprises pour lesquelles on attend une progres- sion des pro!ts, ce qui nous oblige à être très sélectifs.

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Les marchés actions sont à des niveaux de valorisation histo- riques, il n’y a pas eu d’ajustements sur les béné!ces. Il y a une déconnexion entre le marché obligataire et les marchés actions. Ces derniers privilégient une résolution rapide de la crise avec un rebond de la croissance économique et des béné-

!ces. En termes de prévisions, le consensus table pour 2021 sur un retour vers les niveaux de pro!ts de 2019. Cela nous semble trop optimiste. Il est donc préférable de pro!ter du rebond pour prendre une partie des béné!ces sur les actions et de trouver des opportunités sur le crédit. De manière tactique, certaines valeurs décotées peuvent être intéressantes en anticipation d’un rebond des indices PMI en Europe. En!n, pour capitaliser sur notre expertise en gestion thématique, nous voyons des oppor- tunités sur des thèmes qui béné!cient de l’engouement des investisseurs comme la disruption ou la santé.

Plus généralement, nous pensons que la pandémie mettra en avant les fonds à impact, car les investisseurs deviendront très sensibles au fait d’apporter, par leurs investissements, une amé- lioration positive et concrète des enjeux sociaux et des dé!s environnementaux. Quelques mois avant la crise, l’équipe d’allocation d’actifs en collaboration avec l’équipe actions thé- matiques a lancé un nouveau fonds, CPR Invest-Smart Trends, qui a une approche défensive pour béné!cier du potentiel des actions thématiques. Notre ambition est d’atteindre un porte- feuille 100 % ESG à la faveur du développement de l’inves- tissement responsable dans toutes les classes d’actifs. Ce fonds répond tout à fait à l’appétit des clients pour l’investissement thématique responsable et pour des niveaux de risque maîtrisés.

!nancement des entreprises, notamment dans certaines !lières en Europe comme la technologie, la santé ou l’aérospatiale.

En termes de secteurs, nous pensons que ces deux premiers secteurs, tout comme la transition énergétique, vont béné!cier d’une croissance solide. Le match «économie mondiale contre Covid-19» va être gagné par l’économie mondiale mais, pour gagner le match «économie mondiale contre changement cli- matique», il faut réallouer 500 milliards d’euros par an d’inves- tissements des énergies fossiles vers la transition énergétique.

L’asset management est probablement le seul secteur capable d’orienter un tel montant vers les énergies renouvelables.

Par ailleurs, en ce qui concerne les classes d’actifs, les subor- données !nancières nous semblent intéressantes. Il y a eu une correction très forte sur cette classe d’actifs pour des raisons techniques, mais les banques n’ont pas coupé leurs coupons sur les subordonnées !nancières, et le rendement est très attrac- tif. Le crédit short duration offre également un rendement de l’ordre de 4 % pour une duration inférieure à 1.

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Dans cette crise, la gestion diversi!ée est une réponse juste et pertinente. C’est la seule classe d’actifs capable de s’adapter au cycle économique. La !n de l’année risque d’être dif!cile, et un retour à la normale n’est pas envisageable avant 2021.

Cette crise est la plus violente de la décennie, car elle a mis à l’arrêt l’économie. Il faut donc surveiller le redémarrage des entreprises et leurs niveaux d’investissements, tout en mesurant l’état d’esprit des ménages et leur consommation. L’épargne s’est accumulée dans les banques pendant le con!nement. L’in- tensité de la reprise dépendra aussi de la capacité des ménages à dépenser cette épargne.

Par ailleurs, que l’on soit investisseur professionnel ou pas, il faut avoir en tête le niveau de liquidité de son investissement, car c’est un facteur clé souvent oublié.

En!n, les thèmes d’investissements porteurs ces derniers mois comme le digital, la santé et tout ce qui a trait à la réduction des émissions de CO2, autour de la !nance responsable, vont prendre plus d’importance post-crise.

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La gestion diversi!ée est en effet un outil adapté à l’environne- ment actuel. Nous sommes dans une !n de cycle douloureuse, mais une nouvelle ère va commencer, pour laquelle nous de- vons identi!er les secteurs et les marchés qui vont en pro!ter.

Historiquement, nous savons que les secteurs qui ont performé durant le cycle précédent ne seront pas les gagnants du cycle suivant. Nos portefeuilles diversi!és seront donc très différents de ce que nous avions jusqu’à présent. La capitulation bour- sière des Gafa marquera, selon nous, le début de ce nouveau cycle. 

Propos recueillis par Catherine Rekik

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directeur général, Invest AM

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