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TANT QUE MARIANNE FERA LA CLASSE

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TANT QUE MARIANNE FERA LA CLASSE

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Sur simple envoi de votre carte nous vous tiendrons régulièrement au courant de nos publications.

Éditions Jean-Claude Lattès BP 85-06-75262-PARIS CEDEX 06

© 1983, Éditions J.-C. Lattès

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PATRICE GALITZINE

TANT QUE MARIANNE FERA LA CLASSE

Réflexions sur l'école

JClattès

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AVANT-PROPOS

Le projet socialiste d'intégrer les établissements privés d'enseignement dans « un service public, uni- que et laïque, dépendant du ministère de l'Éduca- tionnationale a donc pris corps : le 20 décem- bre 1982, après dix-huit mois de réflexion et de consultations, le ministre de l'Éducation nationale, M. Alain Savary, a rendu publiques les propositions du gouvernement.

La déclaration de M. Savary commentée à la une de la plupart des quotidiens, était attendue, mais le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'a laissé per- sonne indifférent. Elle recueille les faveurs des groupes d'opinion qui prétendent que l'unité du sys- tème éducatif est nécessaire pour « une meilleure gestion matérielle, morale et sociale de l'éducation nationale » et que seul le service public est en mesure de garantir les « principes fondamentaux d'égalité et de laïcité réaffirmés par l'article 2 de la Constitution » ; elle provoque l'hostilité de tous ceux qui considèrent que la liberté de l'enseignement est

1. Programme commun de gouvernement des partis com- muniste et socialiste arrêté pour les élections législatives de 1973.

Cf., également, Libérer l'École — Plan socialiste pour l'Éducation, Flammarion, 1978.

2. Cf., annexe 1, page 161, le texte intégral de la déclaration de M. Alain Savary, en date du 20 décembre 1982.

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un principe tout aussi fondamental que celui de la laïcité, mais qu'il est un principe en danger puisque la mise en application des propositions Savary équivaudrait à la nationalisation des éta- blissements privés actuellement sous contrat — autant dire à celle de tout le secteur privé — et qu'elle conduirait, estiment-ils, à l'institution pure et simple du monopole de l'Etat sur l'éducation.

Alors que M. Savary précisait que ses pro- positions devaient servir de base aux futures négociations, la Commission permanente de l'enseignement catholique, qui parle au nom de 95 % des effectifs scolarisés dans le sec- teur privé sous contrat, faisait savoir, dès le 21 décembre 1982, qu'elle ne s'engagerait pas dans une discussion qui « se limiterait à la seule mise en œuvre des propositions du mi- nistre » — position de principe qu'elle a confir- mée le 10 janvier. Cinq jours plus tard, M.

Savary ajournait l'ouverture des négociations de façon à donner « à tous les partenaires la possi- bilité de réunir les conditions d'un dialogue effi- cace, éclairé et dégagé des contingences immé- diates... », ce dont l'enseignement catholique lui donnait aussitôt acte en lui rappelant qu'il venait, de son côté, de définir ses positions et de demander des garanties et en annonçant qu'il mettrait à profit ce délai pour obtenir les éclair- cissements nécessaires et les réponses attendues.

« Deux points me paraissent particulièrement positifs — a déclaré le chanoine Paul Guiber- teau, secrétaire général de l'enseignement catholi- que, commentant la déclaration du ministre : la proposition d'engager une première étape d'inves- tigations tous azimuts avant les négociations pro-

1. Cf, en annexe 2, page 163, le texte intégral de la déclara- tion de la Commission permanente de l'enseignement catholi- que, en date du 21 décembre 1982.

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prement dites, la volonté enfin d'affiner le contenu de ses propositions pour trouver une base plus large et plus précise aux négociations... »

Est-ce la première étape d'une conciliation diffi- cile ? ou bien est-ce la nouvelle manière d'un débat passionnel et futile ? Pendant des mois, l'opinion publique avait eu l'impression d'assister à la reprise d'une vieille comédie, jouée avec autant d'emphase par les vedettes de l'opposition que par celles de la majorité : Albert Falloux et Jules Ferry au seuil du Panthéon, pour le centenaire de l'École publique.

Depuis la déclaration du 15 janvier de M. Alain Savary, l'opinion — que certains sondages déclarent attachée à la liberté de l'enseignement — a le senti- ment d'être en présence d'un débat plus grave qu'il ne lui paraissait mais dont elle discerne mal l'enjeu.

Comment, dans ce débat politisé à outrance, distin- guer le vrai du faux ? l'essentiel de l'accessoire ? Nous avons demandé à Patrice Galitzine, ancien élève puis professeur de l'enseignement public, ancien chef d'établissement de l'enseignement privé, de nous y aider.

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SAVARY OU L'ART D'UNIFIER POUR DIVERSIFIER

QUESTION. — Que pensez-vous des propositions de M. Alain Savary ?

PATRICE GALITZINE. — Comme vous le savez, les propositions de M. Alain Savary reprennent les conclusions des groupes de travail qu'il avait lui- même mis en place, au sein du ministère, le 4 août 1982. Ces groupes avaient reçu pour mission de réfléchir à quatre aspects du système éducatif jugés fondamentaux par le ministre : « la carte sco- laire, le caractère des établissements, le statut des personnels et les activités éducatives » post et péri- scolaires. La composition de ces commissions est res- tée secrète et, jusqu'au 20 décembre, rien n'a trans- paru de leurs conclusions. Le ministre invite donc les représentants de l'enseignement privé à débattre de leur avenir sur la base de propositions unilatérales, qu'il affecte de vouloir imposer de la même façon aux deux camps. Cette méthode, qu'on peut trouver très directive, a au moins le mérite de faire avancer les choses.

— Avancer les choses ? Êtes-vous de ceux qui esti- ment que la liberté de l'enseignement est menacée ?

— Il ne fait aucun doute que la mise en œuvre des propositions Savary réduirait à néant la liberté de l'enseignement, au moins telle qu'elle est conçue

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et défendue par les représentants de l'école libre : liberté pour les familles d'inscrire leurs enfants dans l'établissement de leur choix, liberté pour les établis- sements de choisir leur directeur, liberté pour celui-ci de choisir ses collaborateurs — tous privilèges que l'extension des contraintes de la carte scolaire à l'enseignement privé et que « l'harmonisation des statuts des personnels d'enseignement et d'éduca- tion » aboliraient. Ce n'est pas discutable.

— Que représentent, au juste, les contraintes de la carte scolaire ?

— La carte scolaire organise la répartition sur le territoire national des formations offertes aux élèves : enseignement général, technique ou profes- sionnel ; écoles, collèges ou lycées. A l'intérieur des établissements, elle règle l'ouverture ou la fermeture des différentes classes ou des différentes sections et, d'un établissement à un autre, elle harmonise la dis- tribution des options et elle organise les « filières ».

La carte scolaire fait donc obligation aux familles d'inscrire leurs enfants dans tel établissement de leur lieu de résidence — c'est ce qu'on appelle « la secto- risation » —, de les orienter dans telle filière, et elle s'impose aux chefs d'établissement qui souhaitent créer telle classe ou différer la fermeture de telle autre. Jusqu'à présent, les contraintes de la carte sco- laire s'appliquaient aux établissements de l'enseigne- ment public. M. Savary propose de les assouplir (d'élargir les secteurs ?), ce qui réjouirait les usagers de l'enseignement public mais ce qui ne saurait satis- faire ceux de l'enseignement privé, très attachés à leur liberté.

— Le ministre n 'a-t-il pas le souci d'augmenter la liberté des chefs d'établissement de l'enseignement public ? N'a-t-il pas déclaré que, pour diversifier le sys- tème éducatif, il fallait d'abord l'unifier ?

— On lui prête cette intention et même ce pro-

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pos — dont la logique est, à vrai dire, assez dérou- tante. Il n'empêche que cette belle formule est, à la réflexion, la seule des propositions de M. Savary qui mérite d'être commentée. De deux choses l'une : ou bien son projet de décentraliser l'Éducation natio- nale est réaliste, digne de confiance, ou bien il ne l'est pas. Cette interrogation est au cœur du débat, le reste est clair. En d'autres termes, il s'agit de savoir s'il sera possible au ministre de l'Éducation natio- nale de déléguer à chaque établissement — qu'il soit public ou d'intérêt public — le pouvoir de diversifier et de rénover l'action éducative : d'accorder à chaque chef d'établissement la liberté de choisir d'autres voies plutôt que de laisser ce privilège — n'est-il pas celui qu'on leur prête et qu'ils défendent aujourd'hui ? — aux seuls chefs d'établissements pri- vés. C'est tout le problème des « projets éducatifs » dont j'ai le bon esprit d'admettre, malgré les contre- performances de l'école libre, qu'ils puissent exister.

L'exercice de la liberté est un art difficile. M. Savary, qu'on dit honnête et sincère, croit apparemment aux chances de décentralisation, de diversification et de rénovation du système éducatif public. Il mesure pourtant mieux que quiconque le poids de l'appareil monstrueux qu'il a la charge de diriger ; il subit pour- tant plus que quiconque les contraintes que lui impose le statut du personnel qu'il a la charge de commander ; il souffre pourtant plus que quiconque des pressions qu'exercent sur l'organisation et l'action de son ministère le pouvoir des syndicats et la pesanteur des habitudes : toutes forces évidem- ment contraires au mouvement qu'il appelle de ses vœux.

— Vous ne croyez donc pas au projet de M. Savary ?

— Bien sûr que non. Je crois au service public d'éducation, unifié et laïc, mais non pas au service

« rénové ». M. Savary apportera peut-être une solu-

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tion au problème politique, mais il n'a pas les moyens de résoudre les problèmes techniques. Triste- ment identiques d'un bout à l'autre de la France, les programmes, les horaires, les personnels, les méthodes et les attitudes de l'enseignement public finiront toujours par s'imposer comme la référence : aussi sûrement qu'elles se sont imposées à l'enseigne- ment privé soi-disant libre. Sauf à démissionner, M. Alain Savary est grand maître de l'Uniformité et ministre de l'Érosion nationale. La seule chose qu'il puisse faire, avec le talent et le tact qu'on lui recon- naît, est de mettre en scène le dernier acte de La Guerre des Laïcs contre les Curés, dans un décor de haute pédagogie. Les répétitions ont commencé.

— Il me semble que vous condamnez un peu vite.

Les propositions que fait M. Savary pour développer la responsabilité et l'identité des établissements, pour associer à leur gestion les collectivités locales et les parents d'élève, pour augmenter l'importance des activi- tés parascolaires témoignent tout de même du souci qu'a le ministre d'étendre à l'ensemble des établisse- ments du secteur public et du secteur privé les vertus de certaines écoles libres. La volonté de généraliser existe, c 'est vrai, mais elle s'exerce à double sens. S'il est exact que l'école libre éduque mieux que l'école publique et — pour reprendre les propres termes des propositions Savary — qu'elle donne « à l'acte éducatif une dimen- sion globale qui relie acquisition du savoir et développe- ment de la personnalité », a-t-on le droit de privilégier les enfants des familles qui choisissent des écoles pri- vées ? Qui ont les moyens de le faire !

— Ne m'entraînez pas dans le débat politique : le dualisme dont on accuse le système éducatif actuel n'est pas un problème sérieux, il est aussi peu sérieux que la pétition de principe contre le détournement des fonds publics au bénéfice des écoles privées sous contrat. Ce n'est pas la coexistence d'un secteur public et d'un secteur privé qui limite la portée

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sociale de l'école, qui altère le caractère démocrati- que de l'enseignement. C'est la pratique pédagogi- que, commune aux deux secteurs, qui est fautive — j'aurai l'occasion d'y revenir longuement. Pour que l'école soit un facteur spectaculaire d'ascension sociale, il est bien évident que sa mission doit être beaucoup plus complète qu'elle ne l'est actuelle- ment ; la réussite de l'apprentissage ne doit pas dépendre de la capacité d'assistance intellectuelle, affective, morale et matérielle de la famille. Ce n'est pas en supprimant l'enseignement privé qu'on résou- dra le problème. Bien au contraire.

— M. Savary ne supprime pas les établissements privés, il les transforme en « établissements privés d'intérêt public ».

— Vous savez bien que c'est une formule juridi- que qui a le mérite de dispenser l'État d'avoir à s'approprier les immeubles et l'équipement des écoles privées et d'avoir à verser des indemnités.

C'est une disposition habile mais très accessoire par rapport au débat car il est clair que, pour l'essentiel, le succès de l'action éducative dépend des hommes que l'on charge de cette mission : de la façon dont on les recrute et de celle dont on les encadre. Or, nous l'avons déjà dit, M. Savary propose de parachever l'alignement des statuts du personnel de l'enseigne- ment privé sur ceux de l'enseignement public... Qui pourrait, dans ces conditions, encore croire aux chances de survie de l'enseignement d'initiative pri- vée ? ! Vous observerez d'ailleurs que même les parti- sans du S.P.U.L.E. — c'est ainsi qu'on appelle, dans les couloirs du ministère, le Service Public Unifié et Laïque de l'Éducation — reconnaissent que la mise en œuvre des propositions Savary aboutirait à l'absorption de l'enseignement privé. C'est d'ailleurs leur seul point d'accord avec les partisans de l'école libre. Insertion, intégration, nationalisation, mono- polisation... le vocabulaire employé peut être nuancé

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mais la réalité est brutale : les chances qu'avait l'enseignement privé d'être un jour un enseignement libre seront définitivement englouties par le S.P.U.L.E. Nous payerons un siècle de démobilisa- tion, d'aveuglement, d'indifférence à l'éducation, ou plutôt nos enfants payeront ; ils recevront l'enseigne- ment que nous méritions de leur léguer.

— Vous voici bien pessimiste. Ne pensez-vous pas que l'effervescence que provoque le projet socialiste puisse aboutir à une meilleure prise de conscience des problèmes de l'éducation nationale ?

— J'aimerais le croire. L'enseignement catholi- que a déclaré qu'il se battrait. Son combat conduira- t-il à un débat plus approfondi, affranchi des préju- gés idéologiques comme des sentiments politiques ? Un débat qui dépasse le cadre des instances corpora- tives du personnel enseignant comme celui des asso- ciations de parents dont les enfants vont encore à l'école ? Les uns et les autres y verseront-ils un peu de sang neuf ? Je reconnais qu'une énergie et une ambition nouvelles font leur apparition dans les déclarations de certains adversaires ou de certains défenseurs de l'école libre. « Appeler tous les respon- sables de la vie locale, régionale et nationale » à rebâtir l'école, c'est ce que je lis dans une déclaration officielle du président de la très majoritaire associa- tion des parents d'élève de l'enseignement catholi- que Pierre Daniel. Une ambition comparable ins- pire les revendications de l'un des syndicats de l'enseignement privé, le S.P.E.P.-C.F.D.T. alors que, à l'inverse de l'U.N.A.P.E.L., il milite pour la

1. Cf., annexe 3, page 164, supplément à La Nouvelle Famille éducatrice, mai-juillet 1982 : Pierre Daniel, « L'avenir de nos écoles — rien n'est encore joué ».

2. Cf., annexe 4, page 171, la circulaire aux parents d'élève, mars 1982, du Syndicat parisien de l'enseignement privé- C.F.D.T.

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nationalisation de l'enseignement privé : « Nous disons transformation du système éducatif... il ne s'agit pas... de souhaiter la nationalisation pour elle- même ; nous l'envisageons comme une condition nécessaire pour mettre en place un service public d'éducation rénové. » Il est certes significatif de l'évolution de l'enseignement catholique qu'une importante proportion — entre 25 % et 35 %, selon les années — de ses professeurs se prononce aussi clairement pour la nationalisation, mais il n'est sur- tout pas banal de réclamer cette nationalisation tout en proclamant qu'il serait « inconcevable d'imposer un seul type, une seule manière d'être et de penser » ! Comment peut-on écrire de telles choses ? Comment peut-on, sans doutes ni scrupules, s'enfermer dans de telles contradictions ? Comment peut-on admettre le principe du monopole de l'État ? Non seulement l'admettre, mais l'appeler de ses voeux ! Il ne s'agit tout de même plus d'arracher la jeunesse à la tutelle de l'Église ni d'imposer la République à une majorité royaliste.

— Ce n'est peut-être pas cohérent, mais j'observe que la position de ce syndicat est très précisément celle de M. Savary.

— Comment voudriez-vous qu'il en fût autre- ment ? Ministre de l'Éducation nationale et qui plus est socialiste, M. Savary ne va tout de même pas mili- ter pour la dénationalisation de l'enseignement public ! Ce serait d'ailleurs dangereux, car notre société n'est pas du tout préparée à assumer ses res- ponsabilités. Là est le vrai problème, l'objet même de notre entretien : depuis un siècle, nous déléguons le soin d'éduquer nos enfants à l'État, nous n'avons plus les moyens de faire autrement, nous ne conce- vons même plus de faire autrement. C'est l'impasse...

Impasse d'une institution publique démesurément

étendue, compliquée, rigide, ingouvernable. Impasse

d'une pratique scolaire quotidienne, enracinée dans

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des habitudes antipédagogiques antidémocratiques.

Impasse d'un statut de la profession enseignante, inconciliable avec l'exercice de la pédagogie.

Impasse d'un état d'esprit altéré par le manque de considération, déformé par les contraintes bureau- cratiques, perverti par la pression syndicale. Impasse d'une école d'initiative privée, pour l'essentiel catho- lique, structurée, centralisée, alignée sur le modèle public. Impasse d'une société dont les cadres, anes- thésiés par cent ans d'école publique, ne s'intéressent à l'éducation nationale que pour les diplômes qu'ils en obtiennent. Alors que l'homme est à la fois la plus élémentaire, la mieux partagée, la plus riche de nos ressources naturelles — en ce qui concerne chacun de nous, elle est dans tous les cas la plus précieuse

—, n'est-il pas paradoxal et inconsidéré d'en aban- donner l'exploitation aux mécanismes d'un appareil monstrueux ? à la logique d'une institution imperson- nelle ? Alors que l'éducation est la pierre angulaire de toute vie — la vie privée de tous, la vie publique de quelques-uns —, alors qu'elle répond aux besoins élémentaires et supérieurs de tous les âges, de toutes les professions, de toutes les classes sociales, l'abs- tention des hommes encore libres d'agir et de penser

— leur refus d'investir dans l'enseignement — est particulièrement grave. Alors qu'une bonne éduca- tion sera nécessaire à nos enfants pour mieux tenir à distance les nouvelles formes d'arbitraire et de mise sous tutelle qu'engendrent les progrès des sciences et des techniques, le développement des institutions ou la prolifération des idéologies, il n'est pas sérieux de se battre pour une unité qui n'existe que trop ou une liberté qui n'existe plus. Tel qu'il est posé, le pro- blème de l'école libre conduit à un faux débat. Le vrai problème est un problème de conception, d'organisation et de pratique pédagogique qui remet en cause, outre le monopole de l'État, le principe même d'un service public d'éducation nationale.

C'est dire que la société — le pays et tous ceux qui y

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exercent un quelconque pouvoir — doit accepter d'investir et de se mobiliser pour donner à ses enfants les hommes qu'il leur faut, les hommes qu'ils méritent. Des hommes et de bons livres, cela suffit bien.

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L'ÉCOLE LIBRE OU L'ART DE LA CAPTIVITÉ

— Pour l'instant, l'enseignement privé est libre:

les propositions Savary n'ont pas encore force de loi.

Pourquoi donc avez-vous l'air de dire, en parlant de ce qui existe, que l'école privée n'est pas libre et que nous assistons à un faux débat ?

— Tout simplement parce que l'école privée n'exerce pas sa liberté. Il m'arrive même de douter qu'elle en ait l'ambition.

— « Savoir ce que nous voulons, le dire et le vivre... », c'est tout de même l'un des thèmes majeurs de l'école libre, que rappelle Pierre Daniel dans la déclaration que vous citiez tout à l'heure.

— L'intention est claire, mais la suite du texte la rend plutôt confuse Dans tous les cas, elle ne m'affranchit pas des doutes que m'ont toujours ins- pirés les projets de l'enseignement libre, et en parti- culier ceux de l'enseignement catholique. En bref, je doute que l'école libre sache suffisamment ce qu'elle veut pour le dire clairement et — ce qui est encore plus difficile — le vivre et le faire vivre.

1. « L'avenir de nos écoles... », cf., annexe 3.

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— Je vous trouve bien sévère : « Garder la respon- sabilité de l'éducation de nos enfants, pouvoir la délé- guer à l'école que nous aurons choisie... » marque une volonté claire, et tout aussi clairement exprimée!

— Admettez qu'un prévenu, de vos amis, ait le choix entre la prison de la Santé et celle de Fleury- Mérogis..., lui diriez-vous qu'il est libre ?

— Qu'il est libre de choisir, oui. Qu'il est libre tout court, bien sûr que non! Mais l'image que vous employez fausse le raisonnement.

— Cette image ne fausse rien du tout. Elle ne fait que souligner une confusion courante et que vous avez, vous-même, clairement faite : il ne faut pas confondre la liberté de l'école avec la liberté de choix des familles. Que fait l'école libre de sa liberté ? Qu'en faisait-elle, hier ? Qu'en fera-t-elle, demain ? C'est tout le problème... Ne pas le poser en ces termes reviendrait à vider le débat qui s'ouvre d'une partie de son contenu et, à la limite, à le priver de tout intérêt.

— Si l'école privée ne profitait pas de sa liberté pour enseigner différemment, sinon mieux, que l'école publique, il est certain que la liberté de l'enseignement serait fictive.

— La plupart des bonnes écoles privées — et, lorsque je dis bonnes, cela veut dire qu'elles jouis- sent d'une certaine confiance — la plupart des bonnes écoles privées sont conventionnées. Le sec- teur sous contrat est aujourd'hui nettement majori- taire. On dit qu'il représente 93 % au moins des effectifs scolarisés dans des établissements d'ensei- gnement privés Le secteur hors contrat — boîtes à bac et petits cours — ne reste vivace qu'à Paris : 50 %

1. Cf., annexe 5, page 173, les dernières statistiques relatives

à l'enseignement privé (Quotidien de Paris, 21-12-1982).

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Tel qu'il est mené, le débat sur l'école libre n'est pas sérieux;

la liberté des écoles privées ou le dualisme du système scolaire n'existent pas. Les rouages sont identiques et funestes pour nos enfants.

Le problème n'est pas d'ordre politique mais pédagogique.

Il existe parce que l'école de la République nous tient lieu de bonne conscience depuis cent ans. Avec intelligence et luci- dité, Patrice Galitzine remet en cause le monopole de l'Etat sur l'éducation de nos enfants et peut-être même le principe d'un service public d'enseignement. Comment ne pas s'inté- resser avec lui aux fondations même de notre société ?

Patrice Galitzine a 44 ans.

Il a fait ses études à l'école communale, au lycée et à la Sorbonne. Il a été succes- sivement surveillant d'ex- ternat, surveillant général puis professeur d'histoire et de géographie dans l'en- seignement public avant de passer dans l'enseigne- ment privé où il a été chef d'établissement pendant quatre ans.

Dessin aquarelle de couverture : Victor Spahn.

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