Résumé :Les gros adénomes de la prostate sont une entité anatomo-clinique rare. Leur fréquence diminue au fur et à mesure que le poids de l’adénome augmente et devient exceptionnelle à partir d’un poids excédant 500g . les cas d’adénome géant ont été rapportés 12 fois dans la littérature . Deux facteurs paraissent être en rapport avec cette augmentation, notamment l’âge avancé et les troubles endocriniens . Les auteurs présentent 5 cas de gros adé- nome de la prostate avec revue de la littérature en ce qui concerne la physiopathologie et la relation entre les symp- tômes urinaires et le volume de la prostate
Mots-clés :gros adénome de la prostate adénome géant de la prostate.
(A propos de 5 cas) (About 5 cases)
A. BENCHEKROUN, M. ALAMI, M. GHADOUANE , Z. BELAHNECH M. MARZOUK, M. FAIK.
Abstract :The incidence of the larger prostatic adenoma is rare and it decreases as long as the weigth of the adeno- ma increases . It becames exeptional once the weight exeeds 500g .12 cases of giant adenoma has been reported in the literature . Two factors appear in accordance with this increase , especially advanced age and the endocrinous troubles . The authors present 5 cases of the larger prostatic adenoma with review of the literature concerning the physiopathology and the relationship between the urinary symptoms and the prostatic volume.
Key-words : larger prostatic adenoma giant prostatic adenoma
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Très à part :Pr. A. Benchekroun : clinique urologique A, Hopital Avicenne, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc .
INTRODUCTION
Dans la plupart des études menées dans la littérature, il n’a été montré aucune corrélation entre la symptomatolo- gie urinaire et l'augmentation du volume prostatique, par contre, il existe une forte relation entre l'augmentation du volume de la prostate et l'âge. Il paraît que les désordres hormonaux sont les facteurs influençant, sous réserve de plusieurs controverses. Nous rapportons cinq cas de gros adénomes (poids entre 200 et 540 g) colligés dans notre service et nous reconsidérons les données de la littérature concernant la physiopathologie à la lumière de ces obser- vations.
MATERIEL D’ETUDE
Observation n°1
K.M. âgé de 70 ans ayant pour antécédents une hernie inguino-scrotale opérée il y a 10 ans présentant depuis un an une dysurie, pollakiurie, et brûlures mictionnelles, est admis aux urgences le 15/1/96 pour rétention aigue des urines. Au toucher rectal on retrouve une hypertrophie d'allure bénigne de la prostate d’environ 100g. Le bilan biologique montre une insuffisance rénale de 23,2mg/l de créatinine et 0,5 g/l d’urée qui, après deux jours s'est amé- liorée sous simple drainage des urines. L'examen cytobac- tériologique des urines découvre un klebsiella multi-sen- sible. L'échographie transvésicale montre une prostate d’un volume de 140 g tandis que le haut appareil est nor- mal. Le patient est opéré par voie sus-pubienne : il s'agit d'un adénome de 200 g dont l'examen histologique évoque un adénomyome prostatique sans signes de malignité.
L'évolution est favorable.
Observation n°2
M.M. âgé de 71 ans sans antécédents pathologiques présente depuis 6 mois une dysurie pollakiurie impériosi- té et brûlures mictionnelles est admis aux urgences le 6/4/96 pour rétention aiguë d'urine. Le toucher rectal découvre une importante hypertrophie de la prostate esti- mée à 200g. Le bilan biologique est normal. L'examen cytobactériologique découvre un klebsiella sensible.
L'abdomen sans préparation montre des calcifications prostatiques. L'échographie transvésicale montre une énorme prostate de 300 g (fig1) avec une vessie de lutte à parois épaissies, et adénome faisant saillie dans la lumière vésicale . Le haut appareil est normal à l’échographie rénale. Opéré par taille vésicale, on découvre une prostate de 375 g dont l'examen histologique révèle un adénomyo- me sur adénocarcinome bien différencié de stade T1. Les suites immédiates sont simples.
Observation n°3
D.S. âgé de 62 ans sans antécédents pathologiques pré- sentant depuis 4 ans une dysurie pollakiurie, hématurie et miction par regorgement est admis aux urgences le 4/5/97 pour rétention aiguë des urines. L'examen montre une masse hypogastrique confirmée par le toucher rectal de siége pelvien mobile, ferme et difficile à délimiter sem- blant étre en rapport avec une prostate d'allure bénigne. Le bilan biologique et normal, et l'échographie montre une énorme prostate avec une vessie à paroi épaissie et une légère dilatation pyélocalicielle. L'urographie intraveineu- se montre une énorme empreinte prostatique et une hypo- tonie urétérocalicielle. Le scanner montre une énorme masse pelvienne en rapport avec la prostate contenant de larges plages de nécrose (fig 2). Le patient est opéré par voix sus-pubienne pour ablation d'un adénome de 540g
Fig. 1
Echographie transvésicale : hypertrophie de la prostate mesurant 300 cc
Fig. 2
Coupe TDM pelvienne : importante masse en rapport avec la prostate, contenant des plages de nécrose .
(fig 3) dont l'examen anatomopathologique montre un adénomyome largement nécrosé avec prostatite suppurée, les suites sont simples.
Observation n°4
B.R. âgé de 70 ans présentant depuis 5 mois des signes de prostatisme est admis aux urgences le 17/8/97 pour rétention aigue des urines. L'examen retrouve au toucher rectal une hypertrophie de la prostate évaluée à 200 g d'al- lure bénigne avec dilatation pyélocalicielle bilatérale modérée. La fonction rénale est altérée avec un taux de créatinine à 37 mg/l et un taux d’urée à 0,54 g/l, un drai- nage vésical a amélioré la fonction rénale. Le patient est opéré par voie sus-pubienne : il s'agit d'une prostate de 300 g . L'histologie a montré un adénomyome prostatique sans signe de malignité. Les suites sont favorables.
Observation n°5
L.M. âgé de 78 ans présentant une dysurie, une polla- kiurie, et une hématurie évoluant depuis 6 mois, est admis le 2/7/98 dans un tableau de rétention aiguë d'urine. Le toucher rectal trouve une prostate supérieure à 200 g, impossible à délimiter. La fonction rénale est normale.
L'examen cytobactériologique des urines révèle un protéus sensible. L'échographie transvésicale et rénale découvre une prostate de 200 g avec une légère dilatation pyélocalicielle.
L'urographie intraveineuse montre une énorme empreinte prostatique avec des uretères en hameçon sans retentisse- ment sur le haut appareil (fig 4). L'adénomectomie faite
par voie sus-pubienne, montre un adénomyome de 325 g.
Les suites sont favorables.
DISCUSSION
La prévalence de l'hypertrophie bénigne de la prostate est de 50% chez l’homme âgé entre 51 et 60 ans. Celle-ci augmente à 85% pour le patient dont l'âge dépasse 70 ans.
Dans les pays développés , notamment aux USA la chirur- gie à ciel ouvert est utilisée dans moins de 10% des cas (1) alors qu'elle représente 30% des cas dans notre activité.
L'histoire naturelle du développement de la prostate montre : qu’il existe une relation linéaire entre l’augmen- tation du volume de la prostate et l’âge, que les gros adé- nomes surviennent à un âge avancé, mais ceux dont le poids dépasse 100 g sont rares et ne représentent que 4%
chez les patients âgés de plus de 70 ans (2). Dans notre contexte ils représentent près de 10% tout âge confondu.
Kawamura(3) a rapporté un cas d'adénome de prostate de 270 g avec revue de 22 patients dont le poids de celle-ci excédait 200 g. Fishman(4) a rapporté 11 cas d'adénome géant de la prostate supérieur à 500 g, alors que Medinea exposé en septembre 97 un cas historique d'adénome de la prostate de 2410 g (5) (voir tableau ).
Concernant la corrélation entre le volume de la prostate, la symptomatologie urinaire et les données de la débimé- trie, la majorité des auteurs suggèrent que celle-ci est peu ou pas significative (2). Cependant ceci n’est peut être pas valable pour les gros adénomes. Nos patients et ceux rap- Fig. 3
Pièce opératoire : adénome de prostate pesant 540 g .
Fig. 4
Cliché d’urographie intraveineuse : énorme empreinte prostatique avec des uretères en hameçon .
portés par Fishmanse sont tous présentés avec de sévères antécédents de prostatisme et des épisodes de rétention aigue d’urine . De même Barryet al (6) rapportent l’exis- tence d’une relation entre le volume de la prostate et les symptômes clinique.
Sur le plan physiologique, il est communément admis que le développement de la prostate dépend des sécrétions testiculaires, et leur suppression provoque la régression de l'adénome de la prostate (1). En effet, en réponse à la tes- tostérone le volume de la prostate double en 3 ans en phase pubertaire, mais la phase optimale de l'augmentation de son volume est située entre 55 et 70 ans alors qu'elle est limitée après 70 ans (7).
Avec l'âge le volume de la prostate augmente, tandis que la testostérone libre diminue. La dihydrotestostérone (DHT) paraît ne pas augmenter avec l'âge, Ceci pourrait nous conduire à penser que la progression de l'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) n'est pas influencée par les androgènes ; d'autres auteurs rapportent une augmentation de la DHT avec l'âge . Chez les patients à gros adénomes de la prostate, il a été constaté une augmentation de la testosté-
rone libre et des oestrogènes. Cependant on ne sait pas si cette élevation hormonale est la cause ou la conséquence de l'HBP.
(8). L'action synergique androgène-œstrogène serait peut être un facteur de la persistance de la stimulation de l'HBP.
La prostate normale contient 45 à 60% de stroma, 30 à 34% d'acinis et 10 à 20 % d'épithélium. L'hyperplasie nodulaire en apparence et classée en 5 formes : nodule stromal, nodule fibromusculaire, nodule musculaire, nodule fibroadé- nomateux, nodule fibromyoadénomateux et c'est le 5ème type formé de tissus fibreux, épithélial et glandulaire qui est le plus important dans l'augmentation du volume de la pros- tate (9). Mac Neal (10) pense qu'il y a 3 stades d'évolution au cours de l'HBP. Le 1er et le 2ème stade se voient chez l'homme de moins de 70 ans avec accumulation des nodules essentiellement au dépens de la zone transitionnelle, le 3ème stade se voit chez les hommes âgés de plus de 70 ans avec augmentation du volume de la prostate par le biais de la prolifération glandulaire des nodules préexis- tants. Cette 3ème phase survient chez un petit groupe de patients et elle est responsable d'une augmentation de la prostate de plus de 100 g. De même, Gover affirme que ces volumineuses prostates surviennent au dépens du tis- sus glandulaire (7). Enfin, l’obésité serait aussi un autre facteur responsable de la croissance du volume de la pros- tate, mais l’incidence de l’adénome de la prostate et du prostatisme est inférieure chez les sujets obèses par rap- port à une population témoin (11). Glynnet al (12) expli- quent ceci, par le taux élevé des œstrogènes chez les sujets obèses avec action au niveau du stroma et par conséquent l'augmentation de la composante stromale par rapport à la composante glandulaire.
CONCLUSION
La fréquence des gros adénomes de la prostate est rare, leur survenue se voit essentiellement chez les sujets âgés.
Leur développement est probablement dû à une action hormonale synergique androgènes-oestrogènes.
Auteurs Age P (g) Voie. d’abord
Ockerblad 86 820 Sus-pubienne
Nelson 89 720 Sus-pubienne
Gilbert 71 713 Sus-pubienne
Wadstein 80 705 Sus-pubienne
Lantzins-Beninger 80 705 Sus-pubienne Ashamalla et Ahmed 79 695 Sus-pubienne Thomson – Walker 76 680 Sus-pubienne
Bacon 80 602 Rétropubienne
Middleton 72 557 Sus-pubienne
Kitagawa et al 68 535 Combinée
Fishman et Merril 86 526 Rétropubienne Medina Sep 1997 57 2410 Sus-pubienne Benchekroun 1998 62 540 Sus-pubienne
Tableau
Cas rapportés d’adénomes géant supérieure à 500 grammes
1- SJ. Berry, DS. Coffey, PC. Walsh, LL. Ewing : The development of human benign prostatic hyperplasia with age. J. Urol. 132 : 474-479, 1984.
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