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Point sur les GMSI : interprétation des examens complémentaires et complications cliniques

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Academic year: 2022

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doi:10.1684/abc.2019.1440

Pour citer cet article : Carrère F, Plasse F, Pasini S, Vignon G, Mottaz P, Bonnin A, Augereau PF, Aucher P, Lellouche F. Point sur les GMSI : interprétation des examens

Point sur les GMSI : interprétation des examens complémentaires et complications cliniques

Monoclonal gammopathy of undetermined significance (MGUS):

interpretative shades of analysis and sometimes serious clinical consequences

Franc¸ois Carrère1 Florent Plasse2 Sophie Pasini1 Guillaume Vignon1 Philippe Mottaz3 Anthony Bonnin3

Pierre-Frédéric Augereau1 Philippe Aucher1

Franck Lellouche1,3

1Groupement de coopération sanitaire de Saintonge, Laboratoire

inter-hospitalier de biologie médicale, Centres hospitaliers de Saint-Jean d’Angély, Saintes, Jonzac et Royan, Saint-Jean d’Angély, France

2Service de néphrologie, Centre hospitalier de Saintonge, Saintes, France

3Service de médecine interne, Centre hospitalier de Royan, Vaux-sur-mer, France

Article rec¸u le 02 février 2019, accept ´e le 18 mars 2019

Résumé. Le bilan étiologique d’une gammapathie monoclonale est actuelle- ment standardisé, les algorithmes décisionnels permettant une classification suffisamment précise pour pouvoir envisager la prise en charge, attentiste ou thérapeutique. Le but de cette mise au point est de rappeler quelques difficultés concernant l’interprétation de certaines investigations biologiques et de pointer du doigt les complications potentielles des gammapathies monoclonales quali- fiées à tort de « bénignes ». La coopération entre cliniciens et biologistes est dans tous les cas essentielle, permettant de proposer au cas par cas les explorations les mieux adaptées.

Mots clés : gammapathie monoclonale de signification indéterminée, syn- drome POEMS, électrophorèse des protéines, gammapathie monoclonale de signification clinique, gammapathie monoclonale de signification rénale

Abstract. The etiological assessment of a monoclonal gammopathy is cur- rently standardized, the decisional algorithms allowing a sufficiently precise classification to consider the care, wait or therapeutic. The purpose of this review is to recall the difficulties concerning the interpretation of certain biolo- gical investigations and to point out the potential complications of monoclonal gammopathies labeled as “benign”. The cooperation between clinicians and biologists is in all cases essential, allowing to propose on a case-by-case basis the best adapted explorations.

Key words: monoclonal gammopathy of undetermined significance, POEMS syndrome, electrophoresis of proteins, monoclonal gammopathy of clinical significance, monoclonal gammopathy of renal significance

La prévalence des gammapathies monoclonales de signifi- cation indéterminée (GMSI) est élevée, passant de moins de 0,3 % de la population générale avant l’âge de 50 ans, à plus de 3 % après 50 ans, 5 % après 70 ans, et pouvant aller jusqu’à 10 % après l’âge de 80 ans. Leur décou- verte est donc fréquente dans nos laboratoires, d’autant plus que le patient est âgé. La classification actuelle des pathologies potentiellement associées à une immunoglo- buline monoclonale est bien répertoriée (figures 1 et 2), la GMSI étant définie de fac¸on « classique » par la

présence d’un pic monoclonal (sérique et/ou urinaire), d’une plasmocytose médullaire clonale < 10 % et par l’absence d’argument clinico-biologico-iconographique en faveur d’un myélome multiple (MM) ou d’une pathologie maligne lympho-plasmocytaire [1-3]. La découverte d’une gammapathie monoclonale peut résulter d’une exploration ciblée effectuée devant les symptômes évocateurs d’un MM, d’une macroglobulinémie de Waldenström (MW) ou d’une amylose AL mais, dans plus des 80 % des cas, la découverte est fortuite, effectuée par un médecin non hématologiste [4]. Environ 80 % des MM sont précédés par une GMSI non IgM (non IgM-GMSI), 20 % par une GMSI à chaînes légères (LC-GMSI) et quasiment 100 % des MW sont précédées par une GMSI IgM, le risque

Correspondance :F. Lellouche

<franck.lellouche@ch-royan.fr>

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Myélome

CRITERES DIAGNOSTIQUES DES IMMUNOGLOBULINES MONOCLONALES

Myélome indolent -Plasmocytose médullaire ≥ 10 % ou plasmocytome clonal extra médullaire prouvé Et

-Présence de critères CRAB/MDE

-Pic < 30 g/L Et

-Plasmocytose médullaire < 10 % Et

-Absence de critères CRAB ou d’amylose IgG, IgA, IgD, IgE,

chaînes légères IgM

-Pic IgG ou IgA≥ 30 g/L ou BJ urinaire

≥ 0,5 g/24h -Plasmocytose médullaire 10-60 % -Absence de critères CRAB/MDE et d’amylose

GMSI Ig G, A, D, E

GMSI chaînes légères

-Ratio CLLC < 0,26 ou

>1,65 avec majoration de la CL correspondante Et

-BJ < 0,5 g/24h Et

-Pas chaîne lourde sur IFIXs

Et

Plasmocytose médullaire

< 10 % Et

-Absence de critères CRAB et d’amylose

GMSI IgM

-Pic IgM < 30 g/L Et

-Infiltrat lympho- plasmocytaire médullaire

< 10 % Et

-Absence d’anémie/signes généraux /hyperviscosité/ adénopathies / hépato- splénomégalie pouvant s’intégrer dans un SLPC

Pic IgG asymptomatique < 15 g/L avec ratio CLLC normal Pic asymptomatique de chaînes légères avec ratio CLLC < 8

Pic IgM asymptomatique < 15 g/L avec hémogramme normal : pas de myélogramme ni BOM

Pic IgM asymptomatique quel que soit le taux taux : pas d'investigation radiologique en dehors de la présence de signes cliniques

-Pic IgM ≥ 30 g/L Et/ou

-Infiltrat lympho-plasmocytaire B médullaire

≥10%

Et

-Absence d’anémie/signes généraux /hyperviscosité/ adénopathies / hépato- splénomégalie pouvant s’intégrer dans un SLPC

MW indolente MW

-Pic IgM sans valeur seuil Et

-Infiltrat lympho-plasmocytaire B médullaire ≥10 % (en excluant LLC et LCM)

Et

-Présence d’anémie/signes généraux /hyperviscosité/ adénopathies / hépato- splénomégalie pouvant s’intégrer dans un SLPC

Conditions où investigations médullaires et radiologiques ne sont pas indiquées d’emblée Et/ou

Et

Figure 1.Critères diagnostiques devant une gammapathie monoclonale [1, 5, 7]. CRAB : calcémie>2,75 mmol/L, créatininémie>177

M/L ou clairance<40 mL/min, hémoglobine<10 g/L, une ou plusieurs lésions lytiques sur les radiographies standards, le scanner ou le PET scanner ; MDE : plasmocytes médullaires60 %, ratio de CLLC100,>1 lésion focale sur l’IRM ; BJ : protéinurie de Bence Jones ; BOM : biopsie ostéo-médullaire ; CLCC : chaînes légères libres circulantes ; IFIXs : immunofixation sérique ; SLPC : syndrome lymphoprolifératif chronique ; MW : macroglobulinémie de Waldenström ; LLC : leucémie lymphoïde chronique ; LCM : lymphome à cellules du manteau.

global de transformation étant estimé à 0,5 %-1,5 % par an [5-7]. Les GMSI forment un groupe hétérogène, de potentiel évolutif variable, dépendant de l’isotype, de la concentration de l’immunoglobuline (Ig) monoclonale, du pourcentage de plasmocytes de phénotype myélomateux et des taux de plasmocytes médullaires, d’immunoglobulines non clonales résiduelles (immunoparésie), et de chaînes légères libres circulantes (CLLC) [8-10]. La présence d’une GMSI étant considérée comme une étape préalable constante dans l’évolution d’un myélome, d’une macro- globulinémie de Waldenström ou d’une amylose AL, cette découverte doit impérativement être suivie d’une démarche active qui pourra conduire, selon les cas, à des explo- rations clinico-biologiques plus ou moins approfondies [1]. Devant une découverte fortuite plusieurs paramètres doivent être évalués d’emblée, le contexte clinique asso- cié, l’isotype de la chaîne lourde ou légère et le taux sérique de l’immunoglobuline clonale. A cet effet, le panel d’examens associant électrophorèse des protides sériques (EPPs), immunofixation sérique (IFIXs) et dosage des CLLC permet de retrouver la protéine monoclonale dans, quasiment, la totalité des cas de MM, de MW ou d’amylose AL, faisant de cette association la combinaison de dépistage

la mieux adaptée, en termes de sensibilité et de simplicité [11]. Trois de ces paramètres ont permis à l’IMWG (Inter- national myeloma working group) de séparer, de fac¸on simple, les non IgM-GMSI à risque de transformation faible (5 % à 20 ans) ne nécessitant qu’une simple surveillance sans investigation médullaire ni imagerie (gammapathies monoclonales IgG < 15 g/L avec CLLC normales), des autres formes qui nécessitent myélogramme (ou biopsie ostéo-médullaire) et investigations radiologiques (radiogra- phies standard, scanner osseux, PET-scanner), le scanner sans injection devant être préféré aux autres investigations en raison de sa plus grande sensibilité [1, 3, 5]. Par ana- logie, une attitude identique sans investigation médullaire est appliquée aux IgM monoclonales <15 g/L quand il n’existe pas d’anomalie de l’hémogramme. De plus, chez ces derniers, en raison de la rareté des atteintes osseuses, les investigations radiographiques ne sont indiquées qu’en cas de symptomatologie clinique [1]. Plus récemment, les concepts de gammapathies monoclonales de signification rénale (MGRS) et de signification clinique (MGCS) ont émergé. Il s’agit de formes non tumorales, souvent quantita- tivement très peu importantes, pouvant être associées à des manifestations systémiques parfois préoccupantes, devant

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Gammapathies monoclonales de signification clinique (MGCS), sans crire en faveur d’un myélome, d’une MW ou d’un syndrome lymphoprolifératif tumoral -GN à cryoglobulines de type I et II (dépôts microtubulaires) -GN immunotactoïdes type GOMMID (IgG-dépôts microtubulaires) -GN type MIDD de type LCDD, HCDD ou LHCDD (dépôts granulaires) -GN type PGNMID (IgG3-dépôts )serialunarg GN à dépôts de C3 (IgG-activation du compment) -SHU atypique (inhibition du facteur H du complément) -Syndrome acquis de Fanconi (chaînes légères kappa- dépôts organisés cristallins) : Tubulopathie proximale

Nerf Cryo de type I Sang

Œil Atteintes systémiquesRein (GN+++)Peau -Amylose AL (chaînes légères-dépôts organisés fibrillaires amyloïdes) Cœur+++, rein++, peau, déficit en facteur X Cryoglobuline de type I (IgG /IgM-dépôts organisés cristallins) : Peau +++, rein, nerf... -Histiocytose cristalline de surcharge(chaînes légères kappa-dépôts organisés cristallins intra macrophagiques) : Rein, œil, articulations, tissus lymphoïdes) -Cryoglobuline de type II : (IgM à activité facteur rhumatoïde-lésions multifocales de type vascularite à immuns complexes) : Peau +++, rein, nerf périphérique... -Syndrome POEMS (IgG ou IgA lambda-sécrétion de VEGF) : Polyneuropathie +++, peau, endocrinopathie, lésions osseuses... - Syndrome de fuite (IgG, IgA- Mécanisme ?) -Syndrome TEMPI (IgG-Mécanisme ?) : Sang++, peau ++...

Kératite cristalline (IgG- dépôts organisés cristallins) -Macroglobulinose (IgM-dépôts amorphes cutanés dermiques) -Angio-oedèmes (auto-Ac anti C1 inhibiteur) -Xanthomatose (IgG-accumulation lipidique macrophagique) -Dermatoses neutrophiliques (IgA sauf syndrome de Sweet -Mécanisme ?) -Mucinose papuleuse (IgG lambda- mécanisme ?) : Atteinte systémique possible cœur, poumon... -Cutis laxa (IgG-Mécanisme ?) -Maladies bulleuses (Acs anti collagène de type VII) -Syndrome de Schnitzler (IgM- dérégulation IL1) : Atteintes systémiques possibles : muscle, fvre, arthralgies, hyperleucocytose -Cryoglobulines de type I ou II (cf atteintes systémiques) -Syndromemorragique (Auto-anticorps anti facteur Willebrand/anti facteur VIII, amylose et déficit en facteur X par adsorption) -MAI (IgM auto Ac anti Ii) -Polyneuropathie à IgM (auto-Acs anti MAG) -Polyneuropathie à IgM (auto Acs anti GM1 incluant le type CANOMAD) -Polyneuropathie à IgG/A type syndrome POEMS (polyneuropathie au 1er plan ; atteinte systémique fréquente)

Pathologies (isotypes impliqs-mécanisme) : Organes atteints Figure2.LesdifférentesexpressionsdesMGCS[1,10,35,36,38,40].MW:macroglobulinémiedeWaldenström;Ig:immunoglobuline;Ac:anticorps;GN:glomérulopathie MAI:maladiedesagglutininesfroides;POEMS:polyneuropathie-organomégalie-gammapathiemonoclonale-signescutanés;TEMPI:télangiectasies-érythrocytose-gammapathie monoclonale-oedèmepérirénal-shuntsintrapulmonaires;MIDD:maladiesàdépôtsd’immunoglobulinesmonoclonales(syndromedeRandall);LCDD:maladieàdépôts chaîneslégères;HCDD:maladieàdépôtsdechaîneslourdes;LHCDD:maladieàdépôtsdechaîneslourdesetlégères;PGNMID:glomérulopathieproliférativeàdépôts d’immunoglobulinemonoclonale;GOMMID:glomérulopathieavecdépôtsorganisésmicrotubulairesd’IgmonoclonaleIL1:interleukine1;antiMAG:anticorpsantiglycoprotéines associésàlamyéline;antiGM1:anticorpsantigangliosideGM1;CANOMAD:neuropathieataxiantechronique-ophtalmoplégie-picmonoclonalIgM-agglutininesfroides.

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Découverte d’une gammapathie monoclonale

Présence de critères en faveur de myélome, myélome indolent, MW, MW indolente ou syndrome lymphoprolifératif B tumoral cf figure 1

Protéinurie > 0,2 g/L avec > 30 % d’albumine Contexte clinique évocateur d’une pathologie systémique particulière (polyneuropathie,

signes cutanés, insuffisance cardiaque à coronaires saines ... cf figure 2

Prise en charge selon référentiels et/ou concertation pluridisciplinaire avec avis d’experts

Confirmation du diagnostic suspecté par explorations biologiques et radiologiques ad hocc

Avis néphrologique* : PBR avec étude en microscopie électronique et IF

MGCS Informatif

Non informatif

GMSI à surveiller

Oui Non

Oui Non

Oui Non

Figure 3. Proposition d’algorithme décisionnel devant une gammapathie monoclonale. MW : macroglobulinémie de Waldenström ; GMSI : gammapathie monoclonale de signification indéterminée ; MGCS : gammapathie monoclonale de signification clinique ; PBR : ponction biopsie rénale ; IF : immunofluorescence. *En raison de la grande fréquence des protéinuries glomérulaires chez les patients diabétiques et/ou hypertendus la décision de la PBR peut être différée par le néphrologue.

être recherchées de fac¸on minutieuse et systématique avant de classer trop rapidement l’anomalie biologique en GMSI.

Ainsi, les MGCS tendent à constituer une entité à part entière, le terme de GMSI restant un diagnostic d’exclusion, réservé aux formes totalement asymptomatiques non tumo- rales et/ou sans retentissement systémique [12].

Le but de cet article est, après avoir rappelé les principaux écueils techniques rencontrés lors du diagnostic biologique d’une gammapathie monoclonale, de détailler les caracté- ristiques des formes non tumorales de traduction clinique devant être prises en charge de fac¸on parfois active et urgente. Un algorithme décisionnel est proposé à cet effet (figure 3).

Ecueils techniques

Dans une étude sur près de 1 900 patients il a été montré que, pour la mise en évidence d’une GMSI, l’association EPPs + IFIXs + immunofixation urinaire (IFIXu) a une sen- sibilité de 97 %, identique à celle de l’association EPPs +

IFIXs + CLLC. La sensibilité n’est par contre que de 94 % pour l’association EPPs + CLLC, de 79 % pour l’EPPs seule et de 74 % pour les CLLC seules [13]. Comme indi- qué en introduction il est recommandé d’utiliser comme panel initial l’association EPPs + IFIXs + CLLC, qui per- met de s’affranchir des difficultés de recueil des urines des 24 heures chez les patients ambulatoires et de pouvoir classer la GMSI selon les facteurs pronostiques propo- sés par l’IMWG. Le dosage des CLLC étant, en France, actuellement non remboursé par la sécurité sociale (80D environ pour les 2 chaînes), se pose toutefois la question de la pertinence de cette prescription chez les sujets très âgés asymptomatiques. Selon l’IMWG et en pratique cou- rante, l’électrophorèse des protides urinaires (EPPu) avec ou sans IFIXu est recommandée secondairement, quand un pic monoclonal est présent sur l’EPPs, le dosage des CLLC ne permettant pas de s’en affranchir systématique- ment. Pour les patients avec pic monoclonal IgM l’étude des urines ne doit pas être systématique et limitée aux formes avec insuffisance rénale faisant suspecter une amylose ou une maladie à dépôts [1, 13-17].

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réalisation des tests sériques : EPPs et IFIXs

L’EPPs a pour vocation la détection de la protéine monoclo- nale et sa quantification. Après dépistage l’immunofixation est la technique de référence permettant d’identifier le composant clonal en caractérisant les isotypes des chaînes lourdes et légères.Dans les laboratoires de rou- tine, deux techniques d’EPPs sont utilisées actuellement, l’électrophorèse en gel d’agarose et l’électrophorèse capil- laire, technique plus récente qui tend à supplanter la première car plus facilement automatisable. Les per- formances des deux techniques dans la détection des pics monoclonaux sont globalement proches, la méthode capillaire présentant une sensibilité et une spécificité res- pectivement de 97,2 % et 93,7 %, contre respectivement 93,5 % et 98,9 %, pour la méthode en gel [18]. Ces tech- niques sont cependant susceptibles d’être mises en défaut chez les patients présentant un pic monoclonal quantitative- ment faible, ce qui représente un grand nombre cas puisque, lors de leur découverte, 70 % de ces gammapathies sont inférieures à 10 g/L et 35 % inférieures à 5 g/L. Le dépistage de ce type d’anomalie par électrophorèse capillaire semble moins sensible et moins spécifique, avec de nombreuses interférences possibles rendant délicate l’interprétation des tracés (CRP, fibrinogène. . .) [15, 19-22]. La concentration de l’immunoglobuline monoclonale doit être appréciée en intégrant l’aire sous la courbe du pic électrophorétique.

Cette quantification initiale n’a pas d’intérêt pronostique mais est nécessaire pour suivre l’évolution du pic dans le temps et pour évaluer la réponse si un traitement est entrepris. L’Intergroupe francophone du myélome (IFM) a mis en évidence une hétérogénéité nette dans les résul- tats d’EPPs inter-laboratoires [15]. Les experts expliquent cette variabilité par l’absence de recommandations précises concernant l’intégration des pics. Il existe deux méthodes de quantification du composant monoclonal, le mode ortho- gonal (quantification par mesure de l’aire sous la courbe depuis le sommet jusqu’à la ligne de base) et le mode tan- gentiel (quantification uniquement au sommet du pic). Il n’a pas été mis en évidence de supériorité d’une méthode par rapport à l’autre, mais, bien que le mode tangentiel semble plus approprié pour les pics de faible intensité (car épargnant la « contamination » par un fond polyclonal persistant), le mode orthogonal, le plus utilisé, doit être privilégié. Certains auteurs proposent de réaliser un rap- port mode tangentiel/mode orthogonal [23]. Selon l’IFM, si sur un même tracé, deux pics (ou plus) de même iso- type de chaînes lourdes et légères sont présents, ils doivent être additionnés car très probablement issus d’un même clone plasmocytaire. Dans le cas des gammapathies à chaînes légères libres, le pic sérique, souvent modeste, est difficile à quantifier sur le tracé, voire invisible s’il

males. Dans ce cas, la quantification par EPPs est toutefois moins importante puisque, en cas de mise en route d’un traitement, l’évolution sera appréciée par les dosages de CLLC [1, 15, 23]. Si l’Ig monoclonale co-migre en élec- trophorèse avec des protéines normales, ce qui est fréquent avec les IgA migrant en position bêta, une estimation den- sitométrique fiable devient difficile. Dans ce cas le test Hevylite TM® (Société Binding-Site), qui reconnait spé- cifiquement la chaîne lourde liée à la chaîne légère et qui est exprimé sous forme d’un rapport, pourrait per- mettre une estimation plus fiable de l’Ig monoclonale.

Avec cet examen il est en théorie possible de distinguer l’Ig « impliquée » (produite par le clone plasmocytaire myélomateux) des Ig « non impliquées » qui possèdent le même isotype de chaîne lourde mais avec un isotype de chaîne légère différent [24]. Les dosages immuno- néphélémétriques ou immuno-turbidimétriques des IgG, A et M, non recommandés pour quantifier le pic car pou- vant générer des surestimations, sont utiles pour évaluer les immunoglobulines résiduelles non clonales et pour ajuster les dilutions de l’échantillon nécessaires à la réalisation de l’IFIXs [25, 26].

L’IFIXs initiale ne teste que les 3 isotypes de chaînes lourdes les plus fréquents ␣, ␥ et ␮, et les 2 isotypes de chaînes légères ␬ et ␭. Quand une chaîne légère monoclonale est mise en évidence isolément, sans chaîne lourde, et avant de conclure à une GMSI à chaînes légères, une IFIXs complémentaire avec les anti-sérums anti-chaînes lourdes␦et␧, doit être effectuée pour élimi- ner les rares gammapathies monoclonales à IgD et IgE.

Si, en l’absence de tout pic monoclonal visible, l’EPPs montre une nette hypogammaglobulinémie (classiquement

<5 g/L), une IFIXs, une IFIXu et un dosage des CLLC peuvent, en fonction du contexte, être proposés pour mettre en évidence une éventuelle GMSI à chaînes légères libres. La présence d’un précipité sur toutes les pistes de l’immunofixation au niveau du dépôt des échantillons nécessite un traitement préalable du sérum par un agent réducteur (B-mercaptoéthanol ou dithiothréitol) [15, 17].

Une alternative à l’IFIXs pour l’identification des isotypes est l’électrophorèse capillaire après immunosoustraction.

Avec cette méthode l’identification des Ig monoclonales est effectuée, après immunosoustraction préalable par précipi- tation sélective des différents isotypes de chaînes lourdes et légères, en réalisant des électrophorèses capillaires sur les différents surnageants obtenus. L’interprétation se fait en comparant les tracés électrophorétiques avant et après immunosoustraction. Cette technique, moins sensible pour les pics de faible importance positionnés en dehors d’une

« vallée » séparant deux fractions, est également moins performante pour la mise en évidence de pics modérés constitués de chaînes légères libres monoclonales [15, 27].

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Dans notre expérience l’EPPs, couplée à l’IFIXs en gel d’agarose, permet le typage immunologique du compo- sant monoclonal dans la quasi-totalité des cas. En cas de présence connue d’une cryoglobuline, il est recom- mandé d’effectuer l’examen après incubation du sérum à 37 C et/ou de renouveler l’examen dans les condi- tions pré-analytiques utilisées pour la recherche d’une cryoglobuline [2, 21-23].

Ecueils et recommandations concernant les dosages urinaires

L’EPPu a pour vocation de caractériser une protéinurie et de détecter dans les urines la présence d’une protéine monoclonale (complète ou chaînes légères libres isolées type Bence-Jones) et sa quantification par intégration du tracé. Dans le cadre des gammapathies monoclonales de signification rénale (MGRS) l’EPPu quantifie égale- ment l’albuminurie, permettant d’évoquer une maladie à dépôts (paragraphe Gammapathies monoclonales de signi- fication clinique). En raison de variations nycthémérales de l’albuminurie et de l’excrétion urinaire des chaînes d’immunoglobulines pouvant aller jusqu’à 40 %-50 %, il est recommandé de recueillir les urines de 24h, ce qui est astrei- gnant mais sensibilise la technique. Quand la protéinurie est nette, la concentration des urines n’est pas recommandée.

La variabilité analytique de l’EPPu est plus importante que celle de l’EPPs en raison d’une quantification variable de la protéinurie selon la méthode utilisée, la technique réflecto- métrique au violet de pyrocathécol amenant des résultats de 10 % supérieurs aux valeurs obtenues par technique colo- rimétrique, elles-mêmes de 10 % supérieures aux valeurs obtenues avec la méthode turbidimétrique. Il existe de plus une possible sous-estimation des chaînes légères libres si le dosage est effectué par technique colorimétrique au rouge de pyrogallol. La méthode réflectométrique au violet de pyrocatéchol, actuellement peu utilisée, sous-estime égale- ment de fac¸on très importante la détection des protéinuries de Bence Jones. Si la protéinurie est évaluée par dosage turbidimétrique utilisant le chlorure de benzéthonium (plus de 50 % des laboratoires en France), de nombreuses interfé- rences comme l’iode, certains antibiotiques ou la lévodopa, peuvent fausser le dosage en le surestimant ou le sous- estimant [16, 28, 29]. Un dépistage de protéinurie négatif à la bandelette ne doit pas faire renoncer à rechercher une protéinurie de Bence-Jones (BJ), les réactifs colorés utilisés étant peu sensibles aux immunoglobulines et aux chaînes légères libres [30]. Dans notre expérience, la tech- nique turbidimétrique au chlorure de benzéthonium donne des résultats satisfaisants avec une limite de sensibilité à 70 mg/L.

L’IFIXu permet de caractériser les isotypes des chaînes lourdes et légères, la détection dans les urines de chaînes

lourdes faisant évoquer une atteinte glomérulaire. La détec- tion, sur l’IFIXu, des chaînes légères libres, étant moins sensible que celle des chaînes légères libres et liées, il est possible, en cas de BJ de faible intensité, de ne visualiser que les chaînes légères totales. De fac¸on non exceptionnelle l’IFIXu met en évidence simultanément l’immunoglobuline monoclonale complète et un clone de chaînes légères libres de même isotype (type Bence-Jones).

Dans ce cas les valeurs des pics doivent être additionnées, permettant d’estimer la composante urinaire monoclonale globale [7, 15].

Ecueils et recommandations concernant les dosages de CLLC

Quand un plasmocyte sécrète une immunoglobuline il pro- duit plus de chaînes légères que de chaînes lourdes, avec 2 fois plus de kappa que de lambda. Ces chaînes légères sont éliminées par filtration glomérulaire rénale, les chaînes kappa, de poids moléculaire plus faible, étant filtrées plus rapidement. Ceci explique des taux sériques de chaînes lambda (5,7-26,3 mg/L) supérieurs aux taux de chaînes kappa (3,3-19,4 mg/L), le rapport ␬/␭ normal se situant entre 0,26 et 1,65. Après filtration les CLL sont réabsorbées puis catabolisées par le tubule rénal. En cas de production anormalement élevée, les CLL en excès dans les tubules peuvent précipiter, amenant une destruction des néphrons avec,in fine, une diminution de la filtration glomérulaire. Le taux des CLL urinaires dépend donc de la synthèse tumorale mais aussi de la fonction rénale [31]. En cas d’insuffisance rénale les chaînes kappa sériques sont plus élevées, le rap- port normal dans ce cas étant situé entre 0,37 et 3,1 [32]. Le dosage des CLLC se faisant par méthode turbidimétrique ou néphélémétrique, les prélèvements hémolysés ou lac- tescents sont proscrits. La spécificité n’est pas de 100 % puisque ce test ne permet pas de différencier les CLL monoclonales des CLL polyclonales observables dans les syndromes inflammatoires, d’où l’intérêt de l’étude du rap- port␬/␭. De plus, en cas de gammapathie biclonale, le test peut donner un résultat de rapport␬/␭faussement normal [33].

Cette évaluation est validée depuis plus de 15 ans dans les pathologies à chaînes légères libres (myélome à CLL, amy- lose AL, maladie des dépôts à CLL) et le myélome hypo sécrétant [34]. Plus récemment cette analyse est requise par l’IMWG pour apprécier le pronostic des GMSI [3, 5, 9].

Gammapathies monoclonales de signification clinique (MGCS)

Le concept de GMSI sous-entend une évolution asymp- tomatique, indolente, pendant de nombreuses années,

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simple surveillance semestrielle puis annuelle afin de ne pas méconnaître une possible évolution en myélome ou en hémopathie lymphoïde lympho-plasmocytaire de tra- duction clinique. Depuis quelques années, certaines GMSI quantitativement faibles, sans évolution tumorale mais associées à une symptomatologie spécifique, sont indi- vidualisées en MGCS dont les conséquences cliniques systémiques sont en rapport avec une toxicité propre de l’immunoglobuline clonale par des mécanismes plus ou moins complexes (figure 2). L’origine la plus fréquente est le dépôt partiel ou complet de l’immunoglobuline sous différentes formes ultra structurales, mais il peut aussi s’agir d’une dérégulation de cytokines comme d’IL1 ou le VEGF, d’une activation du complément, d’une activité auto-anticorps, ou de la formation d’immuns complexes.

Sur une série de 606 GMSI, une équipe a retrouvé une situa- tion de type MGCS chez 25 patients (4 %). Les organes les plus fréquemment touchés sont le rein, la peau et les nerfs périphériques, mais des atteintes oculaires et des syndromes hémorragiques acquis sont également possibles [35]. Quand une biopsie est réalisable, le diagnostic est évo- qué sur des éléments histologiques, immunohistochimiques et ultrastructuraux. Si l’étude anatomo-pathologique n’est pas appropriée en raison de la localisation de la lésion ou du type de l’anomalie (syndrome hémorragique, mécanisme par auto-anticorps. . .) le diagnostic repose sur l’évaluation pluridisciplinaire du dossier avec avis d’experts. Pour l’atteinte rénale, qui est la localisation la plus fréquente cliniquement « non visible », il s’agit le plus souvent d’une glomérulopathie (parfois tubulopathie), avec mise en jeu du pronostic rénal, en dehors de toute masse tumorale importante. De ce fait, tout patient atteint de GMSI présentant une protéinurie supérieure à 0,2 g/L, composée à plus de 30 % d’albumine (a fortiori si présence d’un syndrome néphrotique) doit pouvoir béné- ficier d’un avis néphrologique en vue d’une ponction biopsie rénale avec étude en microscopie électronique et immunofluorescence à la recherche d’une maladie à dépôts. Les myélomes multiples avec insuffisance rénale aiguë, souvent de forte masse tumorale et en rapport avec une tubulopathie à cylindres, sont exclus de cette entité. Lors des MGCS, les lésions tissulaires résultantes potentielles, souvent initialement méconnues, bénéficient d’une prise en charge trop tardive. Ceci est important à souligner puisque, chez les patients atteints de néphropa- thies à dépôts, un traitement précoce avec les molécules actuelles bien tolérées pourrait prévenir l’aggravation rénale [36]. Parmi les MGCS une place particulière doit être faite à l’amylose, dont les localisations cardiaques et rénales sont associées, respectivement, à un pronostic vital et rénal très péjoratifs, justifiant une prise en charge rapide.

monoclonale [37-40]

Le clone B, lymphocytaire ou plasmocytaire, se manifeste ici par une maladie à dépôts, organisés ou non, sans syn- drome tumoral.

Dépôts organisés

L’amylose AL est l’exemple même de maladie à dépôts organisés fibrillaires ciblant préférentiellement le cœur (80 %), le rein (70 %) (glomérulopathie) et la peau [37]. Les glomérulopathies fibrillaires non amyloïdes, à dépôts géné- ralement polyclonaux, ne sont pas incluses dans les MGCS.

Les pathologies à dépôts cristallins sont représentées par certaines cryoglobulinémies de type I (manifestations cuta- nées, glomérulopathies, neurologiques et systémiques), par l’histiocytose cristalline de surcharge (néphropathie tubulo- interstitielle, atteintes cornéenne, articulaire et lymphoïde par accumulation dans les lysosomes macrophagiques), la kératite cristalline, et par l’atteinte rénale tubulaire proximale acquise de Fanconi. Les pathologies à dépôts microtubulaires incluent les cryoglobulinémies de type I et II et les glomérulopathies immunotactoïdes (GOM- MID) (glomerulopathie with organized microtubular Igdeposit).

Dépôts non organisés granulaires ou amorphes

Ces pathologies sont représentées par le syndrome de Randall ou MIDD (monoclonal immunoglobuline depo- sition disease), à manifestations essentiellement rénales (glomérulopathies), parfois cardiaques, hépatiques ou systémiques, par les PGNMID (proliferative glomeru- lonephritis with monoclonal immunoglobulin deposit) à tropisme exclusivement rénal (glomérulopathie) et par la macroglobulinose, dépôts amorphes cutanés dermiques observés rarement en cas de GMSI de type IgM. En fonction de la fraction impliquée de l’immunoglobuline, les MIDD sont classées en LCDD (light chain deposition disease), HCDD (heavy chain deposition disease) et LHCDD (light and heavy chain deposition disease).

MGCS en rapport avec une activité autoanticorps de l’immunoglobuline monoclonale

Des activités anti-facteur Willebrand et/ou anti-VIII, anti- C1 inhibiteur, anti-collagène de type VII, anti-antigènes globulaires Ii, potentiellement responsables, respective- ment, de syndromes hémorragiques, d’angio-œdèmes, de dermatoses bulleuses, ou de maladies des agglutinines froides, sont des associations bien connues [31]. Les GMSI à IgM peuvent se compliquer, dans 5 % des cas, d’une ataxie avec polyneuropathie périphérique à prédominance sensitive, symétrique et distale, par activité anticorps anti MAG (myelin-associated glycoprotein) dans 80 % des cas.

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Les neuropathies en rapport avec une activité IgM anti- gangliosides GM1 sont moins fréquentes, observées surtout dans le syndrome CANOMAD (chronic ataxic neuropathy, ophtalmoplegia, monoclonal IgM protein, cold agglutinins, anti-disialosyl antibodies). Les IgM monoclonales asso- ciées à une cryoglobulinémie de type II avec activité facteur rhumatoïde peuvent s’accompagner de lésions multifocales de type vascularite. Des lésions de xanthomatose cutanée ou tendineuse, peuvent s’observer dans le cadre de GMSI IgG, en rapport avec une accumulation macrophagique de lipides liée à une interaction d’immuns complexes avec différentes lipoprotéines [38, 40].

MGCS dues à l’action activatrice de la voie alterne du complément (VAC)

Il s’agit de glomérulopathies à dépôt de C3 sans dépôt d’immunoglobuline, provenant de l’activation de la VAC par une IgG clonale. Il peut également s’agir de syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) atypiques dans lesquels une inhibition de l’activité d’un régulateur de la VAC, le facteur H, a été rapportée [36, 38].

MGCS par sécrétion d’un excès de cytokines : exemple du syndrome POEMS

Le syndrome POEMS, décrit dès 1938 et bien indivi- dualisé en 1980 est une pathologie plasmocytaire rare associant polyneuropathie, organomégalies, endocrinopa- thie, gammapathie monoclonale et présence de signes cutanés [41-43]. L’immunoglobuline monoclonale impli- quée est quasiment toujours lambda et d’isotype IgG ou plus souvent IgA. A ces éléments de définition s’ajoutent plus ou moins fréquemment œdèmes, ascite, épanche- ments pleuraux, lésions osseuses sclérotiques, maladie de Castelman, thrombocytose, polyglobulie et taux élevé de facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) corrélé à l’évolution de la maladie. Bien que la patho- génie précise soit peu connue, Le VEGF, qui agit sur l’endothélium en favorisant la perméabilité vasculaire et l’angiogenèse est responsable en grande partie de la symp- tomatologie clinique [44]. Ce diagnostic, rare et complexe, réalisé en moyenne après 13 à 18 mois, repose sur l’association de critères cliniques et biologiques précis.

En pratique courante, l’hypothèse de syndrome POEMS doit être évoquée systématiquement devant l’association d’une neuropathie périphérique et d’une immunoglobuline monoclonale lambda. La polyneuropathie est typiquement périphérique, progressive, sensitive (puis secondairement motrice), distale, symétrique et située initialement aux membres inférieurs, le principal diagnostic différentiel étant la polyneuropathie chronique inflammatoire démyé- linisante chronique (CIDP). Les 2 diagnostics sont souvent confondus, notamment dans les formes pauci symptoma-

tiques, le diagnostic différentiel étant effectué grâce à l’étude de la conduction nerveuse, de l’électromyogramme (EMG) et des dosages de VEGF. Il a été rapporté de très rares cas sans neuropathie, étiquetés de POEMS aty- piques, le diagnostic étant posé sur la présence d’autres critères essentiels. Dans le syndrome POEMS le VEGF est toujours élevé, voire très élevé, des taux plasma- tiques > 200 pg/mL ou sériques > 1 920 pg/mL ayant des spécificités respectives de 95 % et 98 %. Le pro- peptide N-terminal du collagène de type I a également été identifié comme un marqueur spécifique (91 %) si le taux plasmatique est > 70 ng/mL [45-47]. Un œdème papillaire est présent dans 30 % à 50 % des cas et la symptomatologie cutanée est à type d’hyperpigmentation, hypertrichose, acrocyanose, ongles blancs, atrophie faciale et flush. Des symptômes respiratoires d’origine restric- tive et/ou à type d’HTAP sont retrouvés dans 7 % à 27 % des cas, une symptomatologie thrombotique artérielle et/ou veineuse dans 20 % et une thrombo- cytose et/ou une polyglobulie dans 50 %, la mutation JAK2V617F étant toujours absente. La biopsie ostéo- médullaire (BOM) retrouve fréquemment une prolifération plasmocytaire clonale lambda quantitativement faible (<

5 %), une hyperplasie mégacaryocytaire et des agrégats lymphoïdes.

De nombreux patients ont une endocrinopathie, une ostéo- sclérose aisément visible sur scanner et scintigraphie, et une maladie de Castelman (hyperplasie ganglionnaire lym- phoïde polyclonale angio-folliculaire très rare, touchant surtout les hommes de 40 ans co-infectés par VIH et HHV8) est retrouvée sur une biopsie ganglionnaire dans 11 % à 30 % des cas. Seules des maladies de Castelman avec neuropathie périphérique et gammapathie monoclo- nale peuvent être dénommées syndrome POEMS, les autres formes pouvant être classées variant Castelman d’un syn- drome POEMS [44-49].

Complications de mécanisme peu connu

Un mécanisme d’adsorption du facteur Willebrand sur les plasmocytes clonaux ou du facteur X sur la sub- stance amyloïde peuvent être à l’origine de syndromes hémorragiques. Les dermatoses neutrophiliques ont une pathogénie peu claire, de même le syndrome de fuite capillaire ou le syndrome TEMPI (télangiectasies, éry- throse, érythropoïétine plasmatique élevée, collections péri-rénales, shunts pulmonaires), la mucinose papuleuse (IgG lambda de migration très lente), ou les cutis laxa acquis. Le rare syndrome de Schnitzler, très sensible au trai- tement par inhibiteurs du récepteur à l’IL1 (Anakinra®), associe fièvre, douleurs musculaires, vascularite urtica- rienne inflammatoire et présence d’une IgM monoclonale [1, 36, 38, 39].

(9)

Conclusion

Comme pour tout paramètre biologique la maîtrise des écueils techniques de dosage est un élément très impor- tant pour permettre au clinicien de pouvoir avancer de fac¸on appropriée dans le diagnostic. De ce fait, une coopé- ration entre clinicien et biologiste est indispensable pour une gestion optimale des dossiers. Dans le futur, il est probable que les méthodes actuelles, semi-quantitatives et qui laissent une place importante à l’interprétation du bio- logiste, soient remplacées par des techniques totalement automatisées, notamment la spectrométrie de masse. La découverte d’une GMSI nécessite de savoir poser un regard critique sur les résultats de laboratoire et de ne pas négli- ger, au seul motif qu’il n’y a pas d’argument en faveur d’une pathologie tumorale, une GMSI pouvant avoir des conséquences cliniques parfois sérieuses, essentiellement rénales, cutanées et neurologiques. L’atteinte rénale est sou- vent peu bruyante, nécessitant un avis néphrologique en cas d’albuminurie significative.

Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts en rapport avec cet article.

Remerciements.Les auteurs remercient les techniciens du laboratoire du centre hospitalier de Royan pour la qualité de leur travail à la paillasse « électrophorèse ».

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