Comportement expérimental de semis de chêne pédonculé,
chêne sessile et hêtre
enprésence d’une nappe d’eau dans le sol
Y. LEFÈVRE ols, la Microbiologie
G. LEVY,
avec la co
M. BECKER llaboration tech
B. GARREAU * de Y. LEFÈVRE INRA, Station de Recherches sur le.s Sols, la Microbiologie
et la Nutrition de.s Arbres Forestiers
* Laboratoire de Phytoécologie Forestière
Centre de Recherches fore.stières de Nancy Clza
1
11penoux, F 54280 Seicha111ps ,,":’ Direction Départementale de l’Agriculiure
Cité Adminislrntive
Rue Jitles-l!«cri-y - B.P. 50 - F 33090 Bordeaux Cedex
Résumé
Cette expérience en vases de
végétation
est destinée à comparer le comportement de semis de chênepédonculé,
chêne sessile et hêtre en présence de nappes situées à diffé- rentes profondeurs dans le sol.Lorsque Iu nappe est installée dès le semis, puis maintenue en place, on note les résultats suivants :
- une nappe très superficiellc (à - 2 cm) affecte plus la levée des chênes (environ
58 p. 100 de semis levés) que celle du hêtre (74 p. 100). Peu de semis meurent ensuite,
et
uniquement
chez le hêtre ;- la croissance de l’’’’
année,
ainsi que la plupart des caractéristiques des plants mesurées en fin de seconde année, commencent à être affectées lorsque la nappe est située à environ -5 cm pour le chênepédonculé, -
8 cm pour les deux autres espèces :- une fertilisation effectuée en début de 2" année n’a pas modifié sensiblement les seuils à partir
desquels
lescaractéristiques
des plants commencent a être affectées.Lorsque
la nappe est installée plus tardivement (alors que les semis présententdéjà
un certain
développement),
tous les semis de hêtre meurentrapidement
enprésence
d’unenappe
superficielle,
alors que tous les semis de chêne résistent : le hêtrejustifie
alors saréputation
d’espèce très sensible à l’engorgement.Il est
rappelé
enfin que le meilleur comportement des semis de chênepédonculé
par rapport à ceux de chêne
sessile,
mis en évidenceici,
ne peut amener à choisir dans tous les cas le pédonculé pour la mise en valeur des sols àhydromorphie temporaire :
danscertaines stations forestières
(pseudogleys
acides à texturegrossière),
il semble que la résistance à la sécheresse soitprépondérante
par rapport à la résistance à l’engorgement dans le comportementglobal
des arbres adultes.Mots c/é.s : Chêne 1)(’(Ioll(-Illé, chêne sesiile, hêtre, engorgement, semis.
1. Introduction
Le chêne
pédonculé (Querctrs
robllrL.)
et le chêne sessile(Qlll’rclls
petraea(Matt.) Liebl.)
sont les essences forestières lesplus répandues
sur les sols à fortehydromorphie temporaire
de la moitié Nord de laFrance ;
on peut donc penserqu’ils
sont bien
adaptés
à un ennoyagepériodique plus
ou moinsimportant
de leursystème
racinaire. On constate
cependant
une forte diminution deproduction
sur certains deces
sols,
notamment lespélosol-pselidogleys,
et surtout defréquentes
et très sérieusesdifficultés pour la
régénération
naturelle despeuplements
(levée et croissanceinitiale).
Des recherches effectuées en forêt ont
permis
de confirmer ce dernierpoint :
mauvaise
germination
et faible enracinement des semis de chêneaprès
remontée des nappes[P ELLECUER , 1976,
en forêt de Morimond(52)! ;
effet proprepositif
del’abaissement de la nappe par
drainage
sur la survie des semis de chêne sessile(I NGRAIN , 1978,
en forêt deFontainebleau),
et sur la survie et lavigueur
des semis des deuxespèces [B ECKER
&LÉv y , 1983,
en forêt de Mondon(54)].
Ces études ne
permettent
pas de comparer avecprécision
lecomportement
desdeux
espèces.
On pense souvent que le chênepédonculé
résisterait mieux que le sessile à laprésence
d’une nappesuperficielle (J ONES ,
1959) ; il estcependant
difficile deconclure avec certitude en raison des interactions
qui
peuvent intervenir dans le milieu naturel.Ainsi,
les stationstypiques
du chênepédonculé
sont-elles situées dans des vallons où la nappe est souventproche
de la surface : or, on remarque que ces sols bénéficientgénéralement
d’une certaine fraîcheur estivale et d’une richesse minérale très satisfaisante.En ce
qui
concerne ce dernierpoint,
PELLECUER(1976)
a constaté que lagermi-
nation et la croissance initiale des semis des deux
espèces apparaissaient
d’autantplus importantes
que le sol étaitplus
riche et l’humus moinsacide ; cependant,
le chênesessile semblait
plus
affecté que le chênepédonculé
par lapauvreté chimique
dusol,
ce
qui
était d’ailleurs souvent en contradiction avec larépartition
des semenciers.Quant
auhêtre,
il semble bienqu’il
résiste nettement moins que les chênes à laprésence
d’une nappetemporaire
dans le sol. Il est ainsi absent de laplupart
desstations à
hydromorphie superficielle
et accentuée.B
ELGRAND
(L983)
a étudié en conditions contrôlées l’influence de nappes situées à différentesprofondeurs
dans lesol,
combinées ou non avec unefertilisation,
sur lecomportement
de semisrepiqués
de chênepédonculé,
de chêne rouge(Quercus
m/mlL.)
et de hêtre. Cet auteur a mis en évidence la très bonne résistance du chêne
pédonculé,
en
particulier
sur leplan
de la survie mais aussi de la croissance dans la mesure où l’on avaitpréalablement
effectué des apportsd’azote ;
le hêtre s’est avéré par contre considérablementplus
sensible à laprésence
d’une nappe.Il n’existe
cependant
pas, à notreconnaissance,
d’étudeexpérimentale
compa- rative de la résistance dejeunes plants
de chênepédonculé
et de chêne sessile à laprésence
d’une nappe dans le sol. Une tellecomparaison
serait d’autantplus
intéres-sante que ces deux
espèces
ontprobablement
uneautécologie beaucoup
moins sem-blable que ce
qui
était souvent admisjusqu’ici :
le récentdépérissement
du chêneobservé en France a en effet
opéré
uneségrégation
tranchée entre lepédonculé
(seul
atteint) et le sessile(toujours
indemne) (BECKER &LÉ VY , 1982).
C’est
pourquoi
nous avonscomparé
en milieucontrôlé, depuis
le semisjusqu’à
la fin de la seconde année de
végétation,
lecomportement
du chênepédonculé,
duchêne sessile et du hêtre
(espèce
de référenceprobablement
trèssensible)
enprésence
d’une nappe située à différentes
profondeurs
dans le sol. L’influence éventuelle d’une fertilisation en début de 2&dquo; année a étéégalement considérée ;
le sol utilisé est en effet assez pauvre ; c’est celui de la forêt deMondon,
où nous avons effectué l’étudesur la
régénération
des chênes citéeprécédemment
(BECKER &L Í ’:v y , 1983).
2. Matériel et méthodes
2.1. Mise eii
place
L’expérience
s’est déroulée en serre (sanséclairage
nichauffage d’appoint,
saufla mise hors
gel),
dans 90 vases devégétation cylindriques
d’environ 201, remplis
de sol et munis d’un
dispositif (décrit précédemment : LÉv y , 1981) permettant
d’ins-taller une nappe d’eau dans le sol et de la maintenir à la
profondeur
désirée. La terre a étéprélevée
en forêt de Nlondon(54),
dans l’horizonA,
(mull acide) d’un sol brun lessivé àpseudogley.
Trente seaux sont consacrés à
chaque
essence.Vingt-deux
semences ont étédisposées
danschaque
seau :glands
de chênepédonculé
provenant de la forêt de Charmes(88), glands
de chêne sessile de même provenance, faînes récoltées en forêtd’Eawy (76).
Lesglands
ont été installés à lami-février,
les faînes début mars.2.2. Protocole rle I ’&dquo; année
Il y a dix traitements. Pour les sept
premiers, l’engorgement
a eu lieu dès la miseen
place
des semences. Pour les troisderniers, l’engorgement
a été tardif et a débutéà la même date pour les trois
espèces ;
celles-ci avaient alors atteint les stades dedéveloppement
suivants :première
pousse achevée pour leschênes ;
deuxpremières
feuilles
complètement développées
pour le hêtre. Ces dix traitements sont les sui- vants :- nappes non renouvelées à
- 2, - 6, - 10,
- 18 cm, soit 4traitements, appelés - 2, - 6, -10,
-18. Ce dernier(-18)
est considéré comme témoin bénéficiant de bonnes conditionshydriques ;
- nappes à - 2 et à -
6 cm,
avec renouvellement bi-hebdomadaire del’eau,
soit 2
traitements, appelés
-2R et-6R ;
- nappe alternativement à - 2 et à - 6 cm
(variation hebdomadaire),
soit1
traitement, appelé
- 2 -6 ;
- nappes à
- 2,
- 6 et - 10 cm(engorgement tardif),
soit 3 traitementsappelés - 2T,
- 6T et -101’.Il y a trois
répétitions,
soit 66 semences autotal,
par traitement.Les nappes ont été
supprimées
le 01/07 et les sols maintenus ensuite à la capa- cité auchamp.
Les relevés et mesures suivants ont été effectués : levée des
semis, mortalité,
obser-vations sur la croissance des
plants,
hauteur au01/07,
hauteur à la fin de la l’&dquo; année.2.3. Protocole de 2’ année
Nous nous sommes surtout intéressés au comportement de
plants
soumis aucours de deux années consécutives à des nappes
précoces
et nonrenouvelées,
car ils’agit
du cas leplus simple
àinterpréter.
Les traitements-2, - 6,
- 10 et - 18ont été ainsi
appliqués
aux mêmes vases devégétation qu’en première année,
et sontdésignés
de la mêmefaçon.
Par
ailleurs,
etaccessoirement,
nous avons voulu voir s’il y avait interaction entreengorgement
et nutritionminérale,
autrement dit si une fertilisation modifiait sensiblement les conclusions obtenues àpartir
des modalitésprécédentes.
Les traite- ments de 1 année- 2 - 6,
-2R, -
6R et - 10R ont ainsi subi en seconde année des nappes affleurantrespectivement à - 2,
- 6, - !0 et - 18 cm,après
avoir étéfertilisés ;
ils serontappelés : — 2F,
-6F,
- IOF et - 18F.Le tableau 1 donne la
correspondance
entre traitements de l &dquo; et 2&dquo; année.Au début de la 2&dquo;
année,
nous n’avons conservé que 7plants (représentatifs)
dans
chaque
vase devégétation.
Deuxapports d’engrais
ont été effectués dans les vasesconcernés,
lepremier après gonflement
dubourgeon
terminal desplants (le
2 marspour les
hêtres,
le 15 mars pour leschênes),
le second une semaineplus tard ;
chacund’entre eux
comprenait,
par vase devégétation,
4 g d’ammonitrates(à
34 p.100)
et 50 ml de solution deP04H!K (phosphate monopotassique)
à 40g/1.
Nous avonsinstallé les nappes la semaine
suivante, après
avoir lavé la terre pour éviter les excès depression osmotique
dus aux restesd’engrais.
Les vases ont été tous
ressuyés
le 17juillet. L’expérience
apris
fin courantseptembre,
et un certain nombre de variables ont été mesurées etexprimées
en valeurmoyenne par
plant
pour le vase devégétation
considéré : hauteurtotale,
biomassetotale, poids
dusystème racinaire, poids
des racines fines(!
1 mm dediamètre), poids
des feuilles de 2&dquo;
année, poids
dusystème aérien, poids
destiges
de 2 ans.3. Résultats
3.1. Au cours de la J année 3.11. Levée des semis
Elle est
complète
pour les traitements àengorgement
tardif. Lesrésultats,
pour les autrestraitements,
sontprésentés
dans le tableau 2.L’analyse
de variance n’estsignificative
que pour les deuxespèces
de chêne.On remarque en
premier
lieu que la levée n’estjamais
inférieure à 55 p.100,
même pour des nappes trèssuperficielles (- 2 cm).
La levée est
pratiquement complète (>
90 p.100)
pour le chênepédonculé lorsque
la nappe affleure à - 6 cm ou en dessous. Par contre, une nappe située à- 2 cm
(les glands
sont alorspratiquement
en contact avecl’eau)
affectesignificati-
vement la levée. Les résultats sont
comparables
pour le chênesessile,
à la différence que la levée estdéjà
sensiblement affectée par une nappe à - 6 cm.L’effet d’un renouvellement de l’eau de la nappe n’est vraiment sensible que pour le niveau - 2 cm chez le chêne sessile.
Pour des nappes très
superficielles (-
2cm),
la levée estapparemment
meilleure pour le hêtre que pour leschênes,
cequi peut paraître
apriori surprenant.
3.12. Survie des semis et
phénomènes particuliers
3.121. Les chênes
Aucune mortalité
n’intervient, quel
que soit le traitement.Certaines réactions à
l’ennoyage apparaissent cependant,
surtout pour les nappes lesplus superficielles :
- la 1&dquo;’ pousse d’un certain nombre de semis se
dessèche ;
cephénomène
estplus fréquent
chez le chêne sessile(tabl.
31.Rapidement cependant
de nouvelles pousses sedéveloppent
àpartir
de labase ;
ellesatteignent
toutes la même taille(pour
un mêmeplant) ;
- les feuilles sont
plus petites, parfois
nécrosées. La couleur des feuilles varie d’autre part en fonction du traitement : elles sont bien vertespour —18
et d’autantplus
claires que la nappe estplus superficielle ;
cette différence de teinte s’accentueavec le temps.
3.122. Le hêtre
Presque
tous les semis à engorgement tardif des traitements - 2T et - 6T sont morts. A l’installation de la nappe dans le traitement-2T,
les feuilles se dessèchentbrutalement,
enl’espace
d’unesemaine,
et lesplants
meurent. Lephénomène
débuteplus
tardivement pour le traitement- 6T,
avecl’apparition
de tachesnoires, qui
s’étendent
progressivement.
Pour les traitements à
engorgement précoce,
des nécrosespeuvent apparaître
sur le bord des feuilles 7 semaines
après
lagermination (tabl. 4).
Sur unpetit
nombrede
plants,
surtout pour le traitement -2,
le dessèchementpeut
gagner toute lafeuille ;
il arrive alors que le semis meure.
3.13. Croissance des semis
Des mesures de hauteur ont été effectuées au 1&dquo;’
juillet
et à l’automne.Les conclusions que l’on
peut
en tirer étantsemblables,
nous neprésenterons
que les résultats de fin de saison.
Les traitements -
21’,
- 61’ et - IOT n’ont pas modifié la hauteur finale des semis parrapport
au témoin(-18) :
presque toutl’allongement
de l’année était eneffet
acquis
au moment del’engorgement.
Les hauteurs moyennes des
semis,
pour les autrestraitements,
sontprésentées
dans le tableau 5.
L’analyse
de varianceindique
des différencessignificatives
pour les troisespèces.
Le renouvellement bi-hebdomadaire des nappes n’a dans l’ensemble pas eu d’effet très
positif.
Un renouvellementplus fréquent,
mais lourdexpérimentalement,
aurait
peut-être
étéplus
efficace.Pour le chêne
pédonculé,
on constate que le seuil àpartir duquel
la croissancea commencé à être affectée est
compris
entre les traitements - 6 et- 2 - 6,
et doitdonc être très
proche
de — 5 cm.Quant
au chêne sessile et auhêtre,
leur croissancea
déjà
été affectée par le traitement - 6 mais non par le traitement- 10 ;
pources deux
espèces,
le seuilcorrespond
donc à une nappeplus profonde
que dans lecas du chêne
p6donculé, probablement
voisine de - 8 cm.C’est donc indéniablement le chêne
pédonculé qui
secomporte
le mieux vis-à-vis des nappes assezsuperficielles
pour le critère « croissance de 1 &dquo;’ année ». Les deux autresespèces
ont uncomportement
assezcomparable ;
le hêtre semblecependant présenter
unléger
avantage : si le rapport entre la croissance du témoin(- 18)
etcelle du traitement -6 6 est sensiblement le même
(1,27
pour le chêne sessile et1,34
pour lehêtre),
il n’en est pas de même si l’on considère - 2 - 6 au lieu de - 6 :1,87
et1,43 respectivement.
La nappe la
plus superficielle (- 2 cm)
affecte d’une manière peu différente la croissance des troisespèces :
le rapport entre la croissance du témoin et celle du traitement -2est, respectivement
pour les chênespédonculé
et sessile et pour lehêtre,
de2,11, 2,09
et1,91.
3.2. Résultats en
fin
de seconde année3.21. Trnitements nO/1
fertilisés
La
figure
1représente
la variation relative de chacune des variables mesurées enfonction de la
profondeur
de la nappe. Ne sont pasreprésentées :
- la
longueur
de la pousse terminale de 2&dquo;année,
car lesinterprétations
statis-tiques
fournissent les mêmes résultats que pour la hauteurtotale ;
- trois des variables pour le
hêtre,
car les valeurs obtenues sont très faibles etpeu fiables.
Les moyennes entre deux niveaux
(successifs
ou non) pour une mêmeespèce
ontété
comparées
par le test tappliqué
à des sériesappariées.
On constate
qu’en règle générale,
les résultats obtenus en fin de 2&dquo; année sont en accord avec ceux obtenus pour la hauteur en fin de 1‘° année : pour le chênepédonculé,
seule une nappeplus superficielle que -
6 cm affectesignificativement
les
variables,
alors que pour les deux autresespèces,
le traitement - 6 fournitdéjà
des résultats inférieurs au traitement -10.
Il est difficile de déterminer la
profondeur
exacte àpartir
delaquelle
une nappe devientnéfaste ;
seulesquelques profondeurs
ont en effet étéprises
encompte
dansl’expérimentation ;
deplus,
ce n’est pas parcequ’une
différence entre les traitements- 10 et -
6,
parexemple,
n’est passignificative,
que ce seuil nepeut
pas être situé un peu au-delà de - 6 cm :l’aspect
de la droite entre - 10 et - 6 cm(selon qu’elle
serapproche
de l’horizontale ouqu’elle présente
une certainepente)
pourra donner desindications,
mais sous toutes réserves. C’est ainsiqu’ici
onpeut
supposer que les seuils àpartir desquels
ces variables commencent à être affectées par la nappe sont très voisins de — 5 cm pour le chênepédonculé
et de — 8 cm pour les deux autresespèces,
comme dans le cas de la pousse de 1 année.Certaines variables font
exception ;
pourelles,
une différencesignificative
entreles traitements - 18 et - 6 semble montrer que des nappes
plus profondes
pour- raient commencer à être néfastes. Ils’agit
enparticulier :
- pour les
chênes,
dupoids
des racines : celles-ci semblentplus
sensibles à la nappe que lesparties aériennes,
au moins au cours despremières années ;
- pour le
hêtre,
de la hauteur en fin de 2’ année : le hêtre serait alorsplus
sensible à la nappe que le chêne sessile pour la croissance
aérienne,
cequi
n’étaitpas le cas un an avant.
Les tests
statistiques
effectués pour comparer lesespèces
entre elles(compa-
raison des
rapports
entre les valeurs à - 18 cm et celles à - 6 cm ou -2 cm)
confirment ce
qui précède :
le chêne sessile et le hêtre sontplus
affectés que le chênepédonculé
par une nappe à -6 cm,
et ceci pour l’ensemble des variables mesurées(sauf
pour lepoids
dusystème
racinaire du chênesessile).
Ils montrent par ailleursqu’il
en est sensiblement de même pour une nappe à - 2 cm. D’autrepart,
le hêtresemble relativement
plus
affecté que le chêne sessile par le traitement- 2,
mais les différences ne sontgénéralement
passignificatives.
Pour la
plupart
des variablesmesurées,
on ne connaît pas lapart respective
dechacune des deux années dans ces résultats finaux. L’examen de l’évolution de la croissance en hauteur semble
cependant
montrer que les mêmes tendancesgénérales
se sont maintenues durant toute
l’expérience.
3.22. Traitements
fertilisés
Rappelons qu’il
nes’agit
que de traitements accessoires et dont les résultats doivent être examinésprudemment
car les niveaux de nappe ont été modifiés parrapport
àla 1 année de
l’expérience.
Aussi nous contenterons-nousd’indiquer
brièvement les résultatsglobaux.
Il
apparaît
enpremier
lieu quesi,
dansl’ensemble,
les deuxespèces
de chênesont fortement bénéficié de la
fertilisation,
celle-ci a par contre eu un effetgénérale-
ment
dépressif
sur lehêtre, qui
s’est ainsi peudéveloppé
en secondeannée ;
il appa- raît doncimpossible
dans ces conditionsd’interpréter
les résultats relatifs à cetteespèce.
Chez les deux
espèces
dechênes,
l’examen desrapports
entrechaque
traitementfertilisé et le traitement
correspondant
non fertiliséparaît indiquer (compte
tenu destraitements
hydriques respectifs
de l’‘année)
que la fertilisation n’est pasplus
efficacelorsque
la nappe estsuperficielle
quelorsqu’elle
estplus profonde ;
l’influence néfaste del’engorgement
ne semble aucunement due à un abaissement consécutif du niveau de nutritionminérale,
du moins sur le sol pauvre utilisé et pour lesprofondeurs
denappe testées.
La conclusion
globale
essentiellequi
sedégage
des mesures de fin de seconde année est trèscomparable
à celle émise dans le cas des traitements non fertilisés : le chênepédonculé réagit
mieux à laprésence
de nappessuperficielles
que le sessile.Pour l’ensemble des
caractéristiques
étudiées sur lesplants,
ilapparaît
une diffé-rence
significative
entre 2 niveaux de nappe successifs :- entre les traitements -10 et -6
pour
le sessile ;- entre les traitements - 6 et -?
pour
lepédonculé (ainsi qu’entre
- 10 et-
6 pour
lepoids
moyen dusystème racinaire,
comme dans le cas des traitementsnon
fertilisés).
Pour
pratiquement
toutes lesvariables,
une nappe à - 6 cm affecteplus
lesessile que le
pédonculé (par
rapport à la valeurcorrespondante
du traitement -18) (tabl. 6).
Il en est de même pour une nappe à -2 cm,
mais la différence entre les deux essences estplus
faiblequ’à
- 6 cm.L’ensemble de ces résultats
correspond-il cependant
à des différencesqui
se sontdéveloppées
au cours de la seconde année del’expérience, après
fertilisation(et
nonuniquement
à des différencesqui
existaientdéjà
un anavant) ?
Lacomparaison
deshauteurs totales finales et des hauteurs
correspondantes
en fin de 1&dquo;’ annéepermet
derépondre
par l’affirmative pour cettevariable ;
onpeut
penser au vu de l’ensemble des résultats del’expérience,
et en raison notamment de la forte influencepositive
générale
de lafertilisation, qu’il
en est de même pour les autres variables.4.
Discussion,
conclusionBien que les résultats ne soient évidemment pas totalement
transposables
sansvérification
préalable
à des conditions autres que celles danslesquelles
s’est dé-roulée
l’expérience (par exemple,
lescaractéristiques
dusol),
lespoints
suivantspeuvent
êtredégagés.
Dans la
comparaison
ducomportement
du hêtre avec celui deschênes,
il im-porte
de biendistinguer
nappeprécoce (mise
enplace
dès lesemis)
et nappe tardive.Dans le
premier
cas, le hêtren’apparaît
passignificativement plus
sensible à l’en-gorgement
que le chênesessile,
tant pour sa croissance depremière
année que pour lescaractéristiques
étudiées en fin de seconde année. Si l’on constate des mortalitésparmi
les semis dehêtre,
alors que tous les semis de chênesurvivent,
cephénomène
est relativement
limité ;
deplus,
lagermination
du hêtre est moins affectée par laprésence
d’une nappe trèssuperficielle
que celle des chênes.Par contre, dans le cas où la nappe n’est installée
près
de la surface que tardi- vement, alors que les semisprésentent déjà
un certaindéveloppement,
laréputation
du hêtre de forte sensibilité à
l’engorgement
est confirmée : il ne subsiste aucunplant
de cetteespèce
pour les traitements - 2T(le phénomène
seproduit
alors enquelques jours)
et -61’,
alorsqu’aucune
mortalité n’affecte les semis de chêne dansces conditions. Le hêtre ne résiste donc pas à
l’apparition
soudaine d’une nappesuperficielle,
alors que laprésence permanente
d’une nappedepuis
le semispermet
une
adaptation progressive.
Ces résultats
peuvent expliquer,
au moinspartiellement,
l’absence du hêtre de laplupart
des stations forestières à fortehydromorphie.
La fluctuation des nappes varie en effet en liaison directe avec les conditionsclimatiques
del’année ;
un engorgement
superficiel,
subsistantquelques jours, peut
fort bienapparaître
tardivement certaines années. De
plus
lehêtre,
débourrantgénéralement plus préco-
cément que le
chêne,
est d’autantplus exposé
à un ennoyage de sonsystème
racinaireen
période
de feuillaison.Par
ailleurs,
lecomportement
du chênepédonculé
est meilleur que celui du sessile. C’est ainsi que pour presque toutes les variablesmesurées,
lepédonculé
estinsensible à une nappe à - 6 cm, au contraire du sessile. Pour des nappes encore
plus superficielles (-
2cm),
lepédonculé
estégalement
relativement moins atteint.Seul le
poids
dusystème
racinaire en fin de 2’ année faitexception
à ces résultats : ilcommence
déjà
à être affecté pour des nappesplus profondes ;
deplus,
la différenceentre les deux
espèces
de chênen’apparaît plus significative
pour cette variable.Une fertilisation
préalable
améliore très nettement l’ensemble des caractères mesurés sur lesplants
des deuxespèces
de chêne. Lecomportement
relatif de cesespèces
vis-à-vis d’une nappesuperficielle
demeurecependant
le mêmequ’en
l’absencede fertilisation : les résultats concernant la sensibilité à
l’hydromorphie
semblentdonc
transposables
à des solsplus
riches que celui utilisé dans cetteexpérience.
Ilapparaît également qu’il n’y
a pasd’interaction,
dans les conditions del’expérience,
entre la nappe et la nutrition minérale : l’action néfaste de la nappe ne se manifeste pas, ne serait-ce
qu’en partie semble-t-il,
par l’intermédiaire d’une modification de la nutrition minérale desplants.
Ces résultats ne concordent pas entièrement avec ceux de BELGRAND
(1983).
Pour cet auteur, une nappe à - 6 cm
provoquait déjà
une diminution dudévelop- pement
du chênepédonculé,
notamment de sa croissance enhauteur ;
enfait,
certainesconditions
plus
défavorables que dans notreexpérience
peuventexpliquer
cette diffé-rence : la texture du sol était
plus
fine(une
même nappe était doncplus défavorable,
dit fait d’un
potentiel d’oxydo-réduction plus bas),
et ils’agissait
deplants repiqués
et non de semis
(ce qui
entraînaitl’ennoyage
d’unepartie
dusystème
racinairepréexistant).
Les résultats de
l’expérience rapportée
ici ne peuvent bien sûr servir de critèreunique
pour la mise en valeur forestière des solshydromorphes.
Eneffet,
les arbrespeuvent
être soumis en forêt à des conditionshydriques
au niveau du sol très variablesau cours de l’année.
C’est ainsi que dans certaines
conditions,
le chêne sessile adulteprésente
uncomportement
nettement meilleur que lepédonculé
sur des sols àhydromorphie
trèsprononcée.
C’est le cas enparticulier
despseudogleys
acidesdéveloppés
sur matériauxà texture assez
grossière,
donc àcapacité
de rétention en eaulimitée ;
cecomporte-
ment
plus
favorable du sessile se manifeste au niveau de lacroissance,
comme en Forêt de Mondon(B ECKER
&Liv y , 1986),
ou même de la survie : ce fut lecas lors du
dépérissement
observé en forêt deTronçais
à la suite de la sécheresse de1976, dépérissement
dont seul lepédonculé
a été victime(B ECKER
&L!vY, 1982).
On
peut
penser que dans de tellesconditions, l’aspect
« résistance à la sécheresse >>s’avère
prépondérant
par rapport àl’aspect
« résistance àl’engorgement ».
Parailleurs,
le fait
qu’il s’agisse
là d’arbresadultes,
et non dejeunes
semis comme dans notreexpérience
en serre, apeut-être
aussi sonimportance (développement
différent dusystème
racinaire enprofondeur
et/ou modification ducomportement écophysiologique
avec
l’âge ?).
Reçu
en mnrs 1985.Accepté
enjuillet
1985.Summary
Compared
behaviourof pedunculate oak,
sessile oak and beechseedlings
in the presence
of
a water-table in the soil :experimental study
The three
species
behaviour in the presence of water-table set at various depths in thesoil,
iscompared during
their first two years of life.When the water-table is set up at the same time as the
seeding,
thenmaintained,
themain results are :
- the oaks germination is more
damaged
(about 58 p. 100 of the seedsspring
up) than that of the beech (74 p. 100) by a shallow water table (-2 cm) (table 2). Few seed-lings
dieafterwards,
and only beech ones ;- the first year
height growth,
as well as mostplants
characteristics measured in the end of the second year (totalheight,
totalbiomass,
aerial systemweight,
second year leavesweight, 2-year-old
stemsweight) begin
to be affected for a water table set at a depth of about- 5 cm in the case of the
pedunculate
oak, - 8 cm in the case of the other two species (table 5and
figure
1). The oaks root system howeverbegin
to be affectedby
deeper water-table !- - a fertilization carried out at the
beginning
of the second year is very beneficial to both oakspecies
wherever the water-table was set, but doesn’tsignificantly
alter thethresholds from where the
plants
characteristicsbegin
to be affected.When the water-table is set up later (when the seedlings already show some
develop-
ment), all beechseedlings
die in a fewdays
when the water table isshallow,
whereas all oaksseedlings
survive : the beech reputation of being very sensitive towaterlogging
ischecked in that case.
However,
the better behaviour of the pedunculate oak youngplants,
compared to that of the sessile oak shown in that experiment cannot lead to favour in all cases thepedunculate
oak instead of the sessile oak on soils with temporary water-table : in some forest sites (acid
pseudoglcys
with coarse texture), it seems that drought resistance is moreimportant
than
waterlogging
resistance for thegrowth
and survival of adult trees.Key MV!S Pedunculnte oak, sessile oak, beech, waterlogging, seedlings.
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