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LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DU FOOTBALL EUROPÉEN

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LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DU FOOTBALL EUROPÉEN Wladimir Andreff

ARPoS | « Pôle Sud »

2017/2 n° 47 | pages 41 à 59 ISSN 1262-1676

ISBN 9782918036463 DOI 10.3917/psud.047.0041

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2017-2-page-41.htm

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l

e moDèle éCoNomiQUe

DU fooTball eUropéeN

Wladimir Andreff1

Centre d’Économie de la Sorbonne (UMR 8174) Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne

andreff@club-internet.fr

________________

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éSUmé

/ A

bstrAct

Le modèle économique du football européen se caractérise par de forts déséquilibres compétitifs dans les différentes compétitions européennes (Ligue des champions, Europa League) et entre les équipes nationales. Ces déséquilibres sont liés à d’importantes disparités de revenus entre les ligues nationales et les clubs, la concurrence étant dominée par un oligo- pole d’une trentaine de clubs européens. Deux modèles de financement des clubs distincts et évolutifs coexistent dans le football européen. Le fonctionnement du modèle d’ensemble engendre de manière récurrente le déficit et l’endettement financier de nombreux clubs ayant entraîné la mise en œuvre du fair play financier par l’UEFA.

The economic model of European football is characterised by strong competitive imbalances in the different European sport contests (Champions League, Europa League) and across national squads. These imbalances are linked to significant revenue disparities between national leagues and clubs since an oligopoly of about thirty clubs are dominant in the market. Two models of football finance distinctly evolve at club level. The overall economic model functions in such a way as to generate recurrent deficits and financial debts in many clubs; this has triggered the enforcement of financial fair play rules by the UEFA.

________________

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oTS

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CléS

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eywords

Économie du sport, équilibre compétitif, revenus, financement, déficit Sports economics, competitive balance, revenues, finance, deficit

1. Professeur émérite de l’Université Paris 1

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L’Europe du football est-elle une réalité ou reste-t-elle à construire ? Les clubs professionnels participent à des compétitions communes (par exemple, la Champions League ou la Coupe Europa) mais évoluent dans des espaces socioéconomiques aux règles différentes : règles concurrentielles, fiscales ou sociales. Il existe ainsi plusieurs modèles de football professionnel en Europe mais la convergence imposée par la réforme du « fair play financier » (FPF)2 peut changer la géographie du football européen et, à terme, profiter aux bons élèves. À l’échelle européenne, le football produit des déficits et, dans quelques cas plus rares, des bénéfices : sur 30 clubs européens qui disputent les phases finales de la Champions League, seulement 4 présentent des budgets équilibrés.

Le modèle économique d’un sport est caractérisé par son équilibre com- pétitif, l’équilibre ou le déséquilibre économique entre ses clubs en termes de revenus, la structure de son financement et de ses coûts, et par ses résultats financiers, déficit ou excédent (Andreff, 2009 ; 2015). L’équilibre compétitif d’un championnat évalue combien d’équipes concentrent un pourcentage élevé de matchs victorieux ou combien la distribution des pourcentages de victoires est dispersée entre les équipes du championnat. Dans le cas du foot- ball européen, son modèle économique est remarquable : un fort déséquilibre compétitif qu’amplifie l’existence de compétitions européennes rémunéra- trices, de profondes disparités de revenus entre les ligues et entre les clubs, une bipolarisation de leurs modèles de financement et la récurrence des déficits et des dettes des clubs.

L’article propose d’évaluer, dans un premier temps, le déséquilibre com- pétitif du football européen avant d’interroger les disparités de revenus entre les ligues et les clubs européens. Les deux modèles de financement des clubs qui coexistent dans le football européen seront ensuite abordés. Le fonction- nement du modèle d’ensemble engendre de manière récurrente le déficit et l’endettement financier de nombreux clubs ayant entraîné la mise en œuvre du fair play financier par l’UEFA.

l

e DéSéQUilibre CompéTiTif DUfooTball eUropéeN

Pour évaluer l’équilibre compétitif du football européen, on calcule l’indice de concentration C5 régulièrement utilisé en économie du sport pour mesurer l’équilibre compétitif (des forces sportives en présence) dans un championnat ou, au fil des saisons, dans une ligue. Le C5 mesure quel pourcentage du total des victoires (ou du nombre de points) a été obtenu par les cinq équipes les mieux classées d’une compétition. Ici, il mesure le nombre de victoires ou de quarts de finale concentrés sur les cinq nations les plus performantes. Ce calcul est appliqué aux clubs et aux équipes nationales dans toutes les compétitions européennes de football, sur toute leur durée d’existence : Ligue des cham-

2. Le fair-play financier est une règle adoptée par l’UEFA en mai 2010 pour empêcher les dé- penses excessives des clubs de football professionnels européens. Ainsi, les clubs ne doivent pas dépenser plus d’argent qu’ils n’en gagnent avec une tolérance de 45 millions d’euros de déficit.

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pions (ex : Coupe d’Europe des clubs champions) de 19563 à 2015 (C1) ; Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe (C2) de 1960 à 1999, date de sa disparition ; Ligue Europa (C3) de 1972 à 2015 ; Championnat d’Europe des Nations ou Euro (CEN) de 1960 à 2012.

Au total, 74 % (trois-quarts) des victoires sont concentrés sur cinq pays : Espagne, Italie, Angleterre, Allemagne et Pays-Bas. La concentration est très voisine pour l’Euro : 71 % des titres remportés par cinq nations. Les trois com- pétitions de clubs sont moins équilibrées (plus concentrées), les cinq plus fré- quents vainqueurs accaparent 87 % des victoires en C1, 77 % en C2 et 80 % en C3. Les clubs de toutes les autres (49) nations se partagent 13 % des victoires en Ligue des champions et 20 % en Ligue Europa. Sur ce critère, la Ligue des champions est plus déséquilibrée que l’ancienne Coupe d’Europe des clubs champions puisque, en passant de l’une à l’autre, le C5 a augmenté de 84 % à 91 %.

La présence récurrente en quart de finale donne une image plus nuancée, mais pas différente de la hiérarchie européenne du football. Dans tous les cas, les C5 calculés pour les quarts de finale sont plus faibles que pour les victoires, au total 54 %. Pour les quarts de finalistes, la Ligue Europa apparaît la plus concentrée (C5 = 61 %), suivie de la Ligue des champions (57 %), la Coupe des coupes ayant été la plus équilibrée (46 %) car la plus aléatoire pour la qua- lification initiale, au niveau de chaque coupe nationale. Mais si l’on distingue l’ancienne Coupe des clubs champions et la Ligue des champions, cette der- nière apparaît plus déséquilibrée (78 %) pour les quarts de finalistes, comme pour les vainqueurs. Sept clubs sur 10 ayant accédé aux quarts de finale de la Ligue des champions sont espagnols, allemands, anglais et italiens, et 8 sur 10 si on ajoute les clubs français (ici le traditionnel Big Five se justifie pleinement).

Les clubs des 49 autres nations de l’UEFA n’ont eu que 20 % de chances d’ac- céder aux quarts de finale depuis le début de la Ligue des champions en 1993.

La plus équilibrée des compétitions européennes de football, au niveau des quarts finalistes, est l’Euro avec un C5 à 40 % : les cinq plus fortes équipes natio- nales n’ont trusté que deux cinquièmes des places en quart de finale. Les 49 autres équipes nationales se sont concurrencées pour trois cinquièmes de tous les quarts de finale, ce qui leur a ouvert plus de perspectives qu’à leurs clubs de football dans les compétitions européennes de clubs. L’Europe du football est moins déséquilibrée au niveau des sélections nationales qu’à celui des clubs.

Les indices C5 présentés ci-dessus démontrent que ces compétitions euro- péennes de clubs de football ne sont pas équilibrées sur la totalité des saisons (déséquilibre dynamique) observées. Les clubs de 34 ligues nationales n’ont remporté aucune des trois compétitions européennes et pour 19 d’entre elles aucun de leur club n’a participé à un quart de finale européen en C1, C2 ou C3. La plus déséquilibrée des compétitions européennes de clubs est la Ligue des champions depuis 1993, elle l’est plus que ne l’était l’ancienne Coupe d’Europe des clubs champions. Ceci résulte du changement introduit en 1993 dans le mode de sélection des clubs participants. Avant cette date étaient qua-

3. Chaque saison de football recouvrant deux années calendaires est exprimée par la deuxième année : 1956 pour 1955-56.

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lifiés les champions de toutes les ligues nationales, y compris les plus faibles.

Après 1993, plusieurs réformes du format ont eu lieu allant toutes dans le sens d’amoindrir le poids relatif des clubs champions des ligues faibles en qualifiant plusieurs clubs (jusqu’à quatre) des ligues les plus fortes, leur force étant appré- ciée par les coefficients UEFA, eux-mêmes dépendants des performances pas- sées des clubs de chaque ligue au cours des cinq dernières années. Résultat : quatre ligues dominantes (Espagne, Italie, Angleterre, Allemagne) ont trusté toutes les victoires sauf 3 de 1993 à 2015, et seules sept ligues (plus Pays-Bas, Portugal, France) ont obtenu ensemble 100 % des titres. L’indice C5 montre que le déséquilibre compétitif de la C1 s’est aggravé depuis ces réformes.

Cette dernière conclusion est précisée par Schokkaert et Swinnen (2016) démontrant que ce sont toujours les mêmes clubs des ligues dominantes qui ont la plus forte probabilité de se qualifier parmi les 16 clubs de l’ultime phase éliminatoire de la C1 après 1993 et que cette probabilité est plus élevée qu’avant 1993. Mais l’incertitude quant au club qui sera vainqueur parmi les 16 qualifiés en phase finale a augmenté en Ligue des champions comparé à la Coupe d’Eu- rope des champions d’avant 1993. Puisque les 16 clubs qualifiés sont en grande majorité les clubs les plus forts des ligues nationales dominantes, la compéti- tion devient plus équilibrée parmi les 16 équipes de la phase finale qu’elle ne l’est pour s’y qualifier. Pour les 16 qualifiés, il est plus difficile, et non pas plus facile, de gagner la Ligue des champions que ce n’était le cas pour les 16 clubs arrivant en huitième definale de l’ancienne Coupe d’Europe des champions.

Passant des ligues au niveau des clubs, depuis 1956, seuls 62 clubs ont gagné au moins une fois une compétition UEFA parmi les milliers de clubs qui y ont participé, et 29 clubs seulement ont remporté 2 victoires ou plus. Huit clubs – Real Madrid, AC Milan, FC Barcelone, Liverpool, Bayern Munich, Ajax, Inter Milan et Juventus – ont gagné 63 trophées européens sur un total possible de 153 (41 %) depuis 1956. Le déséquilibre compétitif de la Ligue des champions est encore plus profond et s’est accentué après 1993 : de 1956 à 1992, seulement 192 clubs différents s’y sont qualifiés pour les huitièmes de finales pour 592 (16 x 37) places offertes aux compétiteurs (32 %) et de 1993 à 2012 seulement 84 clubs différents pour 320 places en huitième de finale (26

%). Ces 192 puis 84 clubs ne sont qu’une proportion infime des centaines de clubs qui ont participé chaque année à la Ligue des champions, des milliers sur une durée de 50 ans.

Le déséquilibre compétitif caractérise aussi les ligues nationales ouvertes – avec promotion et relégation – du football européen, mesuré par divers indica- teurs d’équilibre compétitif (Andreff, 2009). Une mesure précise de l’équilibre compétitif d’un championnat sur une seule saison est donnée par l’indice de Noll-Scully: NS = σ / (0,5 / √N), défini comme le ratio de l’écart-type observé σ = √ Σi (vi – 0,5)2 à l’écart-type des victoires d’un championnat théorique parfaitement équilibré, dont l’écart-type est 0,5 /√N, où N est le nombre de matchs joués par chaque équipe (Andreff, 2012). Plus NS est proche de 1, plus le championnat est équilibré. L’écart-type théorique est celui d’une compéti- tion parfaitement équilibrée où, à chaque match, tout club a exactement une probabilité de 0,5 de gagner : à la fin du championnat, tous les clubs auraient

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exactement le même pourcentage de victoires, la moitié, ou bien toutes les ren- contres se seraient soldées par un match nul. L’équilibre compétitif dynamique, au fil des saisons successives, se calcule à l’aide de l’indice de corrélation de rang de Spearman :

Son interprétation est la suivante : d est la différence entre le rang du club i à la fin de la saison t et son rang à la fin de la saison t-1 et n est le nombre d’équipes participant au championnat. Si rs est proche de zéro, il n’y a pas de relation (pas de concordance) entre le classement des deux saisons, la ligue est équilibrée dans le temps. Si rs est proche de 1, les deux classements sont étroitement cor- rélés, la ligue est déséquilibrée au fil des saisons.

Dans le Tableau 1, les ligues du Big Five apparaissent inégalement déséqui- librées entre 1997 et 2012. En moyenne, la L1 française est la plus équilibrée alors que l’EPL4 anglaise et la Serie A italienne sont les plus déséquilibrées. Le déséquilibre compétitif s’aggrave entre 1996-2008 et 2008-2012 (l’indice NS augmente) sauf dans la ligue italienne. Quant à l’équilibre compétitif dyna- mique, il est aussi meilleur en L1 sur l’ensemble de la période, et excellent en 2001 et 2002. En 2011 et 2012, la Bundesliga devient la plus équilibrée, compa- rable à la L1 en 2001-2002, les ligues anglaise et italienne étant les plus déséqui- librées en dynamique aussi.

Selon Gouguet et Primault (2008), la Ligue des champions, depuis sa réforme en 1999, a contribué à augmenter le déséquilibre compétitif des ligues nationales en concentrant les recettes de l’UEFA sur un nombre limité de clubs riches qui se maintiennent tous les ans dans la compétition européenne.

La structure de redistribution des droits de TV perçus par l’UEFA entre les clubs participant à la Ligue des champions accroît les disparités entre les clubs (Tableau 2).

4. English Premier League.

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Tableau 1. Équilibre compétitif dans les cinq ligues majeures du football européen (1997-2012)

A/ Indice Noll-Scully

Saison L1 française EPL anglaise LC italienne LF espagnole BL allemande

1996/97 1,47 1,23 1,33 1,61 1,43

1997/98 1,31 1,28 1,76 1,39 1,14

1998/99 1,42 1,52 1,35 1,41 1,52

1999/2000 0,88 1,69 1,65 1,03 1,43

2000/01 1,15 1,43 1.60 1,29 1,14

2001/02 1,18 1,72 1,71 1,14 1,54

2002/03 1,28 1,62 1,56 1,32 1,23

2003/04 1,46 1,57 1,86 1,28 1,61

2004/05 1.10 1,73 1,45 1,51 1.50

2005/06 1,44 1,94 1,97 1,49 1,53

2006/07 1,06 1,64 1,78 1,39 1.30

2007/08 1,36 2,09 1.60 1,46 1,47

Moyenne 96/08 1.26 1.62 1.64 1.36 1.40

2008/09 1.58 1.91 1.59 1.50 1.59

2009/10 1.60 1.87 1.56 1.84 1.53

2010/11 1.25 1.33 1.52 1.71 1.38

2011/12 1.48 1.78 1.56 1.70 1.60

Moyenne 08/12 1,48 1,72 1,56 1,69 1.53

Moyenne 96/12 1.32 1.65 1.62 1.44 1.58

B/ Corrélation de rang de Spearman entre les classements en t et en t-1

Saison t L1 française EPL anglaise LC italienne LF espagnole BL allemande

1996/97 0.50 0,63 n.d. 0,55 0,34

1997/98 0,46 0,43 0,65 0,61 0,39

1998/99 0,49 0,71 0,53 0,71 0,37

1999/2000 0,24 0,83 0,81 0,59 0.70

2000/01 0.00 0,88 0,85 0,65 0,25

2001/02 0,08 0,61 0,75 0,61 0,69

2002/03 0,28 0,63 0,62 0,55 0,53

2003/04 0.60 0,43 0,81 0,45 0,44

2004/05 0,68 0,45 0,64 0,59 0,61

2005/06 0,67 0,66 0,43 0,48 0,75

2006/07 0,48 0,66 0,52 0,58 0,72

2007/08 0.20 0,66 0,65 0,59 0,49

2008/09 0.23 0.70 0.80 0.87 0.65

2009/10 0.71 0.75 0.59 0.63 0.34

2010/11 0.33 0.87 0.46 0.60 0.09

2011/12 0.48 0.86 0.75 0.40 0.09

Source : Andreff (2014).

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Tableau 2. Les gains financiers* des principaux clubs en Ligue des champions, 2000-2015 (millions €)

Clubs 2000-2010 Clubs 2011-2015

Allemands 717,6 Allemands 592,6

Bayern Munich 285,4 Bayern Munich 223,8

Bayer Leverkusen 102,9 Borussia Dortmund 147,8

Werder Brême 88,4 Schalke 04 120,4

Stuttgart 60,6 Bayer Leverkusen 83,1

Schalke 04 58.0 Werder Brême 17,5

Borussia Dortmund 52,3 Anglais 741,3

Hambourg SV 28,7 Chelsea 217,8

Wolfsburg 26.0 Manchester United 168,8

Hertha Berlin 15,3 Arsenal 153,2

Anglais 1048,1 Manchester City 136,6

Manchester United 315,4 Liverpool 33,6

Arsenal 264,6 Tottenham 31,3

Chelsea 233,9 Espagnols 686.0

Liverpool 194,1 FC Barcelone 240,1

Leeds United 24,4 Real Madrid 236.0

Newcastle 15,6 Atletico Madrid 73,7

Espagnols 850,1 Valence 72,9

Real Madrid 251,9 Malaga 32,1

FC Barcelone 245,6 Real Sociedad 17,3

Valence 121,7 Villareal 13,9

Deportivo La Corogne 86,7 Français 424,1

FC Séville 41,7 Paris Saint-Germain 155,3

Villareal 41,1 Olympique de Marseille 86,5

Atletico Madrid 15,1 Monaco 52,4

Real Sociedad 14,3 Olympique Lyonnais 42,1

Celta Vigo 11,9 Lille 41,7

Real Betis 10,1 Montpellier 32,4

RCD Mallorca 10.0 Auxerre 13,7

Français 595,4 Italiens 564,1

Olympique Lyonnais 225,4 Juventus Turin 197,5

Girondins Bordeaux 85,5 Milan AC 154,7

Olympique de Marseille 82,4 AS Rome 76.0

Monaco 56,6 Inter Milan 69,6

Lille 48,5 Naples 66,3

Paris Saint-Germain 34,4 Autres ligues**

Nantes 28,2 Olympiakos 125,7

Lens 18,8 AFC Ajax 92,9

Auxerre 15,5 Chaktior Donetsk 82,9

Italiens 878,1 Benfica 75,4

Milan AC 218,9 FC Porto 73,8

Inter Milan 196,7 Zenith 73,7

Juventus Turin 165,8 Galatasaray 64,5

AS Rome 141,6 FC Bâle 58.0

Lazio Rome 90,2 CSKA Moscou 50,5

Fiorentina 55,8

Udinese 9,2

2000 = saison 1999-2000

* Revenus sportifs + revenus TV

** Clubs ayant gagné plus de 50 millions € en 5 ans.

Sources : Drut (2011) pour 2000-2010, UEFA pour 2011-2015.

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En seize saisons (2000-2015), Bayern Munich, Real Madrid, Manchester United et FC Barcelone ont gagné 500 millions d’euros en Ligue des cham- pions, Arsenal et Chelsea plus de 400 millions d’euros et Juventus et Milan AC plus de 300 millions d’euros. La concentration des revenus au sein des ligues dominantes (Big Five) redouble celle des performances sportives et le désé- quilibre financier redouble et entretient le déséquilibre compétitif. En dehors du Big Five, un groupe restreint de clubs réalisent des gains financiers substan- tiels, égaux ou supérieurs à 50 millions d’euros de 2011 à 2015 (> 10 millions d’euros en moyenne par an) : trois clubs russes – Chaktior Donetsk, Zenith, CSKA Moscou –, deux portugais (Benfica, FC Porto), un grec (Olympiakos), un hollandais (Ajax), un turc (Galatasaray) et un suisse (FC Bâle). La disparité des revenus tirés de la Ligue des champions crée un cercle vertueux pour les clubs bénéficiaires (et un cercle vicieux de relative pauvreté pour les clubs qui n’y participent pas) tel que le suivant : les gains financiers obtenus en Ligue des champions sont investis en recrutement des meilleurs joueurs, augmentant la force sportive de ces clubs et leur domination de leur championnat national et donc leur probabilité de remporter celui-ci et ainsi de se qualifier en Ligue des champions lors de la saison suivante et, donc, d’en tirer à nouveau des gains financiers permettant de recruter les meilleurs joueurs, et ainsi de suite.

Pawlowski et al. (2010) ont testé l’influence des gains financiers de la Ligue des champions sur l’équilibre compétitif des ligues du Big Five : l’accroisse- ment des revenus distribués par la C1 a augmenté le déséquilibre compétitif des championnats nationaux et concentré les qualifications en C1 sur un petit nombre de clubs depuis la saison 2000-2001. Cette concentration des gains financiers devrait continuer avec l’augmentation des droits TV et le faible nombre de clubs capables d’accéder à la phase finale de la Ligue des champions.

l

eS DiSpariTéS De reveNUS eNTreleS ligUeS

eT leSClUbS eUropéeNS

Les revenus cumulés sur cinq ans, de 2010 à 2014, de la ligue de football arménienne représentent à peine 0,1 % de ceux de l’EPL (Tableau 3). Très forte concentration des revenus au sommet du football européen, les ligues du Big Five ont des revenus supérieurs à 6 milliards d’euros sur 5 ans, avec un record de plus de 15 milliards d’euros pour l’EPL. Six autres ligues ont cumulé plus d’un milliard d’euros de revenus en 5 ans : Russie, Turquie, Pays-Bas, Portugal, Belgique, Ukraine, mais la ligue ukrainienne est quand même 15 fois moins riche que l’EPL. La liste de ces onze ligues à gros revenus ressemble fort à celle des ligues qui ont obtenu les meilleures performances sportives dans les com- pétitions UEFA. La moyenne des revenus de toutes les ligues européennes sur cinq ans est de 2 173 millions d’euros tandis que la médiane de la distribution statistique (le pays médian est la Hongrie) n’est que de 183 millions d’euros, 12 fois plus faible que la valeur moyenne. Ceci est un indicateur très clair de forte concentration des revenus vers le haut de la distribution statistique sur très peu de ligues à très hauts revenus.

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Tableau 3. Revenus et classement UEFA des ligues européennes (millions €) Ligues de: Revenus en

2010-2014* Performance

sportive** Coefficient

UEFA en 2016 PIB en 2014

Angleterre 15210 3 75.409 2988893

Allemagne 9740 4 79.606 3868291

Espagne 9030 1 101.999 1381342

Italie 8430 2 70.439 2141161

France 6160 7 52.749 2829192

Russie 3914 9 51.082 1860598

Turquie 2610 17 34.600 798429

Pays-Bas 2183 5 35.563 879319

Portugal 1474 6 52.915 230117

Belgique 1308 8 40.000 531547

Ukraine 1155 11 44.083 131805

Suisse 906 22 33.775 701037

Norvège 842 28 19.250 499817

Grèce 823 15 29.700 235574

Danemark 785 18 18.600 342362

Autriche 768 21 25.100 436888

Suède 653 12 19.875 571090

Pologne 483 25 22.500 544967

Kazakhstan 456 38 14.125 217872

Roumanie 443 16 25.383 199044

République tchèque 331 13 32.925 205270

Israël 318 34 18.625 305675

Chypre 266 35 22.175 23226

Biélorussie 205 30 20.000 76139

Hongrie (médiane) 183 23 9.875 138347

Croatie 169 26 23.875 57113

Azerbaïdjan 154 38 14.875 75198

Slovaquie 125 19 12.000 100249

Bulgarie 118 24 13125 56717

Finlande 100 29 7.400 272217

Serbie 100 14 14.625 43866

Slovénie 84 38 13.125 49491

Géorgie 66.2 20 8.125 16530

Irlande 55.0 32 5.450 250814

Islande 44.7 38 8.750 17036

Luxembourg 40.8 33 5.250 64874

Bosnie Herzégovine 40.1 31 7.125 18286

Moldavie 25.7 38 9.125 7962

Lettonie 24.9 38 5.375 31287

Lituanie 22.6 38 4.625 48354

Monténégro 20.4 38 4.875 4588

Macédoine 19.8 38 6.000 11324

Malte 17.7 38 3.583 9643

Estonie 16.1 38 4.250 26485

Albanie 14.2 38 6.625 13212

Arménie 14.1 36 4.125 11644

Moyenne 2173

Le coefficient UEFA est calculé en fonction des résultats des clubs et équipes nationales

* Revenus cumulés sur 5 ans

** Classement des ligues dans le Tableau 1 Source : UEFA (2015)

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Des calculs effectués à partir du Tableau 3 donnent une forte corrélation entre les revenus des ligues et l’importance économique du pays (son PIB) où elles se situent - coefficient de corrélation = 0,90 et coefficient de Spearman

= 0,90. La disparité des revenus entre les ligues est liée à la disparité des tailles économiques des pays européens. Le classement des ligues selon le coefficient UEFA est en forte concordance avec leur classement selon le niveau de leurs revenus (coefficient de Spearman = 0,90). Plus une ligue est riche, meilleur est son classement UEFA, plus elle est pauvre, plus elle est mal classée. Il y a une étroite relation entre les revenus des ligues et leurs performances sportives.

La concentration des revenus entre les ligues se traduit, au niveau des clubs, par une structure stable de concurrence pour les revenus qui se limite à quelques clubs, i.e. une structure d’oligopole définie comme un marché sur lequel une poignée d’opérateurs accapare l’essentiel des revenus. Le Tableau 4 montre que le cœur de l’oligopole du football européen se compose d’une quinzaine de clubs, dont 12 sont présents tous les ans depuis 2007 parmi les 20 revenus les plus élevés du football européen : Real Madrid, Manchester United, FC Barcelone, Bayern Munich, Chelsea, Arsenal, Milan AC, Liver- pool, Inter Milan, Tottenham, Juventus, Schalke 04 ; AS Rome, Hambourg SV et Manchester City n’en sont absents qu’une année. Ce dernier entre dans le Top 20 suite à l’investissement du cheikh Mansour. Il en est de même pour le PSG après son rachat par Qatar Sports Investment. Newcastle et Borussia Dortmund sont proches du cœur de l’oligopole, Atletico et Galatasaray s’en rapprochent.

La structure d’oligopole est la forme moderne de la concurrence imparfaite conduisant à la domination d’un marché par un petit nombre de firmes, du marché du football européen par une quinzaine de clubs5. Au total, 27 clubs sont entrés dans le Top 20 des revenus entre 2007 et 2014. Les revenus des clubs fluctuent avec leurs performances annuelles sur le terrain, mais ceci est insuffisant pour remettre en cause la stabilité de l’oligopole et encore moins la domination économique de celui-ci par quatre clubs : Real Madrid, FC Barce- lone, Bayern Munich, Manchester United. L’oligopole économique coïncide avec une sorte d’oligopole sportif : les quatre clubs en question ont remporté à eux seuls 32 trophées dans les compétitions de l’UEFA. Les 15 clubs du cœur de l’oligopole économique ont tous remporté au moins une victoire en UEFA, en général plusieurs. Seul l’Olympique Lyonnais fait exception parmi les pen- sionnaires réguliers du Top 20 des revenus en n’ayant jamais remporté un tro- phée UEFA.

5. Ces 15 clubs (et quelques autres) se retrouvent naturellement parmi les partisans de la création d’une Super-ligue européenne de football fermée pour verrouiller institutionnellement une fois pour toutes leur avantage. À la limite, ils n’ont même pas besoin d’une super-ligue puisque les statistiques de revenus montrent qu’ils ont assis durablement leur domination économique (et sportive) en suivant les règles de qualification de l’UEFA.

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Tableau 4. Le TOP 20 des revenus des clubs de football européens (millions €)

Clubs 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Victoires*

Real Madrid 351 366 401 439 480 513 519 550 12

Manchester United 315 325 327 350 367 396 424 518 4

FC Barcelone 290 309 366 398 451 483 483 485 9

Chelsea 283 269 242 256 250 323 303 388 4

Arsenal 264 264 263 274 251 290 284 359 2

Milan AC 227 210 197 236 235 257 264 250 9

Bayern Munich 223 295 290 323 321 368 431 488 7

Liverpool 199 211 217 225 203 233 205 306 8

Inter Milan 195 173 197 225 211 186 169 164 6

AS Rome 158 175 146 123 144 116 124 1

Tottenham Hotspur 153 145 133 146 181 178 172 216 3

Juventus Turin 145 168 203 205 154 195 272 279 6

Olympique Lyonnais 141 156 140 133 132 0

Newcastle United 129 126 101 115 155 1

Hambourg SV 120 128 147 146 129 121 135 2

Schalke 04 114 148 125 140 202 175 198 214 1

Celtic 112 1

Valence 108 117 4

Olympique de Marseille 99 127 133 146 150 136 1

Werder Brême 97 115 1

VfB Stuttgart 112 115 0

Fenerbahce 111 126 0

Manchester City 104 102 153 170 286 316 414 1

Borussia Dortmund 104 139 189 256 262 2

Atletico Madrid 125 120 170 3

Aston Villa 109 1

Naples 115 148 165 1

Paris Saint-Germain 399 474 1

Galatasaray 157 162 1

Everton 144 1

* en compétitions UEFA.

Source: Deloitte (2015) et années antérieures.

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Tableau 5. Affluences au stade et revenus dans les ligues européennes, 2014 Ligue classée selon

revenus 2010-14 Rang/revenus

en 2014 Rang/affluences

en 2014 Ligue classée selon

revenus 2010-14 Rang/revenus

en 2014 Rang/affluences en 2014

Angleterre 1 2 Hongrie 26 26

Allemagne 2 1 Croatie 29 23

Espagne 3 3 Azerbaïdjan 25 33

Italie 4 5 Slovaquie 30 29

France 5 4 Bulgarie 28 28

Russie 6 9 Finlande 32 27

Turquie 7 13 Serbie 33 25

Pays-Bas 8 6 Slovénie 31 35

Portugal 10 10 Géorgie 34 39

Belgique 9 7 Irlande 36 32

Ukraine 13 18 Islande 35 38

Suisse 11 8 Luxembourg 37 45

Norvège 15 15 Bosnie Herzégovine 38 34

Grèce 18 22 Moldavie 42 40

Danemark 14 16 Lettonie 48 47

Autriche 12 17 Lituanie 45 41

Suède 17 14 Monténégro 43 42

Pologne 20 12 Macédoine 41 36

Kazakhstan 19 20 Malte 47 50

Roumanie 22 21 Estonie 46 48

République tchèque 21 19 Albanie 50 30

Israël 23 21 Arménie 51 44

Chypre 24 24 Iles Féroé 54 43

Biélorussie 27 31

En italiques : plus de deux rangs d'écart entre les deux classements.

En gras : plus de sept rangs d'écart entre les deux classements.

Source: UEFA (2015) et Tableau 3.

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Les disparités de revenus entre les ligues sont en partie provoquées par des différences marquées dans les affluences de spectateurs (Tableau 5). Près de la moitié des ligues nationales ont le même rang de classement (à deux rangs près) si on les classe selon leurs revenus et selon leurs affluences au stade. Cette hiérarchie des affluences est presque la même que celle des revenus au Tableau 3, sauf que l’EPL est plus riche que la Bundesliga ; ceci n’est pas dû aux affluences mais aux droits de retransmission TV très supérieurs que l’EPL attire sur son championnat. Une forte croissance des affluences en Bundesliga et en EPL contraste avec l’affluence en baisse en Ligue 1 de 2007 à 2012 - qui se redresse depuis 2013, année où l’on peut voir un effet PSG. Ayant connu une grave crise entre 2002 et 2006, la Serie A subit une chute d’affluence ; elle a perdu 37 % de ses spectateurs en 2007 comparé à 1997. On relève le paradoxe suivant : les ligues les plus équilibrées ne sont pas celles qui attirent le plus d’affluence et les plus gros revenus, ainsi la Ligue 1 par rapport aux quatre autres ligues du Big Five. La ligue la plus déséquilibrée, l’EPL, est l’une des deux plus attractives en termes de spectateurs et la plus attractive en termes de revenus. L’idée émerge que ce n’est pas tant l’équilibre des forces sur le terrain qui attire l’affluence – les supporters viennent principalement voir gagner leur équipe favorite – mais l’enjeu de la rencontre proposée au public. L’intensité de la compétition est beaucoup plus forte sur un match à enjeu que pour un match sans enjeu.

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L’arrêt Bosman (1995) libéralisant le marché des joueurs de football et conduisant les clubs européens à se livrer une « course aux armements » pour l’acquisition des talents d’une part et, d’autre part, la revalorisation des gains financiers en Ligue des champions en 1999 ont transformé le modèle de finan- cement des clubs dans les principales ligues de football européennes, du tradi- tionnel modèle SSSL6 au nouveau modèle MMMMG7 (Andreff & Staudohar, 2000). Le premier modèle basait le financement des clubs sur les recettes des matchs (Spectateurs), sur les Subventions publiques et sur les recettes du Sponsoring, le tout provenant de sources de revenus essentiellement Locales (régionales, au plus nationales). Le second modèle s’appuie désormais sur un financement prépondérant par les Médias (la télévision), sur des fonds attri- bués aux clubs de football par des Magnats (de l’industrie, du commerce, des médias, des oligarques est-européens et des émirs du Moyen-Orient), sur des revenus du Merchandising (vente d’objets à l’effigie du club) et sur les Marchés, le tout en provenance de sources de financement Globales, i.e. étrangères ou mondiales.

Les deux marchés sollicités pour ces nouveaux financements sont d’abord le marché des joueurs sur lequel certains clubs se sont spécialisés dans la vente de jeunes talents qu’ils ont éduqués et entraînés, ensuite le marché des capitaux

6. Spectateurs, Subventions, Sponsoring, Local.

7. Medias, Merchandising, Magnats, Marchés et Global.

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avec l’introduction de 44 clubs européens en Bourse (Aglietta et al., 2008).

Entre les deux modèles, il y a en général une période de transition de quelques années caractérisée par une instabilité de la source de financement dominante, tantôt les subventions, tantôt le sponsoring, avant que les médias ne prennent une importance cruciale et que les trois S déclinent en cédant de la place aux quatre M.

Toutes les ligues et tous les clubs européens de football ne sont pas passés ensemble et simultanément au modèle MMMMG. On observe en 2014 que (les clubs de) dix ligues européennes ont adopté le modèle MMMMG, bien sûr le Big Five, mais aussi la Turquie, le Portugal, la Roumanie, le Danemark et la Grèce (Tableau 6). C’est-à-dire, après le Big Five, cinq des meilleures ligues en termes de performances sportives. Le modèle MMMMG est dans l’ensemble associé aux ligues/clubs les plus performants.

Huit ligues ont une structure de financement de transition entre le modèle SSSL et le modèle MMMMG. Pour la Belgique, les Pays-Bas et l’Ecosse, petites ligues assez performantes au niveau européen, cela paraît être une étape sur la voie du modèle MMMMG, ainsi que probablement pour Chypre, la Nor- vège et la Pologne, bien que moins performantes. En Hongrie et en Moldavie (comme dans beaucoup de pays d’Europe de l’Est), ceci est dû à la faiblesse des recettes au guichet, du fait d’un nombre de spectateurs limité et surtout de la quasi-gratuité à l’entrée du stade. La majorité des ligues européennes ont encore gardé pour l’heure une structure traditionnelle de financement SSSL ce qui, compte tenu de leurs performances sportives, est assez étonnant pour l’Autriche, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la Russie, la Serbie, la Slovaquie, la Suède et la Suisse.

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Tableau 6. Modèles de financement des clubs de football européens en 2014 (chaque source de financement en % du financement total)

Ligues Recettes

matchs Sponsors Droits de

télévision Gains venant

de l'UEFA Revenus

commerciaux Autres Modèle

Angleterre 18 19 49 4 9 1 MMMMG

Italie 11 18 51 7 5 8 MMMMG

Turquie 11 23 45 6 10 6 MMMMG

Portugal 13 16 32 16 14 10 MMMMG

Espagne 20 17 37 11 7 9 MMMMG

France 11 15 34 6 6 28 MMMMG

Allemagne 21 29 25 7 13 5 MMMMG

Roumanie 5 26 36 18 1 14 MMMMG

Danemark 7 31 20 12 12 21 MMMMG

Grèce 14 20 26 27 4 9 MMMMG

Albanie 1 24 4 26 10 35 transition

Belgique 23 16 20 8 8 24 transition

Chypre 21 10 22 30 2 16 transition

Hongrie 5 32 21 2 2 38 transition

Moldavie 2 4 0 37 42 16 transition

Pays-Bas 21 40 15 8 11 5 transition

Irlande du Nord 22 9 1 14 11 44 transition

Norvège 19 40 14 1 12 12 transition

Pologne 15 33 24 6 12 10 transition

Ecosse 34 12 13 15 20 6 transition

Arménie 0 61 0 32 0 7 SSSL

Autriche 15 51 9 14 3 8 SSSL

Azerbaïdjan 1 83 0 7 1 9 SSSL

Biélorussie 2 49 0 28 1 20 SSSL

Bosnie Herzégovine 9 19 2 19 6 44 SSSL

Bulgarie 12 22 6 35 4 23 SSSL

Croatie 10 15 5 26 7 37 SSSL

République tchèque 7 40 7 26 3 15 SSSL

Estonie 1 31 0 28 6 36 SSSL

Iles Féroé 12 25 0 31 4 29 SSSL

Finlande 16 29 0 10 2 42 SSSL

Macédoine 1 73 0 17 1 8 SSSL

Islande 6 24 6 14 2 47 SSSL

Israël 26 22 9 11 2 30 SSSL

Lettonie 0 20 0 15 3 62 SSSL

Liechtenstein 4 62 5 2 8 19 SSSL

Luxembourg 10 58 0 10 15 7 SSSL

Malte 4 20 1 30 4 41 SSSL

Irlande 34 15 0 15 23 13 SSSL

Russie 3 58 3 6 2 28 SSSL

Serbie 9 36 4 15 9 27 SSSL

Slovaquie 5 59 2 19 3 12 SSSL

Slovénie 6 23 1 54 3 12 SSSL

Suède 20 28 12 14 13 13 SSSL

Suisse 35 22 5 11 11 15 SSSL

La classification par modèle est faite sous réserve du contenu de ‘Autres’

Source : UEFA (2015).

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Du côté des charges, les clubs du football européens, en concurrence dans un système de ligue ouverte, tendent à dépenser sans compter pour participer à la course aux armements, ce qui se traduit par d’importantes masses salariales et de grosses primes de transfert à acquitter. Des clubs de football dépensent au-delà de ce que leur permettraient leurs seuls revenus, surtout pour recruter puis payer les salaires des joueurs. La conséquence immédiate est le déficit courant et persis- tant du club. Des déficits répétés entraînent alors le club de football dans un cycle d’endettement, quand il sait qu’il bénéficiera du renflouement financier de ses déficits et de sa dette par des banques, comme en Espagne, ou par l’Etat comme en Italie (le plan salve calcio de 2002) ou par des sugar daddies, i.e. des investisseurs à fonds perdus qui n’attendent pas des retours financiers mais plutôt une image, du prestige, une réputation tels que, dans l’EPL, des oligarques russes, des cheikhs du Moyen-Orient ou de riches américains. Une stratégie fréquente du club de foot- ball consiste à ne pas payer ses dettes, sachant qu’il ne sera pas mis en liquidation, et donc à accumuler de la dette sous forme d’arriérés de paiement.

En 2012, la masse salariale chargée dépassait 100 % des revenus totaux de la ligue en Macédoine et en Serbie, 90 % en Bulgarie et au Monténégro et 80 % en Israël, Pologne et Hongrie. Sur l’ensemble des ligues européennes, 178 clubs de football affichaient des masses salariales chargées supérieures à 80 % de leurs revenus en 2012 ; 93 clubs avaient un ratio masse salariale/revenu compris entre 70 % et 80 %, ainsi que douze ligues nationales. Parmi les ligues du Big Five, seule la Bundesliga fait preuve de modération salariale ; elle n’échappe pas à l’inflation salariale mais maintient le ratio masse salariale/revenu entre 45 % et 54 %.

Les masses salariales excessives sont largement expliquées, depuis l’arrêt Bosman, par les salaires et la forte mobilité des superstars, qualificatif appliqué au segment limité des meilleurs joueurs. Elles traduisent le fait que le marché international du travail des joueurs de football est segmenté, avec un segment pour les vedettes en excès de demande, à très hauts salaires et à inflation sala- riale d’une part et, d’autre part, un segment pour les autres joueurs en excès d’offre où le chômage n’est pas rare ainsi que le transfert vers des ligues natio- nales moins prestigieuses ou des divisions inférieures à la 1ère division, à des salaires très inférieurs. Cette situation est qualifiée théoriquement de marché des talents des joueurs en déséquilibre et se représente par un modèle de désé- quilibre des ligues de sport d’équipe professionnelles (Andreff, 2015).

La tendance à l’inflation salariale engendre le déficit des clubs de football dès lors qu’ils ne sont pas gérés avec la plus extrême rigueur. En 2011, avant l’entrée en vigueur du fair play financier (FPF) de l’UEFA, une large majorité (63 %) des clubs européens de 1ère division étaient en déficit (Tableau 7) ; 85 clubs avaient des dépenses salariales supérieures à leurs revenus. Les 700 clubs environ de 1ère division en Europe ont affiché un déficit cumulé de 649 millions d’euros en 2008 qui a culminé à 1 675 millions d’euros en 2011, pendant que la proportion de clubs déficitaires augmentait de 54 % à 63 %. Ces déficits récur- rents sanctionnant la mauvaise gestion et la mauvaise gouvernance des clubs sont plutôt la règle que l’exception.

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Tableau 7. Déficits des clubs de football européens, 1ère division, 2008-2012

Indicateurs 2008 2009 2010 2011 2012

Pertes nettes agrégées...

(million €)

...de tous les clubs européens de 1ère division (nombre)

649 1206 1641 1675 1066

732 733 734 733 729

Nombre de clubs ayant fourni les données 644 664 665 679 696

Pourcentage des clubs en déficit 54% 60% 61% 63% 48%

Nombre de clubs se voyant refuser la licence

UEFA pour des raisons financières* 75 86 62 85 75

Nombre de clubs dépensant plus de 100% de

leurs revenus en salaires 55 73 78 81 94

* Non (retard de) paiement des salaires, des impôts et des primes de transfert.

Source: UEFA Club licensing benchmarking reports.

La dette des clubs de football (Tableau 8) résultant de l’accumulation des déficits et du non-paiement des dettes affecte la plupart des clubs de football européens de 1ère division, et les impayés et la mauvaise gestion représentent une bonne moitié de cette dette, en moyenne. Mais pour 35 % à 40 % des clubs de football, la situation est grave, la valeur de leurs actifs étant inférieure à celle de leurs dettes ; ils sont de fait insolvables et feraient faillite dans n’importe quel secteur d’activité autre que le football professionnel. Ils ne font pas faillite parce que, finalement, ils sont sauvés de la liquidation par quelque bienfaiteur investissant à fonds perdus dans le renflouement du club et/ou, en attendant d’en trouver un, ils sont placés en administration forcée comme dans la ligue anglaise ; ou encore ils sont sauvés de la faillite par des autorités publiques locales et régionales ou des banques (Barajas & Rodriguez, 2010).

Tableau 8. Dettes des clubs de football européens, 1ère division (2008-2012)

Indicateurs 2008 2009 2010 2011 2012

Nombre de clubs répondants 644 664 665 654 699

Nombre de clubs dont dettes > actifs 224 245 237 255 266 en pourcentage des clubs répondants 35% 37% 36% 38% 39%

Dette bancaire et prêts commerciaux * 5.5 5.6 5.5 5.1 6.3 Impayés d'impôt et charges sociales * 1.4 1.3 1.2 1.4 1.4

Salaires impayés * n.a n.a. 0.6 0.7 1.0

Primes de transfert impayées * 1.6 2.1 2.3 2.3 2.4

Total de la dette typique de la CBL * 8.5 9.0 9.6 9.5 11.1

en pourcentage du passif total 49% 48% 50% 52% 57%

* En milliards d'euros.

Source: UEFA Club licensing benchmarking reports.

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Le nombre de clubs sanctionnés pour non-respect des règles du FPF a évolué comme suit : 10 en 2012, 9 en 2013, 16 en 2014 (dont Manchester City et PSG) et 19 en 2016, dont Monaco, Inter Milan, AS Rome et Sporting Portugal. Les motifs de sanctions sont : comptes financiers et budgets insuffi- sants, impayés d’impôt, de charges sociales, de salaires, de primes de transfert, autres arriérés de paiement. C’est-à-dire des sanctions de la mauvaise gestion des clubs concernés liée à leur mauvaise gouvernance.

Le taux de survie des clubs de football est extrêmement élevé dans les grandes ligues européennes quels que soient leurs résultats financiers. Par conséquent, nombre de clubs sont en situation de hasard moral parce qu’ils ont l’assurance de continuer à vivre dans l’industrie du football en tout état de cause (Franck, 2014). Ce qui ne les incite pas à améliorer leur gouvernance et leur gestion (Dimitropoulos & Tsagkanos, 2012). D’où la nécessité de les y contraindre, ce que visait déjà le FPF dans sa forme initiale.

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L’analyse économique des ligues de football professionnel s’est grandement enrichie dans les vingt dernières années. L’observation empirique montre que les clubs professionnels sont souvent en déficit de manière récurrente, ren- voyant à une analyse simultanée de l’équilibre compétitif du championnat, de la contrainte budgétaire non respectée par les clubs et des problèmes réels de gouvernance des clubs et de la ligue. Cette analyse débouche sur la formali- sation d’un modèle de déséquilibre des ligues ouvertes de sports d’équipe (Andreff, 2014).

Révisé par l’UEFA en juin 2015, le nouveau Fair Play Financier (FPF) vise toujours à empêcher les clubs de dépenser plus que leurs revenus en appli- quant la règle du point mort (dépenses = revenus), le principe de la fair market value (juste valeur de marché dans l’évaluation des transactions) et le concept d’accords volontaires entre le Club Financial Control Body (l’audit appliquant le FPF) de l’UEFA et les clubs en difficulté financière quant aux obligations et aux objectifs financiers de ces clubs pendant un an.

Selon le dernier rapport de l’UEFA (2015), les effets du FPF commencent à se faire sentir. Les pertes financières agrégées des clubs de football européens ont culminé à 1,7 milliards d’euros en 2011 et se sont réduites trois ans d’affilée, chutant à 486 millions d’euros en 2014. Le football européen (toutes les ligues nationales), déficitaire en 2012, est redevenu bénéficiaire avec un excédent net d’exploitation de 805 millions d’euros en 2014. Le nombre de clubs déficitaires a diminué. La dette nette du football européen s’est contractée de 7,3 milliards d’euros en 2012 à 6,6 milliards d’euros en 2014. Sur un échantillon de 237 clubs, sous contrôle de l’UEFA, les arriérés de paiement sont en diminution ; autrement dit, le FPF tend à durcir la contrainte budgétaire des clubs, un pre- mier pas vers la disparition de leur mauvaise gouvernance.

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