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LA LUMIÈRE SE PROPAGE PLUS LENTEMENT DANS L EAU QUE DANS L AIR

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LA LUMIÈRE SE PROPAGE PLUS LENTEMENT DANS L’EAU QUE DANS L’AIR

LéON FOUcAULT (1819-1868)

A

u xviie siècle, la plupart des scientifiques se mettent à étudier le phénomène de la lumière. Ils cherchent à savoir si celle-ci possède une vitesse finie, mesurable. En 1690, l’astronome hollandais Christiaan Huygens publie sa théorie selon laquelle la lumière est une pression transmise en ondes dans un mystérieux fluide qu’on appelle l’éther. Il imagine qu’il s’agit d’une onde longitudinale et

qu’elle se déplace plus lentement dans l’eau et dans le verre que dans l’air. En 1704, le physicien anglais Isaac Newton affirme au contraire que la lumière n’est qu’un faisceau de corpuscules. Pour expliquer la réfraction – c’est-à-dire la déviation d’un rayon lorsque celui-ci passe d’un matériau transparent dans un autre –, il suppose que la lumière se propage plus rapidement quand elle pénètre dans l’eau.

CONTEXTE

DOMAINE Physique AVANT

1676 Olaus Römer fournit une première estimation de la vitesse de la lumière en observant les éclipses de Io, un satellite de Jupiter.

1690 Christiaan Huygens définit la lumière comme une onde dans son ouvrage Traité de la lumière.

1704 Dans Optique, Newton envisage la lumière comme un faisceau de corpuscules.

APRÈS

1864 James Clerk Maxwell constate que la vitesse des ondes électromagnétiques est proche de celle de la lumière. Il en conclut que la lumière est une sorte d’onde électromagnétique.

1879-1883 Albert Michelson affine la méthode de Foucault pour calculer la vitesse de la lumière ; la valeur est très proche de celle admise aujourd’hui.

La lumière doit donc se propager sous

forme d’ondes.

Foucault découvre que la lumière se propage plus lentement dans

l’eau que dans l’air.

Newton pense que les particules lumineuses

s’accélèrent dans l’eau.

Huygens, lui, croit que les ondes y ralentissent.

La lumière est-elle une onde ou un faisceau

de particules ?

Quoi qu’il en soit, la lumière met du temps

à se propager.

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L’expérience de Foucault consiste à calculer la vitesse de la lumière en mesurant l’angle entre le rayon que se renvoient les deux miroirs et le rayon réfléchi par le miroir tournant.

Voir aussi : Christiaan Huygens 50-51 Olaus Römer 58-59 Isaac Newton 62-69 Thomas Young 110-111 James Clerk Maxwell 180-185 Albert Einstein 214-221 Richard Feynman 272-273

LE SIÈCLE DES PROGRÈS

À cette époque, les scientifiques s’appuient encore sur des données astronomiques à l’heure d’évaluer la vitesse de la lumière dans l’espace.

Les premières mesures terrestres sont d’ailleurs effectuées en 1849 par Hippolyte Fizeau, physicien et astronome français. Son expérience consiste tout simplement à projeter un faisceau lumineux entre deux dents d’une roue dentée en rotation.

Cette lumière se réfléchit sur un miroir placé à 8 km de distance, puis revient vers la roue en passant

par une autre échancrure. À partir de la vitesse de rotation de la roue et du temps qu’a mis le rayon à parcourir ces 8 km, Fizeau estime la vitesse de la lumière à 313 000 km/s.

En désaccord avec Newton En 1850, Fizeau décide de collaborer avec son confrère Léon Foucault, qui reproduit son expérience à l’aide d’un dispositif plus réduit. Cette fois, la source lumineuse est projetée sur un miroir tournant qui, lorsqu’il se trouve dans le bon angle, réfléchit la lumière sur un miroir fixe. Celui-ci renvoie le rayon vers le miroir tournant, qui a entretemps changé de position. Par conséquent, la lumière ne revient pas directement vers la source. Foucault mesure alors cet angle de déviation et, à partir de la vitesse de rotation du miroir, il peut déterminer celle de la lumière.

Pour calculer la vitesse de la lumière dans l’eau, le physicien interpose un tube rempli d’eau entre les deux miroirs. Foucault constate que la lumière se propage beaucoup plus lentement dans l’eau que dans l’air, et en conclut que la lumière ne

peut être constituée de particules ; on considère, en conséquence, que cette expérience invalide la théorie corpusculaire défendue par Newton.

Par la suite, Foucault perfectionne son dispositif et, en 1862, il évalue la vitesse de la lumière dans l’air à 298 000 km/s, une valeur très proche de celle admise aujourd’hui, qui est de 299 792 km/s.

Léon Foucault

Né à Paris en 1819, Léon Foucault entreprend des études de médecine et assiste notamment aux cours du bactériologiste Alfred Donné.

Ne supportant pas la vue du sang, il abandonne vite ce domaine et devient l’assistant de laboratoire de Donné. Il invente le moyen de faire des photographies à l’aide d’un microscope ; plus tard, il s’associe à Hippolyte Fizeau pour réaliser la toute première photographie du Soleil. Outre ses travaux sur la vitesse de la lumière, Foucault est surtout connu pour avoir prouvé la rotation de la Terre en utilisant un pendule rudimentaire, en 1851,

puis un gyroscope. Bien qu’il n’ait pas suivi d’études en science, il obtient un poste à l’Observatoire de Paris. Il devient membre de plusieurs cercles scientifiques et son nom figure dans la liste des 72 savants français inscrits sur la tour Eiffel.

Ouvrages-clés

1851 Démonstration physique du mouvement de rotation de la Terre au moyen du pendule 1853 Sur les vitesses relatives de la lumière dans l’air et dans l’eau

La découverte d’un rapport nouveau […] doit être accueillie avec la même faveur

que les applications les plus directes […] à l’industrie.

Léon Foucault

Miroir tournant

Miroir fixe Source lumineuse Lumière réfléchie

Tube d’eau (pour calculer la vitesse de la lumière dans l’eau)

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Voir aussi : Isaac Newton 62-69 Joseph Black 76-77 Joseph Fourier 122-123

L’

énergie n’est jamais perdue ; elle ne fait que changer de forme grâce à un principe de conservation. Aux alentours de 1840, les scientifiques n’ont encore qu’une très vague idée de ce qu’est l’énergie. L’Anglais James Joule va démontrer que la chaleur, le travail mécanique et l’électricité sont des formes d’énergies interchangeables, mais aussi que d’une transformation à l’autre, la quantité totale d’énergie demeure égale.

La transformation de l’énergie

En 1841, Joule parvient à calculer la quantité de chaleur produite par un courant électrique. Un an plus tard, le physicien calcule l’équivalent mécanique de la calorie par le biais d’une ingénieuse expérience. La chute d’un poids fait tourner une roue à palettes dans de l’eau, qui se met à chauffer. En mesurant l’augmentation de la température de l’eau, il calcule la quantité de travail nécessaire pour créer telle quantité de chaleur. Il affirme en outre qu’aucune énergie ne se perd

lors de cette conversion. Au départ, ses idées sont largement ignorées, jusqu’à ce qu’en 1847 le physicien allemand Hermann von Helmholtz publie un article résumant la théorie de la conservation de l’énergie. Joule présente ensuite ses travaux à la British Association d’Oxford. L’unité de mesure de l’énergie, le joule, porte aujourd’hui son nom.

LE TRAVAIL MÉCANIQUE PEUT SE TRANSFORMER EN CHALEUR

JAMES JOULE (1818-1889)

CONTEXTE

DOMAINE Physique AVANT

1749 La mathématicienne Émilie du Châtelet tire des lois de Newton la notion de conservation de l’énergie.

1824 Sadi Carnot affirme qu’il n’y a pas de processus réversible dans la nature, esquissant ainsi le second principe de la thermodynamique.

1834 Émile Clapeyron révise les travaux de Carnot et formule sa version du second principe de la thermodynamique.

APRÈS

1850 Le physicien Rudolf Clausius énonce clairement les premier et second principes de la thermodynamique.

1854 William Rankine utilise le concept que l’on nommera plus tard « entropie » (mesure de l’état de désordre) pour analyser la transformation de l’énergie.

Expérience de Joule : la chute d’un poids fait tourner une palette dans un seau d’eau ; l’énergie de ce mouvement se transforme en chaleur.

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Voir aussi : John Dalton 112-113 James Joule 138 James Clerk Maxwell 180-185 Albert Einstein 214-221

A

u milieu du xixe siècle, les atomes et les molécules occupent désormais une place fondamentale en chimie. La plupart des scientifiques savent qu’ils sont la clé qui leur révélera l’identité et le comportement des éléments et des composés chimiques. Dans les années 1880, le physicien autrichien Ludwig Boltzmann développe la théorie cinétique des gaz, dévoilant également le rôle absolument capital des atomes et des molécules dans la science physique.

Au début du xviiie siècle, le physicien suisse Daniel Bernoulli affirme que les gaz sont formés de multiples molécules en mouvement : leur impact crée la pression d’un gaz et leur énergie cinétique produit de la chaleur. À partir de 1840, on s’aperçoit que les propriétés des gaz sont déterminées par les mouvements des particules. En 1859, James Clerk Maxwell réussit à calculer la vitesse des molécules et la distance qu’elles parcourent entre deux collisions successives. Il démontre ainsi que la température est une mesure de la vitesse moyenne des molécules.

L’importance des statistiques

Boltzmann parvient à prouver que les propriétés de la matière résultent d’une combinaison entre les lois fondamentales du mouvement et les règles statistiques de la probabilité.

Suivant ce principe, il établit une formule qui met en relation la pression et le volume d’un gaz avec le nombre et l’énergie de ses molécules, et qui donne une valeur appelée aujourd’hui constante de Boltzmann.

LE SIÈCLE DES PROGRÈS

L’ANALYSE STATISTIQUE DU MOUVEMENT

MOLÉCULAIRE

LUDwIG BOLTzMANN (1844-1906)

CONTEXTE

DOMAINE Physique AVANT

1738 Selon le scientifique suisse Daniel Bernoulli, les gaz sont faits de molécules en mouvement.

1827 Le botaniste écossais Robert Brown observe et étudie le mouvement du pollen dans l’eau, que l’on appelle à présent mouvement brownien.

1845 Le physicien écossais John Waterston explique comment l’énergie se répartit entre les molécules d’un gaz selon des règles statistiques.

1857 L’Écossais James Clerk Maxwell calcule la vitesse et la distance moyennes des molécules.

APRÈS

1905 Albert Einstein prouve mathématiquement que le mouvement brownien résulte des chocs des molécules.

L’énergie disponible est le principal enjeu de la lutte pour l’existence et

de l’évolution du monde.

Ludwig Boltzmann

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LE PRINCIPE DE

LA SÉLECTION

NATURELLE

ChARLES DARwIN (1809-1882)

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LE PRINCIPE DE

LA SÉLECTION

NATURELLE

ChARLES DARwIN (1809-1882)

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144 Charles Darwin

L

e naturaliste britannique Charles Darwin n’est pas le premier scientifique à avoir envisagé que les êtres vivants ne sont pas immuables. D’autres avant lui ont aussi émis l’hypothèse que les espèces évoluent au fil du temps.

En revanche, Darwin a su démontrer que cette évolution repose sur un phénomène qu’il nomme sélection naturelle. Il développe cette idée fondamentale dans une œuvre maîtresse intitulée L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour

la vie. Publié à Londres en 1859, ce livre est décrit par son auteur comme

« un long argument ».

« Avouer un meurtre » La parution de L’Origine des espèces provoque l’opposition à la fois du peuple et du milieu universitaire. Ne faisant mention d’aucune doctrine religieuse, le controversé ouvrage s’attire également les foudres de l’Église, qui considère que les êtres vivants sont immuables et conçus par Dieu. Néanmoins, la théorie défendue par Darwin commence à changer progressivement le regard

CONTEXTE

DOMAINE Biologie AVANT

1794 Erasmus Darwin, grand-père de Charles, expose sa vision de l’évolution dans l’ouvrage Zoonomie.

1809 Le Français Jean-Baptiste Lamarck considère l’hérédité des caractéristiques acquises comme une forme d’évolution.

APRÈS

1937 Theodosius Dobzhansky apporte la preuve irréfutable et expérimentale que la génétique est le fondement de l’évolution.

1942 L’Allemand Ernst Mayr définit une espèce comme un ensemble d’individus qui ne se reproduisent qu’entre eux.

1972 Selon Niles Eldredge et Stephen Jay Gould, l’évolution comprend des périodes de relative stabilité, ponctuées de brusques changements.

de la communauté scientifique sur le monde naturel. De nos jours, elle constitue le fondement de la biologie moderne, expliquant de façon simple mais extrêmement convaincante l’évolution de la vie depuis le passé jusqu’au présent.

Au moment où il couche ses idées sur le papier, le naturaliste britannique est bien conscient que celles-ci risquent de passer pour une hérésie. Quinze ans avant la publication de son livre, il confie à son ami botaniste Joseph Hooker que sa théorie ne fait intervenir nul Dieu ou espèce fixe : « Je suis Les êtres vivants naissent trop nombreux

pour que tous puissent survivre, à cause du manque de nourriture ou d’espace vital.

Si ces individus transmettent ces caractères avantageux à leur progéniture,

celle-ci survivra aussi.

Tel est le principe de la sélection naturelle.

Certains descendants sont plus aptes que d’autres à la lutte pour la survie.

La progéniture d’un même être vivant présente des différences parmi les individus.

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145 LE SIÈCLE DES PROGRÈS

presque convaincu, contrairement à l’opinion dont je suis parti, que les espèces ne sont pas (c’est comme avouer un meurtre) immuables. » Comme dans tous ses écrits, il se montre prudent et mesuré lorsqu’il aborde le sujet de l’évolution. Au cours de ses recherches, il procède par étapes et recueille un grand nombre de preuves pour étayer ses arguments. Pendant les 30 années que dure la rédaction de son œuvre phare, Charles Darwin mobilise ses vastes connaissances concernant la géologie, les fossiles, les plantes, les animaux et la reproduction sélective, tout en établissant une série de liens avec d’autres domaines, comme la démographie et l’économie.

Cette démarche porte ses fruits et, aujourd’hui, la théorie de l’évolution par voie de sélection naturelle est considérée comme l’une des plus grandes avancées scientifiques de l’histoire.

Le rôle de Dieu Au début du xixe siècle, les fossiles font l’objet de nombreux et passionnés débats. Certains sont

convaincus qu’il s’agit de roches qui se sont naturellement formées et qui n’ont aucun rapport avec des organismes vivants. D’autres affirment qu’ils sont l’œuvre du Créateur, qui les a mis sur Terre afin d’éprouver la foi des hommes, ou bien que ce sont des restes d’animaux encore en vie quelque part sur la planète, puisque les espèces créées par Dieu ne sauraient disparaître.

En 1796, le naturaliste français Georges Cuvier admet toutefois que certaines roches portent l’empreinte d’anciens animaux ayant disparu, comme les paresseux géants et les mammouths. Pour réconcilier ces idées avec ses fortes convictions religieuses, il allègue les passages de la Bible décrivant une série de cataclysmes tels que celui du Déluge.

Ainsi, chaque catastrophe balaierait tout être vivant sur son passage, et Dieu repeuplerait ensuite la Terre de nouvelles espèces qui demeurent fixes et immuables jusqu’au prochain malheur. Cette théorie connue sous le nom de catastrophisme se répand après la parution du célèbre Discours préliminaire de Cuvier, en 1813.

Voir aussi : James Hutton 96-101 Jean-Baptiste Lamarck 118 Gregor Mendel 166-171 Thomas Henry Huxley 172-173 Thomas Hunt Morgan 224-225 Barbara McClintock 271 James Watson et Francis Crick 276-283 Michael Syvanen 318-319

La création n’est pas un événement datant de 4004 av. J.-C. ; c’est un

processus qui a démarré il y a 10 milliards d’années et qui est toujours en cours.

Theodosius Dobzhansky

Cependant, à l’époque où Cuvier rédige ses pensées, plusieurs idées reposant sur la notion d’évolution circulent déjà. Erasmus Darwin, grand-père de Charles, ébauche une théorie toute personnelle qui reflète son esprit de libre-penseur.

Jean-Baptiste Lamarck, professeur de zoologie au Muséum national d’histoire naturelle, exerce une plus grande influence. Dans son ouvrage intitulé Philosophie zoologique et publié en 1809, Lamarck donne corps à ce qui demeure sans aucun doute la première théorie raisonnée de l’évolution. Il conjecture que, à partir d’une forme simple, les êtres vivants connaissent une évolution

« complexifiante ». Du point de vue du naturaliste français, l’environnement influe sur le développement de leur anatomie, ce qui finalement l’amène à proposer le concept d’usage et de non-usage : « L’emploi plus fréquent et soutenu d’un organe quelconque fortifie peu à peu cet organe, le développe, l’agrandit […], tandis que le défaut constant d’usage de cet organe l’affaiblit insensiblement, le détériore, diminue progressivement ses facultés et finit par le faire disparaître. » L’organe ainsi « fortifié » serait transmis aux descendants, selon le principe de l’héritage des caractéristiques acquises.

Bien que la théorie lancée par Lamarck ait été largement ignorée, Darwin lui sait gré d’avoir entrevu la possibilité que ces changements ne soient pas le fruit de ce que le Britannique taxe d’« intervention miraculeuse ».

Georges Cuvier, en étudiant les fossiles, conclut que plusieurs espèces ont disparu, cependant il attribue ces extinctions à une série de catastrophes, non à un changement progressif.

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146 Charles Darwin

L’aventure du Beagle De 1831 à 1836, Darwin entreprend un voyage autour du monde à bord d’un navire de recherche, le HMS Beagle, sous le commandement du capitaine Robert Fitzroy. À chaque escale, le scientifique est chargé de collectionner toutes sortes de fossiles et de spécimens de plantes et d’animaux, puis de les expédier en Grande-Bretagne.

Ce périple ouvre les yeux du jeune Darwin, alors âgé de vingt et quelques années, sur l’incroyable diversité de la vie. En 1835, il décrit un groupe d’oiselets habitant les îles Galápagos, un archipel de l’océan Pacifique situé à 900 km à l’ouest de l’Équateur. Il les répartit en neuf espèces, dont six de pinsons.

De retour en Angleterre, Charles Darwin dispose d’une moisson de données qu’il organise au sein d’un rapport écrit à plusieurs mains, dont il coordonne l’édition : Zoologie du voyage du HMS Beagle. Dans le volume consacré aux oiseaux, l’ornithologue John Gould déclare que les spécimens observés par Darwin comprennent en fait 13 espèces de pinsons, dont certaines présentent des becs de formes très différentes, adaptés à leur régime alimentaire.

Dans son propre ouvrage intitulé Voyage d’un naturaliste autour du monde, Darwin livre la réflexion suivante : « Quand on considère cette gradation et cette diversité de conformation dans un petit groupe d’oiseaux très voisins les uns des autres, on pourrait réellement se figurer qu’en vertu d’une pauvreté originelle d’oiseaux dans cet archipel, une seule espèce s’est modifiée pour atteindre des buts différents. » C’est la première fois que le scientifique fait clairement et publiquement allusion à la notion d’évolution.

La comparaison des espèces

Les fameux « pinsons de Darwin » ne sont pas le seul élément déclencheur de ses recherches sur l’évolution.

De fait, ses théories ont pris forme à mesure que l’expédition du Beagle progressait. Lors de son séjour aux Galápagos, il est particulièrement fasciné par les tortues géantes, dont les carapaces diffèrent d’une île à l’autre. Les oiseaux moqueurs l’impressionnent tout autant, car si leur apparence varie d’un endroit à l’autre de l’archipel, ils présentent également des similitudes avec des espèces vivant sur le continent.

Darwin émet alors l’hypothèse que les moqueurs descendent d’un ancêtre commun ayant migré du continent vers les Galápagos. Mais ensuite, chaque espèce aurait évolué en s’adaptant à l’environnement et à la nourriture disponible sur chaque île. Ses observations concernant les tortues géantes, les renards des îles Malouines et d’autres animaux mènent le naturaliste à la même conclusion. Toutefois, il redoute les conséquences que pourraient avoir ces idées blasphématoires : « De tels faits saperaient la stabilité des espèces », dit-il.

D’autres pièces du puzzle Lorsqu’il part pour l’Amérique du Sud, en 1831, Darwin a déjà lu le premier volume des Principes de géologie de Charles Lyell. Ce dernier récuse le catastrophisme de Cuvier et sa théorie sur la formation des fossiles, et adhère à l’uniformitarisme.

Formulée par le géologue écossais James Hutton, cette thèse postule que la Terre subit une formation et une altération perpétuelles au cours

J’ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu’elle soit se conserve […] si elle est utile, le

nom de sélection naturelle.

Charles Darwin

Cette tortue géante est typique des Galápagos, où des sous-espèces uniques se sont développées sur chaque île. Darwin y recueille des preuves solides pour sa théorie de l’évolution.

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147 LE SIÈCLE DES PROGRÈS

d’immenses périodes de temps, sous l’action de divers phénomènes tels que l’érosion par les vagues ou bien l’activité volcanique, identiques à ceux que nous connaissons de nos jours. Point de catastrophe due à une intervention divine, donc.

Les idées de Lyell bouleversent le point de vue de Charles Darwin sur la formation des fossiles, des reliefs et des roches qu’il rencontre sur son passage et qu’il regarde désormais « au travers des yeux de Lyell ». Cependant, dans le deuxième volume de ses Principes de géologie, Lyell rejette la théorie de Lamarck et l’idée d’évolution des espèces. Il attribue leur variété et leur répartition à l’existence de plusieurs « foyers de création ». Malgré son admiration envers le géologue, Darwin ne croit pas à cette thèse, d’autant plus qu’il ne cesse d’accumuler des preuves en faveur du concept de l’évolution.

En 1838, la lecture de l’Essai sur le principe de population, ouvrage du Britannique Thomas Malthus publié 40 ans plus tôt, apporte de l’eau au moulin de Darwin. Dans son étude, le démographe explique que les populations humaines peuvent croître exponentiellement et doubler en l’espace d’une génération, soit 25 ans. Or la production alimentaire ne peut soutenir un tel rythme, ce qui entraîne une lutte pour l’existence.

Cette idée est l’une des principales sources d’inspiration de la théorie de l’évolution.

Retrait et réflexion

La publication des récits de voyage de Darwin n’a fait qu’accroître la célébrité dont il jouissait déjà avant même son retour en Angleterre, grâce aux spécimens qu’il y avait envoyés.

De santé fragile, il se retire toutefois peu à peu de la vie publique.

En 1842, il s’installe dans un paisible village du Kent où il continue de réunir des preuves soutenant sa théorie. Des scientifiques du monde entier lui font parvenir des spécimens et de précieux documents. Il étudie la domestication des animaux et la culture de diverses plantes, ainsi que la sélection artificielle, notamment chez les pigeons. En 1855, il se met à élever des variétés de pigeons bisets, un sujet auquel Darwin accordera une grande place dans les deux premiers chapitres de L’Origine des espèces.

Grâce à ses recherches sur les pigeons, il commence à mesurer tant l’étendue que l’importance de la variation parmi les individus. Pour lui, ces différences ne sont pas dues à des facteurs externes, mais à la reproduction. Ce sont les parents qui transmettent les variations. Il décide alors de reprendre les idées de Malthus pour les appliquer au Les pinsons des Galápagos possèdent

des becs qui ont évolué différemment en fonction de leur alimentation.

Geospiza magnirostris

Camarhynchus parvulus

Geospiza fortis

Certhidea olivacea

Géospize de plus petite taille, muni d’un bec moyen

pour broyer de petites graines.

Géospize olive possédant un bec

fin et pointu afin de harponner

les insectes.

Géospize de grande taille, doté d’un gros bec

pour broyer des graines dures.

Petit géospize à bec court et aiguisé, idéal pour attraper des insectes.

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148 Charles Darwin

monde naturel. Bien plus tard, dans son autobiographie, il se souvient de la réaction qu’il a eue en lisant Malthus pour la première fois, en 1838 : « Comme j’étais bien placé pour apprécier l’omniprésence de la lutte pour l’existence, […] l’idée me vint tout à coup que, dans ces circonstances, les variations favorables auraient tendance à être préservées, et les défavorables à être éliminées. Il en résulterait la formation de nouvelles espèces.

J’avais donc enfin trouvé une théorie sur laquelle travailler. » En 1856, Darwin aboutit à la conclusion que ce n’est pas l’homme, mais la nature qui opère de telles variations. C’est pour cette raison qu’il désigne ce phénomène sous le nom de « sélection naturelle ».

Le déclic

Le 18 juin 1858, Darwin reçoit un intéressant essai de la part d’Alfred Russel Wallace, jeune naturaliste britannique, dans lequel il décrit et explique le mécanisme de l’évolution.

Il demande l’avis de Darwin, qui est frappé de constater que les théories de Wallace reflètent les idées sur lesquelles il travaille depuis plus de 20 ans.

Risquant de perdre la priorité, Darwin fait part de ses inquiétudes à Lyell. Finalement, c’est ce dernier qui présente les travaux des deux scientifiques à la Linnaean Society, à Londres, le 1er juillet 1858, sans qu’aucun des auteurs ne soit présent.

Dans l’auditoire, l’accueil est courtois et personne ne crie au blasphème, ce qui encourage Darwin à achever son ouvrage. L’Origine des espèces paraît le 24 novembre 1859 ; dès la fin de la journée, tous les exemplaires sont épuisés.

La théorie de Darwin Darwin affirme que les espèces ne sont pas immuables, la sélection naturelle étant le moteur de leur évolution. Ce processus repose sur deux principes. Premièrement, les individus naissent trop nombreux pour que tous puissent survivre, confrontés à l’approvisionnement en nourriture, aux difficultés du climat, à la compétition, aux prédateurs et aux maladies, ce qui entraîne une

lutte pour l’existence. En second lieu, il existe des variations, parfois infimes et néanmoins réelles, au sein de la progéniture d’une même espèce. Pour qu’il y ait évolution, ces variations doivent répondre à deux conditions : tout d’abord, elles doivent favoriser la survie et la reproduction ; ensuite, elles doivent être transmises aux descendants, de telle façon qu’ils bénéficient du même avantage évolutif.

Darwin décrit l’évolution comme un processus lent mais progressif.

Lorsqu’une population s’adapte à un environnement nouveau, elle devient

Charles Darwin

Né à Shrewsbury, en Angleterre, Darwin se révèle dès son enfance passionné par les insectes et peu enclin à devenir médecin, ce à quoi il était d’abord destiné. En 1831, il est recruté en tant que scientifique à bord du Beagle pour une expédition autour du monde.

Au terme de ce voyage, Darwin se retrouve sur le devant de la scène et s’illustre par ses qualités d’observateur, d’expérimentateur et d’écrivain. Il décrit la formation des récifs de corail et les invertébrés marins, notamment les bernacles, qu’il étudie pendant plus de 10 ans.

Il consacre aussi divers ouvrages

à la fécondation des orchidées, aux plantes insectivores, aux mouvements des plantes, et aux variations chez les plantes cultivées et chez les animaux domestiqués. Ce n’est que vers la fin de sa vie qu’il s’attaque à l’origine des êtres humains.

Ouvrages-clés

1839 Voyage d’un naturaliste autour du monde

1859 L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle 1871 La Descendance de l’homme et la Sélection sexuelle

Alfred Russel Wallace, tout comme Darwin, développe sa théorie de l’évolution en effectuant de longues recherches sur le terrain, dans le bassin amazonien puis en Insulinde.

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149 LE SIÈCLE DES PROGRÈS

une autre espèce, différente de ses ancêtres. Pendant ce temps, ces ancêtres peuvent rester identiques, évoluer au gré des changements de leur environnement, ou se montrer incapables de survivre et subir une extinction.

Les répercussions

Face à la rigueur de cette théorie, étayée par des arguments et par des preuves solides, la plupart des scientifiques acceptent rapidement le concept de « la survie du plus apte » posé par Charles Darwin. Dans son ouvrage, ce dernier s’est gardé de faire la moindre allusion aux êtres humains, sauf dans une phrase :

« Une vive lumière éclairera alors l’origine de l’homme et son histoire. » Cependant, l’Église proteste et dans plusieurs milieux, on fustige l’idée, sous-entendue, que les hommes puissent être les descendants d’animaux.

Comme à son habitude, Darwin demeure en retrait, plongé dans ses études. Alors que la polémique enfle, de nombreux scientifiques prennent sa défense. Le biologiste britannique Thomas Henry Huxley défend cette théorie à cor et à cri, soutenant l’idée que l’être humain descend du singe, au point de se faire surnommer le

« bouledogue de Darwin ». Cependant, la raison pour laquelle certains traits sont transmis et d’autres non reste encore un mystère. Par une heureuse coïncidence, à l’époque où Darwin publie son livre, un moine de Moravie répondant au nom de Gregor Mendel mène des expériences sur des petits pois. En 1865, il présente les résultats de ses recherches, qui constituent le fondement de la génétique. Toutefois, ce n’est qu’à partir du xxe siècle que la communauté scientifique commence

Cette caricature de Charles Darwin paraît en 1871, l’année où le naturaliste applique sa théorie de l’évolution aux êtres humains, ce qu’il avait évité dans ses précédents livres.

Je pense avoir découvert (quelle prétention !) le plus

simple moyen par lequel les espèces s’adaptent brillamment à plusieurs fins.

Charles Darwin

à s’y intéresser sérieusement, alors que de nouvelles découvertes en matière de génétique jettent une lumière sur le mécanisme de l’hérédité. Le principe de sélection naturelle demeure essentiel pour comprendre ce phénomène.

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