D268 – Une bien curieuse greffe Problème proposé par Dominique Roux
Soit un hendécagone régulier convexe ABCDEFGHIJK inscrit dans un cercle de centre O et de rayon 1. La médiatrice de la corde BC coupe la perpendiculaire en A au rayon OA en un point P. Sur cette deuxième droite, on porte un point Q de l'autre côté de P par rapport à A tel que AQ = 2AC. Calculer la surface du carré dont le côté est la "greffe" PQ.
Solution proposée par Patrick Gordon On calcule aisément :
AP = tan (3π/11) AC = 2 sin (2π/11) AQ = 4 sin (2π/11) D'où PQ = AP + AQ et donc :
0) PQ² = [tan (3π/11) + 4 sin (2π/11)]² Numériquement on trouve : PQ² = 11.
Pour rechercher une démonstration exacte, exprimons le PQ² de la formule (0) ci-dessus en fonction de x = cos (π/11).
On trouve que, si PQ² = 11, alors cos (π/11) est racine de l'équation :
1) P(x) =1024 x11 – 2816 x9 + 2816 x7 – 1232 x5 + 220 x3 – 2816 x9 – 11x + 1 = 0 (ce que l'on vérifie numériquement).
Réciproquement, si cos (π/11) est racine de cette équation, alors PQ² = 11.
Par ailleurs, en calculant cos (11) par la formule de Moivre et en écrivant que cos (11 × π/11) = cos (π) = – 1, on trouve que x est racine de l'équation :
2) Q(x) = –1024 x10 + 2304 x8 – 1792 x6 + 560 x4 – 60 x2 + 1 = 0 (ce que l'on vérifie également numériquement).
Le polynôme R, PGCD de P et Q, peut se déterminer par l'algorithme d'Euclide. On trouve :
3) R(x) = – 32 x5 + 16 x4 + 32 x3 – 12 x2 – 6 x+ 1
Si x = cos (π/11) est racine de P et de Q, il est racine de leur PGCD (ce que l'on vérifie numériquement).
Si l'on peut montrer rigoureusement que cos (π/11) est effectivement racine du polynôme R, on aura établi qu'il est aussi racine de l'équation Q(x) = 0, ce qui implique que PQ² = 11.
Nous sommes ainsi passés d'une équation du 11ème degré à une autre du 5ème, mais la tâche n'est pas achevée.
Comme l'équation (3) ne met pas en évidence une éventuelle racine cos (π/11), il nous faut repartir "à l'envers". On sait que cos (π/11) est, au signe près, la partie réelle d'une racine onzième de l'unité.
En effet, les racines de l'équation x11 – 1 = 0 sont, outre 1, de la forme cos (2kπ/11) + i sin (2kπ/11). L'une d'entre elles est cos (10π/11) et cos (π/11) n'est autre que – cos (10π/11).
En appariant les racines complexes conjuguées de l'équation x11 = 1, on voit que :
x11 – 1 = (x – 1) [x² – 2 cos(2π/11) x + 1) (x² – 2 cos(4π/11) x + 1)… (x² – 2 cos(10π/11) x + 1)].
Mais x11 – 1 n'est autre que : (x – 1) [x10 + x9 + … x+ 1].
En identifiant terme à terme les deux expressions polynômiales entre crochets de (x11 – 1) / (x – 1), on peut calculer les fonctions symétriques des 5 valeurs : cos(2π/11), cos(4π/11) …
cos(10π/11).
Ainsi, pour le terme en x9, leur somme S1 intervient avec le coefficient – 2 dans le premier polynôme et comme, dans le second, le terme en x9 est affecté du coefficient 1, on a : – 2 S1=1, d'où S1 = – ½. Et ainsi de suite, pour S2 somme des produits 2 à 2… jusqu'à S5 produit des 5 valeurs.
Le calcul des Sn se fait de proche en proche. Par exemple, au rang 7, les termes du premier polynôme sont au nombre de : – 2S1 × 4 pour la forme "22210" plus – 8S3 pour la forme
"22111", d'où S3, connaissant S1, etc.
En allant jusqu'aux termes en x5, on trouve :
S1 = – 1/2 S2 = – 1 S3 = 3/8 S4 = 3/16 S5 = 1/32.
Les nombres cos(2π/11), cos(4π/11) … cos(10π/11) sont donc racines de l'équation (en multipliant tout par 32) :
4) 32 x5 – 16 x4 + 32 x3 + 12 x2 – 6 x+ 1 = 0.
Le premier membre ressemble au polynôme R(x) de l'équation (3), aux signes près des termes de rang pair (4 et 2).
L'une de ses racines est, par construction, cos (10π/11). Quant à cos (π/11), qui n'est autre que – cos (10π/11), il est donc racine du polynôme R(x) de l'équation (3).
Ce résultat trouvé, on constate que l'on aurait pu faire l'économie du calcul du polynôme Q(x) par la formule de Moivre. Il aurait suffi, en effet, de montrer que P(x) est divisible par R(x), dont cos (π/11) est racine. Mais y aurions-nous pensé?