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En traversant la mer Egée au Néolithique. Traditions et innovations techniques au travers des assemblages osseux

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Academic year: 2021

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Systèmes de production et de circulation

I n t e r a c t i o n s

En traversant la mer Egée au Néolithique

.

Traditions et innovations techniques

au travers des assemblages osseux

Isabelle Sidéra (UMR ArScAn - Protohistoire européenne)

Dans le cadre de la diffusion du Néolithique depuis la sphère proche-orientale vers l'Europe, quelques éléments de réflexion sur les innovations des outillages osseux seront proposés ici. Avant de traiter d e l'innovation, il convient de mesurer la part des persistances et de circonscrire leur nature.

Le docum ent traité est propre à donner des informations relatives aux aspects économ iques, fonctionnels, techniques e t stylistiques mais l'accent a été plutôt mis sur les aspects techniques et stylistiques. Les transferts techniques depuis le Proche-Orient sont-ils sensibles dans l'outillage osseux de la Bulgarie au Néolithique ? Si oui, de quelle nature sont-ils et com m ent se manifestent-ils ? Est-il possible d e situer leur origine géographique et chronologique avec précision ? Si innovations il y a, sur quels fonds viennent-elles s'ajouter ? De quelle manière les traditions proche-orientales se maintiennent-elles et, en comparaison, com m ent l'innovation se place-t-elle ? Par l'intermédiaire d'objets similaires associés à des fonctions qui ne changent pas, ou par l'intermédiaire d'un savoir segmenté, relatif à certains secteurs techniques, stylistiques ou fonctionnels seulement ? Selon quel degré de dilution ou de pureté les traditions proche-orientales se manifestent-elles au sein des assemblages de Bulgarie ?

Les industries osseuses bulgares se prêtent bien à ce t exercice car l'une d'elles au moins, celle d e Kovacevo, qui com prend pour l'instant un ensemble de 883 pièces étudiées (Sidéra 1994, 1998 & 1999), se situe au tout d é b u t du processus de néolithisation européenne (Démoulé & Lichardus-ltten 1994). A l'autre bout, les assemblages osseux des dernières étapes de la néolithisation, soit des dernières étapes de la Céram ique Linéaire (Rubané) et du Cardial (Sidéra 2000, Sénépart 1992), pourront être mises en regard. Cette confrontation permettra de prendre la mesure de la distance opérée entre l'industrie du d é b u t e t de la fin du processus de néolithisation, de mesurer une nouvelle fois la part des traditions de celle des innovations à partir d'u n nouveau point de départ.

Traditions p ro ch e-o rien tales

Les industries osseuses du Levant, de l'Anatolie et du Zagros ont une représentation et un fonds technique communs qui créent une am biance propre à elles et donnent l'im age d'une certaine hom ogénéité. Certains de ces traits techniques proviennent probablem ent d'une tradition extrêm em ent ancienne, qui remonterait au Natoufien. D'autres pourraient être élaborés à la fin du PPNA (com m e à Mureybet) et se diffuser surtout durant le PPNB. De nombreux éléments de ce fonds technique persistent à l'état pur au sein des assemblages osseux du Néolithique ancien proche-oriental puis européen (Sidéra 1998). L'origine géographique et la da te précise des transferts techniques qui se sont produits à l'intérieur du Proche-Orient tout d 'a b o rd puis entre le Proche-orient et l'Europe n'est donc pas simple à identifier.

Les éléments proche-orientaux discernés au travers de l'assemblage osseux de Kovacevo ont été chiffrés à 50 ou 60 %. Cela perm et de prendre la mesure de l'im portance des traditions proche-orientales intégrées aux industries européennes et par-delà des transferts de savoirs qui ont eu lieu entre ces deux sphères.

Les transferts ne sont pas univoques. On peut en décrire trois formes :

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Systèmes de production et de circulation

1er cas Le « transfert total » ou la reproduction d'objets m orphologiquem ent semblables, réalisés a v e c des supports anatom iques et des techniques similaires. Les objets produits sont égalem en t probable m ent utilisés pour des fonctions analogues, dans un c a d re fonctionnel inchangé. La p la ce laissée pour l'innovation est nulle ou infime dans ce cadre de transfert.

Les objets en question o ccupen t une part relativement peu importante au regard de l'ensem ble des transferts possibles puisque cinq types (perles, herminettes, certains types de poinçons et d'outils tranchants, corps de faucille en bois de cerf) seulement parmi plusieurs dizaines ont été répertoriés (fig. 1.1 à 1.5). Ces transferts totaux correspondent aussi à des reproductions d'objets parmi les plus simples de l'assemblage oriental. Les supports sont communs (animaux d 'é le v a g e : boeufs et caprinés) et les schémas de fabrication des plus basiques : sciage ou fracturation tranversale puis pour ceux qui sont aménagés, un am énagem ent toujours sommaire.

Tous les objets les plus simples de l'assemblage oriental n'ont c e p e n d a n t pas été répliqués. Un fri est opéré, do n t les critères de choix sont pour le moment difficiles à cerner.

Les trois autres types de transfert concernent des secteurs restreints et, bien évidem m ent, c'est sur la base de ces transferts partiels qu'une partie plus visible de l'innovation prend place.

2e cas Seul le caractère fonctionnel d'un objet spécifique est maintenu. C'est le cas des cuillers et des crochets (fig. 1.6 à 1,11), parmi lesquels existent des boucles de ceinture. Ces catégories font partie de l'assemblage com m un de Syrie du Nord etd'A n a to lie à la fin du PPNB et du Néolithique ancien. Les formes complexes de ces objets sont extraites de la matière d'œ uvre, d'une manière qui ne varie pas ou peu entre le Proche-Orient et l'Europe. Seules les parties anatom iques em ployées et les formes qui leur sont données évoluent. Le style, ou dépouillé ou très orné, au contraire, est sujet à des variations régionales, voire changeant selon chaque site considéré. D'une manière générale, les cuillers sont ornées, les crochets et les boucles de ceinture sont dépouillés de toute ornementation en Anatolie et en Syrie du Nord. C'est l'inverse dans les assemblages d'Europe.

L'innovation la plus importante ici ne concerne pas tant les plans fonctionnels et techniques mais le cara ctè re stylistique des objets.

3e cas La nature de deux premiers transferts examinés jusqu'à présent concerne des objets com plets ou des segments de savoirs techniques ou fonctionnels spécifiques associés aux objets osseux. Une tout autre nature de transfert concerne é g a le m e n t la pensée d'un produit fini et de l'ensem ble des produits finis qui com posent une industrie donnée. L'aspect, le temps et le soin apporté dans le travail des matières osseuses, la ou les couleurs des produits, la pluralité des m éthodes em ployées pour réaliser l'industrie sont autant d'éléments qui définissent la qualité de la représentation de l'industrie osseuse et aboutissent à lui constituer une identité. La constitution fonctionnelle de l'assemblage, par exemple, l'utilisation des matières de ce t asemblage, os contre bois de cerf ou dents, les types de supports sélectionnés, la proportion des classes fonctionnelles, les couleurs des pièces, etc. sont aussi des caractères qui font ou non l'objet d e transferts. Ces éléments réunis contribuent à donner l'im age d'une hom ogénéité m orphologique et visuelle aux objets proche-orientaux, image à laquelle s'intégre parfaitem ent l'industrie osseuse bulgare. La chauffe, la sculpture ou le caractère sommaire du traitement de certains types d e pièces, la forte proportion de pointes, l'utilisation majoritaire de l'os, etc. reflètent en effet une am biance com m une entre le Proche-Orient et la Bulgarie du Néolithique ancien.

Ces éléments sont difficiles à situer dans la chronologie et l'espace puisqu'ils relèvent de m odèles communs qui n'appartiennent pas à une culture précise mais qui se rapportent à une civilisation et son histoire.

Lorsqu'on examine les industries d'Europe continentale, les pratiques mises en œ uvre sur ces assemblages prennent plus de sens identitaire encore.

4e cas Des éléments spécifiques com m e les corps de faucille en bois de cerf sont propres à l'Anatolie centrale et au Néolithique ancien (niveaux Hacilar VI : Mellaart 1961, pl. 4a & fig. 1.5). L'ensemble des traits communs peut donc provenir d'un fonds déterminé géographiquem ent et chronologiquem ent. Celui-ci aurait conservé un certain nombre de traits traditionnels propres à toute industrie proche-orientale. Les transferts ayant eu lieu entre le Proche-orient et l'Europe pourraient alors refléter une partie du système technique ayant cours à une époqu e précise et dans un contexte défini. L'hypothèse est séduisante.

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Systèmes de production et de circulation

Persistances, ab an d o n s, dérives et nouveautés

Dans c e m êm e bain de civilisation, qui associe les industries du Proche-orient et de Bulgarie entre elles mais a ve c des variations (présence/absence de tel type d 'o b je t précis, ornementation ou non de tel ty p e d 'objet), la dérive est infime mais prégnante. Elle se situe à deux niveaux : 1. stylistique. 2. des pertes ou des tris exercés au sein du ou des fonds existants. Ce deuxième niveau de dérive est en fait le plus important puisque, par delà l'abandon ou l'adoption de techniques ou d'objets définis, c'est tout le co ntexte fonctionnel et technique qui leur correspond qui est abandonné ou adopté. Par exemple, si les racles ne figurent pas au registre des éléments adoptés, non seulement les instruments eux-même, mais lésons que ces instruments produisent, le cadre d'utilisation, leur place dans une structure musicale (etc.) et la fonction de ces instruments disparaissent. Avec l'abandon des égrénoirs sur omoplates, communs en Iran e t en Anatolie, c'est uncertain traitement technique des céréales qui est aussi délaissé. Les tâches auxquelles étaient assignées les aiguilles à chas d'Anatolie, survivent à peine dans les assemblages bulgares et plus tard dans ceux d'Europe plus continentale. Tous ces abandons participent pleinement du processus d'innovation technique et tout com m e les persistances, ils s'opèrent sur un fonds technique sélectionné qui donne lieu à un renouveau plus co m p le t du système technique. Plutôt que l'abandon pur et simple, des transferts de matériaux ont pu être aussi opérés.

À cô té des persistances et des abandons, un certain nombre de nouveautés se font jour. Certaines parmi elles, cependant, sont préfigurées, mais à de rares exemplaires dans certains assemblages. C'est le cas d 'u n m odèle de cuillers inornées si communes en Europe du Sud-Est (Nandris 1972), existantes à quelques exemplaires à Hacilar (Mellaart 1961, pl. 5c2 & fig. 1.8 & 1.9). Un lien, difficile à démontrer ou à écarter, existe peut-être entre ces types. L'innovation ex-nihilo semble assez rare et ne résiste parfois pas à un exam en fin de la docum entation ou à de nouvelles études.

Certains types de pièces, tels les anneaux en os, paraissent, néanmoins, tout à fait neufs dans les assemblages européens. Deux types d'anneaux coexistent. Le plus simple est issu de tranches d'os longs dont les dimensions conviennent à la taille de l'objet (généralement des fémurs de caprinés). Il figure plutôt dans les étapes les plus récentes de l'assemblage. Le plus élaboré, qui perm et égalem ent d'o btenir des formats plus libres, est d é g a g é d'une portion longitudinale d'os long de moyen ou de gros animal, Selon in schéma com plexe de fabrication, l'anneau est sculpté dans la corticale de l'os. L'intérieur est creusé, l'extérieur est façonné et la forme com m e l'épaisseur de la cloison est donnée en fonction du d e g ré d'intensité du travail. Le schéma de fabrication de ces derniers anneaux se rapporte probablem ent, par sa complexité, à une persistance de certains schémas de fabrication proche-orientaux qui extraient des formes complexes de la matière. La position stratigraphique de ces pièces, dans les niveaux les plus anciens, est sans doute significative.

Les nombreux grattoirs sur éclats d'ossements de gros animaux, de vraisemblables bovinés, font aussi l'originalité des assemblages européens où ils se d évelop pent en grand nombre, De même, l'abrasion des m étapodes, donnant lieu aux poinçons abrasés, apparaît égalem ent dès les premiers niveaux.

Ces nouveaux éléments contituent la base d'une nouvelle identité. On retrouve en effet ces pièces dans les assemblages osseux plus récents de Grèce du Nord (Christidou 1999), l'Europe méditerranéenne, au travers du Cardial (Sénépart 1983), et l'Europe continentale et le Rubané (Sidéra 1989).

Éléments bibliographiques

Christidou R. 1999. Outils en os néolithiques d u Nord d e la G r è c e : é tu d e te ch n o lo g iq u e . Thèse de D o cto rat d e l'Université d e Paris X-Nanterre, 3 vol. 418 p., 163 pl.

Dém oulé J.-P„ Lichardus-ltten M. 1994. Les fouilles fra n co -b u lg a re s du site néolithique a n cie n d e K o v a c e v o : ra p p o rt prélim inaire (c a m p a g n e s 1986-1993). Bulletin de C orrespo nd an ce Hellénique 118, p. 561-618.

M ellaart J. 1961. Excavations a t Hacilar. A n a to lia n Studies 11, p. 39-75.

Nandris J. 1972. Bos prim igenius a n d th e b o n e spoon. Bulletin o f the Institute o f A rc h a e o lo g y 10, p. 63-82.

Sénépart I. 1983. L'industrie osseuse d u C a rdia l en Provence. M ém oire d e maîtrise d e l'Université d'A ix-en-P rovence, 85 p. Sénépart I. 1992. Les indutries en m atiè re dure a n im a le de l'E pipaléolithique au Néolithique dans le Sud-Est d e ta France.

Thèse d e D o cto ra t d e l'Université d e Paris X, 3 vol.

Sidéra I. 1989. Un c o m p lé m e n t des données sur les sociétés Rubanées, l'industrie osseuse d e Cuiry-lès-C haudardes. British A rc h a e o lo g ic a l Reports, International Series 520, Oxford, 163 p.

Sidéral. 1994. L'assem blage osseux, m ém oire pro ch e -o rie n ta le , genèse des cultures o cc id e n ta le s , h : D é m oulé J.-P. & Lichardus-ltten M. (dir.). R a p p o rt des fouilles franco-bulgares d e K o v a c e v o (Bulgarie) 9, p. 39-56.

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Sidéra I. 2000. A nim aux dom estiques, bêtes sauvages et objets en m atières anim ales du R ubané au M ich elsb erg . De l'é c o n o m ie aux symboles, des techniques à la culture. G allia Préhistoire 42, p. 108-194.

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Systèmes de production et de circulation

Fig. 1. Outillage osseux de Kovacevo. 1 & 2 : herminettes sur os longs brisés transversalement.

3. Poinçon sur tibia brisé tranversalement. 4. Perle sur os long scié transversalement.

5. Corps de faucille en bois de cerf incisé longitudinalement. 6 à 9. Cuillers sculptées

sur métapodes (sauf 7 sur os plat). 10. Schéma de fabrication des cuillers sur métapodes.

11. Crochet sculpté sur os long. 12. Schéma de fabrication des crochets (d'après I. Sidéra 1998).

crans’ découpe du contour quatrième étape : façonnage des préparation du crochet schématique longitudinale schématique transversale

percement

Caractéristique du produit fini

canal médullaire

profil face revers

os spongieux Méthode de prélèvement de la matière grossière' cuilleron ièrA 137

Figure

Fig.  1.  Outillage osseux de Kovacevo.  1  & 2  : herminettes sur os longs brisés transversalement

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