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Définir des tâches scolaires : regards croisés entre cours de musique et cours de langue

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Définir des tâches scolaires : regards croisés entre cours de musique et cours de langue

JACQUIN, Marianne, GRIVET BONZON, Catherine

Abstract

Cette contribution poursuit une réflexion menée depuis plusieurs années entre chercheurs de l'Université de Genève sur la notion de tâche comme lieu inter-didactique potentiellement enrichissant pour le développement de la didactique comparée.

JACQUIN, Marianne, GRIVET BONZON, Catherine. Définir des tâches scolaires : regards croisés entre cours de musique et cours de langue. In: Verscheure, I., Ducrey Monnier, M. &

Pélissier, L. Enseignement et formation : éclairages de la didactique comparée.. Toulouse : Presses Universitaires du Midi, 2019. p. 99-117

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:148472

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Définir des tâches scolaires:

Regards croisés entre cours de musique et cours de langue

Catherine Grivet & Marianne Jacquin

La tâche comme outil d’enseignement et de recherche commun aux didactiques disciplinaires

Cette contribution poursuit une réflexion menée depuis plusieurs années entre chercheurs de l’Université de Genève 1 sur la notion de tâche comme lieu inter-didactique potentiellement enrichissant pour le développement de la didactique comparée. A titre d’exemple, la confrontation de travaux issus de champs de recherche différents – sciences, mathématiques et langues étrangères – à propos des tâches spécifiques à ces disciplines a permis de mettre en évidence des questions vives communes dans toutes les didactiques : l’intégration des savoirs et compétences, le degré d’ouverture et de complexité des tâches, leurs effets sur la motivation et les apprentissages des élèves (Müller, Del Notaro, Dubois, Jacquin, Lombard, 2013). Cette première approche a mené à l’organisation d’un symposium dans le cadre du CAHR en 2015 2 centré autour de trois objectifs : (1) confronter les théorisations et les usages de la notion de tâche dans différents paradigmes de recherche ; (2) définir les apprentissages visés et la conceptualisation de leur progression à travers les tâches ; (3) rendre compte des activités effectives des élèves confrontés à différents types de tâches.

Nous souhaitons poursuivre ici ce questionnement interdisciplinaire à partir d’une comparaison de deux recherches menées en didactique de la musique et des langues. Nos questions de recherche communes se situent sur trois plans. Sur le plan conceptuel, nous cherchons à consolider l’hypothèse de la valeur heuristique de la notion de tâche dans une réflexion interdisciplinaire. Sur un plan méthodologique, il s’agira d’éprouver la notion de tâche comme unité d’analyse pour des objets d’enseignement de natures très différente. Sur le plan empirique enfin, nous viserons à montrer en quoi la tâche peut être révélatrice, de ce qui s’enseigne dans les deux disciplines d’une part et de l’appropriation des contenus par des enseignants en formation (musique) ou expérimentés, enrôlés dans une recherche collaborative (langues) d’autre part.

Nous retenons une définition commune de la tâche dont les principaux éléments font partie du milieu didactique des deux disciplines. D’abord son potentiel à engager l’élève dans une activité scolaire en le confrontant à un contenu. Ensuite, sa nature qui consiste à résoudre un problème à l’aide de la mise en œuvre de plusieurs procédures. Et finalement, le fait qu’elle soit introduite par des consignes:

1 L’Institut de formation des enseignants (IUFE), créé en 2008 est un centre inter-facultaire qui réunit des

chercheurs issus de toutes les disciplines.

2 CAHR = Colloque du conseil académique des hautes écoles romandes en charge de la formation des

enseignant-e-s, Genève, 24-25 avril 2015. Symposium organisé par M. Jacquin : La notion de tâche à travers les disciplines et les langues: recherches sur la polysémie de la notion dans l’enseignement des langues étrangères et des sciences.

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2

« Elle [la tâche] détaille les choses à faire pour permettre à l’élève de s’engager dans une activité scolaire ; [elle] opérationnalise et matérialise des contenus d’enseignement ; elle est introduite par une ou des consignes ; elle consiste en un problème à résoudre ; elle est circonscrite dans l’espace et le temps ; elle vise un but spécifique qui se traduit en un résultat ou un produit ; son produit ou résultat font l’objet d’une évaluation ou d’une validation ; elle présuppose la mise en œuvre d’une ou de plusieurs procédures, en nombre limité ; elle est prescriptive dans la mesure où elle engage l’enseignant et l’élève dans un contrat didactique. » (Dolz, Schneuwly, Thévenaz-Christen &

Wirthner, 2002, cité dans Thévenaz-Christen, 2014, p.61-62.

La transposition didactique fait apparaître l’articulation de tâches diversifiées (techniques, interprétatives), aux savoirs experts (Joshua, 1996) ou savants (Chevallard, 1985, 1991) comme enrichissement du milieu didactique propre à développer les compétences en langues (savoir lire, écrire) ou en pratique instrumentale. Ces compétences complexes (Le Bortef, 2008) et dépassant le « savoir-faire », le « savoir-jouer » sont co-construites par l’élève avec l’appui des outils proposés par l’enseignant. Elles reposent de manière combinatoire à la fois sur des savoirs et sur des pratiques dont la mise en évidence en situation et notamment à travers l’observation de la tâche, est enjeu de formation. Dans cette contribution, nous considérons que les tâches visant à développer les compétences musicales ou langagières peuvent être considérées comme des tâches orientées vers un « problème à résoudre », par opposition à celles

3 qui permettent à l’élève de s’approprier les savoirs (techniques, linguistiques) nécessaires à l’atteinte des objectifs centraux aux deux disciplines : savoir interpréter une œuvre musicale, savoir lire et interpréter un texte en langue étrangère.

Notre texte se structure en deux parties principales. La première partie donne un aperçu général sur les deux recherches menées respectivement en didactique de la musique et des langues. La deuxième partie, centrale, présente des analyses issues des deux recherches. Dans notre conclusion, nous revenons sur les constats convergents dans les deux disciplines.

1- Vue d’ensemble sur deux recherches : didactiques de la musique et des langues

1-1 La professionnalisation des enseignants de musique en formation initiale

Les dispositifs d’enseignement de la pratique instrumentale et vocale sont bien entendu multiples et référés aux programmes institutionnels dans lesquels ils s’inscrivent, mais tous passent par des types de tâches à accomplir et rejoignent en cela les procédures mises en place pour n’importe quelle discipline scolaire ou reliée à la forme scolaire. C’est à travers ce prisme que nous prendrons appui pour le présent article, sur le projet de recherche sur « La professionnalisation des enseignants en formation initiale. Analyses didactiques qualitatives et quantitatives des gestes professionnels en développement » 4, mené durant deux ans par le laboratoire de Didactique des Arts et du Mouvement (DAM) de l’Université de Genève, avec la collaboration des Hautes Ecoles de Musique (HEM) de Bâle, Genève, Lausanne et Lugano.

Cette étude se focalise, à un double niveau d’observation, sur l’organisation et la conduite des enseignements des professeurs de didactique comme ceux de leurs étudiants en Master of art,

3 Nous n’entrons pas ici dans la distinction « exercice » et « tâche », mais renvoyons le lecteur intéressé à

http://www.unige.ch/cahr-2015/thematique./

4 FNS 100019_156730 "La professionnalisation des enseignants en formation initiale. Analyses didactiques

qualitatives et quantitatives des gestes professionnels en développement". 2014-2016

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3 option pédagogie, dans le but d’analyser d’un point de vue didactique les processus de professionnalisation à l’œuvre (Vanhulle, 2009).

Le recueil de données porte sur :

- une série de cinq leçons (L0 à L4) données par l’étudiant à un élève, sous la supervision du professeur de didactique concerné ;

- une série de quatre feedbacks (F1à F4) donnés par le professeur de didactique instrumentale ou vocale, en présence de tous ses étudiants.

Le corpus de la recherche issu de 64 leçons filmées est constitué des verbatim codés par des duos de formateurs de cinq HEM, relayés par les membres de l’équipe DAM 5 de l’Université de Genève et par des enseignants-chercheurs de la HEM de Bâle, qui en effectuent conjointement l’analyse.

Ce dispositif, centré sur le cadre méthodologique de la recherche clinique en didactiques (Leutenegger, 2000), est basé sur l’observation, l’enregistrement vidéoscopique et la transcription de leçons.

Tous les gestes de définitions des professeurs de didactique et des étudiants en train d’enseigner à leur élève, dans le cadre du cours de didactique, ont fait l’objet d’une codification et d’une analyse qualitative et quantitative. L’objectif étant de repérer :

- les distinctions et articulations entre les savoirs à enseigner et les savoirs pour enseigner faites par les formateurs en didactique de l’instrument/du chant

- comment ces savoirs sont didactisés et avec quels effets observables (ou non) sur les apprentissages des étudiants et de leurs élèves.

1-2 Enseigner les genres textuels en cours de langue

L’objectif du projet de recherche intitulé « Enseigner les genres textuels au secondaire I : Approches inter-linguistiques entre langue étrangère (allemand) et langue de scolarité (français)

6 » est de comprendre les effets de la mise en œuvre d’un enseignement de six genres textuels, au sein d’une approche intégrée des langues, combinant le français, langue de scolarité et l’allemand, langue étrangère. Partant d’une modélisation des genres textuels (Dolz, 2002, De Pietro & Schneuwly, 2003), il s’agissait d’étudier si et comment l’entrée par les genres textuels favorisait la mise en place d’une didactique intégrée des langues (Roulet, 1980 ; Wokusch, 2008). Dans ce contexte, les tâches et leur enchainement jouent un rôle central dans la mesure où elles constituent le lieu privilégié de synergies possibles entre les langues.

La recherche, menée avec six enseignants 7 d’allemand langue étrangère du secondaire I à Genève, contenait quatre moments de récolte des données enregistrées et filmées : une séance de préparation collective, 12 séances de planification (deux avec chaque enseignant), six séquences enseignées en classe (43 leçons de 45’) et une séance-bilan. Nos questions de recherche centrales portent à la fois sur la transposition externe (Chevallard, 1985), à savoir le

5 DAM Didactique des arts et du mouvement. http://www.unige.ch/fapse/dam/.

6 Recherche (2012-2014) financée par l’Institut de Plurilinguisme de Fribourg, Suisse. La synthèse du rapport est consultable sous http://www.centre-plurilinguisme.ch/recherche/projets-de-recherche-en-cours/enseigner-genres- textuels.html.

7 Contrairement au projet en didactique de la musique, il s’agit ici d’enseignants qui ne sont plus en formation et

qui ont plusieurs années d’expérience.

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4 choix des objets à enseigner et des tâches par les enseignants (activité de planification) et sur la transposition interne, dont le processus est révélateur du potentiel des tâches pour travailler les objets en question, plus spécifiquement dans leurs dimensions interlinguistiques.

Afin d’analyser ces deux moments de transposition, externe (planification de la séquence) comme interne (déroulement de la séquence en classe), l’analyse se situe à trois niveau, contenant deux volets à chaque niveau :

- l’élaboration de synopsis aussi bien à partir des séances de planification que de l’enseignement dans le but de dégager la macrostructure (Schneuwly, Dolz &

Ronveaux, 2006)

- l’analyse des tâches planifiées et réalisées en classe afin de saisir la transformation des objets 8 à travers la mise en œuvre des tâches par l’enseignant et les interactions avec les élèves autour de tâches

- le codage des savoirs professionnels des enseignants (savoirs sur l’institution, sur la classe, savoirs disciplinaires, pédagogiques, didactiques) et plus spécifiquement l’anticipation des gestes didactiques fondamentaux (dévolution, régulations, institutionnalisation) lors de la planification d’une part et codage des gestes didactiques mis en œuvre en classe (Dolz & Schneuwly, 2009) d’autre part.

La confrontation des analyses des données issues de la planification des enseignants, puis de l’enseignement réalisé a permis de mettre en évidence les contraintes liées à la transposition didactique et de tirer des conclusions sur les liens interlinguistiques que les enseignants privilégient au sein des tâches proposées (Jacquin, 2016).

Si ces deux recherches s’avèrent très différentes du point de vue des objets étudiés, des contextes et de la méthodologie, nous verrons dans la deuxième partie en quoi l’analyse plus spécifique sur les formes de tâches et leurs fonctions peut relier les deux approches didactiques.

2- Quelles tâches pour quels types de savoirs?

2-1- Le cours de musique : Fragmentation des savoirs, peu d’outils pour l’élève

Des recherches ont entre autres, mis en évidence des types de tâches, elles-mêmes référencées à une typologie d’activités spécifiques à la discipline au sein du cours de musique. Quels sont ces types de tâches ? « Déchiffrer [une partition], produire, imiter, répéter, entrainer, observer, décrire, écrire, varier, improviser, commenter de façon critique, comparer, s’évaluer, évaluer… » (Mili, 2014) sont autant de tâches que le professeur propose à l’élève. Ces tâches se révèlent parfois simples au sens où, élaborées sous formes d’exercices elles incitent à des reproductions de procédures ne laissant que peu d’initiative, et parfois complexes au sens où elles enjoignent les élèves à mobiliser des capacités, des connaissances et des ressources en vue de développer des stratégies les menant vers la résolution d’un problème. Cette typologie de tâches renvoie elle-même à « des contenus d’enseignement dans le domaine corporel, technique ou interprétatif qui peuvent être de l’ordre de la posture, de la répartition du poids du corps / du bras, de la tenue de l’archet, des démanchés, des sauts, des positions, de l’indépendance des doigts, de la respiration, du détaché, du legato, de la distinction des registres grave, medium

8 Ce n’est pas l’écart entre la tâche planifiée et réalisée qui nous intéresse ici, mais les effets de la transposition interne sur les objets effectivement enseignés. Nous pensons que la tâche mise en œuvre en classe est révélatrice des objets enseignés.

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5 et aigu, du formatage et de la différenciation des attaques des sons, de la justesse (Mili, 2014 : 29). La liste n’est pas exhaustive au regard de la multiplicité des instruments et des situations d’apprentissage.

La notion de tâche revoie explicitement à celle de milieu didactique comme « système des objets qui détermine les pratiques d’étude des savoirs » Brousseau (1996) ou « tout ce avec quoi l’élève interagit, que ce soit des problèmes des objets ou des individus » (Perrin - Glorian, 1994 :107) et ceci au travers de trois aspects (Amade-Escot, C. (2007):

• d’une part à travers la dimension matérielle :comment l’objet d’enseignement est matérialisé dans le cours à travers les méthodes, les partitions, les notes écrites par le professeur sur ces dernières, le recours à la vidéo, aux nouvelles technologies, aux enregistrements, la disposition des protagonistes, les instruments, ce que l’on cache ou ce que l’on montre, ce qu’on laisse deviner, le fait de jouer en duo, en groupe ou jouer seul ;

• Dd’autre part à travers la dimension symbolique liée à la culture de l’instrument où à l’inscription du professeur dans une tradition, une école de pensée et de pratiques pédagogiques ou instrumentales référencées implicitement ou explicitement, souvent bien antérieurement à la temporalité du cours.

E

• et enfin, à travers les procédés sémiotiques, ancrés dans divers registres : le geste, le mime, la métaphore, les divers registres langagiers, le langage des corps, celui du professeur comme celui de l’élève en réponse (montrer les gestes experts ou au contraires erronés pour provoquer des réactions, se déplacer, faire des mouvements emphatiques, exagérer pour convaincre, accorder les instruments, déplacer les partitions…), gestes professionnels si fréquemment convoqués par les professeurs de musique, la tâche impliquant souvent l’incorporation du geste « juste » maintes fois répété.

Nous croiserons ici, à travers un exemple du corpus tiré d’un cours de violoncelle donné à un adulte débutant par une enseignante stagiaire, deux concepts issus de la théorie didactique (la tâche et le milieu) dans l’objectif d’isoler certains types de tâches dans leurs spécificités. Chaque cours est suivi par le feedback d’un formateur.

Que constate-t-on à l’analyse de cette leçon qui est somme toute représentative de l’ensemble des leçons observées chez cette étudiante?

Une structure en deux temps : Une première phase d’échauffement et de travail technique détaché suivi d’une phase de travail sur une œuvre se voulant développer des compétences interprétatives.

En effet les tâches dévolues à l’élève dans une première partie du cours (20mns) sont principalement centrées sur des savoirs techniques liés à la corporéité de l’élève (Mili et alii, à paraître), en vue d’un jeu instrumental valide capable de produire des effets attendus sur la qualité du son. Ces tâches sont liées à :

• la tenue de l’instrument, à la posture,

• la détente corporelle comme préalable au jeu,

• la technique de main gauche (travail sur différentes positions),

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6

• la tenue et la répartition de l’archet, la position de la main et du bras droit,

• l’équilibre du poids du corps.

Tableau 1 : Cours de violoncelle (Tâches et extrait 1 du verbatim)

I II III

Temps Tâches Consigne de travail

L4 2’50 S’accorder. Stagiaire (Sta) : Un la ? fais voir les cordes ensemble, essaie d’allonger (elle positionne l’archet de l’élève) ou alors le ré tout seul d’abord.

L4 3’14 Utiliser l’archet Sta : Essaie d’allonger l’archet.

L4 3’54 Faire des gammes comme un

rituel de concentration Sta : On va commencer par une gamme de do pour...le corps, pour se concentrer corporellement.

L4 5’07 Faire l’exercice pour

contrôler le bras droit Sta : Je te propose de la refaire en utilisant tout l’archet.

L4 7’17 Se détendre. Contrôler le souffle pour la qualité du son

Sta : Juste une petite chose : quand tu fais ça, on ne parle pas forcément de rythme, etc. C’est vraiment se détendre, se concentrer sur le point de contact et quand je te dis « respire » c’est important de souffler… souffler (elle souffle longtemps), vraiment sentir comme ça permet de baisser le diaphragme de sentir le bas du ventre. Souffler comme si tu avais une pompe à vélo. FFFFFFF (elle montre) avec un maintien. Tu imagines que tu presses…

L4 7’58 Se remémorer pour devenir autonome

Sta : Cela aide beaucoup pour le son, ça serait bien d’y repenser pour la prochaine fois, quand tu prends ton violoncelle.

L4 8’05 Travailler les extensions- main gauche

Sta : On fait le ré pour les extensions avec la consigne de… (geste d’extension des doigts sur le manche).

E : maintenir l’index dans sa position.

Sta : Je vais veiller à ce qu’il ne se lève pas.

L4 8’21 Libérer le corps des tensions

musculaires Sta : Peut-être avant de commencer, refais (geste d’étirement des bras) … Détends.

L4 9’50 Cumuler les savoirs techniques acquis au service du jeu (gamme)

Sta : Bravo… Maintenant tu vas ajouter tous les éléments de la gamme de Do majeur petit à petit.

L4 10’18

Travailler la justesse en changeant de position.

Adapter l’écart des doigts- main gauche

Sta : On continue avec la 4eme position ?

Quand on monte dans l’aigu les intervalles se resserrent petit à petit. Essaie d’observer l’intervalle entre chaque doigt… voilà.

L4 12’38 Equilibrer le poids du bras.

Trouver la bonne position du corps

Sta : Il faut que tu repartes toujours plus loin à la racine du geste, il faut équilibrer le poids de ton bras… Et il y a le maintien du dos qui fait qu’on porte le bras sans effort… comme ça (geste) Avant de regarder ta main… Il faut que tu arrives à porter ton bras (elle le touche dans le dos)…

là…

Tu sais on avait refait l’exercice, ça équilibre la hauteur de ton coude.

L4 15’54 S’exercer Sta : on réessaie encore là (elle pointe la partition)?

L4 17’10

Trouver le point de contact, la bonne position de la main droite

Sta : La plus délicate c’est la corde de La et n’oublie pas le point de contact près du chevalet Pose ton 4eme doigt…

L4 18’29 Libérer le corps des tensions

musculaires Sta : Détends-toi.

L4 19’11 Prévoir le travail à la maison Sta : Peut-être tu pourras commencer cette ligne là (indique la partition) pour la prochaine fois.

L4 20’06 Synthétiser les connaissances

en vue de l’interprétation Sta : Essaie de penser un peu plus global et de pas toujours focaliser. Tu peux regarder l’intervalle entre tes doigts.

(8)

7 On observe une désyncrétisation des savoirs musicaux (Verret, 1975) mis en scènes par des tâches décontextualisées dont on espère implicitement que l’élève (adulte) va (re)construire le sens au service de son apprentissage. Le corps y est fragmenté, les gestes élémentarisés avant de demander à l’élève de « penser un peu plus global », injonction dont la formulation de facilite pas le travail de l’élève. Une fois les tâches corporelles et techniques transformant le corps de l’élève en corps instrumentiste et dès lors que les automatismes sont acquis par l’exercice et la répétition, il est postulé par la planification de l’enseignante en formation que ce dernier pourra, dans une seconde phase, être en mesure d’interpréter.

La durée relativement longue de ce 1er temps est caractéristique de l’agir enseignant des professeurs débutants, privilégiant un long temps d’incorporation des savoirs corporels souvent sous forme d’exercices liés tant aux savoirs techniques qu’aux savoirs interprétatifs.

Le temps consacré aux apprentissages interprétatifs est relativement limité chez l’enseignante en formation du corpus, l’œuvre n’apparaissant la plupart du temps que dans le dernier tiers de la leçon. C’est souvent à partir de l’œuvre qu’entrent en scène le jeu des contenus d’enseignements liés à l’interprétation ainsi que le recours au corps pour la recherche de la

« musicalité ». Les gestes d’enseignement oscillent alors entre les tâches liées aux ressentis de l’élève et celles liées à un outillage corrélé aux moyens de la traduction musicale de l’émotion.

Sont abordés aussi lors de la leçon et dans une mesure moindre, des savoirs relevant de l’autonomie de l’élève et du travail à la maison : réactivation de la mémoire, ordre des actions à mener à la maison. La suite du corpus de tâches lié à l’enseignement de cette étudiante confirme la faible apparition des occurrences liées au travail en autonomie alors que ce temps est proportionnellement bien plus important pour l’élève musicien que celui passé en présence du professeur.

Le deuxième temps des apprentissages (les 12 dernières minutes) est ostensiblement consacré à l’irruption de l’œuvre, annoncée comme telle, et à des savoirs interprétatifs souvent liés aux savoirs techniques à travers la nature même des tâches :

• Intérioriser le rythme en le chantant pour structurer et interpréter

• Appuyer sur un temps fort au regard du genre (- la danse, le menuet)

• Respirer et se regarder pour interpréter en duo

• Garder la mesure

• Jouer pour un public (se projeter en position d’interprète)

• Revenir sur les spécificités d’interprétation rythmique de l’œuvre

• Recourir à la corporéité pour donner à « ressentir », marcher pour incorporer le tempo.

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8 Tableau 2 : Cours de violoncelle (Tâches et extrait 2 du verbatim)

I II III

Temps Tâches Consigne de travail

L4 20’31 Travailler à partir de l’œuvre

Stagiaire (Sta) : On va faire le morceau.

L4 22’12 Chanter pour une mise en place rythmique.

Sta : Tu sais avant de partir tu devrais penser de te le chanter dans la tête ce que tu vas faire là parce que c’est sur tes croches que tu structures mieux le morceau.

L4 22’58 Savoirs en référence à l’œuvre pour l’interprétation Appuyer le 1er temps Jouer en duo

Sta : Ce qu’il est important de savoir c’est que (dans un menuet) les trois temps ne sont pas égaux c’est pas comme ça : (elle frappe les temps sur le pupitre) C’est un deux trois (elle montre) c’est à la rigueur tu l’as plus dans un trois temps « c'est élégant c’est dans le style, c’est organique ….Il y a un poids sur le 1er … A la rigueur tu l’as plus dans un trois temps « en 3 dimensions »

Je vais t’accompagner en te faisant la basse, je vais te faire des noires.

L4 24’54 Respirer « à l’unisson »

pour jouer en duo Sta : On respire ensemble…

L4 26’05 Garder la mesure Sta : C’est une chose de base : la mesure avant toute chose.

L4 27’06 Interpréter Sta : Essaie maintenant de l’envoyer, de le jouer pour l’extérieur, de le montrer, il faut exagérer.

L4 28’24 Jouer en référence aux spécificités de l’œuvre

Sta : C’est vraiment par deux mesures que tu peux le penser ; j’exagère mais je vais te le jouer : par deux mesures on est d’accord ça marche toujours comme ça : 123, 2-2-3…

Du coup les mesures ne sont pas égales…. (Elle joue). Celle-là elle va être un peu plus légère.

Déjà les phrases elles font 4 mesures….

L4 30’58 Interpréter avec les temps forts

Sta : Non je suis désolée……On ne va pas jouer avec le même poids chaque temps.

L4 32’00 Recourir à la corporéité pour donner du sens

Sta : Tu pourrais travailler ça en marchant mais cette fois ci en ayant un geste un peu plus lourd sur le pom pom pom…

Si l’élève est sommé ici d’articuler la technique à l’œuvre musicale par des activités liées à un objectif d’interprétation, l’étudiante en formation donne peu de véritables outils à l’élève qui

« piétine », elle ne l’incite pas à interroger d’autres ressources que le recours au modèle (le sien), la définition, la théorie et la demande d’une incorporation dont elle reporte cependant le travail à la maison. A aucun moment elle ne l’oriente vers l’écoute d’autres menuets, de compositeurs dans des contextes culturels et historiques différents afin de l’inciter à faire des choix interprétatifs par une didactique de l’écoute instrumentée, d’aménager un milieu dont la richesse aurait potentiellement pu favoriser les apprentissages. Il est à noter que le menuet choisi pour cette séance (Menuet d’Exaudet tiré de la méthode du jeune violoncelliste de Feuillard, 1953) est pensé avant tout comme outil didactique privilégiant les aspects techniques d’intégration des savoirs. A ce titre l’étudiante peine sans doute à prendre le recul nécessaire à l’examen critique de l’utilisation d’une « méthode ».

2-2 Le cours de langue : Les tâches qui détournent de l’objet d’enseignement visé

Comme en cours de musique, les tâches proposées aux élèves en cours de langue sont multiples et peuvent être regroupées selon différents critères. Du point de vue de l’activité cognitive qu’elles engagent (observer, comparer…), de celui du type d’activité qu’elles proposent (écrire, écouter, lire…) ou encore selon la complexité (imiter vs inventer). Seuls les contenus disciplinaires à aborder à l’aide de ces tâches leur confèrent un statut spécifique. Le tableau 3

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9 recense quelques tâches issues d’une séquence enseignée portant sur la lecture d’un récit policier en langue étrangère 9 dont nous analysons dans un premier temps l’enchainement sur l’ensemble du dispositif. Dans un deuxième temps nous focaliserons sur les tâches qui portent sur le chapitre 4 du récit (2.4.) et qui permettent à l’enseignant de travailler trois domaines de contenus : la lecture-analyse de texte, les savoirs sur le genre textuel et la grammaire.

Les questions suivantes guideront notre analyse aux deux niveaux mentionnés :

- Comment ces trois domaines de contenus sont-ils articulés (ou non) par les tâches?

- Quelles sont les articulations entre les langues rendues visibles par les tâches?

- Les tâches proposées visent-elle l’objet « genre textuel » ?

La macrostructure représentée dans le tableau 3 montre l’organisation hiérarchique (colonne I) et chronologique (colonne II) des contenus enseignés et des activités langagières entrainées (colonne III). Elle est le résultat d’un regroupement des activités scolaires induites par les tâches proposées. Le niveau n (1, 2, etc.) en grisé correspond aux contenus généraux abordés en classe (le genre textuel, la lecture etc.). Ceux-ci se subdivisent en différents aspects d’un contenu ou indiquent l’avancement d’activités dans un support tel que le livre de lecture (niveau n-n).

La séquence présentée ici contient 12 leçons, dont les activités peuvent être regroupées en cinq grands blocs (niveau n) qui sont respectivement : (1) Les entours du récit policier, (2) la lecture du récit policier, (3) la lecture de textes informatifs portant sur des aspects culturels du lieu où se déroule l’intrigue, (4) un travail sur la grammaire et (5) la production de texte. Les niveaux 3 et 4 ne se suivent pas chronologiquement, mais s’imbriquent en alternant lecture du récit et lecture de textes informatifs. Pour des raisons de lisibilité, nous ne reproduisons ici qu’un extrait du synopsis retenant les niveaux 1, 2 et 4 en lien direct avec nos questions de recherche, tout en indiquant entre parenthèses l’imbrication des niveaux 3 et 4. La colonne II mentionne la durée de traitement des contenus en indiquant la leçon (leçons 1 à 12), le début et la fin des activités dans le flux des 45’ que dure une leçon. Les principales tâches des contenus qui nous intéressent ici figurent dans la colonne V, l’indication sur les langues – langue de scolarité (Lscol) ou langue étrangère (L2) - dans lesquelles les tâches sont abordées est mentionnée dans la colonne IV.

Tableau 3 : Macrostructure de la séquence enseignée (récit policier)

I II III IV V

Niveaux Temps Déroulement de la séquence Langue(s) Tâches

1 L1 1’34-

L2 8’00

Les entours du récit policier : savoirs sur le genre Lscol et L2

1-1 L1 1’34-

18’30 Mise en situation : réactivation des connaissances sur le récit policier en L1

Lscol Lire une feuille théorique

1-2 L1 18’30-

L2 6’45 Travail sur des éléments du récit policier en L2 : personnages, métiers, titres et 4èmes de couverture

L2 Associer des 1ères et 4èmes de

couverture de romans policiers

1-3 L2 6’45-

8’00 Outil de travail : la liste de vocabulaire Lscol et L2 Lire la liste de vocabulaire

2 L2 8’00-

L12 3’54

Lecture du récit policier Lscol et L2

9 Pour une analyse plus détaillée de la séquence, voir Jacquin (soumis).

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10

2-1 L2 8’00-

28’58 Chapitre 1 : Compréhension de texte et repérage des lieux L2 Souligner, sur la 1ère page du roman, les noms de lieux de l’intrigue

[3] L2 28’58-

45’00

[3 Lecture de textes informatifs] L2

2-2 L3 Chapitre 1 : Analyse de texte Lscol Analyser la construction

narrative

2-3 L3 Chapitre 2 : Compréhension de texte L2 Lire et écouter le chapitre 2

(CD)

4 L4-L5

19‘30

Grammaire : Les phrases relatives pour décrire les personnages

Lscol et L2 Décrire les personnages du récit policier par une phrase relative

[3] L 5

19’30- 32’00

[3 Lecture de textes informatifs] L2

2 L5 32’00-

L8 13’00 Lecture du récit policier (suite) Lscol et L2

2-4 L5 32’00-

L7 12’00 Lecture du Chapitre 4 : compréhension, travail lexical et

grammatical, recherche d’indices analyse, interprétation Lscol et L2 ● Prendre connaissance des procédés stylistiques du récit policier

● Attribuer des répliques tirées du livre aux personnages

● Analyse des phrases

2-5 L7 12’00-

L8/ 3’30 Résumés oraux et écrits des chapitres 1-4 en 5 étapes L2 Rédiger un résumé écrit, au présent et au passé

2-6 L8 3’30-

13’00 Lecture du chapitre 5 : focale sur la construction d’indices et le retournement de situation

L2 Répondre à un questionnaire

de compréhension

[3] L 8

13’00- 35’00

[3 Lecture de textes informatifs] L2

2-7 L9 6’00-

28’00 Lire le chapitre 6 : résumés et résolution de l’énigme L2 Faire un résumé oral du passage écouté sur CD

[3] 9 28’00-

40’00

[3 Lecture de textes informatifs] L2

2-8 L 11

9’04- 17’30

Lire le chapitre 7 : focale sur la lecture à haute voix et la compréhension

L2 Lire un passage à haute voix

2-9 L 11

17’30- 34’30

Résumé oral de l’intrigue Chap 1- Chapitre 6 (début) dans la perspective des personnages (Max et Lotte)

L2 Mettre des images du récit

dans l’ordre et raconter les étapes

2-8 (suite)

L 11 34’30-L 12 3’45

Lire le chapitre 7 : focale sur la lecture à haute voix et la compréhension

L2 Lire un passage à haute voix

[5] L12 3’45-

45’38 [Production écrite] L2

La lecture du récit policier est au centre de la séquence et est accompagnée par un grand nombre de tâches (niveau 2, colonne V) qui visent plusieurs objectifs. Le premier est celui du contrôle de la compréhension assurée par le questionnaire de lecture (2.6.), le résumé (2.5., 2.7) ou encore la lecture à haute voix (2.8.). Un second objectif vise à donner des outils aux élèves, tels que l’écoute simultanée du texte sur CD (2.3.) ou une tâche de repérage des principaux lieux du récit (2.1.). A ces tâches venant soutenir ou contrôler la lecture-compréhension s’ajoutent des tâches permettant de favoriser chez l’élève une approche analytique du texte 10, telles que la reconnaissance de la construction narrative du texte (2.2) ou l’interprétation d’un passage du texte à l’aide d’une analyse des dialogues et du style de discours employé par les personnages (2.4.).

10 Ce type de tâches n’est habituellement pas proposé à des élèves du secondaire I en L2 et ne fait pas partie du

plan d’études. Dans une co-élaboration de la séquence entre enseignante et chercheuse, la décision avait été prise de tester la possibilité d’un transfert des connaissances dans le domaine de l’interprétation des textes en Lscol sur le travail en L2.

(12)

11 La question qui nous intéresse ici est celle de savoir comment l’enseignante tient compte du genre textuel dans le travail de lecture, comment elle introduit des savoirs sur le genre (1) et comment elle les articule à la lecture-compréhension ou à la lecture-interprétation du récit policier (2).

La première tâche liée au genre textuel consiste à lire collectivement un document théorique (1.1.), en langue de scolarité, sur différents aspects du récit policier (histoire, auteurs connus, ingrédients typiques, style…). La seconde tâche (1.2.) demande aux élèves d’associer des 1ères et 4èmes de couverture de romans policiers en langue étrangère. Les élèves prennent ensuite connaissance d’une liste de vocabulaire regroupant un lexique thématique en L2 autour du crime (1.3.).

Située en début de séquence, ces trois tâches visent, avec des moyens différents, à préparer les élèves à la lecture du récit policier (2), tâche centrale contribuant à atteindre l’objectif d’apprentissage de la séquence qui est de développer la capacité de lecture d’un genre textuel spécifique, mais aussi et surtout, nous y reviendrons, celle de développer la capacité de lire en L2 d’une manière plus générale. Les trois tâches fournissent des outils – conceptuels et linguistiques – qui devraient aider les élèves dans la compréhension du récit en langue étrangère. Nous verrons par la suite dans quelle mesure les savoirs sur le genre (1.1.) vont être mobilisés par l’enseignant pendant la lecture du récit.

De manière analogue, la question de l’articulation des contenus grammaticaux avec l’activité de lecture se pose. Ceux-ci apparaissent à deux niveaux. D’une part, les subordonnées relatives sont révisées de manière intégrée, par une tâche qui demande de décrire les personnages du récit (4). D’autre part, la grammaire apparait comme outil d’analyse de phrases énoncées par les personnages du récit (2.4). Nous y reviendrons.

Du point de vue de l’ « utilité » de la grammaire dans la compréhension du texte, on peut d’abord s’interroger sur le choix de l’objet « phrases subordonnées relatives » d’une part et sur la tâche orientée vers la production de phrases du type : X est l’homme qui porte un chapeau rouge » d’autre part. Plutôt que comme aide à la compréhension du récit, la tâche cible ici une réflexion sur le fonctionnement des subordonnées relatives et la capacité de former des phrases, le récit devient un prétexte pour revoir un savoir grammatical.

Dans les deux cas évoqués, l’articulation entre genre textuel et activité de lecture d’une part et entre grammaire et lecture d’autre part ainsi que l’apparition des trois objets d’enseignement au niveau n de la macrostructure montrent une juxtaposition entre des savoirs ou activités méta- langagières et le travail sur la compétence langagière visée, la lecture. Les savoirs sur le genre textuel apparaissent comme un préalable à l’activité de lecture, les contenus grammaticaux apparaissent isolés de celle-ci. Dans le cas du genre, cette juxtaposition est doublée par celle des langues utilisées: langue de scolarité dans le cas des savoirs sur le genre, langue étrangère pour les tâches de lecture. La démarche déductive présuppose un transfert des savoirs sur le genre en lange de scolarité sur la compréhension d’un récit en langue étrangère. Au contraire, la deuxième tâche de grammaire proposée par l’enseignant, l’analyse de phrases au sein d’un dispositif d’analyse de texte (2.4) que nous présentons ci-dessous, apparait, dans un premier temps, comme intégrée, articulant étroitement savoirs sur les caractéristiques d’écriture du genre textuel et activité de lecture-interprétation. Néanmoins, les tâches proposées et les interactions en classe révèlent un déplacement de l’objet « genre textuel »vers des dimensions plus transversales du texte. On retrouve, à un niveau micro, dans l’enchainement des tâches au sein de ce dispositif, la tendance à juxtaposer des savoirs sur le genre textuel – ici sur les choix de l’écriture – et l’analyse du texte.

(13)

12 Tableau 4 : Lecture du chapitre 4 (cf. Macrostructure, niveau 2.4.)

Regardons les étapes selon lesquelles se décline le dispositif d’analyse de texte :

- Tâche 1 : L’enseignant demande d’abord aux élèves de retrouver le passage sur les choix d’écriture dans le document théorique sur le genre policier, introduit en début de séquence. Ce sont les procédés de dramatisation du récit, plus particulièrement la syntaxe qu’il souhaite souligner. Ce rappel se fait en langue de scolarité.

- Tâche 2 : les élèves doivent ensuite attribuer des phrases tirées du livre aux personnages qui les prononcent. Il s’agit d’une tâche de compréhension de lecture en langue étrangère.

- Tâche 3 : Le troisième moment est consacré à l’analyse de ces phrases dont les caractéristiques sont décrites de la manière suivante dans le document de référence:

« phrases courtes et à construction particulière, points de suspension, phrases exclamatives ». L’enseignant demande aux élèves de décrire les caractéristiques des phrases prononcées par les personnages et d’en tirer des conclusions au niveau du récit (interprétation). Dans l’extrait ci-dessous, l’enseignant institutionnalise l’usage de la grammaire au service de l’interprétation :

-

Ens: donc plus globalement mourad / hein qu'est-ce qu'on a fait ici dans cet exercice (…) qu'est-ce qu'on a mis en lien

Mou: euh façon de parler des des des des personnages

Ens: oui↑ avec↑

Mou: avec euh avec eu::h xxxx

Ens: j'ai pas compris

Mou: euh j'ai pas trouvé le mot

Ens: alors la FACON de parler la façon de s'exprimer des personnages qui TRAHIT

Mou: leur caractère

Ens: oui

Mou: leur pensée

Ens: leur pensée (hoche la tête) voilà absolument hein on en apprend beaucoup sur les personnages en observant leur façon de s'exprimer (…) et PUIS SI on observe DE plus près les paroles des personnages et bien on peut obtenir également des informations↓ à partir de la SYNTAXE de la

CONSTRUCTION syntaxique de leurs paroles

Les tâches Consignes de travail Déroulement en classe

● Prendre connaissance des procédés stylistiques du récit policier

Consulte ton dossier de référence sur le roman policier.

Tu y trouveras des indications relatives aux choix de l’écriture. Quelles sont-elles ?

Relecture collective de la rubrique « choix de l’écriture » dans le document théorique

● Attribuer des répliques tirées du livre aux personnages

Dans le passage p. 48-49, trois personnages sont présents (…) Il est ici possible de déterminer la situation de chacun grâce à sa façon de s’exprimer. Retrouve qui prononce les phrases suivantes.

Les élèves attribuent des phrases tirées du récit aux personnages et font une analyse syntaxique des phrases à l’aide des caractéristiques décrits dans le document théorique : phrases courtes et à construction particulière, points de suspension, phrases exclamatives...

● Analyse des phrases

Que déduis-tu de tes observations ? L’enseignant synthétise les éléments observés dans le passage du texte

(14)

13 Rappelons-le, l’objet d’enseignement visé est le genre textuel. Or les savoirs sur le genre apparaissent tantôt juxtaposés à l’activité de compréhension-interprétation de texte, tantôt comme outils d’analyse. Dans ce dernier cas, l’interaction avec les élèves montre un glissement vers une approche transversale aux genres. Du coup, le texte n’est plus travaillé dans ses dimensions génériques, mais fournit le cadre à des activités grammaticales, de compréhension et d’analyse plus générales.

Conclusion

Malgré les divergences inhérentes aux axes disciplinaires, la notion de tâche nous a permis de mettre à jour des convergences à trois niveaux.

Le premier niveau concerne la difficulté d’articuler techniques et interprétation musicale d’une part et savoir sur la langue et compétence en lecture d’autre part. Dans le cours d’instrument, le choix de l’enseignante en formation de ne pas donner une priorité dans les tâches, à l’articulation des savoirs techniques aux savoirs relevant de l’interprétatif et de les dissocier dans la temporalité du cours (cf. tableau 1) relève sans doute de son manque d’expérience, mais les premiers résultats de nos recherches (Mili et alii, 2017, à paraître) nous laissent à penser qu’il n’est pas vain de considérer les effets institutionnels, les obstacles liés aux représentations des enseignants, les traditions d’enseignement, le contrat didactique entre le formateur/

l’institution et le stagiaire, sur ce type de planification/segmentation des activités et des tâches.

Dans la séquence analysée en langues, les tâches conçues montrent clairement la tentative d’intégrer des savoirs sur le genre acquis en langue de scolarité et des savoirs grammaticaux à la lecture du récit policer. Ces savoirs sont censés être au service de la compréhension du texte, mais postulent d’une part un transfert direct des savoirs issus de la langue de scolarité (genre) sur la compétence de comprendre un texte en langue étrangère. D’autre part, les savoirs grammaticaux sont certes mis au service de l’analyse d’un passage du texte, mais sans tenir compte de la spécificité du genre textuel et par conséquent sans fournir des outils langagiers et stratégiques à la compréhension de ce genre.

La deuxième convergence entre les deux cas analysés se situe au niveau de l’objet d’enseignement visé (œuvre musicale/genre textuel). Celui-ci s’efface au profit d’autres contenus sous l’effet de la transposition didactique. En effet si l’œuvre et son interprétation sont a priori les objectifs de l’apprentissage musical, force est de constater que l’élémentarisation des savoirs techniques tend à la reléguer au second plan, telle un prétexte à l’incorporation des gestes tant en termes de contenus qu’en termes de place et de chronologie au sein du cours, en espérant que les liens seront construits par l’élève lui-même. Dans l’exemple montré en didactique des langues, la tension oscille entre la planification d’une séquence dont le genre textuel se situerait au centre, en tant qu’objet d’enseignement visé et le glissement, lors des interactions en classe, vers une approche transversale, qui vise à donner des outils d’analyse de textes plus généraux.

Finalement, le troisième constat commun porte sur la question du développement de l’autonomie des élèves grâce à des ressources dont ils pourraient bénéficier. Dans le cours de musique, les tâches favorisant l’autonomie de l’élève sont peu nombreuses et si elles l’orientent vers le travail à faire à la maison, elles fournissent peu d’outils de construction de savoirs relatifs à la prise en main par l’élève de son temps personnel d’apprentissage (paradoxalement majoritairement solitaire et hors cadre scolaire, dans l’apprentissage instrumental). La plupart des tâches en jeu dans le cours étant contrôlées ou semi-contrôlées par l’enseignant (Chaudron

(15)

14 et Valcárcel 1988) qui scinde la production de l’élève par de fréquentes interruptions. Dans l’apprentissage des langues, ces ressources sont de nature stratégique. Il s’agit, à travers de tâches proposées, de montrer aux élèves comment établir des liens entre les langues apprises et de s’en servir pour construire de nouveaux savoirs. Ceci implique d’une part de proposer des tâches qui rendent ces liens explicites. D’autre part, il s’agit de thématiser, en classe, les implications des tâches résolues en classe (métacognition) pour un apprentissage autonome.

Ces résultats nous interrogent, tant au plan de la recherche que dans une optique formative. De futures recherches en didactique interdisciplinaire pourraient examiner de plus près la question des pratiques enseignantes (en formation ou chevronnés) et les effets d’outils ou de dispositifs de formation. Mener une réflexion sur la place de l’interprétation dans la chronologie d’un cours de musique/langue, aider à définir des critères de choix d’une œuvre musicale/littéraire qui permette de développer chez les élèves leur compétence interprétative plutôt que de servir de prétexte à des enseignements techniques, élaborer des tâches permettant une articulation entre savoirs et compétences sont autant d’outils de formation dont il s’agirait d’évaluer la pertinence dans des contextes différents.

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