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Mutation des zones rurales : Un rapport ville campagne en transformation

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Academic year: 2022

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Master

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Mutation des zones rurales : Un rapport ville campagne en transformation

CALLY, Simon

Abstract

Depuis plusieurs années, on constate des mutations physiques et sociales dans les milieux agricoles et ruraux genevois. Le canton de Genève se développe au détriment des campagnes qui restent tributaires des besoins de la ville et de son étalement. Les communes rurales subissent les effets du dynamisme du bassin genevois ce qui fragilise leur rôle et leur position dans l'agglomération. Un nouveau rapport ville campagne s'installe peu à peu et redéfinit les enjeux et les problématiques rurales et périurbaines de ce territoire. Il devient important de comprendre les mutations que connaissent actuellement les campagnes pour pouvoir les traiter et les aborder correctement dans les questions liées au territoire et à son évolution. Le développement du canton de Genève et la relation qu'il a entretenu au fil des siècles avec son territoire agricole illustrent l'importante place d'un prisme urbain qui a dessiné les lignes directrices du bassin genevois. Les campagnes avec leur histoire, leurs motifs, leurs rôles et leurs revendications cherchent aujourd'hui à se définir et à se positionner dans [...]

CALLY, Simon. Mutation des zones rurales : Un rapport ville campagne en transformation. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:110959

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Co-Directeurs : Philippe Convercey & Laurent Matthey Expert : Emmanuel Ansaldi

Mutations des zones rurales

Septembre 2018 Mention Paysage

Simon Cally

Mémoire no : 40

dessin : Simon Cally

Un projet de paysage pour la Champagne genevoise

Maîtrise universitaire en développement territorial

Faculté des sciences de la société

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Mutations des zones rurales

Un projet de paysage pour la Champagne genevoise

La planification territoriale, une influence dans l’évolution du rapport

ville campagne dans le bassin genevois ?

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«Si la notion de paysage mérite d’être honorée, ce n’est pas seulement parce qu’elle se situe de façon exemplaire, à l’entrecroisement de la natire et de la culture, des hasards de la création et de l’unovers et du travail des hommes, ce n’est pas seulement parce qu’elle vaut pour l’espace rural et pour l’espace urbain.

C’est essentiellement parce qu’elle nous rappelle cette terre, la nôtre, que nos paysa sont à regarder, à retrouver, qu’ils doivent s’accorder à notre chaor, gorger nos sens, répondre de la façon la plus harmonieuse qui soit, à notre attente.»

Pierre Sansot, 2009

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Table des matières

INTRODUCTION6 I UN CANTON DESSINÉ PAR LE PRISME DE LA VILLE 10

I.I. Genève, une relation au territoire liée à l’Histoire. ...11

I.II. Délimitation du canton et ouverture internationale ...12

I.III. Les planifications du XXème siècle ...15

II UNE AGGLOMERATION SPATIALISÉE ET SPECIALISÉE 20 II.I. Un territoire déséquilibré ...21

II.II. Le pôle emploi Suisse ...23

II.III. La France dortoir ...25

II.IV. Voiture « First » ...27

II.V. Essoufflement et nouvelles visions ? ...29

III UNE ÉVOLUTION DU RAPPORT VILLE-CAMPAGNE 32 III.I. Phénomène de rurbanisation ...33

III.II. Émergence des néo-ruraux ...35

III.III. Urbanisme ...37

III.IV. Statut de l’agriculture et son rôle alimentaire ...39

III.V. Renouvellement de l’agriculteur ...41

III.VI. Une identité rurale, un fonctionnement périurbain ? ...42

III.VII. Projeter autrement la campagne ? ...43

III.VIII. La ville archipel ...45

IV LES CAMPAGNES GENEVOISES 50 IV.I. Campagnes et Histoires ...51

IV.II. Morphologies des campagnes ...55

IV.III. Architectures et influences de la Ville ...57

IV.IV. La ferme ou la relique rurale ...59

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V LE TERRITOIRE DE LA CHAMPAGNE 62

V.I. Des communes françaises et suisses autour d’une même frontière ...63

V.II. Un développement urbain à deux vitesses ...64

V.III. Nouvelles mentalités et nouvelles pratiques ...65

V.IV. Une campagne régit par la mobilité individuelle ...67

V.V. La Champagne dans les réflexions territoriales ...69

V.VI. Revendications et protestations ...71

VI UNE DÉMARCHE DE PROJET78 VI.I. Paysage & entités territoriales : Médiateurs du projet ...79

VI.II. Les pénétrantes vertes ...83

VI.III. Fil conducteur et démarche...87

VII PROJETER LA CAMPAGNE 90 VII.I. Échelle cantonale ...91

VII.I.I. Le grand projet des Campagnes ...91

VII.I.II. Diagnostic ...92

VII.I.III. Contexte et intentions de la planification ...95

VII.II. Échelle du vallon ...105

VII.III. Échelle du village ...109 CONCLUSION 120 ANNEXES 123 BIBLIOGRAPHIE137 REMERCIEMENTS 141

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Fig. 1 : Dessin de la Campagne de Compesière - Vue sur le Salève

Source : Document personnel

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I N T R O D U C T I O N

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Quand on parle de campagne, c’est un certain nombre d’images qui nous traverse l’esprit. Cet imaginaire propre à chacun est véhiculé par un ensemble de souvenirs, d’expériences et de cultures personnelles qui façonnent notre regard et notre représentation de ce monde. En France, en Suisse certaines images puisent dans un imaginaire collectif parfois influencé par un regard citadin: un tracteur qui creuse la surface du sol, laissant derrière lui la trace des sillons dans la terre, la vue d’un bocage garni et feuillus délimitant une mosaïque de parcelles colorées, l’odeur et les couleurs des champs de colza ou de tournesol. Les épis de blé qui ondulent au rythme du vent et coiffent la surface du sol. L’ombre tenue des arbres isolés, témoins des saisons et des années qui passent… Aujourd’hui, cette carte postale d’une campagne douce et authentique est fortement remise en question. Elle doit être prise avec un certain recul afin de la contextualiser et de l’ancrer dans toutes ses complexités et ses problématiques.

Les zones rurales ont connu et sont toujours sujettes à de profondes mutations engendrées par les évolutions technologiques, sociétales, économiques et politiques. Que ce soit en France ou en Suisse, ces territoires sont confrontés aujourd’hui à des nouvelles problématiques et mutations. Les zones rurales voient apparaître des quartiers de lotissement ou de villas individuelles se détachant sans égard du bourg existant et marquant durablement le paysage agricole. Certains hameaux et villages mutent en villes de petites tailles perdant peu à peu leur cœur et leur identité au profit d’une fonction principalement dortoir.

Le « tout à la voiture » qui persiste encore dans beaucoup de régions font de certaines campagnes des lieux traversés par des flux importants de véhicules qui transitent entre leur logement et leur lieu de travail, généralement situé en ville. Ces problématiques qui ont naquis à la fin du XXème siècle sont aujourd’hui, en 2018, toujours aussi présentes. En plus de constater que le territoire et le paysage ont été et puissent être encore durablement impacté, la question du futur et de l’identité de ces campagnes se posent de plus en plus. La loi fédérale sur l’aménagement du territoire a insinué une séparation stricte entre zones à bâtir et zones agricoles. Les politiques d’urbanisation et de développement se poursuivent selon leur logique et leur regard urbain, sans créer de réelles articulations entre la ville et la campagne.

Un sentiment de prédation de la ville sur la campagne persiste et est visible chaque jour. À l’échelle de la Suisse, le recul des terres cultivées est considérable. Chaque seconde 1m2 de surface agricole cède la place à la construction de logement, de zone d’activités ou d’infrastructure. En plaine, ce chiffre s’élève même à 2m2 (Dieuaide, 2017). La dualité entre la ville et la campagne devient de plus en plus floue et engendre une confusion concernant la zone rurale et son rôle actuel et futur à jouer dans les territoires.

Les interactions entre ces deux entités ont du mal à se créer pour établir une relation complémentaire qui pourrait aussi bien bénéficier à l’une qu’à l’autre. Alors que les villes semblent se positionner et choisir leur développement en étirant toujours plus leur ceinture suburbaine, les zones rurales quant à elle restent indécises. En effet, nous ressentons deux tendances de la part des communes rurales ; d’une part, elles désirent suivre cette voie actuelle d’une croissance effrénée pour seconder les villes et d’autre part, elles se revendiquent, face à ces dernières, d’être les gardiennes de valeurs et de mode de vie dit « traditionnels » qu’elles souhaitent conserver ou retrouver pour proposer un cadre de vie « à la campagne

». En récoltant les conséquences des orientations définies généralement par l’extension des villes, les communes rurales se retrouvent face à de nouveaux enjeux qui reflètent la nécessité pour ces territoires de se renouveler et de se redéfinir. Elles doivent s’interroger sur le devenir de leurs enjeux et de leur identité qu’elles souhaitent mettre en avant vis-à-vis des villes que ce soit au niveau de la culture, des traditions, de l’urbanisme ou du paysage qu’elles produisent.

Conscient que les campagnes ne reflètent pas toutes les mêmes problématiques, nous ne traiterons pas dans ce travail les zones rurales qui connaissent la désertification accompagnée de la disparition des activités agricoles. Ce mémoire s’orientera sur un contexte particulier de campagnes qui se confrontent à l’importante croissance d’un pôle urbain ainsi qu’une augmentation de la population soudaine influencé

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par une région dynamique. Ce sont ces villages qui tentent de trouver leur place et des réponses face à l’attractivité de la ville. Les anciens bourgs, dans lesquels les activités agricoles sont toujours présentes, font face à l’arrivée de nouvelles constructions qui s’implantent parfois arbitrairement sans réelle image directive. Ces territoires suscitent un double regard avec d’un côté une image agricole et rurale et de l’autre un fonctionnement et des pratiques qui s’en éloignent de plus en plus. Ces modalités se retrouvent illustrées et concrètes dans la « ceinture agricole » genevoise qui regroupe un ensemble de communes rurales situées dans un « entre deux » de l’agglomération entre la ville de Genève et les communes françaises. Aujourd’hui, les campagnes genevoises récoltent les divers effets du dynamisme de la région.

La relation ville-campagne évolue fortement. Une multitude d’enjeux planent au-dessus de ces territoires qui ont toujours répondu aux besoins de la ville. Dans un contexte de réflexions sur le devenir du canton et de l’agglomération, il est temps que les communes rurales s’affirment et se placent correctement dans le mouvement de ces futures planifications. Ce serait une opportunité de répondre de façon cohérente aux enjeux qu’elles rencontrent tout en ne subissant pas le dynamisme croissant de la région en étant reléguées au second plan. Pour anticiper au mieux le devenir de ces territoires il est important comprendre leur émergence, leur construction, leur rapport avec la ville afin de saisir au mieux leur identité et leur place dans le territoire. Ainsi, pour délier la complexité et l’avenir de ces campagnes il est nécessaire de se demander en quoi la planification territoriale a-t-elle une influence sur le développement des campagnes du bassin genevois ?

Se poser cette question, c’est essayer de comprendre la situation actuelle des zones rurales genevoises et leur rapport avec la vile et les dynamiques de la région pour mieux dessiner les traits de leur futur développement. Dans un premier temps nous étudierons le développement de Genève et son rapport entretenu avec son territoire et sa campagne. Nous verrons ensuite que ceci influencera fortement les dynamiques de l’agglomération que l’on connait aujourd’hui et qui de ce fait activent un nouveau rapport entre la ville et la campagne que ce soit au niveau de l’urbanisme ou des pratiques de ces territoires. Ces trois volets constitueront le contexte global dans lequel les mutations des zones rurales s’inscrivent. Dans un quatrième temps, nous aborderons le sujet des campagnes genevoises, pour comprendre leur place dans le canton et leur identité architecturale. Puis, nous préciserons notre propos sur le territoire de la Champagne qui nous servira d’exemple pour refléter la situation et les enjeux de beaucoup de communes rurales genevoises. Nous verrons leur considération dans les actuelles choix de planification du canton et de l’agglomération et comment elles tentent de réagir et d’exprimer leurs revendications. Une certaine base nous permettra d’aborder la question du devenir de ces campagnes dans ce contexte de mutation et de planification du canton. Suite à cela, nous expliquerons la démarche qui s’appuie sur des nouvelles manières de penser et de structurer le développement d’un territoire à travers notamment le paysage, les motifs des espaces ouverts et l’agriculture. Nous finirons avec la phase « projet » qui permettra d’apporter un autre regard sur le rapport ville-campagne et le manière d’aborder cette dernière dans les réflexions de planification. Le projet a pour but d’ouvrir le débat sur la question du développement et de comment

« construire » les campagnes. Nous débuterons par l’échelle territoriale afin de donner une structure et un fil conducteur au développement des territoires ruraux. Nous essayerons d’ouvrir quelques pistes de réflexion sur leur développement et sur le rôle qu’elles peuvent tenir notamment en tant que système complémentaire à celui de la ville. La dernière partie, à l’échelle d’une commune, tentera de démontrer qu’il est possible de proposer, pour un village, un développement qui découle des orientations et des réflexions prises à l’échelle du territoire. Le but est de proposer un autre regard sur les communes rurales et leur devenir : Où les « construire », comment les « organiser ». Cela permettrai de conforter leur identité, leur rôle dans le territoire et de traiter lau mieux les enjeux auxquelles elles doivent répondre.

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I UN CANTON DESSINÉ PAR LE

PRISME DE LA VILLE

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I.I. Genève, une relation au territoire liée à l’Histoire.

L’attractivité de l’agglomération franco-valdo-genevoise appelée « Grand Genève » est sans égale.

Compacte, multipolaire et verte, d’une superficie de 2500 km2, elle compte 2 pays, 2 cantons, 1 région, 2 départements et 212 communes. Cette “ville” transfrontalière compte actuellement 860’694 habitants et 403,341 emplois et estime, dans les objectifs de 2030, générer 200’000 habitants et 100’000 emplois en plus (Bussy-Blunier, 2011). Ces chiffres illustrent parfaitement le dynamisme qui active la région tant à l’échelle locale que régionale voire internationale. Ceci engendre pour le territoire et le paysage, d’être soumis à de fortes pressions de différentes natures pour répondre aux besoins des habitants et des usagers de l’agglomération qui se déplacent, qui travaillent, qui vivent et se divertissent des deux côtés de la frontière. Genève, avec son implantation et son rôle historique a produit la ville que nous connaissons aujourd’hui et qui entretient un rapport particulier avec son territoire local que ce soit avec ses campagnes mais aussi avec les territoires français et vaudois voisins dessinant l’actuel Grand Genève. Historiquement, au niveau régional, elle s’est longtemps pensée comme une île, menant une politique de ville-état, coupée d’un arrière-pays qu’elle ne considérait que peu, souhaitant en tirer uniquement les effets désirés c’est-à- dire une main-d’œuvre peu qualifié et peu coûteuse (Quincerot, 2010). Place de foire au Moyen-Âge, ville d’Europe au Siècle des lumières, siège de la Croix-Rouge au XIXe siècle, de la Société des Nations, puis de l’Onu au XXe siècle, nous pouvons ainsi comprendre qu’un certain héritage donne à Genève un profil de Ville-État (Quincerot, 2010, p. 21). Ainsi, comprendre le développement historique de Genève, c’est comprendre dans un premier temps les rapports passés et actuels qu’elle entretient avec son territoire, avec les dynamiques et les impacts que l’on connaît du Grand Genève. Mais c’est aussi l’opportunité d’observer comment le développement genevois se fit par l’intermédiaire d’un prisme urbain qui orientera et définira sa relation avec la campagne.

Au temps des Allobroges, la future cité s’implante sur un poste avancé face aux Helvètes et tient une place stratégique, point de carrefour entre la porte d’entrée des Alpes, Lyon et Paris. En 443, le territoire de la Sappaudia (Territoire des sapins) est constitué et confère à Genève une place centrale. La ville continue ainsi d’entretenir un rayonnement régional voire européen. Elle devient prospère et reconnue grâce aux foires du Moyen Âge. Alors qu’en France un favoritisme est donné à celles de Lyon, Genève connaît un déclin suivi d’un repli sur elle. Ces processus furent également alimentés par son nouveau statut de la Rome protestante obtenu lors de la Réforme en 1535 et des menaces du Duc de Savoie qui s’en suivirent.

Elle devient un foyer rayonnant bien au-delà de la France et de la Suisse, devenant un fait de dimension mondiale. Au lendemain de l’Escalade, le traité de Saint-Julien est signé en 1603 et marque le début d’une cohabitation pacifique durable entre Genève et la Savoie. Finalement, elle se repliera derrière de hautes murailles pour se préserver et résister aux convoitises des Savoyards, des Français et de la Fribourg catholique. Ceci engendrera une superbe négligence de son territoire proche. Ruinée, encerclée par le département du Léman, subissant le blocus continental imposé par l’Empire, il faudra attendre les années 1815-1816 et plusieurs traités (traité de vienne 1815 et traité de Paris 1816) pour que Genève obtienne son territoire et son indépendance.

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I.II. Délimitation du canton et ouverture internationale

Cette période marque un tournant important pour le futur du canton genevois et plus largement de l’agglomération car elle dessine les bases et les frontières dont nous héritons aujourd’hui. Avec son rayonnement international, Genève s’est pensée et a favorisé son aura et son « territoire mental » à cette échelle-ci. Elle ne s’est que peu préoccupée de son territoire physique local et de sa relation avec sa campagne et ses proches voisins, gessiens, savoyards et haut-savoyards. Repliée derrière ses remparts plusieurs siècles durant, la Ville-État s’est mise en retrait face à une campagne morcelée et disputée entre la Suisse, la France, et la Savoie. Pour se rattacher à la Suisse en 1815, la Genève protestante a dessiné son territoire cantonal volontairement limité afin de laisser en dehors les territoires catholiques reconquis par la contre-réforme. Fortement influencée par certaines personnalités et différents dirigeants politiques, Genève n’a pas saisi l’opportunité de reconfigurer ses frontières avec tout le potentiel que le territoire lui proposait comme Charles Pictet de Rochemont le démontrait à travers son croquis de 1814.

De plus, à l’échelle de la Suisse, Genève aurait pu tenir une réelle position défensive et stratégique en venant fermer spatialement le plateau Suisse. À l’inverse, plusieurs options ont été prises en favorisant une politique de désenclavement restreinte soutenue par des conservateurs comme Joseph des Arts ou l’Abbé Vuarin, curé de Genève. Durant ces années de 1814-1816 les frontières ont fortement été retravaillées.

Plusieurs communes et habitants ont été affiliés à un pays sans considérer leurs attentes et leurs souhaits concernant le découpage communal et territorial que la région a connu. Ce dessin de la frontière reflète concrètement le rapport que Genève entretenait et souhaitait avoir avec son territoire et ses voisins, ne s’ouvrant physiquement que peu à ses alentours. C’est à cette même période qu’une première « zone franche » est créée autorisant la circulation des marchandises hors douane, permettant de concilier séparation politique et intégration économique des territoires. Mais cette dernière est devenue bien plus importante en 1860, lorsque que la Savoie devint française. Genève obtint le droit de se doter d’un arrière- pays agricole beaucoup plus large avec ce fameux statut. Après le démantèlement des remparts, Genève s’ouvrit peu à peu. Elle conserva toujours son hélvétisation ainsi que l’Esprit de Genève, mythe hérité du siècle des Lumières, s’installant de plus en plus dans les mentalités et renforçant son statut international et démocratique. C’est donc presque naturellement que les premières organisations internationales sont nées et se sont installées à Genève, que ce soit le Comité international de secours aux blessés de guerre en 1860, la Société des Nations au lendemain de la Grande Guerre ou l’ONU après la 2nd Guerre Mondiale (Hüssy, 2016). Ces différentes institutions lui assureront son statut de ville internationale et définira le paradoxe entre ce rayonnement et son rapport distant à son territoire direct.

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Au fil des siècles, ces différentes phases d’ouvertures et de fermetures que ce soit au niveau de la région ou plus largement au monde permettent de montrer que Genève a entretenu un rapport particulier à son territoire. Elle a privilégié une dimension internationale pour ses idées au détriment d’un contact physique finalement restreint vis-à-vis de ses voisins. Cette ville illustre parfaitement bien l’interaction du signifiant et du signifié, concept développé par Ferdinand de Saussure, qui démontre le rapport entre la représentation mentale physique et matérielle d’un signe, le signifiant, et la représentation mentale du concept ou de l’imaginaire de ce signe, le signifié. Genève a pu se sentir comme un point dans l’espace ne faisant pas le choix de s’imposer et de structurer la région. Il faudra attendre presque un siècle plus tard pour que les premières réflexions transfrontalières émergent réellement et que Genève considère un territoire physique beaucoup plus large que ses limites cantonales. Nous pouvons constater que les campagnes du canton et de l’agglomération ne furent que peu abordées car jusqu’au début du XIXème siècle elles ont fait l’objet d’un territoire flou aux frontières fragiles et changeantes notamment en fonction des rapports qu’entretenaient les nations du bassin Genevois jusqu’en 1815. Nous aborderons plus précisément l’histoire et le rôle de ces lieux durant un autre chapitre qui s’orientera sur ces territoires. À présent continuons de traiter le grand chapitre du développement de Genève à partir du XXème siècle pour comprendre le traitement que le canton a apporté à son territoire et le dynamise actuel de l’agglomération accompagné des pressions exercées sur les campagnes du canton.

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I.III. Les planifications du XXème siècle

Le XIXème siècle est marqué par la Révolution Industrielle et l’émergence des premiers mouvements d’urbanisme accompagnés des premières volontés de planifier et d’organiser l’extension et le développement des villes. Genève n’a pas échappé à la tendance. Beaucoup d’anciennes villes européennes sont à l’heure de l’ouverture. Les fortifications qui les ont abritées pendant tant d’années s’avèrent désormais obsolètes et l’afflux d’une population rurale remet en question leur conservation. Le démantèlement des remparts est en marche. De vastes opérations immobilières ont suivi ce processus qui a lancé Genève dans l’expansion de son tissu urbain et de sa frange construite. Le rapport ville- campagne subit une modification et un bouleversement profond. Le réseau des voies de communication s’étend, un nouveau territoire se dessine. La campagne genevoise est alors « redécouverte » et son rôle est de plus en plus important et considéré. De riches propriétaires établirent quelques maisons de maître pour s’écarter du centre-ville et jouir de terrains plus vastes accompagnés d’un paysage agricole. Face à l’importante croissance qui s’ensuit, l’Etat presse la nécessité d’élaborer un plan d’ensemble afin de contrôler le développement urbain. En 1919 le Bureau du plan d’extension est voté et créé. Il permettra de traiter un ensemble de problématiques urbaines dues à l’accroissement de la ville (CCR-IAUG, 2003).

En 1920, le projet de la cité-jardin d’Aïre émerge dans la tendance du mouvement hygiéniste du début du XXème siècle pour proposer des logements indépendants pour une vie saine loin des quartiers insalubres.

C’est 120 logements qui sortiront de terre entre 1920 et 1927. Avec une architecture répétitive, un grand confort pour l’époque, elle fera référence comme modèle d’habitation social et économique intégré à la nature. Ce projet est une première forme concrète de relation ville campagne que l’Etat souhaite créer pour réunir ces deux entités auparavant très opposées.

De 1933 à 1936, Maurice Braillard et Albert Bodmer vont jouer un rôle déterminant dans la création de plusieurs plans directeurs régionaux, utilisés comme des outils pour définir un développement rationnel de l’agglomération genevoise. Ces images directrices, encore largement utilisées aujourd’hui, poseront les bases pour concevoir et orienter la croissance de la ville et lui définir une relation avec son territoire.

Le sujet n’a pas pour but de rentrer dans les détails de ces plans. Mais il est important de comprendre qu’ils ont, par leur ingéniosité et leur modernité, défini de nouveaux codes pour la planification urbaine et territoriale. À travers le plan directeur régional de 1936, l’ensemble du patrimoine naturel du canton est mis en valeur par l’attribution d’une nouvelle surface (surfaces publiques ou sites à classer) qui accompagne les surfaces réservées à l’agriculture (CCR-IAUG, 2003). Ce patrimoine est ainsi considéré comme un richesse collective menacée par l’expansion urbaine. Planifier le territoire, articuler les campagnes, leur trouver des accroches avec la ville est une démarche tout à fait pionnière. Le plan démontre une capacité à fédérer un chapelet d’espaces publics dessinant une transition entre la zone urbaine et la zone villa.

C’est aussi le premier plan qui illustre le motif des pénétrantes vertes, propre au territoire genevois, permettant de relier l’arrière-pays au centre-ville. Ainsi, il synthétise deux courants urbanistiques forts qui traitent l’espace public : le dispositif en anneau de verdure et le dispositif en radiales illustré par les pénétrantes vertes comme l’Arve, la pénétrante agricole de Pinchat etc.

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En 1937, le plan directeur régional, dit plan des zones est présenté. Très similaire au plan de 1936, le développement de l’agglomération urbaine, ici, est considéré dans le cadre de l’évolution d’une structure territoriale plus large et des rapports réciproques entre les différentes entités qui la composent. On met en œuvre un programme de décentralisation de la croissance urbaine en anticipant des réalités géographiques et démographiques, avec des présupposés économiques, hygiéniques et sociaux.

De ces plans, deux autres éléments sont importants à relever. Le premier est la considération des villages dans la planification. Au-delà de leur représentation graphique qui diverge d’un plan à l’autre. Le plan de 1936 décrit, dans l’optique de mettre en valeur l’identité territoriale genevoise, que les villages seront conservés comme témoins révolus mais hautement significatifs d’une culture. Ils doivent tenir le rôle d’une véritable exposition à ciel ouvert de l’histoire du territoire genevois. En d’autres termes, les villages doivent être préservés de toutes modifications ou extensions. À l’inverse, dans le plan de 1937, les villages, bien qu’inscrits également au patrimoine, ne sont pas exclus d’une possibilité d’aménagement ou d’extension.

Le second élément est les deux figures qui accompagnent le plan directeur de 1936. Elles permettent d’illustrer pour Braillard un « mauvais » et un « bon » développement de la ville. La première figure est une extension ininterrompue de la vile aux communes suburbaines formant une « tâche d’huile » imageant un étalement urbain peu contrôlé. La deuxième est une extension décentralisée permettant la pénétration de la verdure jusqu’au centre-ville. En d’autres termes, il affirme à travers ces deux dessins la nécessité de penser un développement multipolaire du territoire à l’inverse d’une extension radioconcentrique de la ville qui activerait un processus d’étalement urbain.

À travers ces plans, Braillard et Bodmer affirment une orientation pour le développement de Genève, du canton voir de l’agglomération. Ils mettaient en avant plusieurs éléments forts : une configuration multipolaire pour l’extension de la ville, une considération et une protection des structures naturelles, des campagnes et des villages du canton vu comme des « parcs », une articulation des espaces publics de façon circulaire et radiale. Ces grands mouvements de planification des années 30 ont redessiné les villes d’Europe et ont posé les bases pour leur extension. Avec les événements futurs, certaines s’en détacheront tandis que d’autres en garderont quelques marques. À Genève, on ressent que la planification est encore, sur certains points, sous l’influence de ces réflexions et de ces plans. Le plan directeur régional a mis en exergue des structures territoriales essentielles à conserver et à utiliser dans la planification. Plusieurs entités naturelles mentionnés et dessinés il y a 80 ans, sont encore visibles et pérennes aujourd’hui. La pénétrante agricole de Pinchat, la colline de Choulex, les bords de l’Aire en sont de parfaits exemples.

Mais c’est aussi dans la façon de concevoir le développement du canton et de la ville que ces plans se ont inscrits dans les mentalités une vision pour le futur du territoire. Lors de la réalisation de ces plans, le contexte et les approches de l’urbanisme étaient relativement différents et principalement orientés et focalisés par un prisme urbain. C’est-à-dire que l’intérêt était de concevoir un développement cohérent et sain pour la ville et par la ville. Autrement dit, la planification était conçue avec une priorité pour l’accroissement de la ville au détriment des territoires qui l’entourent. C’est le cas des campagnes qui, malgré leur représentation dans les plans, ont reçu une image, un statut et un rôle qui étaient avant tout bénéfique pour la ville et défini par elle-même à travers des acteurs de cette entité. Le plan de 1936 a largement contribué à planifier les campagnes comme un sanctuaire immuable et intouchable, futur lieu

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de délassement pour les urbains où quelques activités agricoles seront encore exercées. C’est donc à cette période que les graines ont été semées pour cultiver le regard et la planification des zones rurales.

Sans renier toutes les bonnes intentions qui s’y trouvent, ces plans définiront grandement le devenir et le développement des campagnes pour le prochain siècle.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, dans un contexte de restrictions et de difficultés commerciales avec les pays voisins, la Suisse a initié à travers le Plan Wahlen une tentative d’autosuffisance alimentaire pour le pays. Malgré un succès limité, la Suisse renforce sa détermination à conserver son indépendance. Cette planification accentue également l’importance de la place et de la conservation des surfaces agricoles dans les cantons. En 1951, la nouvelle politique agricole élaborée par la Confédération donnera de plus en plus d’importance à l’utilisation et à la pérennisation du sol agricol via la protection de la propriété foncière rurale. À Genève, en 1952, le Département de l’intérieur et de l’agriculture, aidé par une commission d’expert représentant la Chambre d’agriculture, des propriétaires, des notaires, etc. élaborent un projet de loi complétant l’article 13 de la loi du 27 avril 1940 sur les constructions et installations diverses. Pour concilier l’ordonnance fédérale et le système des zones, le Département genevois préfèrent se référer au plan de zone de 1940 et modifier les dispositions concernant la cinquième zone plutôt que de dessiner un nouveau plan. Cette zone sera alors scindée en deux catégories de terrain pour tenir compte de la nécessité d’étendre la ville et l’obligation de préserver les surfaces agricoles. La délimitation de cette nouvelle zone à bâtir permet en parallèle de protéger la zone agricole d’une extension arbitraire et incontrôlé de la ville sur la campagne. Cette nouvelle limite va permettre au développement urbain de s’étendre peu à peu en comblant cette nouvelle zone attribuée à cet effet (CCR-IAUG, 2003). C’est alors que Genève fut, en Suisse, le premier canton à lancer un ambitieux programme de logement, s’alignant sur le plan de 1952, et répondant aux besoins du redémarrage économique. En une année, plus de 6000 logements verront le jour vers 1970 (Quincerot, 2010, p. 24). Les cités satellites de Meyrin, Onex ou du Lignon ont été le résultat concret de cette demande de logement et de cette construction rendue possible grâce à cette nouvelle zone. Ce plan illustre une nouvelle fois l’utilisation du prisme de la ville pour planifier et penser le développement du territoire. Les zones rurales ne deviennent qu’une résultante passive et protégée de l’extension de la zone bâtie. La planification protectrice dont elles font l’objet reflète une volonté politique urbaine de concentrer les efforts sur l’extension de la ville et de figer le territoire rural. Ceci s’est fait au détriment d’une autre réflexion sur les campagnes et de leur potentiel évolutif au sein du territoire. Que ce soit par l’orientation de la planification du Canton ou lors d’opération de construction de logement, on ressent que Genève a mené une politique de centralisation du pouvoir illustrant bien son large pouvoir décisionnel cantonal. Aujourd’hui, on constate toujours cette hiérarchie au sein du Canton avec des Communes genevoises qui bénéficient d’une marge d’action beaucoup plus restreinte que celle attribuée au Canton. Par la suite, dans le but d’aménager et de planifier un vaste territoire, la Suisse concrétisera avec la création de la LAT le 22 juin 1979 sa législation pour gérer son territoire. Une législation toujours plus présente, des zones toujours plus strictes avec le plan sectoriel, un territoire exigu… L’aménagement du territoire genevois devient étriqué et complexe. La tendance régie par le slogan « construire la ville en ville » émergera dans les années 70 et ralentira fortement l’extension urbaine. Ces différents facteurs engendreront une diminution importante des constructions de logements. En 1992, la LAT va mettre en place le plan sectoriel des surfaces d’assolement, héritage du Plan Wahlen, visant à garantir des sources d’approvisionnement suffisantes pour le pays. C’est alors que chaque canton, en fonction de sa superficie, se devra de respecter un certain nombre d’hectare de terres cultivables répondant aux critères fixés par l’Office de l’urbanisme (qualité du sol, exposition…). Pour le canton genevois, c’est un critère de plus avec lequel les autorités doivent traiter pour réfléchir au développement cantonal. Avec ces nouveaux outils

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de planification imposés par la Confédération, l’orientation prise par le Canton de Genève avec le plan de zone cohabite parfaitement. La planification et la législation protectrice des surfaces agricoles et des zones rurales se renforcent, se complexifient et figent de plus en plus ces territoires.

Nous avons vu que la situation actuelle du bassin genevois s’est dessinée au fil du temps et de l’Histoire. Le rapport de Genève avec son territoire a évolué en fonction des contextes géopolitiques et des relations avec ses proches voisins. Avec différentes phases d’ouvertures et de fermetures la ville a révélé une dimension internationale accompagnée, paradoxalement, d’une certaine distance vis-à-vis de son territoire physique proche. La délimitation du canton en est un très bon exemple. Avec les grands mouvements d’urbanisme et de planification du XXème siècle, Genève a scellé une orientation et des bases qui dessineront le futur développement du canton. Le prisme urbain qui a largement coloré les réflexions pour le devenir du canton a défini pour les zones rurales une planification protectrice conséquente. Elles tiendront une image et un rôle défini par la ville d’un territoire bucolique, témoin d’un passé révolu. Épaulées d’une législation fédérale, les campagnes deviendront peu à peu immuables et intouchables. Cette orientation souhaitée pour le développement du canton et de la zone rurale aura différentes conséquences. Au-delà d’une pénurie de logement du côté suisse de la frontière, c’est tout un territoire qui suivra une même dynamique définie par une attractivité économique genevoise. À présent nous verrons les effets de ces choix urbanistiques qui définiront un déséquilibre au sein du territoire franco-valdo-genevois et qui poussera à réfléchir, à cette échelle, à des stratégies communes et des objectifs partagés qui se concrétiseront sous la forme du projet d’agglomération. Sans retracer toute son histoire et sa mise en place, nous analyserons les tenants et les aboutissants de ce projet commun et de ses thèmes principaux. Nous verrons ainsi l’impact de l’attractivité de l’agglomération sur la région et les campagnes. Nous aborderons aussi les orientations actuelles choisies par les autorités pour construire l’avenir du bassin genevois.

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II UNE AGGLOMERATION

SPATIALISÉE ET SPECIALISÉE

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II.I. Un territoire déséquilibré

Comme vu précédemment, le contexte genevois devient de plus en plus compliqué pour la construction et entrainera une forte diminution de logement en passant de 2000 habitations créées en 1980 à 1083 en 2008. Parallèlement, Genève jouit d’une attractivité internationale et régionale et continue d’attirer et de créer un nombre d’emplois considérables. Ce n’est pas moins de 29 000 emplois qui seront créés entre 2005 et 2008 pour seulement 5000 logements (Quincerot, 2010, p. 32).

Ce rapport déséquilibré entre croissance économique et construction d’habitation engendre une crise aigüe du logement ainsi qu’une forte hausse des prix fonciers et immobiliers sur Genève. Un nouveau phénomène d’immigration de suisses a émergé les faisant partir habiter en France tout en continuant de travailler sur leur territoire d’origine. Cette dynamique vient gonfler le nombre toujours plus croissant de travailleurs frontaliers résidant dans le département de l’Ain, de la Haute-Savoie ou dans le canton de Vaud. Le prix des logements en France voisine a subi lui aussi une forte augmentation écartant de plus en plus les nouvelles habitations de Genève. C’est alors que se dessine une ségrégation spatiale couplée d’une ségrégation sociale au sein de l’agglomération. Une entité importante permet de distinguer physiquement cette répartition territoriale ainsi que les deux tendances de développement. Cette entité est la « ceinture verte » genevoise dessinée par les parcelles agricoles et les boisements protégés par la législation fédérale et cantonale suisse. Que ce soit via la LAT ou le respect du plan sectoriel des surfaces d’assolement, ces règles législatives ont ainsi donné des outils aux différentes institutions pour que ces espaces cultivés puissent être conservés et devenir, avec le temps, des structures majeures dans le développement du territoire. Les villes centres assurent des équipements d’agglomération et abritent les populations aux faibles revenus, s’ensuit une couronne genevoise agricole et résidentielle relativement riche, un district de Nyon opulant et des périphéries françaises aux prix d’autant moins élevés qu’on s’éloigne du centre (Quincerot, 2010, p. 32). Le développement radioconcentrique ou en expansion étoilée (Hüssy, 2016, p. 45) de l’agglomération entraîne un certain nombre d’impacts visibles et de nature variés. Le canton genevois se confronte à l’exiguïté de son territoire avec l’élargissement de son bassin de vie débordant sur le canton de Vaud et la France voisine. Le processus de développement de la région s’est opéré de manière incontrôlée à travers le bassin genevois avec des impacts négatifs de plus en plus sensibles et visibles que ce soit sur l’urbanisation, les transports, l’environnement et les conditions de vie des populations (Quincerot, 2010, p. 21). Le phénomène du mitage urbain toujours plus conséquent se traduit par d’importantes constructions d’habitations sur des surfaces ouvertes activant un effet de fermeture des paysages au détriment des vues et des ouvertures sur le ciel et le paysage lointain.

En découle un flux quotidien de travailleurs pendulaires toujours plus conséquent, difficilement gérable, provoquant diverses nuisances pour les territoires et les villages frontaliers qu’ils traversent, que ce soit en France ou en Suisse. C’est alors que l’on compte 106’748 frontaliers au troisième semestre de 2016.

Avec tous ces processus mis en place, il n’était plus possible de considérer uniquement les quelques 246 km2 du canton de Genève dans les réflexions territoriales. Les premiers accords allant dans le sens

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d’une région transfrontalière remontent à la fin du XXème siècle et se concrétisent en 2007 par la mise en place du projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, aujourd’hui appelé le Grand Genève. Il a pour but de mettre en place des concertations entre les différents acteurs du territoire afin d’harmoniser et d’apporter une cohérence au développement d’une région qui souhaite dépasser les frontières en traitant un ensemble de thèmes comme la création d’emplois, le social, l’énergie etc. Le Grand Genève se trouve aujourd’hui confronté à des enjeux territoriaux complexes qui se lient entre eux ; un dynamisme unilatéral, l’exiguïté du territoire, une frontière, deux cantons, plusieurs régions françaises... Le traitement de cette échelle et de cette complexité est aujourd’hui indéniable et doit être accompagné d’une vision commune pour les professionnels et les habitants. C’est une voie qui semble obligatoire à suivre sans autres alternatives possibles si la région souhaite consolider et conserver la qualité de vie présente. Le risque est de la voir se dégrader peu à peu comme le laisse entrevoir certaines mutations et nouveaux problèmes que rencontrent les villes, les villages, les hameaux et les campagnes sur lesquelles nous préciserons nos propos.

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II.II. Le pôle emploi Suisse

Un élan commun et un enthousiasme partagé entre les différents acteurs de l’agglo a solidifié le démarrage du projet en fondant une stratégie générale. “Elle vise à rééquilibrer l’habitat et l’emploi pour parvenir à une répartition plus équitable et plus compacte de l’urbanisation ; à promouvoir un report modal massif des déplacements, en développant les transports publics et les mobilités douces et en maîtrisant les trafics routiers ; et à préserver les espaces agricoles, naturels et paysagers, dans leurs multiples fonctions actuelles.“ (Quincerot, 2010, p. 86).

Malgré ces grandes intentions générales, la création d’un territoire de projet tâtonne, tente, esquisse et paradoxalement se concrétise trop lentement ou trop subitement pouvant provoquer des impacts durables sur le territoire. L’agglomération continue de souffrir d’un déséquilibre entre la dispersion du logement et la polarisation de l’emploi renforcée par l’effet de frontière. Dans le document « projet territoire du grand Genève 2016-2030 » quelques chiffres mentionnent clairement que les objectifs de logement ont été bien inférieur sur le canton de Genève et bien supérieur dans les territoires français. C’est alors qu’entre 2006 et 2012, le canton de Genève a connu une croissance annuelle des emplois de 2.8% et de 0.9% des habitants, le district de Nyon de 3.8% des emplois et de 2.0% des habitants, alors que sur le Genevois français, on observe durant la même période une croissance des emplois de 0.9% mais une augmentation de la population de 2.3%. Ainsi Genève génère plus de 80% des nouveaux emplois tandis que le sol français accueille plus de 55% des nouveaux habitants (Projet de territoire Grand Genève 2016- 2030, 2016). Ces chiffres illustrent bien la tendance d’une répartition spatiale spécialisée. Ce phénomène ne fait qu’accentuer son lot d’impacts négatifs comme l’accroissement de la mobilité individuelle qui entraîne à son tour une dégradation de la qualité de vie dans le bassin genevois. Il devient crucial pour les différentes institutions aussi bien suisses que françaises de prendre en considération ces chiffres et leurs impacts pour inverser la tendance et développer des emplois en France et des logements à Genève.

Nous pourrions penser, d’un premier regard, que certains élus souhaitent prendre cette direction. Mais les réponses à cette prise de position restent ambiguës et paradoxales. En France, la création d’emploi

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s’effectue particulièrement par le biais des projets d’implantation de grands centres commerciaux comme vitam parc en Haute-Savoie sur la commune de Neydens ou Open, le futur projet de 39 ha à Saint Genis Poully. Malgré la création d’emplois qu’ils peuvent générer, le nombre de postes qu’ils créent reste trop faible pour parler d’une réelle politique de l’emploi. De plus, ces projets s’alignent dans une perspective de développer le plus possible le territoire français pour profiter du dynamisme et du pouvoir d’achat de la région en mettant de côté certains points comme la cohésion sociale ou l’aspect durable pour le Grand Genève. À l’inverse, ils alimentent le besoin et l’utilité de la voiture qui devient nécessaire pour pouvoir se rendre dans ces temples de la consommation où la place de la mobilité douce et des transports publics reste minime. Des grandes enseignes commerciales prendront place dans ces lieux où elles seules peuvent répondre au prix d’implantation et de maintenance d’un commerce. Ces stratégies commerciales s’installent au détriment des petits commerces locaux qui à l’inverse pourraient s’implanter au cœur d’une ville de petite taille ou même d’un village pour accompagner leur développement économique et démographique sur le court et le long terme. Au-delà de ces aspects, ces bâtiments deviennent aussi des marques indélébiles et durables dans le paysage de la région. Profitant de l’attractivité économique de la région, ces installations trouvent leurs places sur les terrains disponibles en France où le prix du terrain reste moins élevé que de l’autre côté de la frontière. Les espaces agricols aux portes des villes souffrent de ce processus qui ne fait que d’agrandir l’emprise de la frange suburbaine de l’agglomération par des semblants de zones industrielles et commerciales où la superficie des parkings vient concurrencer celles des parcelles agricoles voisines.

Ce processus engendre un territoire où la tâche urbaine s’étale, sans identité et sans réelle fil rouge pour organiser son extension. Aujourd’hui, avec ses quelques 313 243 emplois (hormis le secteur primaire, le secteur public international et les services domestiques) (Office cantonale de la statistique) le canton reste maître dans ce domaine. L’arrivée des grands projets tels que les pôles gares du CEVA, le PAV ou les Cherpines viendront gonfler ce chiffre et maintiendront la dynamique et la spatialisation territoriale.

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II.III. La France dortoir

Concernant le logement, le canton de Genève se positionne, dessine, projette mais construit difficillement. Cette dernière étape commence, timidement, à faire son apparition dans le cahier des réalisations sur le canton genevois. Quelques quartiers d’habitations émergent de parcelles déjà construites, comme c’est le cas dans les communes de Chêne-Bourg, Chênes-Bougeries qui illustre la tendance du “construire en ville” revenu sur le devant de la scène depuis cette volonté de retrouver du logement. Alors que les processus de densification sont de vigueur, les surfaces agricoles sont aussi désormais objet de convoitise pour la construction de nouveaux quartiers de logements. C’est le cas avec le quartier des Vergers sur la commune de Meyrin qui commence à accueillir les 3’000 habitants prévus.

Malgré ces quelques concrétisations, Genève peine toujours à répondre aux réels besoins de logement.

D’autant plus que les grands projets de logement ne sont qu’à leurs prémices et doivent encore être concertés pour gérer le mitage trop important des surfaces agricoles. Ces futurs quartiers se situent désormais sur la ceinture suburbaine de la ville de Genève et traite un rapport direct avec l’agriculture.

Les Cherpines sur la commune de Plan-les-Ouates ou le développement de Bernex-Nord représentent ces projets tant attendus mais qui ont du mal à être acceptés par certaines instances au vu de leur dimension et de leur ampleur. La population reste divisée mais la votation acceptée du 4 mars 2018 pour le plan localisé de quartier de Saint-Mathieu à Bernex reflète une volonté de démarrer ces chantiers conséquents.

Ils rassemblent beaucoup d’acteurs du territoire de milieux variés qui discutent autour de problématiques complexes où de nouveaux enjeux agricoles et urbains s’entremêlent et doivent se coordonner. En France, avec une différente législation le développement des constructions fait l’objet d’une toute autre gestion.

L’accès à la propriété facilitée, le pouvoir plus conséquent des communes et des maires, une protection des surfaces agricoles plus faible... Tous ces facteurs parmis tant d’autres permettent une organisation et un développement du territoire tout à fait différent. Le pays de Gex et la Haute-Savoie ont connu et connaissent encore une croissance exponentielle des constructions de logements dans le but de répondre à la crise qui sévit sur le canton ainsi qu’à la forte demande de futurs résidents venant des quatre coins de la France pour profiter de l’attractivité régionale. Par conséquent, c’est un véritable mitage des paysages et un gaspillage des ressources naturelles qui se dessinent sur le territoire (Quincerot, 2010, p. 86).

Les hameaux mutent en villages, les villages deviennent des villes de petites tailles et ces dernières se développent pour assurer ce rôle de porte d’entrée avec Genève. Avec leur extension, les limites de ces villes deviennent de plus en plus floues. Il y a encore quelques années, leurs franges agricoles et ouvertes, se résument à de grands quartiers d’habitations ou à des zones d’activités sans âmes où chaque bâtiment reflète la volonté et le dessin du prometteur et de l’architecte. La morphologie de ces quartiers varie en fonction des villes et des périodes de construction. Le modèle pavillonnaire très présent dans les années 80-90 a aujourd’hui muté pour proposer des lotissements aux maisons d’un étage, parfois divisées en plusieurs logements, permettant d’installer plus de familles dans une même structure. Désormais, la tendance se porte surtout sur la construction d’immeubles R+4 permettant l’implantation d’un nombre conséquent de logements. Dans ces nouveaux lieux dortoirs, on ne trouve que peu de commerces ou d’activités au rez-de-chaussée ou à proximité. Ils s’implantent durement en créant souvent une forte distinction avec la ville existante. Ils sont souvent mal desservis en transports publics et favorisent donc l’utilisation de la mobilité individuelle. Après la région d’Annemasse dans les années 90 c’est aujourd’hui du côté de Saint-Julien-en-Genevois et de Viry que ces type de mutation sont les plus visibles. La dynamique des projets de Saint-Julien illustre parfaitement cette tendance à la construction effrénée de logements sur le plus grand nombre d’espaces possible.

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Fig. 2 : Photo d’un nouveau quartier d’habitation à Viry

Source : Photo personelle

Fig. 3 : Photo d’un nouveau quartier d’habitation au dessus de l’Aire à Saint-Julien-en-Genevois.

Source : Photo personnelle

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II.IV. Voiture « First »

Un territoire si attractif engendre une mobilité considérable. Le trafic total aux frontières atteint désormais les 500’000 véhicules par jour (Hüssy, 2016, p. 53). Comme nous pouvons le comprendre avec les deux premiers aspects, l’agglomération du Grand Genève continue à miser et à favoriser, même indirectement, une mobilité individuelle toujours plus abondante. Avec une très forte demande de déplacements et une offre de transports publics embryonnaires, étant donné la coupure historique de la frontière : les réseaux routiers sont de plus en plus encombrés aux heures de pointe, avec des impacts graves sur la santé de la population (bruit, pollution de l’air) (Quincerot, 2010, p. 86). Dans un premier temps, l’agglomération tente de développer une structure de transports publics efficace et coordonnée permettant aux usagers de se rendre au centre-ville de Genève. Mais cette dernière n’est pas assez forte et elle entretient une vision centralisée du développement qui fait converger tous les axes du centre aux périphéries. Malgré ce point, la région chercher à renforcer les axes principaux avec des projets transfrontaliers comme l’arrivée de futures lignes de tramway comme celle, encore en réflexion, qui relierait le centre de Genève à Saint-Julien-en-Genevois ainsi que l’extension au cœur d’Annemasse de la ligne existante qui s’arrête actuellement à la frontière. Ce n’est pas sans compter le tant attendu projet du CEVA ou désormais Léman express qui permettra de traverser le Canton de Genève et de relier la gare d’Annemasse à celle de Nyon en passant par Cornavin. C’est un projet qui permet d’apporter un nouveau souffle dans cette agglomération étriquée et saturée par la voiture. Ce projet prône le déplacement en train ou en mobilité douce avec l’aménagement sur son tronçon enterré d’une voie verte cyclable et piétonne. Plus généralement, l’arrivée de ce projet permet d’insuffler un dynamisme au niveau de l’emploi et du logement sur les pôles gares. De plus, l’accroche de ce futur axe au territoire permet de repenser et de favoriser les alternatives à la voiture ainsi que les déplacements multimodaux pour encourager à utiliser plusieurs moyens de transport pour se rendre de son domicile à son lieu de travail. Malgré ce renforcement d’une mise en avant des transports publics, la réalité du quotidien et des habitudes persistent sur la façon de se déplacer dans le territoire du Grand Genève. L’utilisation et la place dévouée à la voiture, tant physique que mentale, reste considérable. Avec 106’748 frontaliers enregistrés en 2017, les flux de pendulaires sont très conséquents ; les personnes entrantes au cordon frontalier atteignent 27’000 à l’heure entre 6h et 8h du matin. Ces tristes chiffres confère à Genève le statut d’une des villes les plus congestionnée de Suisse (Moulin, 2018). Les transports public ne comptent que pour 12% de l’ensemble des déplacements (Hüssy, 2016, p. 53). Pour essayer de résoudre les problèmes liés à la mobilité, les futurs projets d’aménagements continuent de poursuivre cette voie du transport individuel.

Que ce soit l’élargissement d’une troisième voie sur le tronçon autoroutier de Coppet à Bernex, la future traversée du lac ou d’autres projets de routes de contournements comme à Saint-Julien-en-Genevois ou de sortie autoroutière comme à Viry. Ils démontrent tous une persistance à penser l’usage et le besoin de la voiture dans le Grand Genève. Malheureusement, aborder les aménagements pour la voiture pousse indirectement à l’utiliser encore plus. Ceci laisse présager des impacts importants pour les campagnes et les villages qui deviennent de véritables entonnoirs à voitures pour qu’elles puissent se rendre au centre- ville.

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II.V. Essoufflement et nouvelles visions ?

L’évolution de Genève au fil des différentes phases d’ouvertures et de fermetures, son statut international, son pouvoir cantonal, la législation des zones à bâtir et agricole… Ces éléments sont un ensemble d’ingrédients qui ont dessiné le territoire, les campagnes et les dynamiques que l’on connaît aujourd’hui. Avec les thèmes du logement, de l’emploi et de la mobilité nous avons vu comment les campagnes peuvent être directement ou indirectement touchées par des dynamiques qui influencent elles- mêmes des mutations plus importantes. Dans le Grand Genève, les campagnes définissent une frontière agricole entre la Suisse et la France et créent une ceinture verte encore visible. Malheureusement, celle-ci tend à se fragiliser par les différents facteurs que nous avons cités précédemment. En revanche, depuis peu, la « machine agglomération » montre quelques signes de faiblesse. Depuis le refus de la votation des P+R du 18 mai 2014, des signaux négatifs se sont multipliés. Les dynamiques transfrontalières s’essoufflent et sur les 623,4 millions injectés, 63% de cette somme concernait uniquement le Canton.

Avec 38,8 millions pour les projets de l’agglomération franco-valdo-genevoise, la confédération ne sera pas aussi généreuse que par le passé (Prieur, 2018). Au-delà de ces aspects financiers, c’est l’apparition de plusieurs mouvements de protestation qui s’élèvent et déplorent « la fuite en avant » d’un développement incohérent dû à la recherche d’une croissance toujours plus conséquente de la région. Elle s’illustre par des projets de densification et de construction qui doivent s’opérer sur trois communes, Chêne- Bougeries, la Ville de Genève et Bernex. Ils répondent à la demande de logement ainsi qu’à l’acceptation du peuple d’une plus forte densification de la Ville de Genève et du canton par la votation en février 2014.

Paradoxalement, ces projets sont le résultat de cette majorité gagnante mais ils connaissent beaucoup d’opposition. Les citoyens commencent à percevoir les conséquences de ce choix et s’interrogent sur la nécessité de devoir construire toujours plus, tout en risquant de perdre en qualité de vie et de fragiliser l’identité des communes (Gottschall, 2018). Chacun de ces projets profitent d’une situation géographique propre et d’un contact plus ou moins proche avec le monde agricole. Au-delà, d’être en faveur ou contre une densification, leur situation et les enjeux de ces projets alimentent le débat et les réflexions sur la façon de construire et d’insérer intelligemment des bâtiments avec les structures existantes et les surfaces agricoles. Ce type de projet et ce qu’ils soulèvent, accompagnés par les revendications des citoyens démontrent bien que l’agglomération fait face à un débat sur son avenir urbanistique et aux développements actuellement apportées. Alors que la densification est acceptée en Ville de Genève ainsi que le déclassement à Bernex d’une zone agricole en zone constructible afin d’accueillir un projet immobilier de 400 logements, c’est une ferme urbaine qui verra le jour à Chêne-Bougeries en plus des logements. Malgré les précédentes ambiguïtés, la population a exprimé, à la majorité, sa volonté de poursuivre le développement immobilier du canton. La demande de logement est là. Mais au-delà de cette thématique, les cas de Bernex et de Chêne-Bougeries interrogent sur le contact que l’agglomération et le canton souhaiteront entretenir avec le milieu rural. En effet ce rapport ville-campagne a toujours été en perpétuel évolution et l’on ressent aujourd’hui des dynamiques qui insinuent de nouvelles formes et des nouveaux échanges entre ces deux mondes qui entretiennent des rapports de plus en plus étroits.

Malgré ce ressenti, à l’échelle du territoire, la problématique du monde rural et agricole reste peu abordée dans le projet d’agglomération. Le développement de la région du Grand Genève s’effectue à une vitesse déconcertante au prix d’une baisse de la qualité de vie dans le bassin genevois. Les zones rurales pâtissent déjà des effets de cette fuite en avant. Hormis une politique protectionniste du côté suisse et d’un réservoir immobilier en France, l’absence de politiques territoriales fortes pour ces milieux commence à faire défaut. Sans réelle vision pour le futur, on pourrait penser que ces espaces attendent

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passivement d’être un jour rattrapé par l’urbanisation galopante. Les lois protectionnistes démontrent une certaine flexibilité face au déclassement de la zone agricole uniquement délimité par un fragile trait sur les documents d’urbanisme. Les phénomènes visibles en France pourraient s’avérer être un jour une réalité pour les bourgs et les villages genevois si les autorités ne décident pas d’embrasser le sujet des campagnes dans toutes leurs complexités. Au-delà de la question urbanistique, il s’agit de comprendre le monde rural agricole d’aujourd’hui dans toute sa complexité avec ses nouvelles pratiques, ses nouvelles aspirations et le rôle de l’agriculteur comme acteur du territoire. Nous ne pouvons pas non plus oublier la fonction primaire de l’agriculture qui est de nourrir sainement les Hommes. Mais, des questions se posent sur le statut et la fonction nourricière des zones agricoles qui produisent et usent les sols de la même façon depuis plus de 60 ans, alors que de nouveaux mouvements et de nouvelles façon de produire émergent. Ces questions se posent d’autant plus en Suisse avec la politique des surfaces d’assolement et leur rendement qui interrogent de plus en plus. Les territoires ruraux ont toujours connu d’importantes mutations et nous observons aujourd’hui des processus qui laissent entrevoir que le milieu va connaître de nouvelles grandes transformations internes et externes, en lien avec l’urbain. Devenant un espace à enjeux, l’agglomération doit prendre conscience de ces nouvelles données et de ces nouvelles mutations pour saisir le potentiel de traiter un vaste territoire agricole transfrontalier. Celui-ci serait l’opportunité de définir un nouveau rapport et une nouvelle transition ville-campagne dans les planifications futures afin qu’elles ne soient plus reléguées au statut d’arrière-pays ou de ressources foncières et nourricières. Il est intéressant de les regarder et de les entreprendre par un autre regard que celui dont nous héritons. Les campagnes pourraient se laisser présager avec des alternatives intéressantes quant à leur rôle et leur position face à la ville.

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III UNE ÉVOLUTION DU RAPPORT

VILLE-CAMPAGNE

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Aujourd’hui, les zones rurales du canton doutent et se questionnent sur leur avenir et leur rôle dans l’agglomération et dans le canton. Plus largement, c’est un rapport ville-campagne, urbain-rural qui doit être mis à jour. La distinction entre ces deux mondes est de plus en plus floue. Il n’est plus possible de les considérer comme indépendant l’un de l’autre mais doivent être pensé comme des structures complémentaires qui s’interpénètrent. Ce nouveau rapport s’observe à différentes échelles et s’illustre de différentes façons plus ou moins visibles. Que ce soit à travers de nouvelles morphologies bâties ou de nouvelles manières de vivre le territoire, il représente un enjeu qu’il est nécessaire de considérer et que nous traiterons à travers plusieurs thèmes. Traiter ce nouveau rapport, c’est entreprendre d’une manière constructive le devenir et le fonctionnement futur de ce territoire composé d’entités urbaines, rurales et de lieux hybrides où ces deux éléments se rencontrent et forment la ceinture suburbaine.

III.I. Phénomène de rurbanisation

On comprend que les zones rurales ont très souvent fait l’objet de transformation pour s’adapter aux mouvements urbains, aux styles de vie, aux nouvelles techniques agricoles reflétant une société en perpétuelle évolution. Ces 40 dernières années, les zones rurales de la région genevoise ont connu de profondes mutations qui s’exercent et se ressentent toujours aujourd’hui. Un phénomène de rurbanisation a touché la plupart des campagnes que ce soit en France ou à Genève. Ce processus désigne une urbanisation peu dense des zones rurales, créant un paysage où des caractères ruraux sont imbriqués dans des caractères de la périphérie urbaine. La région a connu une importante croissance démographique active depuis une trentaine d’année. Cet accroissement de la population s’est accompagné d’une augmentation du nombre d’habitations. En plus d’être une ressource financière pour les communes, ces quelques logements ont tenté, à leur échelle, d’amortir la crise qui sévissait en ville de Genève. La législation sur l’urbanisme et sur la protection des surfaces agricoles a dessiné une distinction entre le développement des villages français et genevois. La France, contrairement à la Suisse, a pu déclasser un grand nombre d’hectares de terres agricoles pour subvenir aux besoins de logements. Une multitude d’immeubles et de maisons individuelles de divers gabarits ont poussés pour accueillir de nouveaux habitants. Généralement placés en bordure des villages, ils ont formé les nouvelles limites d’une expansion peu contrôlée et peu réfléchie sans aucun rapport avec les surfaces agricoles qui les bordent. Avec les nouvelles techniques de construction, les bâtiments se sont posés sans contraintes sur les parcelles déclassées sans forcément prendre le soin d’articuler convenablement ces nouvelles bâtisses au reste du village. En quelques années, de simples villages sont devenus des villes de petites tailles. À Genève, ces mutations furent moins fortes et moins rapides, la législation et la protection des surfaces agricoles ont ralenti le processus mais ne les ont pas empêchées. Les villages, qui dans l’inconscient genevois restent bucoliques et ruraux commencent lentement mais sûrement à endosser une autre image. De nouveaux immeubles de petits gabarits sortent du sol pour répondre de façon rationnelle à un programme immobilier sans attache avec quelconques structures existantes du village. Alors que la rurbanisation préconise l’imbrication d’éléments ruraux avec des éléments urbains, le résultat actuel laisse penser que l’aspect rural n’était pas l’orientation choisie. Si ce ne sont pas les motifs ruraux qui sont utilisés, on observe à l’inverse, l’agencement de constructions qui se rapprochent de motifs urbains. Comme nous l’avons déjà mentionné, des immeubles de deux à trois étages se sont installés et ont activé le processus d’étalement urbain sur les surfaces agricoles. Ils s’accompagnent de places de parking, grandes consommatrices d’espace. Ces éléments se développent de façon isolée du reste du noyau rural existant. Les identités villageoises se sont réellement appauvries et affaiblies par ce

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Fig. 5 : Photo d’habitation récente individuelle permettant d’accueillir plusieurs logements dans un même bâtiment

Source : Photo personnelle

Fig. 4 : Plan du village de Sézegnin

La distinction est franche entre le bourg ancien dense à l’est et la zone pavillionnaire à l’ouest

Source : Document personnel

phénomène de rurbanisation qui fut rarement accompagné d’une vision globale. À l’origine, les villages se sont développés en considérant la topographie, l’écoulement des eaux et les vues qu’ils avaient sur le Jura ou le Salève pour orienter les constructions. Les nouvelles opérations immobilières ont perdu ce lien au socle géographique du lieu. Elles ont activé des processus de fermeture dans les villages et ont coupé les liens visuels qu’ils avaient au grand territoire. Les différentes morphologies qui désormais existent s’opposent souvent sans réels liens entre elles. Avec ces opérations, le visage de certains villages s’est rapidement et dangereusement transformés en quelques années, fragilisant l’entité de la commune et son rapport à son territoire.

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