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RAPPORT
50R ONK
OBSERVATION DE MAL PERFORANT DES DELA PIEDS
ET SUR UNE
OBSERVATION DE FRACTURE DE LA CUISSE
COMPLIQUÉE
D’OBLITÉRATION DE
LARTERE POPLITÉE ET SUIVIE DE GANGRENE OU MEMBRE
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in 2016
https://archive.org/details/b22291441
Extrait de l’Union
Médicale
(nouvelle série), des 17 et 22 Mars 1859.RAPPORT
SÜR UNE
OBSERVATION DE MAL PERFORANT DES DEUX PIEDS;
ET SCR CNE
OBSERVATION DE FRACTURE DE LA CUISSE
COMPLIQUÉE
D’OBLITÉRATION DE L’ARTÈRE POPLITÉE ET SUIVIE DE GANGRÈNE DU MEMBRE;
LU
ALA SOCIÉTÉ MÉDICALE D
’ÉM
IILAT
10
IVDE PARIS,
Danslaséancedu 8Janvier1859,
Par M. H
tcB
0DLARREY.
Deux
intéressantes observationsde
chirurgieont été adresséesà laSociétémédicale d’émulation, dans la séancede décembre
1858, à titre de candidature, parM.
ledoc- teurOnésime Lecomte, médecin
aide-major de l re classe à l’hôteldes Invalides.Une commission, composée
deMM.
Forget,Ludger Lallemand
et Larrey, a étéchargée d’examiner ce doubletravail et d’enrendrecompte
àla Société. C’estcomme
rappor- teurde lacommission que
je m’empresse, Messieurs, devous
faire connaîtreles faits choisisparM. Lecomte, pour
obtenir son admissionparmi
nous.La
première observation, désignée sous le titre deMal perforant
desdeux
pieds,U
est relativeà
une
affectionassez singulière,non
définieencoredans
sa nature,quoique
étudiée assez bienaujourd’hui, etsans doutepeu connue
autrefois, ouconfondue
plusprobablement
avec d’autresaltérations,même
assezcommunes
delaplante des pieds, souslesnoms
vulgairesde durillons,verruesou
callosités.Recherchons, avantd’ana- lyserl’observation de M.Lecomte,
si lemal
dontnous
allonsnous
occupern’avait pasfixé, depuislongtemps,l’attention despraticiens.On
peutprésumer au moins que beaucoup
dechirurgiens l’ontvu, sans y attacherd’importance.Je n’ai
pu me
procurerune
très ancienne dissertation latine deWedel
(1), qui semble avoir indiqué,l’un despremiers, cette affection.Admettons même
qu’elleaitété décritedans
des publications spéciales, tellesque
la
monographie
deLion
(2),en Angleterre;mais nous
n’enavons
pasla certitude.On
doit supposeraussique
les pédicures de profession connaissent bientoutes les formes decemal
et lesaccidents qui s’y rattachent. Et cependant, les quelques écrits deces spécialistes laissentàpeu
prèstout à désireràcet égard. C’estainsique
Lafo- rest (3),dans un
petit livre assez bienfait,ne
parle cependantque
des altérations les plussuperficielles.Dudon
(4) aénoncé une
variétéou une
complication de corspéné- trantjusqu’aux os à traversles parties molles, etque
l’on croirait êtrel’indicationdu mal
perforant;mais
quisemble
en différer,comme nous
ledémontrera
surtoutl’ob- servationdeM.
O. Lecomte.C’est à
Boyer
(5) qu’ilfaut rapporter la première description de cettemaladie. Ilen aexposélescaractères essentiels etla gravité, en signalantles difficultés delagué- rison,
mais
iln’apastoutdit sur ce qu’il appelle les corsde
laplantedu
pied, quoi- qu’il leur ait accordéune
attention particulière.Permettez-moi, Messieurs, deciter
maintenant
l’autorité d’un maîtrequ’il ne faut pasoublier. Je suivaisassidûment, de1830
à 1832, les brillantes leçons declinique chirurgicalede Dupuytrcn, etjeme
rappellequ’unjour,l’éminentprofesseur,laissant de côté les cas gravesou
compliqués, recherchésd’ordinaireparluipour
sujetsdeson enseignement,eutlafantaisiedenous
entretenirdesdurillonsetdescorsaux
pieds. L’as- sistancetoujoursnombreuse
futdoublement
étonnée, d’aborddu
choix d’une pareille question, etensuitede l’intérêtque
lemaître sut enfaire ressortir.Il
démontra
ainsicombien
les élémentsanatomiques
de laplantedu
pied sontcom-
plexesetsetrouventexposésquelquefoisaux
lésionslesplusprofondes, parsuite d’affec- tionssouvent superficielles, etilpritpour exemple
certains durillons siégeant surles parties saillantesde laplantedu
pied,au
niveau surtout des articulations métatarso- phalangiennes.Le mal
n’intéressant d’abordque
l’épiderme transformé enune
sorte d’hypertrophie circonscriteou
production cornée, ulcère ensuite la surfacedu derme
(1) Declavo pedisdissertatio,\em, 1686.
(2) Treatisevponspinœpedis, Londres, 1802.
(3) L’Artdesoigner lespieds, Paris, 1782.
(4) Manuel dupédicure,Paris, 1824.
(5) Traité des maladies chirurgicales,1"édit.,t XI, 1826.
5
qui,
peu
à peu, se perfore circulairementdans
touteson
épaisseur; ily
établitune
fistuleséro-sanguinolente
ou
puriforme, puis il atteint les tissus fibreuxetsynoviaux de cetterégion, lesentame
et les détruit,dénude
enfin lesos de leur périoste, etles frappe successivement d’ostéite, de carie etde nécrose,en ne
s’arrêtant d’ailleurs à certains degrés de cettemarche
envahissante,que pour
se reproduire denouveau,
résister alors
aux moyens
de traitement lesmieux
entendus etnécessiter,dans
diffé- rents cas, desamputations
partiellesdu
pied.Tellut,Messieurs,etj’en aibien gardé lesouvenir, enle rappelantquelquefois
dans mes
cours, tel fut l’objetde cetteleçon inédite de Dupuytren.N’est-ce pas là lemal perforant du
pied, etnesommes-nous
pas en droit de rattacherlenom
decegrand
chirurgien àl’histoire decettegraveaffection?M.
Lenoir (1) dans des recherchesanatomiques
très attentives sur les bourses séreuses dela plantedu
pied, adémontré
leur existence constanteau
niveau destrois points saillantsquiforment,dans
cette région,une
sorte de voûte àtrois piliers, cor- respondantaux
articulations métatarso-phalangiennesdu
premier etdu cinquième
orteils, ainsi
que du
talon. Il a exposé ensuite, d’aprèsdes leçons etdes observations cliniques de notre excellent maître M. le professeurJ. Cloquet, les effetsmécaniques
depressionetde frottement surcestroispoints, l’épaississement, l’indurationetlescal- losités deleur épiderme, agissant, àson
tour,comme
corps étranger sur lederme
sous-jacent, qu’il irrite, qu’il ulcère et perfore, ainsi
que
la bourse celluleusesous- cutanée,en provoquant un écoulement
séro-puriforme, et en atteignant demême
les gaines tendineusesou
synoviales, l’articulation voisine,ou
le périosteet les os. N’est- ce pas là encore l’histoire partielle sinon complète de lamaladie
quinous
occupe, àpropos de l’observation deM. Lecomte
?Marjolin (2) en arapporté
deux exemples
recueillis parlui-même dans
sonimmense
pratique,etd’après lesquels il décritquelques-unsdesaccidents consécutifs,qu’il ratta- che
aux
ulcèresverruqueux,
enlesexposantdu
reste, avecune grande
exactitude.M.
Nélaton (3) afait connaîtreune
observation fort, curieuse recueillie dansson
service, sous le titre d'affection singulièredes osdu
pied. Elle était caractérisée,en deux
mots, par desperforations successives et spontanées de toute l’épaisseurde la peau, avec phlyctènes gangréneuses,fistules puriformes et nécrose des os correspon- dants. Cette observation offred’autant plusd’intérêt,que
lemalade
atteint de ce mal, héréditairedans
sa famille, avaitparcouru, depuisune
douzaine d’années, différents hôpitaux,où
il avaitsubi plusieursamputationspartiellesdu
pied,pour
l’extractiondes séquestres.MM.
Ricord,Blandin, Philippe Boyer,Michon, Malgaigne
etNélatonenfin, avaient pratiquéces opérations.Nous
précisons ainsi cefaitrare, parce qu’il aété lepointde départ de ceux plusfréquents
au
contrairedontils’agitici,sansavoiraveceux
(t) LaPresse médicale, 1837.
(2) Dictionnairede médecine,articleUlcère,t. XXX, 1846.
(3) Gazette deshôpitaux, 10 janvier 1852.
6
une
ressemblanceréelle.Ilserait plutôtcomparable.'selon nous, àun
cas aussi extra- ordinairecommuniqué récemment
parM.
Richet(1) à laSociétéde chirurgie.M.
Yésigné, d’Abbeville(2),en
lisantl’observation deM.
Nélafon,sesouvint d’avoirvu
quelques casanalogues àcelui-là;et presqueaussitôt,il en publia quatreexemples
détaillés,
en donnant
à la maladie lenom
demal
plantaire perforant.On
a adopté cettedésignation,comme
assez utilepour
caractériserlesaccidentscomplexes
decer- taines affectionsvulgairementconnues
delaplantedu
pied.Enfin lamaladie dont
M.
O.Lecomte nous
acommuniqué une
nouvelle observa- tion,a été décrite avecbeaucoup
de soin,dans une
thèse soutenue en 1855,à la Fa- culté de Paris,parM.
Leplat (3), ancieninterne distinguédes hôpitaux civils,devenu
aide-major des hôpitauxmilitaires. Il substitue ladénomination
demal
perforantdu pied
àcelle demal
plantaire perforant,comme
exprimant d’unemanière
plus éten- due, lecaractère essentielde l’aflèction, faute d’unmot
plusprécis,pour
enexpliquer la nature.On
pourrait aussi l’appeler, ilme
semble, ulcération perforantedu
pied, selonun
terme aussi exactetplus usitédans
lelangage médical,mais
cette variante n’a pointd’importance.M.
Leplat,dès 1852,étant internedeM.
Richet,àl’hôpitalde Ron-Secours,avait étu- dié,pour
la premièrefois cesujet,dansun mémoire pour
lesprix del’internat, en con- sidérantlemal comme un
durillon forcé à l’étatchronique.Telle avait étésansdoute, l’opinion de Dupuytren, d’après ceque nous
enavons
dit; telle estaussiprobablement
cellede quelques chirurgiens.
Les
observations relatéesdans
lathèse deM.
Leplat sontau nombre
de huit; et s’iln’en apas produit davantage, c’est
pour
éviter des répétitions inséparables del’uni- formitédesfaits. Ilexamine
cependant celte affectionà diverses périodes, sousdiffé- rentes formes,etdéduitde
leurensembledes
considérations toutes pratiques,jusqu’àla nécessitémême d’amputer
partiellement lepiedou
toutaumoins
legros orteil.Ajoutons à toutes ces recherches
que
lesjournaux ou
recueils périodiques deméde-
cine ont rapporté certains cas isolés d’ulcération perforantedu
pied. Telles sont,notamment,
les observations deMM. Rroca
(A),Dieulafoy,deToulouse
(5), Soulé, deBordeaux
(6),FollinetVerneuil(7).La
plupart des praticiens, aujourd’hui, onteu, en définitive, occasion de voirou
detraiter cetteaffection,etpour
n’omettreaucun nom.
il faudrait en citer
un
tropgrand nombre.
Nous avons
observénous-même,
enfin,mais
sans les publier,deux ou
trois faitsgraves
du même
genre, à la clinique de l’Écoledu
Yal-de-Grâce, sans tenircompte
(1) BulletindelaSociétéde chirurgie, séancedu 29décembre 1858.
(2) Gazette des hôpitaux,5février 1852.
(3) Surlemalperforantdupied, août 1855.
(4) Gazelle des hôpitaux, octobre 1855.
(5) Unionmédicale,1856.
(6) Moniteurdeshôpitaux, 1856.
17) ThèsedeM. A.Gorju,Paris, 1857. Observations demaladiesdela peaude laplantedupied.
7
des cassimples dontlafréquence
dans
l’armée, s’explique d’elle-même chezles fan- tassins, par les effetsde leur chaussureet par les fatiguesde lamarche.
Ily aurait peut-êtrelieumaintenant, de décrirele
mal
perforantdu
pied,sinous ne
trouvionsdans
l’observationrecueillieaux
Invalides,parM. Onésime Lecomte, untype
très exact desfaits
du même
genre.Nous
en présenterons seulementune
analysesuc- cincterendue
plus précise encore parun
dessin deM.
OssianHenri.Un
soldat invalidené
B...,âgé de56
ans, d'unebonne
constitution,admis
àl’hôtel,comme amputé
d’unbras,mais exempt
detoutemaladie,ainsique
d’antécédents scro- fuleuxou
syphilitiques, était cependantsujet àune
transpiration habituelle et assezabondante
des pieds.Nous
savonsque
cette infirmité, portée àun
certain degré, est considéréecomme un
casd’exemptiondu
servicemilitaire. C’estpourquoi nous devons
en tenircompte
ici, d’autant plus qu’elle étaithéréditairedans
lafamille del’ancien soldat. Ily avait, enfin, de larges durillons à la face plantaire desdeux
pieds,au
niveau de la tête des premier etcinquième
métatarsiens dechaque
côté.Une
cause occasionnelle fut lepointde départ desaccidents survenus ensuite. Cethomme
occu- pait,sixans auparavant,un
emploiquil’avaitobligé àdesmarches
longuesetpénibles.De
là l’originedu mal
qui se manifestasuccessivement parlessymptômes
suivants:Au
début, des douleurs très vives, térébrantes à la plante des pieds, retentissant dans toute l’étenduedesmembres
inférieurs,jusqu’au point de déterminer quelquefois lasyncope.Une
sensation defroid très intensesuccède souventà ces douleurs,comme
si les
deux membres
étaientplongésdans
la glace.Des
altérations particulières, coïn- cidant avec ces premierssymptômes,
se manifestent à la face plantaire dechaque
pied, et particulièrementau
niveau desarticulations métatarso-phalangiennes.Ce
sont des ulcérationscreuséesau
centre de plaques épidermiques épaissieset indurées. Ces ulcérations se cicatrisent et se rouvrent alternativement plusieurs foisdans
l’espace desix années, selonque
le reposou
la fatigue intervienne.Le malade
entre àl’hô- pital dela Charité,où
il séjourneun mois
et retourneensuitechezlui,où
il setraiteàpeu
près tout seul,pendant
longtemps, c’est-à-direassezmal. Il est enfinadmis
à l’in- firmeriedes Invalides, le 3septembre
1858,dans
la divisonde M. lemédecin en
chef Hutin (1).Voicidans
quel étatseprésententlespiedsdecet invalide :un engorgement
sensible existeà tarégion dorsaledechacun
d’eux,jusqu’au niveau desmalléoles,en
contournant larégion plantaire,où
existentdeux
ulcérations presque semblables et symétriques, situéesaux
extrémitésde la lignearticulairemétatarso-phalangienne. Ces ulcérations setrouvent creusées au centrede plaquesirrégulières d’épiderme, qui,en
sefendillant, leur ontdonné
naissance.Après
avoir décrit avecsoin ces ulcérations,dont
lesiègeet les caractèresphysiques sont bien indiqués surle dessinannexé
à l’observation,M. Lecomte
signaleune
alté- ration particulièredes grosorteils,devenus
pluscourts et enpartieatrophiés,ou
plutôt(1)
Nommé
alorsmédecin-inspecteur, membreduConseilde santé des armées.8
resserrés, ratatinés
pour
ainsi dire sureux-mêmes.
Celuidu
côté droit surtout offre l’aspectd’une sortedemoignon
désosséou charnu
et mobileen
toussens.Les ongles decesdeux
orteils sonttombés
plusieursfois. L’explorationdes ulcérationsnon
fistu- leusesnefaitconstater,aveclestylet,ni lésion des petites articulations, ni suppuration des bourses synoviales, ditesmuqueuses,
ni altérationou
dénudation des os,que
touche l’instrument,mais
qui sont encore recouvertsdeleur périoste.Les
moyens
de traitementmis
en usagepour
guérir cettte affection,semblent
réussir d’abord, et paraissentd’ailleurs assez simples. C’est de ramollirles callosités parlesémollients,ou
bien de les détachercouche
parcouche
avec le bistouri,ou
par abrasion circulaire, de cautériser letrajet fistuleux et de favoriser, par des pan-sements
méthodiques, la cicatrisation des ulcérations. Elle s’effectue endeux mois
;mais
ce n’estlà sansdoutequ’une guérison provisoire,comme
elle estdéjàsurvenue, à plusieurs reprises,dans
le principe; et plus tard, peut-être, faudra-t-ilen
venir à l’amputationdu
premier orteildechaque membre.
L’état actueldesdeux
pieds pré- sentedonc, de l’unetl’autrecôté,descicatrices en apparenceassezsolides,recouvertes de plaques épidermiques épaisses,mais
elles sont douloureuses àlapression directeetdans
lamarche,
disposées enfin à s’ulcérer denouveau
par la fatigue,ou
le frotte- ment, d’autantplusque
l’engorgement habituel des extrémités persiste toujours (1).M. Onésime Lecomte
ajoute àson
intéressante observation quelquesremarques
judicieuses, surledéveloppement
et l’évolutionde lamaladie, il signaleune
particu- larité quine
luisemble
pasavoir été encorementionnée
suffisamment : c’est, àune
certainepériodedu
mal, la disparitiondu
tissufibro-adipeux servant à garniretà pro- tégerlesquelettedu
pied.Ce
coussinet élastique n’existe plus, eneffet, chezlemalade,au
niveau descicatrices qui, demême que
les plaques épidermiques, reposentimmé-
diatement sur lesextrémitésosseuses des phalanges etdes métatarsiens. L’indication,
dans
ce cas, sera de protéger la face plantaire par l’interposition d’une substance molle, formant, par exemple,un
coussinetou un
bourrelet élastique,pour
préserver la cicatricedu
frottementou
des ulcérations nouvelles.Le
caoutchouc vulcanisénous
semblerait convenir àceteffet, et préviendrait peut-être ainsi larécidive si fréquentedu mal
perforant.Ou
bienon
pourrait excaver l’intérieur de la chaussuredans
le pointcorrespondant à la cicatrice adhérente,comme nous
l’avonsfait faireune
fois,au
Val-de-Grâce,pour un
casanalogue
àcelui-là.Quelleest, endéfinitive, lanaturede l’affection?L’absence detoute influencegéné- rale
ou
diathésique,nous
porte,comme M.
O.Lecomte,
àn’admettreiciqu’unelésion localeabsolument mécanique.
Disons, avecl’auteurdel’observation,qu’ilfautentirer seulementcequ’elle donne, puisquelamaladie nesemble
pointparvenue
àsonterme
définitif: c’est-à-dire qu’ilsuffitde noter lasuccession desaltérations suivantes:indu- ration circonscritedel’épiderme,sous
forme
de plaquesou
de lamelles épaisses,effets(l) Depuislalecturede notre rapport,cet invalideaétéexposé denouveauà l’ulcérationde sescica- trices, etdevra rentrer sans doute àl’infirmerie.
9
de compression profonde, avec douleurstérébrantes,perforation
du derme
ulcéré, des- tructiondu
tissu fibro-adipeux sus-périostique, cicatrices adhérentesaux
extrémités articulaires des premières phalangesetdu
métatarsien,avecimminence
d’exulcération nouvelle, de dénudation des os, d’ostéite et denécrose.Tel est aussi,à part ce cas particulier, la sérieordinairedes accidentsqui caractéri- sentla maladiedécritejusqu’icisousle
nom
demal perforant du
pied.L’intéressante observation de
M. Lecomte
et tousles faitsque nous avons
rappelés à son sujet,nous amènent
àune
conclusion simpleetprécise : l’ulcérationperforantedu
pied estune
affection essentiellement localisée, circonscrite,due
à des causes toutesmécaniques
depressionou
de frottement surlesparties saillantesde larégion plantaire, etque, d’après detellesconditions, il importe dene
point confondre,comme on
l’a fait quelquefois, avec des maladies d’une tout autre nature, tellesque
desderma-
tosesou
des ulcérations spécifiques, le cancroïde etlecancer.La seconde
observation, adressée parM. Onésime Lecomte
à la Société, apour
titre : Fracture oblique
de
lacuisse droite,au
tiersinférieur;oblitérationde
l’artère poplitée,par un
longcaillotfibrineux,au
niveaude
la fracture;gangrène
très éten-due du membre
inférieur;mort
et autopsie.Le
seulénoncé
decette observationen indiquel’intérêt. Ilnous
suffiradelarésumer,pour
faireappréciersommairement
toutesles particularitésqui s’yrattachent.Un
soldat invalide,né
S..., septuagénaire,faitune
chute d’un lieu élevéet se casse lacuisse droite,au mois
de janvier 1858. Transporté aussitôt àl’infirmerie, il estplacédans
les sallesdeM.
Hutin,médecin en
chef.On
l’examineavecsoineton
constateune
fracturetrès obliquedu
tiersinférieurdu
fémur, dirigée de hauten
bas et de dehors en dedans, telleque
lebiseaudu
fragment supérieur fait sailliedans
le creux poplité,un peu
au-dessusdu
condyleinterne.Le
raccourcissement est considérable.On
place d’abord lemembre
sur descoussins,dans
lademi-flexion.Au bout
de quelquesjours,on
substitue àlaposition simpleun glossocôme
modifié parJ.-L. Petit,ou
laboîteà fracture, ditede Baudens(l), etensuiteun
appareil dextriné.Deux mois
aprèsenviron, la consolidationsemble
s’être effectuéedans
d’assezheu- reuses conditions,bienque
lecal se soitlégèrementinfléchi et qu’uneinclinaisonangu-
laire sesoit
formée
àson
niveau, lorsque des signes degangrène
se manifestent à l’extrémité inférieuredu membre, en
seprononçant
de plus en plus. L’appareil est.eulevé;toute
compression
cesse,dèslapremière
apparition de cessymptômes. On en
recherche attentivementlacause,etenexaminant
lesystème artérieldu membre
frac- turé,on
reconnaîtlacessation complète des pulsationsdanstoute l’étenduede l’artère poplitée; nul battementne
sefaitsentirdans lesartèrespédieuseet tibiale.Le
sphacèle enfinest complet;mais
avant deselimiter, ilprovoque
l’inflexiondu membre,
lachute(1) Desappareils ditsglossocâmes.ThèsedeM.Roy,Paris, 1855.
10
delargeseschares et
une
suppurationabondante
quiépuise les forcesdu
malade, en entraînantlamort
le27 septembre
1858.Nous
n’insistons pas surlesdiverses phases de la maladie,pour
arriverplustôtà l’autopsie qui révèledes lésionsanatomiques
intéressantes. Ces lésions,bienconnues
del’un denos collègues,M.
MauricePerrin, etdécrites avecbeaucoup
de soin dans tousleurs détails parM. Onésime Lecomte,
peuvent, d’après lui, serésumer
de lamanière
suivante: lefémur
présente àson tiersinférieurune
fracture très oblique.Les deux
fragments inclinés l’un vers l’autre, à angle obtus, etune
esquille très longue,détachéede laface postérieure de l’os, sont réuniesensemble
par des jetées osseuses stalactiformes.Le
biseau très aigudu fragment
supérieurse prolongevers le condyleinterne, et offrelàl’un des bords d’une gouttière ayant des rapportstrès curieux avec l’artèrepoplitée. Cette artère se trouvenotablement
déjectéeendedans
dela lignemédiane,comme
si elleeût été déplacée par lapression de la pointedu
fragment supérieur de l’os qui l’affleure exactement. Elle est plusvolumineuse ou
plus dilatéedans
ce pointque
l’artèredel’autremembre, mais déprimée ou
aplatiedans
laportion correspondanteàlaveine; ellemontre un peu
au-dessus del’articu- lationdu genou un
rétrécissementbrusque
avecune
déviation sensible. Sesmem-
branes sontépaissies, rigideset infiltrées d’une matière crétacée assez abondante; sa cavité enfin setrouveoblitéréepar
un
long caillot fibrineux, étendu de lapartiesupé- rieuredu
losange poplité,jusque
vers leniveau de l’articulationdu
genou.Ce
caillot, semblableaux
dépôts fibrineux desanévrysmes,
estperméable
à son centreparun
canal filiforme, et subitun
rétrécissementmarqué dans
le pointdedéviation del’ar- tère.L’intérieurde celle-ci,au même
endroit, fait découvrirdeux ou
trois replis, dontun
surtouttrèsprononcé,formant une
sortede valvuleou
d’éperon,aux
dépens desmembranes
internes épaissies et crétacées, qui oblitère ainsi lecalibredu
vaisseau.M.
O.Lecomte
insistejustement surcettesingulière altération qu’il a faitreproduire parun
dessin.Quant au
caillot, dont la longueur est de 6 centimètres environ, il remplit seulementl’artèrepoplitée, sansse prolongerdans
les collatérales.Lesartères de lajambe
présententune
dégénérescence calcaire, et inférieurement les artères pédieuseet plantaireseperdentdansledétritusdelagangrène.Le
reste de l’autopsien’offre rien denotable.
Des
réflexions aussi judicieusesque
pratiques sontjointesparM.
O.Lecomte
àcette intéressante observation, et elles mériteraientd’être reproduites en entier, sinous ne
devionsplutôtlesrésumer sommairement. Remarquons
d’abord, avec l’auteur,que
le fait relaté par luine
représente pasune
simplegangrène
traumatique, survenantcomme
complication defracture, soitpar excès d’inflammation, soit par l’effet d’unecompression
trop forte.Rien
nel’indique, d’aprèslessignes appréciablesdelafracture, nid’après l’application exclusive de l’appareil.Ce
n’estpasnon
plusabsolument une
deces gangrènes séniles, sibiendécrites surtoutparVictorFrançois (1), etdans(l) Essaisurlesgangrènesspontanées, ParisetMons,1832.
il
lesquelles
ou
rencontreun
caillotobturateurou même
des lamelles crétacées se déta- chant delaface interne desartères.Ce
quidonne
àce fait, sinon unique,du moins
fortrare,
une
valeur à part, c’est assurément l’intervention dela fracture,comme
cause première etprincipale
ou
déterminante desaccidents de gangrène, par la pres- sion directede l’extrémitédu fragment
supérieurdu fémur
surl’artère poplitée,au
point d’en produire l’oblitération. Maison
doit tenircompte
aussides conditionsdans
lesquelles a eu lieu cettefracture, c’est-à-dire chezun
vieillard, prédisposé peut-êtreà une gangrène
sénile, etsoumis
à l’emploi d’uneboiteou
d’un appareil decompres-
sion trop forterelativement. Ily
aurait là,en
quelquefaçon,un enchaînement
defaits pathologiques dont lapart dechacun
devient facileà apprécier.Après
avoirétabli etdémontré
l’influencedéterminantede
lafracture sur laproduc-
tion de lagangrène
, l’auteurde l’observation recherche attentivement quel a étélemode
d’action decettefracture, sur l’artère. Il passe en revuelescausesdiversesdes oblitérationsartérielles;et discutelaquestionsicontroversée,pour ne
pasdiresi con- testéedel’artérite, sans en admettrel’existence,du moins dans
lecas actuel.Ils’arrête enfin à l’idée d’une lésionmécanique
des parois de l’artère, par la pressiondu fragment
osseux; lésion décriteprécédemment
etassez bien figuréedans
le dessin,
en
faisantla part des effets successivement produits, à savoir, leralentissementde
la circulation, lacoagulation
du
sang, la formationdu
caillot, et lesphénomènes de
lamortification.
Le temps nous
amanqué pour
rechercher, avec suite, s’il existedans
la science des casanalogues àcelui-là, etnous ne présumons
pas qu’ily
enait desemblable en
tous points.Nous devons
croirecependant que
s’il n’est pasunique en son
genre, ilmérited’être cité
comme un
cas rare et digne de toute l’attentiondes chirurgiens,eu
égardaux
effetsdela fracture,
au mécanisme de
l’oblitération artérielle et àla cause delagangrène symptomatique.
Aprèsl’analyse des
deux
observations deM. Onésime Lecomte, avons-nous
besoin, Messieurs, devous
rappelerque
notre confrèreasoutenu, à laFaculté deParis, ily
a plusieursannées
déjà,une
excellentethèse(1),quia
serviàpeu
près de point de départ à destravaux plusconnus
surlesanomalies
testiculaires ? Ai-je besoin personnellement devous
dire qu’il aété, à lamême époque,
chef de clinique chirurgicaleà l’Écoledu
Val-de-Gràce, recueillantchaque
jour, avecle plusgrand
soin, toutesles observa- tions dignes d’intérêt?Ai-jebesoin d’ajouter enfin qu’ilabravement
faitsondevoirdemédecin
militairedans
lacampagne
deCrimée, etqu’ilmarquera dignement
sa placeparmi vous?
Votre
commission,
Messieurs,a l’honneurde
vous proposer,pour
conclusionsde
ce(1)DesEctopies congénitales destesticulesetdesmaladies decesorganes engagésdansl'aine.Paris juillet 1851.
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rapport, de
nommer M.
le docteurOnésime Lecomte membre
dela Sociétémédicale d’émulation,etdefaireimprimer
sesdeux
observationsdans un
prochainfascicule de vosmémoires.
Les
conclusionsdu
rapport sontadoptées.Paris.