La séance est ouverte à dix heures e n p résence de tous l e s membres . Mons i eur le Prés ident nous s erons aus s i brefs que possibl e . Je suis conva incu de l ' importance de cette affa ire . Nous nous reverrons dans tro i s moi s.
I l n ' y a aucun texte qui devra it nous être soumi s dans l ' immédiat. Nous ne s iègerons pas trops l ongtemps ma is le temps qu ' i l faudra .
I l nous reste à poursuivre notre discuss ion sur l ' article 1 0 ma i s auparavant j e demanderai à Mons ieur l e Premier avocat généra l d e nous l i re le p rojet de déc is ion concernant l ' article 5.
Mons ieur Jean CABANNES l it page 8 du proj et de décis ion , l e cons idérant modi fié relat i f au cumul de sanct ions .
Au fond , après les amendements qui ont été adoptés et alors
qu ' in i t i a l ement je vous ava i s proposé la censure , vous vous êtes rangés
à l ' interprétation neutral isante et j e m ' y ral l i e . Cependant je ne sais pas si nos déci s ions sont toujours lues .
Le projet de déci s ion amendé est adopté .
Mons ieur CABANNES : revenons ma intenant à l ' article 1 0 . J ' avoue que j ' a i été sens ible aux arguements de Monsieur le Président . I l y a l à une
opportunité d ' af firmer le principe des droits de la dé fense . I l reste que j e suis partisan de l a version que j e vous ai prés entée pour une s imp l e raison . Je me demande si nous avons un p rinc ipe constitut ionnel pour soul ever d ' o f fice un moyen . En l ' espèce , ce moyen , qu i à l ' origine était un amendement parlementaire , est- il suffisamment grave pour être soul evé d ' o ffice ? Vous ave z sous les yeux la note du s ecrétariat
général du Gouvernement ( 1 ) qui soul igne l ' indépendance et l a l iberté d ' appréc i ation des j uges du s iège. Le s ecrétariat généra l du
Gouvernement rappe l l e que la recevab il ité de la const itut ion de la COB comme partie c ivile est soumis e aux conditions de dro it commun du code de procédure pénale. J ' ajoute que la note indique que d ' après l es
déc larat ions du mini stre d ' Etat devant l e Parlement , l a COB n ' exercerait pas s imul tanément son pouvo ir de sanct ion et son pouvoir de
décl enchement de l ' action publ ique .
( 1 ) Il s ' agit d ' une note complémenta ire produite par le Secrétariat
généra l du Gouvernement à l a suite d ' une demande faite par l e S ecréta ire général du Conse i l constitutionnel le 2 6 j ui l l et en fin d ' après-midi en accord avec Mons ieur le Prés ident .
. .. 1 ...
En outre , nous avons le précédent de l a loi du 2 4 j anv ier 1 9 8 4 relative à l ' a ct ivité et au contrôle des établ issements de créd it qu i prévoit que l a comm i s s ion banca ire peut procéder au retrait d ' agréments
d ' ét ab l i ssement de crédit et l ' exemple des ordres professionnel s qui p euvent à l a fois se constituer partie c ivile et infl iger des sanctions d i s c ip l inaires .
Mons ieur Robert FABRE : j e m ' étais demandé avant-hier s i nous ne
p rotégions pas les fraudeurs . Je p réfèrera is que vous s ouleviez d ' office ce moyen à propos d ' une autre affa ire .
Mons i eur l e Prés ident : j e trouve extraordina ire l a phrase de l a note du s ecrétariat généra l du Gouvernement selon laquel le " l ' obj ect i f est de vaincre une éventuel l e inert ie du Parquet soumis au pouvo ir hiérarchique du mini stre de l a Justice , en permettant à l a COB , autorité
admini strat ive indépendante , de mettre en mouvement l ' action pub l ique " . Le Garde des Sceaux trahi rait donc l a sol idarité mini stérie�le et les pouvoirs qui s ont les s iens . Il reviendra it à l a COB , sur inj onction du ministère des f inances , de décl encher l ' action pub l i que . Ainsi toute la j uri sprudence du Conse i l const itutionnel sur l a distinction des intérêts privé s , de l ' intérêt général , de l ' intérêt col lect i f disparaîtrait au p ro f i t d ' une autorité administrative indépendante .
Mons i eur Jean CABANNES : d ' où ma propos ition initiale d ' annuler l ' art i c l e 5.
Mons i eur l e Prés ident : l ' annu lat ion de l ' article 5 est d i f férente . Le minist re de l ' économie et des finances dit : " j e veux que l a COB ait la maîtrise de l ' action publ ique " . C ' est cons idérer le Parquet comme un mineu r . Cela s igni fie qu ' i l y aura deux représentants de l ' intérêt général à l ' audience .
Mons i eur Jean CABANNES rapidement .
j e reconna is que cette note a été rédigée
Mon s i eur Daniel MAYER : cela veut dire que le Gouvernement a a rb itré en faveur du ministère des finances .
Mon s i eu r l e Secréta ire général : la note a été rédigée à la hâte par le ministère des f inances et e ffect ivement témo igne d ' une certa ine
mal adre s s e .
Mons i eur l e Président
s incérité . au contra ire , e l l e témo igne d ' une grande
Mons i eur Maurice FAURE : dans l a rédact ion sur l e cumul des sanctions , i l faut comprendre que s i l a sanct ion prononcée par une instance est éga l e à quatre fois l e montant du profit et par une autre instance à six fois l e montant des profits , cela sera l a p lus forte qui sera retenue . Mon s i eur l e Pré sident : il y a confus ion j usqu ' au n iveau le p lus élevé .
Monsieur Maurice FAURE : le texte vise le montant global des sanctions éventue l l ement prononcées .
Mons i eur le Prés ident : cette règle du pla fonnement est d i f f ic i l e à faire comprendre aux étudiants . Mon sent iment sur ce dos s ier , c ' est que l e nombre des autorités admini strat ives indépendantes s ' accro ît et
qu ' el l es bénéficient d ' un élargissement de l eurs pouvo irs . Monsieur Jean CABANNES : c ' est un grignotage p rogres s i f .
Mons ieur l e Prés ident : l a COB est passée du stade de l ' in format ion à celui de l a surve i l l ance et désorma is se voit attribuer l a faculté de poursuite . A la faveur de deux affaires boursières , on a comparé la COB à l ' inst itution américaine du même type , en disant que la COB ne
disposait pas du pouvo ir de poursuite . La quest ion est de savo ir s i cette nécess ité technique just i f ie la délégation d ' un pouvoir qui normal ement rel ève de la j ust ice . Le Doyen VEDEL s ' était ému d ' une évolut ion qui permettait au Gouvernement d ' agi r masqué dans une
i rresponsab i l ité absolue par rapport au législateur . Non s eul ement on ass i ste à un des s a i s i ss ement du juge judicia ire mais on ass iste auss i à un dessaisissement du parlement . Aux yeux du min i stère des finances , la COB doit disposer du pouvoir d ' enquête et de sanct ion . C ' est entendu ma i s à condit ion que les dro its des just iciables soient respectés et s i
l ' on app l i que deux sanct ions que l ' on retienne l a plus él evée . Maintenant on estime que la COB doit pouvo ir décl encher l ' action
pub l i que et s e const ituer partie civil e . Si l a violati on du manquement de l ' information des épargnants se cumule avec un dél it d ' init ié , deux hypothèses sont poss ib l es.
Dans un premier cas , la COB se saisit l a p rem1ere de l ' a f fai re et
ut il ise ses pouvo irs d ' instruct ion pui s de sanct i on . Déjà nous s ommes à l a l imite extrême du tolérabl e , l e contrôle judicia ire ne pouvant jouer qu ' en appel avec une suspens ion de l a déc i s ion . Mais lorsqu ' i l aura été rapporté que l a COB a sanct ionné l a banque concernée , le crédit de
cel l e-ci sur la p l ace s era entamé . Si après l e s poursuites judicia ires , l a COB qu i a déjà instruit l ' a f faire , est partie à cel le-ci et d i spose d ' éléments d ' information privilégiés par rapport au parquet , un
déséquil ibre risque de se produire . Tous ceux qu i conna i s sent l e monde judic i a i re le comp rendront . Le parquet , sur l ' instruct ion du Garde des Sceaux , rejoindra la pos ition de la COB .
La p résence du prés ident de l a COB dans l ' a f fa ire ne sera pas non p lus s ans influencer les magi strats .
Mons i eur Jean CABANNES que l ' on fasse aux magistrats du s iège l a c onfiance que l ' on fait aux magistrats du parquet !
Mons i eur le Président : le prés ident de la COB , c ' est p lus que l e p résident d ' une banque . I l existe un princ ipe constitutionnel très
s imp l e , qui est celui des dro its de l a dé fense . Il n ' impl ique certes pas l ' égal ité ma i s l ' équi l ibre entre les parties et l à , le déséquil ibre au p ro f i t de l a COB est mani feste .
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Dans un deuxième cas , prenons l ' exemp l e de l ' a f faire de l a Soc iété Générale . La COB a recue i l l i des in format ions . Les remous autour du t itre font l ' objet de vives réactions à l ' Assemblée nationa l e . Le
Gouvernement s e voit reproché de ne pas déclencher l ' action pub l i que . La COB s e constitue partie civi l e , estimant qu ' une infract ion a été commise à son détriment . Para l l è l ement , la procédure administrative continue . La COB fera comparaître devant el le l ' inculpé et l e condamnera en
prononçant une sanction pécuniaire . L ' inculpé ne comparaîtra pas devant un juge dont nul ne suspecte l ' impart ial ité ma i s devant la COB , qui est à la fois juge et partie .
Or que l l e l igne de conduite avons nous cho isi d ' adopter à l ' égard des autor ités administratives indépendantes ?
Nous acceptons l e principe de l ' exi stence de ces autorités à condition que l e s droits des justiciables soient respectés . Le justiciable ne doit pas se présenter devant quelqu ' un qu i aurait déjà forgé au p réa lable un jugement à son encontre . On ne peut concevoir qu ' un juge qu i a it pris part i e entende après la cause de l ' inculpé .
S imul tanément deux procédures seront en cours : une procédure
admin istrative et une procédure péna l e . D ' un côté , le juge qui sera devenu partie c ivi l e aura des éléments pour nourrir son dos s ier ; de l ' autre , l ' autorité admini strative disposera des mêmes in format ions pour a l imenter le juge . Nous nous trouverons dans cette s ituation où la COB se p résentera c omme l ' auteur de la déci s ion et en même temps comme partie civ i l e , c ' est-à-dire comme dé fenderesse de l ' intérêt général . Nous en sommes arr ivés à ce stade sous le coup de l ' émot ion pub l ique . Pour s ' en conva incre , il suffit de l i re les termes de l a note du
S ecrétariat général du Gouvernement .
Par conséquent , nous devons marquer un temps d ' arrêt . Je suis épouvanté quand je vois l a dérive de ces institut ions . Prenons l a l iste des
autorités administrat ives disposant du pouvo ir de sanct ion et pouvant se porter partie c ivi l e . Je laisse de côté les autorités ordina l e s . S i un avocat ne méconnaît pas les obl igations de l ' o rdre , celui-ci ne devrait pas se porter partie civile . En l ' espèce , il ne s ' agit pas d ' un monde clos ma i s de l a défense des épargnants . Qu ' est-ce que l ' épargnant ?
L ' épa rgne pub l ique dés igne économiquement une réal ité p réc i s e . On ass iste à une p ro l i fération d ' organi smes , qu ' i l s ' agisse de l a comm i s s i on banca ire , du conseil de l a concurrence , du conseil des
bourses de val eur qui disposent de pouvoirs exorbitants . La l ecture de l ' art i c l e 45 de l a l o i du 2 4 janvier 1 9 8 4 relative à l ' activité et au contrôle des étab l i s sements de crédit est écl a i rante . La comm i s s ion banca ire peut p rononcer , soit à la p l ace , soit en sus des s anctions a l l ant jus qu ' au retrait d ' agrément de l ' étab l i s s ement banca ire , une
sanct ion pécuni a ire au p lus éga l e au cap ital minimum auquel est astreint l ' établ issement . J ' ajoute que la commiss ion banca ire peut se porter
partie civile à t ous les stades de la p rocédure . Nous avons deux pos s i b i l ités : s o i t nous ne voyons rien , soit nous prenons pos ition .
Mon s i eur CABANNES disp o s i t i on
ce sont les saisissants qui ont rédigé cette
Mons i eur l e Prés ident : en vertu du culte du p récédent , l orsque nous aurons a f fa i re à une autre autorité administrative indépendante , l a prochai ne fois , nous n e devrions pas changer de pos ition .
Dans l a seconde hypothèse , nous cho isissons l ' interprétation
neutral i sante . Cela reviendra it à dire : vous ave z cho i s i l a voie
administrat ive , abstenez -vous de comparaître à l ' audience ! La tro i s i ème pos s ib i l ité cons i ste à exiger que le principe de la représentation
équ i l ibrée des parties dépasse l a distinction entre le procès c iv i l et le p rocès pénal . La COB gardera it son pouvo ir d ' enquête , d ' instruct ion et de s anct ion ma i s n ' aura it pas le droit de décl encher l ' action
pub l i que . E l l e pourra it en revanche p orter plainte . Mons i eur CABANNES : ce qu i revient au même .
Mons i eur FAURE : cela n ' e st pas la même chose .
Mons i eur l e Prés ident : e l l e n ' aurait pas la maîtrise de l ' action
pub l i que . On reviendrait à l a s ituation actuel l e , où l a COB peut déposer des conclus i ons . Il faut admettre un équil ibre minimum entre les parties ma i s ne pas aller au-de l à . La position de l ' administ ration est
d ' a i l l eurs révélatrice à cet égard . Elle cons iste à dire : " Donnez -moi tous les pouvoirs ma i s je ne les uti l iserai pas " . Or cette dua l ité extraordina i re est contra ire aux principes constitut ionne l s .
Cette déc i s ion imp l iquerait pour le législ ateur de revoi r sa position , quel que s o it l e Gouvernement , à l ' égard des autorités administratives indépendantes . C ' e st b ien vol ontiers que je donnera i un coup de pied dans cette fourmi l ière .
Cel a n ' i ra pas sans tumulte car ce n ' est pas l a pente nature l l e du pouv o i r de l ' Etat . Par conséquent , je pense que s i l ' on veut une
interprétat i on neutra l i sante , on peut y arriver et s i l ' on ne soulève pas ce moyen d ' o f fice , le prob l ème réapparaîtra .
Mon s i eur CABANNES : je cro i s qu ' aujourd ' hui l ' a lternative n ' est pas
entre l e tout ou rien . Je me ra l l ierai vol ontiers à votre rédaction ma is je sera i s tenté d ' a l l e r plus loin . Je vous suggèrera i de part i r de
l ' a rt i c l e 1 6 de l a Décl arat ion des droits de l ' homme . J ' estime en outre que l a qestion posée par la violation de la règle non b i s in idem me paraît p lus importante que le problème de la Constitution de partie c iv i l e .
L ' autre s olution cons i ste à fa ire sauter l ' article de l a déc i s ion décl a rant les autres d i spos it ions de l a loi conformes p our rés erver l ' aven i r .
Mons i eur le Prés ident : c ' est un contrôl e autorestreint . On évitera it de donner notre sat i s fec it .
. .. 1 ...
Monsieur ROBERT : l orsque je suis entré dans cette sal l e , j ' ét a i s enclin
à suivre le rapporteur . Vous m ' avez ébranlé ma is pas conva incu La mal adresse ins igne de la note du Gouvernement se retourne év idemment contre son auteur . Je ne peux accepter l ' idée selon laquel l e l e s
autor i tés admini stratives indépendantes n e sont que des paravents , l e Gouvernement s e défossant sur elles tout e n cont inuant à ti rer l e s
ficel les . Cel a n ' est p a s vra i à mon sens d ' inst itut ions comme l e comité d ' éthique ou l a C . N . I . L . Je pense pour ma part que ces deux organ i smes ne s ont pas manoeuvrés par le Gouvernement .
Monsieur le Président : je vous en donne acte ma is lorsque l ' on prend connai ssance des intentions du mini stre de l ' économie et des f inances , c ' est plus douteux .
Monsieur ROBERT : La COB n ' est pas une juridiction C ' est une autorité administrat ive . L ' inculpé se trouve en face d ' un seul juge et non en face de deux juge s . Vous est ime z que le prés ident de la COB exercera une influence prépondérante et que les mag istrats s ' étouf feront . Je cro i s pour m a part , s a u f à jeter le discrédit sur l a justice , que l e s
mag i strats sont indépendants . J e n e fais p a s mienne l a phrase " S e l on que vous serez puis s ant ou misérable . . . " . Evidemment il existe des
précédents et on ne peut cont inuer dans ce sens . Est-ce à dire que l a COB condamnera automatiquement ? S i l ' on prend l ' exempl e du content i eux fiscal , est-ce que cela s igni f ie que le juge est systématiquement
impre s s ionné par l e fisc ? Si nous nous s a i s i ss ons d ' o ffice , i l faut constater une v i o l at ion mani feste or de t e l l es pratiques sont courantes depu i s longtemps . Disposons nous de base sol ides pour s oul ever ce moyen d ' o f f ice ? Je pense que le terrain des dro its de la défense est
p référable à celui de l a règle non bis in idem .
Vous nous propos e z tro i s formules . Je ne suis pas partisan de l a
censure ; l a i sser passer me gêne après vos expl ications . Ma préférence ira it vers l ' interdict ion de la constitut i on de part ie c iv i l e . La COB serait seulement autori sée à déposer une p l a inte mais si l ' on p rend cependant l ' hypothèse d ' une personne ayant commis un dél i t d ' initié de grande ampleur , est-ce que cel a n ' e st pas dangereux de reti rer ce
pouvo ir de la partie civile à un organisme chargé de représenter
l ' intérêt général ? Cette sais ine du Parquet n ' est-e l l e pas une garantie en faveur des petits porteurs ?
Mon s i eur le Président : je suis part isan pour ma part de
l ' interprétation neutral i sante et j ' ai préparé une rédaction en ce s ens . Quant à l ' intérêt généra l , j ' est ime qu ' il est représenté par l e
ministère pub l ic .
Mon s i eur ROBERT : dans ces conditions , la base de rai sonnement s erait constituée par l e respect des dro its de l a défense .
Mon s i eur JOZEAU-MARIGNE : je me demande si en permettant à la COB de se porter partie c iv i l e , il n ' y a pas un risque que la procédure débouche sur un non-l ieu .
Mon s i eur ROBERT : on ne peut exclure le risque de paralysie du parquet . Mon s i eur le Prés ident : la COB n ' est pas la vict ime .
Mons i eur FAURE : l orsque l ' on vit ces affaires boursières comme magi strats ou comme avocat , on a des réactions différentes . Je suis
d ' accord pour cons idérer que les droits de l a défense doivent const ituer le fondement de notre décision . En revanche je tiens à f a i re observer que s i le Gouvernement n ' a pas le courage de poursuivre , je vois mal comment la COB pourra le faire . Le justiciabl e se trouvera devant deux procureurs ma i s en fin de compte devant un seul juge .
Mons i eu r ROBERT : vous ave z raison .
Mons i eur FAURE : l a démocratie parlementaire en crise do it traiter de quest ions de plus en p lus techniques . Pouvons-nous l a i sser cont inuer le grignotage des pouvoirs ? Je suis favorab le à la censure et non à
l ' interp rétat ion paralysante. Ce l apsus n ' était pas invol onta i re .
Mons i eur MOLLET-VIEVILLE : je su is conforté dans mon analyse après ces dél ibérat ions . Je préfère que le Conse i l marque le coup aujourd ' hui . Personn e l l ement je n ' a ime pas les interprétations neutra l i s antes . Je ne cro i s p a s qu ' une plainte de l a COB l a isse l e mini stre de l a justice insens ib l e . Lorsque l e s ecrétaire généra l du Gouvernement dit que " la part i e c iv i l e n ' a aucune maîtrise sur l e déroulement de l ' instruction après son ouverture " , je ne partage pas cette analys e . La part i e c ivile peut demander des informati ons et ass ister à l ' audience . Comme me le montre mon expérience pro fess ionne l l e , la partie civ i l e peut exercer une très forte influence . S i d ' aventure l a COB éta it ma ltraitée par l e juge péna l , cela reja i l l i rait sur l ' initié .
Mon s i eur MAYER : j ' avoue mon ambarras . Le soul èvement des moyens d ' o ff i ce est rare mai s nous sommes hostiles à la prol i fération des autor ités indépendantes . Nous disposons d ' arguments const itut ionnel s pour donner u n coup d ' a rrêt à l eur dével oppement . L ' interprétation
neutral i s ante , paralysante comme l a qua l i f ie Mons ieur FAURE , est-elle l a me i l l eure s olut i on ?
Je rejoins Mon s i eur CABANNES sur l e terra in du respect des droits de la défense et je pense que si l ' on part de l à et de l ' équité dans la
procédure , on doit avo i r sat i s faction .
Mon s ieur l e Président : deux l ectures sont possibles . Sur le p rincipe constitut ionnel , nous n ' avons pas de diff iculté .
Mons ieur LATS CHA : je souha itera i s faire deux observations . Messieurs FABRE et ROBERT ont évoqué les personnal ités peu recommandab les que nous s omme s censés défendre . Les a f faire s intéressant ces individus ont une dimension international e .
L ' expérience de mon voisin , Monsieur CABANNES , m ' a fait hés iter . Nous convenons qu ' i l est nécessa ire de faire quel que chose et je s era is
favorabl e à la censure . J ' est ime que le cas dont nous s omme s s a i s i s est exemp l a i re et que nous ne risquons pas de retrouver pare i l l e opportunité pour p rendre pos ition . Certes comme le rappelle la note du s ecréta ire général du Gouvernement , les o rdres professionnel s peuvent à l a fo is se constituer partie c iv i l e et infl iger des s anctions discipl ina ires . La
. .. 1 .. .
règl ementation sur les établ issements de crédit remonte à une l o i de 1 9 4 1 . Cependant nous constatons une dérive des pouvo irs des autorités administrat ives indépendantes et l ' on peut estimer que la COB est déj à l argement dotée de moyens pour remp l ir sa miss ion . La derni ère réforme de l a COB remonte à 1 9 8 5. I l reste que j usqu ' ici l a COB n ' a pas de p ouv o i r d ' intervent ion propre . Cependant nous avons l a i s sé passer p lus ieurs occas ions , nous devons donc mani fester notre fermeté
auj ourd ' hui . J ' aj outera i deux remarques . I l est frappant d ' observer qu ' à t ravers l a crise des inst itut ions , on aboutisse à l ' extension d ' un droit pénal paral lèle . Je s ouscris à l a réflexion de Mons ieur ROBERT sur les autorités admin istrat ives indépendantes . La rue de Rivo l i avec les
pouvoirs des direct i ons généra les des douanes et des impôts est l a mieux placée dans ce doma ine .
Mons i eur FAURE : c ' est l a mieux placée pour tout . Lorsque l ' on vient à penser que l ' autorité administrat ive indépendante s era plus indépendante que l a magi strature , j e suis inquiet . Il vaut mieux oubl ier l a note du s ecrétar iat général du Gouvernement .
Mons i eur l e Prés ident : Les autorités administratives indépendantes ont p lus de pouvoirs que l e Garde des Sceaux !
Mon s i eur LATS CHA : l a référence à l ' article 1 6 de l a Décl aration des droits de l ' homme me p l aisait ma is on peut s ' en tenir au respect des dro its de la défense .
Mons i eur FABRE : nous sommes tous tirail lés . C ' est p lus une question de stratégie que de divergences sur le fond .
I l est vrai que les autorités admini stratives indépendantes s e
mul t ip l ient . Mons ieur LEGATTE n ' a eu de cesse de fa ire d e l ' institution du médiateur une autorité indépendante . C ' est une d i sposition de l a loi du 13 j anv ier 1 9 8 9 portant diverses mesures d'ordre social ( artic l e 6 9 ) qui a trans formé l e médiateur en médiateur de l a Répub l ique .
Mons i eur FAURE c ' est quel l e page ?
Mons ieur FABRE que va-t- il se passer p our les autres ? En mettant à j ours des principes que nous avons méconnus , ne risquons nous pas
d ' introdu i re une discrimination ? Comment pouvons -nous t i rer le s igna l d ' al a rme en direct i on du Parl ement ? Par a i l l eurs , i l faut tenir compte des personnes qui nous préoccupent . Nous volons au s ecours de banques ou de PDG et nous fre inons les poursuites mais pensons-nous p our autant aux pet its épa rgnants ? Je serais encl in pour ma part à cho i s i r un autre suj et plus sens ibl e à l ' opin ion , qui donnerait une me i l l eure image de n ous , cra ignant que nous ne soyons accusés de p l a ider une mauvaise cause . Mons i eur MOLLET-VIEVILLE : j e voudra is c iter l ' exemp l e des pouvo irs des douanes . E l l e s peuvent , soit fixer une amende , soit t rans iger avec l e fraudeur e t de plus s e porter partie civile à l ' audience . Ma i s e l l e s peuvent auss i b ien n e rien demander , saisir l e parquet et s i l ' amende est payée au cours de l a procédure , elles ne se const ituent plus partie c ivi l e .
Mons ieur FAURE : j e reviens à l ' argument de Mons i eur FABRE qui estime que nous avons l ' air de porter en soin extrème à des coquins . C ' est tout l e prob l ème des droits de l a défense .
Monsieur FABRE : j ' al l ais l e dire . Nous nous retrouverons t ouj ours dans l a même s ituat ion .
Mons ieur l e Prés ident : l ' argument de Mons ieur FABRE doit être entendu après l a déc i s ion sur Bil l ancourt ( cf . déc i s ion du 8 j ui l l et 1 9 8 9 ) . Mons ieur LATS CHA : l ' opinion est braquée sur les sanct ions .
Mons ieur l e Prés ident : abandonnons les sanctions et revenons aux droits de la défens e .
Nous pouvons est imer que la sanction doit être sans l imites ma i s doit être respectueuse des droits de l a défense mais pour ma part la sanction d ' une autorité administrative indépendante ne peut être supéri eure à
cel l e d ' une j uridict i on .
Mons i eur FAURE : j e pense qu ' i l ne faut pas tenir compte uniquement des droits de la dé fense mais aus si de la responsab i l ité de ces institut ions devant le Parlement .
Mons i eur l e Prés ident : j ' en conviens mai s nous ne pouvons pas
l ' inscrire dans l a déc ision . Cela dit i l est vrai qu ' en recourant aux autorités administrat ives indépendantes , le Gouvernement se décharge de ses responsab i l ités sur ces organismes . cette solution est très commode p our l e s ministres .
Monsieur JOZ EAU-MARIGNE j e suis heureux d ' intervenir en dernier . J ' a i écouté avec beaucoup d ' intérêt tout ce qui a été dit . Je rej oins
l ' opinion de Mon s i eur MAYER et ai été sensible à la bri l l ante p l a idoirie de Mons i eur MOLLET-VIEVILLE . Il est certa in que nous avons le cho ix
entre tro i s s olutions . Nous ne pouvons pas fermer l es yeux . Restent l a c ensure o u l a neutra l i sation . Est-ce l e bon moment ? S ont-ce l e s bons mot i fs ? E st-ce le moment parce que le Parl ement est en vacances ? Nous ne devons pas en tenir compte . S ' agissant du mot i f , Mons ieur l e
Prés ident a b ien montré l ' extrême importance de l ' enj eu d e cette
question . L ' interp rétation neutral i sante ne me paraît pas répondre de manière s at i s fa i sante au probl ème . Le choix est entre la paralys i e et la censure ma i s j e me ral l iera i à la maj orité .
Lorsque j ' étais prés ident de la commiss ion des l o i s au S énat , j ' a i a s s i sté a u dével oppement d ' un pouvo ir j udicia ire paral l è l e . Une tel l e évolution b a t e n brèche l ' autorité j udicia ire . S i nous devons opter pour l a censure , j e pense que le moment est venu . Dans cette hypothès e , l e texte e n v igueur n e s era p a s modifié et les mag i strats pourront touj ours i nviter l a COB à déposer des conclus ions . Pour terminer , j ' a j oute que j ' aurai s ouscris à l ' interprétat ion neutral i sante si la note du
s ecrétariat général du Gouvernement m ' y ava it incité . Ma i s cela n ' a pas été le cas .
. . . 1 . ..
Mons i eur l e Prés ident : j e vous remerc ie pour vos contribut ions et j e vous propose de l i re l es deux vers ions pos s ibl es. Qui est part isan de ne rien f a i re ?
Mons i eur FABRE j e ne veux pas me déj uger mais c ' est tout ou rien.
Mons i eur l e Prés ident : prenons l e s deux textes . Le début est commun.
Dans l e deuxième cons idérant de l ' interprétation neutral isante , j e vous suggère d.!aj outer après " j uste et équitable" l es mots " exigeant
l ' équ i l ibre des dro its des partie s " .
Mons i eur l e secrétaire général : les droits de la défense j ouent tant dans l e cadre de la procédure j uridictionne l l e que dans celui de l a procédure non j uridictionne l l e.
Mons i eur l e Prés ident : à l a l ecture du troisième cons idérant , j e sera is d ' av i s d ' insérer l es mots " dans l ' intérêt généra l " après l e mots
" l ' autorité qui a exercé " . Le coup est donné dans l a fourmi l ière mai s cel l e-ci n ' exp l ose pas. I l suffirait d ' al ler plus l o in e t de d ire que ces d i sp o s itions ne sont pas contra ires à la Const itut ion .
Mons i eur MAYER : souvenez -vous des articles de S irius. Tout au l ong de l ' art i c l e i l était contre l e candidat ma i s i l appel a it quand même à voter p our lui à l a f in . Je propose d ' écrire " même dans l ' intérêt généra l " .
Mons i eur l e secrétaire général : l ' insertion de l a not i on d ' intérêt génér a l ferait double emp l o i ( M. MOLLET-VIEVI LLE se range à ce point de vue ) .
Mons i eur l e Prés ident : j e propose de supprimer : " en mati ère péna l e " . Mons i eur l e S ecrétaire général : compte tenu des conséquences très
l arge s de cet amendement , l a doctrine pourrait s e demander ce qu ' i l en e st en matière non pénal e.
Mons i eur l e Prés ident : e l l e aura une conception maxima l i ste ou étroite selon l e s termes empl oyé s .
Mons i eur l e S ecréta ire généra l : en mettant l ' accent sur l e fait que la COB a g i t au nom de l ' intérêt général , le texte l a i sse entendre qu ' i l y a deux représ entants de l ' intérêt général et que cette dual ité crée un déséqu i l ibre aux dépens de l ' inculpé qui est contra ire aux dro its de la défense . En revanche , i l n ' y a pas incompatibi l ité entre l ' exercice du p ouvoi r discipl ina ire et une constitution de partie c iv i l e devant l e j uge pénal au nom d ' un intérêt col l ect i f distinct d e l ' intérêt général . Mons i eur l e Président : nous faisons une rédact ion pour l e s autorités admin i stratives " dépendantes " . Comme p lus haut nous avons appelé au respect d ' une " procédure j uste et équitable" , nous pouvons avoi r l e choi x entre l ' interprétat ion neutra l is ante e t l a censure .
Le p roj et d ' interprétation neutra l i sante a insi modifié recue i l l e deux voix ( Mess ieurs CABANNES et MAYER) .
Mons i eur l e Prés ident : avec l e proj et de censure , l a question s e pose de savo i r si nous supprimons purement et s impl ement l e deuxième
cons idérant à la page 2 .
Mons i eur FAURE : que l l es en sont l es conséquences ?
Mons i eur l e Prés ident : toutes les autorités admini strat ives
indépendantes sont visées . Si l ' exception d ' inconst ituti onna l ité était adoptée , nous reprendrions ces quest ions l ' une après l ' autre et nous forcerions le lég i s l ateur à tirer toutes les conséquences de
l ' annu l ation. Il vaut mieux ne pas prendre la rédaction d ' hier et avancer prudemment. En s ' appuyant sur l e principe des droits de la
dé fens e , nous para lysons pour l ' avenir ce type de procédures et il n ' est pas ind i f férent que ce principe corresponde à une exigence
constitutionnel l e. S i nous adoptions le proj et l e plus l ong , j e ne s out i endra i s pas mon propre texte , trop dur .
Mons i eur LATS CHA : nous en revenons donc au manuscrit.
Un c onsensus se dégage pour un cons idérant ainsi rédigé : " Cons idérant que l e respect des droits de l a défense fait obstacle à ce que l a
comm i s s ion des opérat ions de bourse pu isse à l ' égard d ' une même pers onne et s ' agi ssant des mêmes faits concurremment exercer l e s pouvoirs de
sanc t i on qu ' el l e tient de l ' article 5 de la l o i et la faculté
d ' intervenir et d ' exercer tous l es droits de la partie c iv i l e en vertu de l ' a rticle 1 0 de l a l o i " .
La censure de l ' a rt i c l e 1 0 est adoptée par sept voix , Mons ieur CABANNES votant contre et Mon s i eur MAYER s ' abstenant .
Mons i eur l e S ecrét a i re général pose la quest ion de savo ir si l e ra i s onnement suivi about it à la censure total e d e l ' art i c l e 1 0 . Mons i eur le Prés ident : l ' article 10 dans son ent ier tombe.
Mons i eur CABANNES : on ne vise pas l ' article 16 de la Décl arat i on des droits de l ' homme. Au nom des grands principes on fait du Corne i l l e !
Mons i eur le Président : il reste à examiner l a l o i sur l e s étrangers.
Cela devra it prendre comb ien de temps , Mons ieur le rapporteur ?
Mon s ieur ROBERT : après un exposé général d ' une demi-heure environ , i l faut compter d i x minutes pour l ' examen du moyen t i ré d e l a violation de l a procédure l égis l a t ive et trente minutes pour les autres moyen s .
Nous devrions avo ir terminé vers 1 9 heures . La séance est l evée à 1 2 h 3 0 .
. .. 1 . . .
La s éance est reprise à 1 4 h 3 0 , tous les membres étant présents .
Mons i eur l e Prés ident nous a l l ons passer à l ' examen de la s a i s ine sur la l o i rel at ive aux conditions de séj our et d ' entrée des étrangers en France . Mons i eur le professeur vous ave z l a parole.
Mons i eur ROBERT : Le texte qui nous est dé féré présente une double
original ité . Je tiens à soul igner que c ' est l a première fois depuis dix ans qu ' une s a i s ine émane de parlementaires et du Premier ministre .
E l l e pose à l a fois des problèmes j uridiques , pol it iques , psychologiques et moraux . Derrière les querelles de compétence , quel que peu byz antines , l ' Etat est comptable de l ' ordre publ ic .
Je vous rappelerai d ' abord quel ques données . On est ime l a populat i on étrangère v ivant sur le territoire à 4 , 5 mil l ions de personne s . E l l e a augmenté de 5 0 0 0 0 0 en 1 0 ans et d ' un quart en 1 5 ans. Ces chi f fres sont proches de ceux d ' Al l emagne fédéra le ma i s rapporté à la p opu l ation
total e , l e pourcentage d ' étrangers est supérieur en France .
Face à ce probl ème , s i l ' on rej ette l ' apartheid , il existe t r o i s soluti ons : l ' intégration , l ' ass imilat ion avec l a quest i on de l a part i c ip at i on d e s étrangers aux él ections e t enfin l a franc i s at i on . La pol itique à l ' égard des étrangers à osc i l l é ces dernière s années entre une volonté de l arge accue i l et des mesures restrictive s . Quatre lois e s s ent iel l ement ont traduit ces d i fférence s orientat ions : la loi du 9 j anvier 1 9 8 0 , l a loi du 29 octobre 1 9 8 1 , l a l o i du 1 7 j ui l l et 1 9 8 4 e t cel l e du 9 septembre 1 9 8 6 .
Le texte qui nous est déféré est marqué par l e souc i de ne pas remettre en cause l a fermeture des frontières . L ' immigré clandestin doit être refou l é ma i s l ' étranger en séj our régul ier doit être tra i té conformément
à la l o i . Ce texte s ' inscrit donc dans une double perspect ive : intégrer l es étrangers et prat iquer une maîtrise flux j eux migratoires .
Ce cadre étant fixé , j e voudrais vous indiquer préalablement à l ' analyse de l a s a i s ine les règles en vigueur rel at ives à l ' entrée en F rance des étrangers , à la dél ivrance des cartes de séj our et aux mesures de police les concernant .
S ' ag i s sant de l ' entrée , i l faut savoir que les l o i s ''Quest iaux"
( 2 9 octobre 1 9 8 1 ) et " Dufoix" ( 1 7 j ui l l et 1 9 8 4 } en ont renforcé les cond itions . Cela est vra i tant de l ' obj et et des condit ions de s éj our que des documents exigés . La l o i " Pasqua " ( 9 septembre 1 9 8 6 ) a
subordonné l ' entrée sur l e territoire à une condition suppl émentaire en demandant à l ' étranger de j ustifier , s ' i l y a l ieu , de ses moyens
d ' ex i stence . E l l e a par a i l l eurs supprimé le dé l a i d ' un j our franc avant rapatriement de l ' étranger . La l o i "Joxe " ma intient l e dispos i t i f
rel a t i f aux moyens d ' existence ma i s revient a u dél a i d ' un j our franc . Pour l ' attribut ion des cartes de séj our , l ' admini strat ion , sou s l ' emp ire des quatre l o i s que j e viens d ' évoquer , agit touj ours sous l e contrô l e d u j uge administrat i f . La l o i "Joxe" crée une comm i s s i on d e séj our composée de magistrats avec une compétence l iée pour le préfet . La dél ivrance de l a premi ère carte de séj our rel ève touj ours de l a compétence de l ' admini strat ion de l a commiss ion d e séj our , l ' idée
sous-j acente étant de faire pénétrer l ' Etat de dro i t dans ce doma ine de haute pol ice .
Lors de notre entret ien avec l e premier prés ident Dra i , celui-ci s ' est interrogé sur l a nature j uridique de cette comm i s s i on ( 1 ) et l e respect de l a procédure contradictoire devant e l l e . Ce probl ème à vra i dire n ' es t pas directement en cause .
Apr è s tro i s ans de rés idence , l ' étranger peut s ol l ic iter une carte de rés ident de dix ans. Les l o i s " Quest iaux " et " Dufoix" prévoya ient qu ' e l l e pouvait être re fusée s i l a présence de l ' étranger constitua it uen menace pour l ' ordre publ ic . Quand l ' étranger rés ident en France quitte le terr ito ire plus d ' un an , sa carte de rés ident peut l u i être ret i rée . Désorma i s la l o i "Joxe " fait passer ce dél a i de péremption à tro i s ans . I l faut savo ir aus s i qu ' aux termes de l a l o i " Dufoix " , neuf catégories de pers onnes priv i l igiées éta ient suscept ibles de béné fic ier de p l ein droit de la carte de résident pour des ra i s ons tenant à l ' état c ivi l , aux l iens particul iers avec la France ou en ra ison du statut part i cu l ier de l ' étranger .
La l o i " Pasqua " a mod i f i é cette disposition en prévoyant que l e titre uniqu e de dix ans pouvait être refusé " l orsque la prés ence de l ' étranger const itua it une menace pour l ' ordre publ ic" . En outre , la carte de
résident n ' est pas dél ivrée automat iquement au conj oint étranger d ' un frança i s . L ' étranger devra apporter l a preuve de l ' exi stence d ' un an de vie c ommune .
( 1 ) M . Dra i a est imé que la commiss ion ava it un caractère j urid ictionnel.
Tel n ' est pourtant pas le sens de la j urisprudence du Conseil d ' Etat qui cons i dère l a commiss ion départementale d ' expul s ion comme un organisme administrat i f consul tat i f .
. .. 1 ...
C ' est sur ces po ints que la loi "Joxe " change profondément. E l l e rétab l it sans cond it ions l ' attribution d e l a carte d e p l e in droit e n supprimant l a réserve d e menace pour l ' ordre publ ic . El l e prévo it
l ' octroi de p l e in droit de la carte de rés ident au conj oint étranger de ressortissant frança i s . Désormai s l e s cond it ions de durée du mariage et de c ommunauté de vie ef fective des époux sont supprimées pour l ' étranger dont le conj o int est de national ité frança ise . Enfin , e l l e aj oute quatre catégories de béné ficia ires de plein dro it de l a carte de rés ident .
J ' en arrive à l ' expu l s ion et à l a reconduite à l a frontière . Les l o i s
" Questiaux" et " Dufoix" ava ient l imité l e recours à l ' expu l s ion a u cas de menace grave pour l ' ordre publ ic en ma intenant toute fo i s l ' hypothèse de l ' expu l s ion en urgence absolue , lorsqu ' une tel l e mesure const itue une nécess ité impéri euse pour l a sûreté de l ' Etat ou l a sécurité pub l ique.
Dans la l o i " Pasqua " , la menace grave pour l ' ordre public devient une s impl e menace . Par a i l l eurs , l ' expul s ion est prononcée par arrêté du Ministre de l ' intérieur après consultation de la commiss ion spéc i a l e des expu l s ions .
Après l a l o i "Joxe " : l ' expuls ion n ' intervient que s ' i l y a menace grave pour l ' ordre pub l ic ; e l l e ne peut être prononcée que si l a commiss ion émet un avi s favorabl e. Est maintenue la procédure d ' urgence absolue . Quant à l a reconduite à l a frontière , i l convient de rappeler que l a loi
" Quest iaux" ava it retiré au pré fet sa compétence en l a mat i ère pour la confier au j uge correctionnel et fa ire du séj our irrégu l ie r une
in fraction passib l e de sanction pénal e. Depu i s la loi du 3 j anvier 1 9 8 5 , l ' interd iction du territoire entraîne de p l ein dro it l a recondu ite à la front ière ma i s dans l e cadre des l o i s " Questiaux " et " Dufoix " , le
contentieux du refou l ement relevait touj ours de l a compétence
j udici aire . Avec la loi " Pasqua " , la reconduite à la front ière est prononcée non plus par l e j uge répres s i f ma is par le pré fet et ce
content ieux ressortit à l a compétence administrative . Le recours devant l e Tribunal admini strat i f n ' est pas suspens i f. Le préfet peut touj ours dé férer l ' étranger devant le j uge correct ionnel qui peut p rononce r une interdiction de séj our.
La l o i "Joxe " ne revient pas au dispos itif antérieur à la l o i du
9 septembre 1 9 8 6 . La décis ion du préfet reste un acte admini strat i f ma is à l a d i f férence de la loi " Pasqua " , le recours est suspens i f et doit être porté devant l e j uge j udiciaire qui statue dans un dél a i de
quarante huit heure s , le recours en app e l , lui , n ' étant pas suspens i f . Voi l à en quel ques mot s l e s préc is ions qu ' i l m ' appara iss ait indispensable d ' apporter au p réalab l e.
On p eut se demander pourquoi i l convenait d ' adopter une cinqu i ème l o i sur cette question à l ' heure où e n vertu d e s accords d e S chengen , l a l ibre ci rculat i on doit entraîner l a suppress ion des contrôl e s aux
front ières internes . Cependant ce nouveau t exte ne se s itue pas en marge de l ' Europe . L ' examen du dro it comparé européen ense igne en e ffet que nos vois ins pratiquent le recours suspens i f contre l ' él o ignement et que l e s étrangers insta l l é s depu i s l ongtemps sur l e territoire béné fic i ent de garanties .
Nous abordons ma intenant l es moyens qu i sont soulevés à l ' appui des recours des parl ementa ires . I l y en a tro is .
J ' évo querai en premier l ieu l es moyens t irés de l a viol ation de la procédure parl ementa ire .
La s a i s ine des députés fait val o i r que l e prés ident de l a commiss ion des l o i s aura it violé l ' article 8 8 du règlement de l ' Assemblée nationa l e dans l a mesure où a u l ieu de fa i re dél ibérer " au fond " l a commiss ion ains i que l e prévoit l e deuxième a l inéa de cet art ic l e , i l aura it demandé à la commiss ion de se prononcer par un seul vote gl obal sur l ' ensemb l e des amendements . Le prés ident du groupe RPR sout ient que le recours au vote b loqué est strictement réservé , en vertu de
l ' art i c l e 4 4 , a l inéa 3 , de l a Const itution au seul Gouvernement et uniquement l ors de l a discus s ion en s éance . L ' usage du vote bloqué aura it empêché l ' examen normal des amendements devant la Commiss ion . Les auteurs de l a s a i s ine n ' apportent pas de preuve à l ' appui de l eur démonstration . Au demeurant l ' art i c l e 44 vise le vote en séance pub l ique et non l e vote en commi ss ion . Le Conse i l constituti onnel ne peut que con f i rmer sa j urisprudence traditionne l l e selon l aque l l e l e règlement de l ' As semblée nati onale n ' a pas de val eur constitut ionnel l e . C ' est ce que j e vous proposerai en vous invitant à rej eter ce moyen .
Mons i eur l e Prés ident : Mess i eurs , que l est votre avis sur ce point ? L ' accord est général . Vous avez été très c l a i r et nous mêmes nous avons été de bons é l èves car vous être un bon professeur .
Mons ieur Maurice FAURE : à propos de l a j uri sprudence très él égant ma i s . . .
cela n ' est pas
Mons i eur Jacques ROBERT : certes , ma is i l n ' y a pas eu en aucune manière viol a t i on de la Constitution .
Mons i eur Jacques ROBERT l it l a partie du proj et de déc i s i on rel ative aux moyens t i rés de l a méconnais sance de l a procédure législative .
E l l e est adoptée .
Mons i eur l e Prés ident très bien , poursu ivons .
Mons i eur Jacque s ROBERT : nous passons maintenant à l ' examen des moyens s oul evés à propos des articles 3 et 6 du proj et de l oi .
L ' art i c l e 3 subordonne la dél ivrance de plein droit de l a carte de
rés ident , dans l e s hypothèses menti onnées à l ' articl e 15 de l ' ordonnance du 2 novembre 1 9 4 5 , à la circonstance que la présence de l ' étranger sur l e territo ire frança i s ne constitue pas une menace pour l ' ordre pub l ic .
. . . 1 ...
Le p aragraphe I de l ' arti cle 6 n ' oppose plus l a c irconstance de défaut de carte de séj our pour les tre i z e catégories énumérées à l ' art i c l e 1 5 d e l ' ordonnance du 2 novembre 1 9 45 et prévoit l a dél ivrance d e p l ein droit de l a carte de résident . Autrement dit l e séj our irrégu l ie r n ' est pas un obstacl e à la dél ivrance de pl ein droit de la carte de rés ident . Quant au paragraphe I I du même article , i l prévoit l ' octroi de p l ein dro i t de l a carte de résident au conj oint étranger d ' un ressort i s s ant de nat iona l ité frança ise .
Les s énateurs auteurs de l ' une des saisines ont des griefs gl obaux et spéc i f iques à l ' encontre de ces dispos it ions . D ' une part, i l y aurait s e l on eux , violation du principe d ' égal ité parce que l es français et les étrangers seraient tra ités de l a même man ière . A cet argument ont peut répondre que le Cons e i l const itutionnel n ' a j ama i s reconnu la néce s s ité d ' app l i quer des règles de droit identiques à des s ituations d i fférentes . Leurs griefs spéc i f i ques portent sur les cons équences des disposit ions des a rticl es 3 et 6 sur l ' ordre publ ic . E l les aura ient pour e ffet de suppr imer la pos s ib i l ité pour l ' autorité admini strative de re fuser
d ' accorder l a carte de résident d ' abord pour un moti f d ' ordre pub l ic et ensuite en raison de la s ituation j uridique irrégu l ière de l ' étranger . S ' agi s s ant du premier moyen, j e me reportera i aux termes de votre
déc i s i on du 3 septembre 1 9 8 6. Dans cette décis ion , le Conse i l a a f f i rmé qu ' i l revenait au légi s l ateur de "déterminer, compte tenu de l ' intérêt publ i c, les conditions d ' exercice de la l iberté " . I l appartient donc au
l ég i s l ateur d ' étab l i r l a l i ste des étrangers qu ' il entend protéger . Para l l èl ement , l e l ég i s l ateur n ' a pas privé l ' admini strat ion de t out pouv o i r en mat ière d ' o rdre publ ic . Cel le-c i cont inuera de prononcer des expu l s ions ou d ' interd i re l ' entrée d ' un étranger sur le terri toire s i l e s c i rconstances l ' exigent . L ' attribut ion d ' une carte d e rés ident n e s aura it être ident i fiée à l ' abdication d e l ' Etat , l e dro it commun d e l ' expul s ion e t du refoulement p ourra touj ours recevoi r app l ication . Quant au s econd moyen invoqué , relatif aux étrangers en s ituation i rrégu l i ère, i l appe l l e l es observations suivantes . Pour l e s
s a i s i s sants, l a suppres s ion d e l a pos s ib i l ité de refus d e l a carte de rés id ent, au mot i f que l ' étranger est en s ituation irrégul ière , fait perdre à l ' étranger en s ituation régul ière l e béné fice de sa
spéc i f icité. Ma i s l ' étranger p ouva it se voir refuser l ' attribution de sa carte de résident et ne pas être expulsab l e . Il y a l à une s ituation paradoxa l e , une anoma l ie à l aque l l e il est mis fin par le rétabl i s s ement d ' une égal ité .
Les s a i s i s sants t iennent un raisonnement anal ogue à propos de
l ' abrogation des dispos itions qui subordonnent la dél ivrance de la carte de résident à l ' étranger dont le conj oint est de nationa l ité frança ise , à une condit ion de communauté de vie des deux époux . Il y aurait ainsi o f f i c i a l isation des mariages de complaisance . Ce moyen traduit une curi euse concept ion de l ' éga l ité consistant à d i re que " l es bons ne s aura ient être traités comme les mauvai s " . Mais le l ég i s l ateur ne fait que s upprimer une cond ition difficile à prouver au demeurant et ne r e fuse pas un agrément .
Par cons équent , j e vous proposerai de rej eter l es moyens t i ré s de l a viol ation des articles 3 e t 6 d e l a l o i qu i nous est dé férée .
Mons ieur Maurice FAURE le rapporteur à une tel l e puissance de
conviction que nous ne p ouvons qu ' adhérer à son raisonnement . Je suis tout à fait l ibéral dans ce doma ine ma i s s i l ' ordre pub l i c r i s que d ' être troub l é , des sanct ions do ivent être prises quant à la communauté de vie , l e probl ème est mo ins j uridique que factue l .
Mons ieur l e Prés ident : l ' argument relatif à la rupture d ' éga l ité est étonnant pui s qu ' il revient à reprocher au législ ateur de ne pas
ma inten ir une irrégul arité nécessaire .
Mons ieur Jacques ROBERT donne l ecture du proj et de déc i s ion rel atif aux articles 3 et 6 .
Mons ieur l e Prés ident : j ' aura i une observat ion à présenter , page 8 . Ne pourrait-on pas subst ituer au mot " const itue " le mot " constituerait" ?
Mons i eur Maurice FAURE : c ' est l e texte de l a s a i s ine .
Mons ieur l e Prés ident : l es gui l lemets ne sont ouverts qu ' après . Mons ieur Maurice FAURE : cela sera it e f fect ivement plus dél icat . Mons i eur l e Prés ident : c ' est au législateur de prendre ses
responsab i l ités . Nous n ' exerçant un contrô l e de conformité que par rapport à l a Const itut ion.
Mons ieur Jacque s LATS CHA : j ' ai été sensible aux a rguments du
secrétariat général du Gouvernement sur l a d i f ficulté de fourni r l a preuve d e l a c ommunauté de vie .
Le proj et de déc i s ion concernant l es articles 3 et 6 de l a l o i dé férée est adopté .
Monsieur Jacque s ROBERT : nous abordons ma intenant l ' examen des moyens soulevés à propos de l ' article 1 0 de l a l o i . C ' est le noyau dur , s i j ' ose dire .
Mons i eur Jacques ROBERT cite l ' a rticle 1 0 et l e 1 5 ème cons idérant de la déc i s ion du 2 3 j anvier 1 9 8 7 .
Mons ieur l e Prés ident : vous nous rappelerez que l l e était , pour le droit de l a concurrence , l a compétence principa l e .
Mons i eur Jacque s ROBERT : c ' était la compétence j udicia ire . En l ' e spèce , l a s a is ine sur l ' art i c l e 1 0 appel l e quatre séries de quest ions
- l a reconduite à la front ière est-e l l e par nature de l a compétence du j uge j udicia ire ?
- la reconduite à l a front ière n ' est-el l e pas une décis ion prise dans l ' exercice des prérogat ives de puis sance pub l ique ?
- est - i l de l ' intérêt d ' une bonne admini strat ion de l a j us t i ce , d ' uni fier l es contentieux ?
- quel est l ' o rdre de j uridiction principa l ement compétent ?
.. . 1 ...
La p o l ice des étrangers rel ève traditi onnellement de l a compétence de l a j uridiction admini strative ma i s il est fait val o ir p a r l e secrétariat général du Gouvernement que l e content ieux de la reconduite à l a
front i ère s erait de l a compétence du j uge j udici aire par nature car il touche l e s l ibertés individue l l es . En fait , nous sommes en présence de deux procédures .
Le c ontent ieux des déc i s i ons préfectora l es est de l a compétence du j uge admin is trat i f a l ors que l e p l acement en rétention resso rt de l a
comp étence du j uge j udicia ire . On peut s e demander s i ces deux
procédures do ivent être traitées par deux j uridictions d i fférentes . Pour j ust i fier l a compétence du j uge j udiciaire pour les recours dirigés
contre les arrêtés de recondu ite à la frontière , i l est soutenu que le j uge j udiciaire est déj à compétent pour les rétent ions administratives et que le j uge pénal l ' est pour les re fus de déférer aux reconduites à la fronti ère .
Enfin , l e Gouvernement estime que l e content ieux de l a reconduite à l a front i ère présente dans d e nombreux c a s à j uger des quest ions qui sont par nature de l a compétence du j uge j udicia ire , t e l l e s que l ' état c ivil de l a personne , sa s ituat ion fami l iales et sa nat iona l it é . Je rappel l e que d ' après l a l o i , trois catégories d e personnes n e peuvent fa ire l ' ob j et d ' une déci s ion de reconduite à la fronti ère : l e s mineurs , l es conj o ints ayant épousé un français depuis s ix mois et l es parents
d ' en fants français qui exercent , même partiel l ement , l ' autorité parental e . Des quest ions préj udicie l l es seraient donc suscept ibles d ' apparaître et retardera ient l a procédure .
J ' en reviens à l a deuxième quest ion qu ' i l conv ient de s e poser : l a reconduite à l a front ière n ' est-e l l e p a s une déc is ion p r i s e dans l ' exercice des prérogatives de pu issance publ ique ?
S i l a compétence écho it au j uge j udicia ire bien qu ' il s ' agisse d ' une mat i è re admini strat ive , on peut se demander si le j uge j udicia ire est
formé au droit pub l i c , comment i l vivra ce contrôle et a contrario , s ' il ne r i s que pas de faire preuve de timidité à l ' égard du pré fet . Par
a i l l eurs , s i l e j uge j udiciaire est j uge de la reconduite et l a rétention , cel l e-ci n e pourra it-el l e pas devenir un acces s o ire comp l émentaire de la recondu ite ?
Evoquer ces questions , c ' est s ' interroger auss i sur l a bonne administration de la j ustice .
Parm i l es arguments invoqués figure , en bonne pl ace , l ' urgence . I l
conv i ent d e statuer vite sur l e s déc i s i ons de reconduite à l a front ière . Or l e j uge j udiciaire est habitué à l a procédure de référé . J ' aj oute que l ' impl antation du j uge j udiciaire sur tout l e territo ire j oue en faveur de l a compétence j udicia ire pu isque l ' on recense 1 8 0 t ribunaux de grande instance contre 2 6 tribunaux admini st rat i fs . L ' o ra l ité de l a p rocédure , l a c ompétence déj à conférée au j uge j udici aire s ' agi s sant de l a
rétent i on , d e l a nat i ona l ité , d e l ' état des personnes font que l e j uge j udicia ire paraît le plus apte à se voir con fier ce c ontent ieux des recours contre les arrêtés de reconduite .
On p eut se demander cependant quel est l ' ordre de j udiridiction principalement compétent .
Certes , l ' art i c l e 6 6 de l a Const itution consacre l ' autorité j udiciaire comme gardienne de l a l iberté individue l l e . Le Conseil constitutionnel de son côté à préci s é le contenu de la l iberté individuel l e en ve i l l ant à ce que les l imitat ions qu i l ' entouraient soient p l acées sous l e
contrôle j udiciaire . D ' a i l l eurs , le contrôl e qu ' exerce l e Con s e i l sur l a const i tutionnal ité des l o i s est proche du contrôl e du Conseil d ' Etat sur l e s mesures de pol ice .
Les déci s ions du 1 2 j anvier 1 9 7 7 sur la fou i l l e des véh icules et du 9 j anvier 1 9 8 0 sur l es détentions arb itraires const ituent des exempl e s écl a i rants d e l a démarche du j uge constitut ionne l . S i l e Conse i l a en e f fe t admis la p o s s ib i l ité pour l ' admini stration de p lacer en détention l ' étranger en instance de refoulement ou d ' expu l s ion , i l a exigé que le maintien en détent ion au-del à d ' un certain délai soit autorisé par l e j uge j udiciaire . En revanche , le respect d e la v i e privée n ' est pas un dro it à val eur constitut ionne l l e car i l a été reconnu par des textes postérieurs à la Constitution ( nouve l l e rédact ion de l ' article 9 du code civil , article 8 de la convent ion européenne des droits de l ' Homme ) . S ' agi s sant de l a l iberté d ' a l l er et venir , l e Conseil a est imé que ce principe ne fa i s a it pas obstacle à ce que l ' ut i l i sation de certa ins ouvrages d ' art sur l es voies pub l iques fas s e l ' obj et du paiement d ' une redevance ( 7 9 - 1 0 7 DC du 12 j u i l l et 1 9 7 9 ) . I l a été j ugé que n ' éta it pas non p l us cont ra i re à la l iberté d ' al ler et ven ir une procédure
permettant à l ' autorité de pol ice d ' ef fectuer , en vue de la recherche d ' infract ions ou pour prévenir des atteintes à l ' ordre pub l ic , des contrôles d ' ident ité et même , de procéder momentanément à des gardes à vue dans l es l ocaux de l a pol ice des personnes qu i ne peuvent j us t i f ier sur p l ace de l eur identité du moment que certa ines garanties s ont
prévues ( 8 0 - 1 2 7 DC des 19 et 2 0 j anvier 1 9 8 1 ) .
Depui s l ' entrée en vigueur des nouve l l es dispos it ions de l ' art i c l e 1 3 6 du code de procédure péna l e , s i l e tribunal des confl its et l e Con s e i l d ' Etat dénient a u j uge j udicia ire l e dro it d ' apprécier l a l éga l ité des actes administra t i f s ind ividuel s , le principe de la séparation des p ouvoirs j ustifie cette concept ion restrictive . Le principe de l ' autorité j udiciaire , gardienne des l ibertés ind ividue l les est un p rincipe qui a valeur const itut ionnel l e ma i s qu i se heurte au princ ipe de l a s éparation des p ouvoirs . Il est exact cependant que ce dernier n ' exige , ni de s oustra ire l e s l itiges admini strat i fs au j uge j ud i c i a i re ni de l e s confier au j uge admini strati f . Comme l ' a reconnu l e Con s e i l constitutionnel dans s a déc i s i on d u 2 3 j anvier 1 9 8 7 , " le s dispos i t i ons des art icles 10 et 1 3 de la loi des 1 6 et 2 4 août 1 7 9 0 et du décret du
16 f ruct idor an I I I qui ont posé dans sa généra l ité le principe de s éparati on des autorités admini strat ives et j udicia ires n ' ont pas en e l l es -mêmes val eur const itut ionne l l e " .
. . . 1 . . .
Le conse i l a été amené à dire en l ' absence de texte constitut ionnel qu ' i l revient aux principes fondamentaux reconnus par les l o i s de l a Républ i que d ' attribuer une compétence exclus ive à l a j uridict ion
administrative . Depuis l a l o i du 2 4 ma i 18 7 2 l e l ég i s lateur a donné à la j uridiction administrative une compétence de principe pour le
content ieux de l ' excès de pouvo i r . Or l e Conseil a a f f i rmé que l e
principe const itut ionnel réservait l e contentieux de l ' excè s d e pouvoir à la j uridict ion admini strative . Par conséquent le j uge j udiciaire ne saura it censurer un acte du préfet . la décision du 2 3 j anvier 1 9 8 7 est très c l a i re puisque , j e vous rape l l e que " relève en dernier ressort de la c ompétence de la j uridiction administrat ive l ' annul ation ou l a
réformation des déc isions prises dans l ' exercice des prérogatives de pui s sance pub l ique " . Une tel l e conception exclut les content ieux des contrats privés et de la gestion des services publ ics ma is a été
�andonnée au début du s iècl e . La not ion de prérogat ive de pu i s s ance publ i que redevient le critère de la compétence. Il convient cependant d ' observer que la compétence de la j uridict ion administrative n ' est pas absolue ; e l l e souf fre deux except ions , à savoir l e s b l ocs de compétence et l es mat ières réservées par la nature des choses à l a j urid ict ion
j udicia ire.
En app e l er à la nature des choses c ' est recourir à un procédé un peu commode qui revient à proclamer l ' immanence d ' un principe à défaut d ' en prouver l a pertinence. A l ' exception du contentieux de l a voie de fait dans des c irconstances excepti onnel les , les tribunaux j udic i a i res s ont compétents pour statuer sur l e s conséquence s des voies de fa it. I l en va de même l orsqu ' i l s ' agit de réparer l e s préj udices résultant des
empr i ses . En outre , des blocs immuables relèvent de l a compétence de la j uridiction j udicia ire , à savo ir l e s content ieux de l a propriété
immob i l ière , de l ' état et de l a capac ité des personnes et du fonct ionnement de la j ustice .
La reconduite à l a frontière ne ressortit pas de ces domaine s . Le Conse i l const i tutionnel doit rester f idèle à sa j urisprudence et
réa f f i rmer que l ' annulation et la réformation des déci s ions prises par l es autorités pub l i ques rel ève de la compétence de la j uridicti on
admini strative .
On ne peut opposer à ces arguments l e fait que l e j uge pénal pui sse apprécier la va l i dité des actes régl ementa ire s car en l ' espèce nous sommes en présence d ' actes indiv iduel s .
Par conséquent , en défendant l a compétence de l a j uridiction
administrat ive j e vous invite à déclarer non conforme à la Const itution l ' article 1 0 qui nous est déféré.
Mon s i eur l e Prés ident : j e vous remercie pour cet exce l l ent exposé .
Que l s s ont l es arguments dével oppés par les représentants des magi strats que vous ave z reçus ?
Mon s i eur Jacque s ROBERT : I l s ont invoqué l es dispositions de l ' article 66 de la Const itution . I l s est iment qu ' i l s sont mieux armés pour tra iter ce contenti eux ayant l ' habitude de la procédure du référé . De t oute
façon , i l s s ont persuadés que que l que soit l a solut i on , cel l e - c i sera interp rétée comme un b l âme imp l icite j eté sur l ' autre j uridiction .