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Pubalgie chez le sportif : pas toujours si simple...

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Academic year: 2022

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210 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 janvier 2012 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 janvier 2012 0 présentation clinique

Une coureuse à pied régulière (3-4 x/

semaine, 10-12 km/séance), née en 1964, présente depuis début 2009 une douleur diffuse de la région inguinale gauche irradiant vers le pubis et les adducteurs du même côté. Les symptô- mes ont un caractère mécanique et sont clairement reliés à la pratique sportive, sans facteur a priori déclenchant. Au mois de mai 2009, elle consulte son médecin traitant en raison d’une exacer- bation des douleurs, devenues quasi permanentes, avec également une com- posante nocturne. Elle ne peut plus pra- tiquer la course à pied, malgré des pauses allant jusqu’à dix jours consécu- tifs. Elle doit également arrêter son acti- vité professionnelle qui exige le maintien prolongé de la position debout.

Dans ses antécédents, on relève des premières règles à l’âge de seize ans, un fils né en 1992, une oligoménorrhée dans les dix ans qui ont suivi, puis une aménorrhée depuis neuf ans. Le bilan nutritionnel révèle une nette insuffisan- ce d’apports en produits laitiers chez une patiente avec un comportement ali- mentaire limite qui est très attentive à sa variation de poids. Une minéralométrie osseuse datant de juillet 2008 avait dé- montré une ostéoporose (T-score lom- baire de -2,6, et de -3,3 au niveau de la hanche), justifiant la mise en place d’un traitement d’ibandronate (Bonviva ; 150 mg/mois), de calcium (1200 mg/jour) et de vitamine D (800 UI/jour). L’anamnèse familiale révèle par ailleurs une ostéopo- rose non fracturaire chez sa mère. Dans les habitudes, on retrouve un ancien tabagisme à 20 UPA (unité-paquet-an- née), stoppé en 2000.

A l’examen clinique de juin 2009, l’athlète

commentaires

La pubalgie peut être définie comme un syndrome algique du carrefour abdomino- inguino-pubien qui survient le plus souvent chez un sportif professionnel ou amateur, présentant parfois un contexte anatomique favorisant. Les causes de cette problémati- que sont multifactorielles, ce qui explique une présentation clinique diversifiée sous la forme d’une constellation de symptômes variables d’un patient à l’autre.

Le bilan étiologique de toute pathologie de la région pubienne doit débuter par l’ex- clusion d’autres diagnostics «à distance»

responsables éventuellement d’une douleur rapportée, projetée ou référée. Parmi ceux- ci, on trouve toutes les pathologies intra- abdominales, génito-urinaires, neurologiques ou encore inflammatoires et infectieuses.

Une fois ce premier tri réalisé, il reste le dé- membrement de la pubalgie à proprement parler, qui se fait classiquement par locali- sation topographique. On distingue ainsi habituellement les pubalgies sus-pubiennes, pubiennes et sous-pubiennes.

L’hypothèse pathogénique la plus souvent retenue à l’heure actuelle reste le surme- nage mécanique local. De fait, la pratique sportive serait responsable de contraintes accrues sur l’appareil moteur et d’un désé- quilibre de la musculature stabilisatrice du tronc et du bassin.1

Les bisphosphonates font partie de l’ar- senal thérapeutique de l’ostéoporose de- puis quinze ans, le premier à avoir été mis sur le marché était l’alendronate, en 1995.

Depuis lors, plusieurs autres ont été autori- sés dans cette indication, en particulier l’ibandronate. Leurs mécanismes d’action postulent un effet «antirésorptif» par une in- hibition des ostéoclastes, mais il existe éga- lement un effet sur la formation osseuse qui est abaissée, la résultante étant surtout un effet «antiremodelage» osseux.

Plusieurs rapports récents ont en outre rapporté des cas de fractures «atypiques», en particulier fémorales, ayant l’aspect de fractures de stress, associées à la prise ré- gulière de bisphosphonates,2 sans que l’étiologie de ces lésions n’ait totalement été mise sur le seul compte de ces traite- ments antirésorptifs. Chez l’homme en par- ticulier, il n’existe que des connaissances fragmentaires de l’effet de ces médications

Pubalgie chez le sportif : pas toujours si simple…

Quadrimed 2012

J.-L. Ziltener S. Leal

Drs Jean-Luc Ziltener et Sandra Leal Unité de médecine physique Service d’orthopédie Département de chirurgie HUG, 1211 Genève 14 jean-luc.ziltener@hcuge.ch sandra.leal@hcuge.ch

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 210-2

mesure 163 cm pour un poids de 44 kg, soit un IMC de 16,4. Elle présente une douleur très élective à la palpation de la branche ischio-pubienne gauche, avec une mobilité de hanche conservée mais douloureuse. Une radiographie du bas- sin et un CT-scan révèlent une double fracture de fatigue de la branche en question. Un bilan biologique ciblé sur le métabolisme osseux et endocrinien montre une hypo-œstrogénie sur arrêt de la fonction ovarienne, une adéqua- tion de la supplémentation en calcium et vitamine D, mais surtout des paramètres de résorption osseuse effondrés, de mê me que les marqueurs de la formation osseuse !

Malgré un traitement conservateur clas- sique bien conduit, ainsi que l’arrêt du bisphosphonate en juin 2009, la situa- tion clinique ne s’améliore en aucune façon trois mois plus tard. Un scanner de contrôle en novembre 2009 confirme la persistance d’un retard de consolida- tion des deux fractures.

En mars 2010, soit quinze mois après le début des symptômes et neuf mois après l’arrêt de l’ibandronate, l’évolution radiologique est enfin favorable avec ap- parition de ponts osseux partiels au ni- veau des deux fractures. Sur le plan bio- logique, on note un réveil du remodelage osseux. En parallèle, la patiente est mise sous hormonothérapie de substitution.

Subjectivement, les douleurs s’amen- dent très progressivement, lui permet- tant une reprise professionnelle partielle et la pratique d’activités physiques de type low impact.

A l’automne 2010, elle devient quasi asymptomatique, reprenant la course à pied à dose minime. Le scanner objecti- ve une guérison complète de l’os, le bilan biologique est normalisé, la minéralomé- trie osseuse montre des résultats super- posables à ceux de 2008.

Ce cas clinique pose le problème du diag nostic différentiel d’une douleur du carrefour pubien (pubalgie), de même que celui des effets indésirables des bisphos- phonates donnés pour la prise en charge d’une ostéoporose ménopausique.

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Bibliographie

1 Ziltener JL, Leal S. La pubalgie chez le sportif. Rev Med Suisse 2007;3:1784-7.

2 Recker RR, Armas L. Effect of antiresorptives on bone quality. Clin Orthop Relat Res 2011;469:2207-14.

3 Kidd LJ, Cowling NR, Wu AC, Kelly WL, Forwood MR. Bisphosphonate treatment delays stress fracture re-

modeling in rat ulna. J Orthop Res 2011;29:1827-33.

4 Milgrom C, Finestone A, Novack V, et al. Effect of prophylactic treatment with risedronate on stress frac- ture incidence among infantry recruits. Bone 2004;35:

418-24.

sur la guérison osseuse en cas de fractu- res, et plus encore en cas de fractures de stress. Ces dernières peuvent être consi- dérées comme des lésions de fatigue as- sociées à des contraintes répétées lors de pratique sportive, liées à un excès de remo- delage osseux en réponse aux charges répé titives.

Récemment, plusieurs études sur l’animal viennent de montrer qu’une prise chroni- que de risédronate est associée à un retard significatif dans la guérison de fractures de fatigue chez le rat, avec une qualité os- seuse également moindre, sur une période prolongée.3 Les mesures des paramètres de résorption, mais aussi de la formation osseuse, montrent une réduction significa- tive et prolongée des deux versants du re- modelage. De plus, un traitement prolongé de risédronate n’a jamais montré d’effet préventif sur la survenue de fractures de fa- tigue chez l’homme.4

conclusion

La compréhension exacte des mécanis- mes d’action des agents osseux antirésorp-

tifs est indispensable, afin de les utiliser à bon escient, selon le type d’indication, et surtout avec un maximum de sécurité pour

le patient, le sportif par exemple, compte tenu de son contexte particulier.

Implications pratiques E

E

La survenue d’une douleur pubienne étiquetée «pubalgie» doit faire l’objet d’un démem- brement systématique, en particulier par une classification topographique. Les fractures de fatigue de l’anneau pelvien font partie du diagnostic différentiel de toute douleur pu- bienne et, au minimum, une radiologie conventionnelle doit être réalisée en cas de dou- leur pelvienne subaiguë ou chronique

Les bisphosphonates utilisés dans le traitement de l’ostéoporose ne sont pas dépourvus d’effets indésirables sur l’os et sa formation. Des fractures fémorales atypiques sont décrites chez l’homme et des retards de consolidation lors de fractures de stress sont relevés chez l’animal de façon certaine

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