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RAPPORTDE LA COMMISSION DE RÉFLEXIONSUR LA COUR DE CASSATION 2030

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(1)

COUR DE CASSA TION

Juillet 2021

RAPPORT

DE LA COMMISSION DE RÉFLEXION

SUR LA COUR DE CASSATION 2030

(2)

Avant-propos

Dans un monde soumis à des mutations ra- pides, à des crises fréquentes et à des tensions fortes, le droit peut et doit favoriser l’adaptation, la solidarité et la pacification de notre société. A côté des autorités politiques qui fixent les règles de droit, les juges qui les appliquent aux situations concrètes ont, à ce titre, une responsabilité essentielle. Il en est tout particulièrement ainsi de la Cour de cas- sation, qui interprète et unifie le droit dans de multiples domaines déterminants pour la vie de nos concitoyens. C’est la forte cons- cience de cette responsabilité qui a conduit la première présidente et le procureur géné- ral à ouvrir une réflexion sur la place et le fonctionnement de cette juridiction dans les dix prochaines années.

Ils ont confié cette tâche à une commission de douze membres, composée de magistrats, d’avocats, d’universitaires, de membres de la fonction publique et du monde de l’entre- prise, venant de Paris et de la province, de France et de l’étranger, riches d’expériences multiples et de sensibilités variées. Cette équipe a travaillé avec un sérieux remar- quable et dans une ambiance chaleureuse.

Elle a bénéficié du soutien précieux des ca- binets de la première présidente et du procureur général, ainsi que de l’aide efficace de jeunes juristes en stage auprès de la Cour.

Que tous trouvent ici l’expression de mon amicale reconnaissance. De multiples réu- nions, en sous-commissions thématiques ou en commission plénière, hélas trop souvent

à distance, de nombreuses auditions de per- sonnalités remarquables et d’experts de grande qualité, des échanges approfondis notamment avec des magistrats de la Cour de cassation, des lectures, des notes, ont per- mis d’engranger une riche moisson, transformée en un rapport plus dense que nous ne l’avions imaginé.

Comme cela nous était demandé, nous y analysons d’abord les différents environne- ments de la Cour. Cette approche pourra paraître à certains loin des préoccupations de la justice. Mais, avec les réflexions sur la légitimité qui les suivent et les complètent, ces développements contribuent à donner la juste perspective de la place de cette grande institution. Nous suggérons ensuite des améliorations de l’organisation et du fonc- tionnement de la Cour, qui nous sont apparues nécessaires pour lui permettre de remplir au mieux ses missions dans les temps qui viennent. Le périmètre qui nous était attribué est trop vaste pour que nous cherchions l’exhaustivité. La perspective temporelle fixée par notre lettre de mission est suffisamment longue pour que nous ne nous arrêtions pas aux contraintes du mo- ment. Nous avons donc choisi de faire une place particulière à quelques grands thèmes, parmi lesquels : l’ouverture de la Cour, les synergies conduisant à mobiliser des capaci- tés d’intelligence collective, les moyens permettant de répondre à l’exigence d’excel- lence qu’une cour supérieure doit remplir, l’indispensable effort de communication…

« Toute institution vieillit. On perd de vue les principes directeurs comme un navire voit dispa- raître les côtes, et il faut au commandant faire le point régulièrement, pour savoir où il va.

»

Pierre Bellet (premier président de la Cour de cassation, 1977-1980)

(3)

Sans chercher à surprendre, ni entrer dans le détail de la mise en œuvre des réformes pré- conisées, nous proposons plusieurs voies novatrices, telles que : l’introduction de l’opinion séparée, la « procédure interactive ouverte », l’accueil de juges de juridictions supérieures d’États membres de l'Union eu- ropéenne pour siéger à la Cour avec voix consultative, l’accroissement des compé- tences du Tribunal des conflits, etc. Mais nous portons aussi une réelle attention au travail quotidien de la Cour en soulignant la nécessité de créer un service d’appui aux ma- gistrats, d’améliorer l’articulation des travaux du siège et du parquet général dans l’intérêt commun, de faciliter le fonctionnement de la demande d’avis que peuvent présenter les juridictions du fond, de mettre en place, en étroite relation avec les cours d’appel, un

« Observatoire des litiges judiciaires ».

Les membres de la commission ont constaté que les juges de la Cour de cassation irri- guent en permanence de leurs décisions, parfois de leurs doutes et de leurs hésita- tions, tous les magistrats, les professionnels du droit, les citoyens. Ils ont ainsi été cons- cients que le rapport qu’ils élaboraient ne portait pas seulement sur une institution mais sur la Justice elle-même, sur la façon dont toutes les instances judiciaires permet- tent en temps réel, de manière la plus efficace possible, la réalisation du droit.

Comme on le voit, même si l’objet de ce rap- port est la Cour de cassation en 2030, il ne constitue pas un essai d’anticipation judi- ciaire. Penser l’avenir, ce n’est pas tenter de le prédire. L’exercice serait trop aléatoire et assez vain. C’est bien plutôt penser le pré- sent pour contribuer à l’ouvrir à tous les possibles. Dans le champ de la justice, cela consiste à éclairer les voies nouvelles per- mettant aux magistrats de rendre des décisions répondant toujours mieux aux de- mandes des justiciables, tout en protégeant fermement les valeurs dont ils sont comp- tables, dans une démocratie vivante mais fragile.

Vient maintenant pour nous le temps d’être jugés sur le rapport que nous déposons. Que ceux qui nous liront sachent que leur atten- tion justifie nos efforts. Que ceux qui nous critiqueront de façon constructive soient convaincus qu’ils nous enrichiront. Que ceux qui nous approuveront poursuivent dans les voies que nous avons ouvertes.

Pour moi, fier de la confiance qui m’a été ac- cordée, reconnaissant de l’occasion qui m’a été donnée d’exprimer mes convictions et heureux des amitiés que j’ai trouvées dans cette entreprise, je regarderai avec autant de confiance que d’exigence la Cour de cassa- tion aller vers son avenir.

André Potocki

Juge…...

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Les membres de la commission de réflexion

« Cour de cassation 2030 »

André Potocki

Président de la Commission

André Potocki est conseiller honoraire à la Cour de cassation, où il a siégé pendant six ans.

De 1995 à 2001, il a été juge au Tribunal de première instance de l’Union européenne et, de novembre 2011 à juin 2020, il a siégé en qualité de juge élu au titre de la France à la Cour européenne des droits de l’Homme. Au cours

de sa carrière, il a notamment occupé les fonctions de secrétaire général en juridiction, en particulier à la Cour de cassation, de chef du service des affaires européennes et internatio- nales au ministère de la Justice et de vice-président de la Commission pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe.

Florence Bellivier

Florence Bellivier, agrégée de droit privé, est professeur à l’Université Paris Nanterre.

Spécialiste des liens entre droit et évolutions scientifiques, elle s’intéresse aux bouleversements du droit pénal et du droit civil induits par les biotechnolo- gies. Elle co-dirige, avec Christine Noiville, les Cahiers Droit, Sciences &

Technologies.

Bruno Cathala

Bruno Cathala est actuellement président de la chambre sociale de la Cour de cassation depuis octobre 2018.

Juge des enfants à Rouen puis à Nîmes, il fut détaché en qualité de maître de conférences à l’Ecole nationale de la magistrature. Président du TGI de Mon- targis, il occupa ensuite des fonctions de direction à l’administration centrale du ministère de la justice. Vice-président au TGI de Créteil en 1996, il fut nommé à l’Inspection générale des services judiciaires de 1999 à 2002. Déta- ché auprès Ministère des affaires étrangères, il occupa les fonctions de

Greffier adjoint du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye (2001) puis de directeur des services communs (2002) et de Greffier (2003) à la Cour pénale internatio- nale. Nommé président du tribunal de grande instance d’Evry en 2008, puis premier

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président de la Cour d’appel de Douai en 2014, il rejoint la Cour de cassation en septembre 2017.

François Feltz

François Feltz est premier avocat général honoraire à la Cour de cassation.

Actuellement, il préside le Collège de déontologie du ministère de la justice.

Après un premier poste en qualité de substitut au tribunal de grande ins- tance de Reims à sa sortie de l’Ecole nationale de la magistrature en 1979, François Feltz a poursuivi sa carrière au sein du parquet, en devenant suc- cessivement premier substitut auprès du tribunal de grande instance de

Laon, puis substitut général près la cour d’appel de Douai. En 1991, François Feltz choisit de rejoindre l’inspection générale des services judiciaires où il officia pendant neuf années. A l’issue de cette période, il fut nommé procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers puis, en 2005, avocat général au sein de la cour d’appel de Paris. En novembre 2009, il est nommé à la tête du parquet général de la cour d’appel d’Orléans, avant de se voir confier, en janvier 2012, la direction de l’inspection générale des services judiciaires (actuelle inspection générale de la justice). Enfin, d’octobre 2015 à juin 2018, il exerce les fonctions de Premier avocat général à la Cour de cassation à la deuxième chambre civile.

Catherine Lesage

Catherine Lesage, avocat spécialisé en droit immobilier, droit commercial des affaires et de la concurrence, ancien Bâtonnier, est avocat honoraire depuis le 1 Juillet 2019 après 42 années d’exercice professionnel au barreau de Nantes. Elle fut élue au conseil de l’Ordre en 1984, élection renouvelée régulièrement. Elue dans le même temps, Bâtonnier désigné (2006), Bâton- nier du barreau de Nantes (2007 - 2008) et membre du Conseil National des barreaux durant 2 mandats (2006 - 2011), elle s’impliqua au sein des Commissions « Règles et Usages » et « Formation » avec également un rôle

actif dans le Groupe « Arbitrage » qu’elle contribua à créer, ainsi que dans l’organisation à Nantes de la Convention Nationale des Avocats. Au rang des mandats exercés ensuite figu- rent, ceux de Président du Conseil régional de discipline, Membre de la Commission de contrôle des CARPA, responsable de pôle à l’Ecole des Avocats du Grand Ouest. Elle est actuellement membre du Comité scientifique de la Commission Formation du Conseil Na- tional des Barreaux, ambassadeur de la Fondation de l’Université, et finalise une formation de médiateur.

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François Molinié

François Molinié est avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. An- cien premier secrétaire de la conférence du stage des avocats aux Conseils, il est actuellement le Président de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Il est également Vice-président de la Société de législation comparée.

Angelika Nussberger

Angelika Nussberger est professeure de droit constitutionnel, de droit inter- national et de droit comparé à l’Université de Cologne.

Ses recherches portent sur le développement du droit constitutionnel des États d’Europe centrale et orientale, le développement de la compétence des cours constitutionnelles, l’influence du droit international public sur le déve- loppement du droit interne et le droit social international. Elle dirige l’Institut für osteuropäisches Recht und Rechtsvergleichung (droit de l’Europe de l’Est et droit comparé) de l’Université de Cologne depuis 2002. Elle fut élue, au titre de l’Allemagne, juge à la Cour européenne des droits de l’homme en

2010, puis Vice-présidente en février 2017, fonction qu’elle occupa jusqu’en janvier 2020.

Xavier Ronsin

Xavier Ronsin est depuis mai 2016 premier président de la Cour d’Appel de Rennes et a présidé la conférence nationale des premiers présidents de cour d’appel.

Il a été directeur de l’École nationale de la magistrature (ENM) de 2012 à 2016. Il a également été juge d’instruction à Lorient et Chartres puis procu- reur de la République près les tribunaux de grande instance de Roanne et de Nantes. Ancien directeur adjoint de l’administration pénitentiaire (2002 à

2004) il est l’un des rédacteurs des Règles pénitentiaires européennes, adoptées en janvier 2006 par le Comité des Ministres de la Justice du Conseil de l’Europe. Ancien membre de 2007 à 2017 du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhu- mains et dégradants au titre de la France, expert auprès de la CEPEJ sur les sujets d’intelligence artificielle, il a également été membre de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).

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René Sève

René Sève est directeur des archives de philosophie du droit, contrô- leur budgétaire et comptable ministériel.

Précédemment, il a été directeur de recherche au CNRS et directeur de cabinet du secrétaire d’État au Commerce extérieur. Nommé contrô- leur général économique et financier, il a été chef de la mission de Contrôle économique et financier de l’Audiovisuel public, puis direc- teur général du Centre d’analyse stratégique (qui a succédé au Commissariat général du plan).

Christophe Soulard

Christophe Soulard est actuellement président de la chambre criminelle de la Cour de cassation depuis juillet 2017.

Il y avait précédemment exercé les fonctions de conseiller référendaire, avant d’être nommé premier vice-président au tribunal de grande ins- tance de Metz, puis de réintégrer la Cour de cassation en qualité de

Conseiller. Au cours de sa carrière, il a également exercé pendant 3 ans des fonctions au sein de la Cour de justice des Communautés européennes à Luxembourg et dirigé, pendant 6 ans, un institut européen de formation en droit communautaire destiné aux juges et fonction- naires des pays membres de l’Union ou candidats à l’adhésion.

Carol Xueref

Carol Xueref est administratrice au sein des entreprises IPSEN et Eif- fage et membre du conseil d’administration de l’Association des Juristes Franco-Britanniques.

Précédemment, elle a été membre du collège de l’autorité de la concur- rence et membre fondateur du cercle Montesquieu (association des directeurs juridiques) et secrétaire générale de l’entreprise Essilor In- ternational.

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Sandrine Zientara-Logeay

Sandrine Zientara-Logeay est, depuis 2018, avocate générale à la chambre cri- minelle de la Cour de cassation.

Ancienne Directrice de la Mission de recherche Droit et Justice, elle a été coor- dinatrice du rapport « La Féminisation des métiers du Ministère de la Justice » de l’Inspection générale de la justice. Entrée dans la magistrature en 1990, elle a exercé des fonctions du parquet (comme substitut du procureur à Brest) et du siège (comme juge à Mayotte et vice-président en Polynésie française) et a été avocate générale référendaire à la chambre sociale et à la chambre criminelle de la Cour de cassation. Elle a été aussi en poste à l’administration pénitentiaire, notamment comme chef du bureau du droit pénitentiaire.

(11)

Liste des recommandations de la Commission de réflexion

« Cour de cassation 2030 »

Une Cour suscitant l’adhésion à son autorité

1.

Accroître la diversité du recrutement des membres de la Cour (paragraphe 2.2.1.2)

Renforcer la confiance dans le processus d’élaboration des décisions : 2.

Utiliser plus souvent la motivation enrichie, en y intégrant non seule-

ment la dimension juridique de l’arrêt mais également des explications destinées à faciliter sa compréhension par le plus grand nombre.

(2.2.2.2)

3.

Ouvrir la possibilité d’intégrer une opinion minoritaire dans la moti- vation d’un arrêt, sous une forme anonyme et avec l’accord de la majorité. (2.2.2.2)

4.

Organiser sur certaines « affaires phares » un débat exceptionnel, ap- pelé « procédure interactive ouverte ». (2.2.2.3)

Ouvrir la Cour de cassation aux regards extérieurs

:

5.

Instaurer un mécanisme de retour sur expérience en procédant à l’exa- men rétrospectif annuel d’un échantillon de décisions de la Cour.

(2.2.3.2)

6.

Instituer une relation étroite et permanente de la Cour avec la re-

cherche afin de favoriser une connaissance « réflexive » et prospective

de ses activités. (2.2.3.3)

(12)

Une Cour à la hauteur de la complexité du droit

Structurer le dialogue des juges :

7.

Présenter explicitement les analyses de la Cour lorsqu’elle interroge une des deux cours européennes sur une question de droit. (3.1.1.1)

8.

Promouvoir un dialogue international proactif en appliquant une stra- tégie clairement déterminée. (3.1.1.2)

9.

Permettre à des juges de juridictions supérieures d’États membres de l'Union européenne de siéger à la Cour avec voix consultative. (3.1.1.2)

10.

Créer une structure permanente de dialogue entre le Conseil constitu- tionnel, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. (3.1.1.3)

11.

Instituer une procédure formelle d’avis entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat. (3.1.1.3)

12.

Accroître les compétences du Tribunal des conflits. (3.1.1.3)

13.

Alléger les conditions de recevabilité des demandes d’avis présentées par les juridictions du fond. (3.1.1.4.1)

14.

Instituer auprès du SDER, et en lien avec la bibliothèque de la Cour de cassation, un « service central de documentation judiciaire » pour toutes les juridictions du fond. (3.1.1.4.1)

15.

Organiser annuellement une séance de travail entre chaque chambre de la Cour et des membres des cours d’appel. (3.1.1.4.1)

16.

Faciliter, au cours de la vie professionnelle des magistrats, des alter- nances entre des fonctions à la Cour de cassation et au sein des juridictions du fond. (3.1.1.4.1)

17.

Faire que le pourvoi en cassation soit pleinement une voie d’achève- ment en renforçant, dans l’intérêt du justiciable, l’autorité des arrêts de cassation et en étendant le champ de la cassation sans renvoi.

(3.1.1.4.2)

Amplifier l’intelligence collective de la Cour :

18.

Assurer une veille intellectuelle sur les évolutions significatives de la so- ciété et du droit et notamment sur les « sujets d’intérêt public majeur ».

(3.1.2)

19.

Instituer des « conférences élargies d’évaluation de la jurisprudence ».

(3.1.3)

(13)

Accroître les ressources intellectuelles de la Cour :

20.

Reconnaître l’apport du parquet général et adapter ses tâches et son mode de fonctionnement. (3.2.1.1)

21.

Créer un grand service d’appui aux magistrats. (3.2.1.2)

Garantir la nécessaire prévisibilité du droit :

22.

Rendre progressivement plus fréquente la publication du rapport du conseiller rapporteur et de l’avis de l’avocat général. (3.2.2.2)

23.

Mieux identifier et développer le circuit de l’urgence de la Cour de cas- sation. (3.2.2.3)

24.

Mettre en place, au sein de la Cour, un « Observatoire des litiges judi- ciaires ». (3.2.2.4)

L’indispensable amélioration des moyens informatiques de la Cour de cassation :

25.

Renforcer rapidement et profondément le système d’information de la Cour de cassation. (3.3.1)

26.

Accroître l’autonomie informatique de la Cour de cassation. (3.3.2)

27.

Développer les outils d’échanges virtuels pour les magistrats de la Cour de cassation. (3.3.4)

28.

Rendre possible un échange de données entre la Cour de cassation et les cours d’appel afin d’optimiser le traitement de certains pourvois.

(3.3.5)

29.

Doter la Cour de cassation des moyens nécessaires pour relever le défi de l’open data des décisions judiciaires. (3.3.6)

Une Cour visible, intelligible, accessible

30.

Promouvoir une communication par et sur les acteurs de la Cour, conforme à leur déontologie. (4.1.1.1 et 4.1.1.2)

31.

Modéliser une stratégie proactive de communication, notamment sur

les affaires d’intérêt public majeur. (4.1.1.3)

(14)

32.

Filmer et diffuser les séances préparatoires publiques et les audiences dans les affaires relevant de la procédure interactive ouverte. (4.1.1.3)

33.

Créer un conseil de juridiction de la Cour. (4.1.2)

34.

Renforcer substantiellement les moyens matériels et humains du service de communication. (4.2.1. et 4.2.2)

35.

Doter la Cour d’une fonction de porte-parole. (4.2.1)

36.

Créer la Web TV de la Cour. (4.2.2)

37.

Engager une réflexion sur la modernisation et la simplification des dé-

nominations, symboles et costumes dans l’ensemble des juridictions

judiciaires. (4.3)

(15)

Table des matières

Première partie

Le renforcement des valeurs

en réponse à l’intensification des défis ... 19

1.1. Un monde sous tensions ... 20

1.1.1. L’empreinte de la globalisation ... 20

1.1.2. L’impact de la géopolitique ... 22

1.1.3. La fragilisation des modèles de gouvernance démocratique ... 23

1.1.4. La réduction des espaces de débat démocratique ... 24

1.2. Affirmation des valeurs démocratiques et accroissement de la complexité du droit ... 26

1.2.1. Enracinement des valeurs démocratiques par la densification des sources supra-législatives ... 26

1.2.1.1. De la loi au droit ...26

1.2.1.1.1. Internationalisation croissante et européanisation du droit ...26

1.2.1.1.2. Centralité de la Constitution ...27

1.2.1.2. Primauté des valeurs démocratiques ...27

1.2.1.2.1. Le renouveau universel des droits de l'homme ...27

1.2.1.2.2. La primauté conventionnelle au service des valeurs ...28

1.2.1.2.3. La « constitutionnalisation du droit » ...28

1.2.2. Multiplication des sources et mutations méthodologiques ... 29

1.2.2.1. Complexité des articulations institutionnelles et normatives ...30

1.2.2.2. Enrichissement des processus de décision ...31

Deuxième partie Une Cour suscitant l’adhésion à son autorité ... 32

2.1. La nécessité d’une légitimité repensée ... 33

2.1.1. Une mission essentielle : garantir la fonction protectrice de la prééminence du droit ... 33

2.1.2. Une exigence accrue : asseoir la légitimité d’une fonction normative élargie ... 37

(16)

2.2. Les facteurs indispensables de légitimité ... 39

2.2.1. La confiance dans les juges ... 39

2.2.1.1. Impartialité, déontologie et responsabilité des magistrats de la Cour ... 39

2.2.1.2. Accroître la diversité du recrutement des membres de la Cour ... 41

2.2.2. La confiance dans le processus d’élaboration des décisions ... 42

2.2.2.1. Diversité des circuits de traitement et confiance dans le circuit court... 42

2.2.2.2. Renforcer la motivation des arrêts et introduire « l’opinion séparée intégrée » .... 44

2.2.2.3. Organiser un débat exceptionnel sur certaines « affaires phares » : la « procédure interactive ouverte » ... 46

2.2.3. L’ouverture de la Cour aux regards extérieurs ... 47

2.2.3.1. La question de l’évaluation ... 47

2.2.3.2. Instaurer un mécanisme d’examen rétrospectif d’un échantillon des décisions de la Cour ... 48

2.2.3.3. Ouvrir la Cour à la recherche ... 49

Troisième partie Une Cour à la hauteur de la complexité du droit ... 51

3.1. L’enrichissement de la Cour par l’intelligence collective ... 52

3.1.1. Structurer le dialogue des juges ... 52

3.1.1.1. Intensifier le dialogue avec les juridictions européennes et internationales ... 52

3.1.1.2. Instaurer un dialogue proactif avec les juridictions supérieures judiciaires étrangères... 53

3.1.1.3. Organiser le dialogue avec les autres juridictions supérieures nationales : Conseil constitutionnel et Conseil d’Etat ... 54

3.1.1.4. Créer les conditions d’un dialogue renouvelé avec les juridictions du fond ... 55

3.1.1.4.1. Renforcer les échanges ... 55

3.1.1.4.2. Renforcer la cohérence ... 56

3.1.2. Assurer une veille intellectuelle sur des « sujets d’intérêt public majeur » ... 59

3.1.3. Instituer des « conférences élargies d’évaluation de la jurisprudence » ... 60

3.2. L’exigence d’excellence dans la mise en œuvre du droit ... 62

3.2.1. Accroître les ressources intellectuelles de la Cour ... 62

3.2.1.1. Bénéficier pleinement de l’apport du parquet général ... 62

(17)

3.2.1.2. Créer un grand service d’appui aux magistrats ...65

3.2.2. Garantir la nécessaire prévisibilité du droit ... 67

3.2.2.1. De la sécurité juridique à la prévisibilité ...67

3.2.2.2. Développer les efforts en faveur de la prévisibilité du droit ...68

3.2.2.3. Prendre en considération l’urgence ...70

3.2.2.4. Mettre en place, au sein de la Cour, un « Observatoire des litiges judiciaires » ...71

3.3. L’indispensable amélioration des moyens informatiques de la Cour ... 73

3.3.1. Régénérer le système d’information de la Cour ... 73

3.3.2. Accroître l’autonomie informatique de la Cour ... 74

3.3.3. Rénover le « bureau virtuel » des conseillers à la Cour ... 74

3.3.4. Créer un espace délibératif virtuel pour les magistrats de la Cour .... 75

3.3.5. Rendre possible un échange de données avec les juridictions du fond ... 75

3.3.6. Relever le défi de l’open data des décisions judiciaires ... 76

Quatrième partie Une Cour visible, intelligible, accessible ... 78

4.1. Définir une politique de communication audacieuse : un enjeu majeur pour la Cour au XXIème siècle ... 79

4.1.1. Promouvoir une image de la Cour conforme à la réalité ... 81

4.1.1.1. Faire connaître l’institution ...81

4.1.1.2. Incarner les acteurs ...82

4.1.1.3. Développer la communication sur les affaires particulières ...83

4.1.2. Créer un conseil de juridiction de la Cour... 85

4.2. Construire un grand service de communication ... 86

4.2.1. Accroître les moyens humains de la communication ... 86

4.2.2. Adapter ses outils à des publics ciblés ... 86

4.3. Moderniser les dénominations, représentations

et symboles : l’exigence de simplification ... 87

(18)

Introduction

La Cour de cassation est en osmose avec le monde qui l’entoure et il est essentiel qu’elle en ait conscience. Par mutations brusques ou par évolution progressive, notre envi- ronnement aux composantes multiples exerce une profonde influence sur toutes les institutions, y compris juridictionnelles, et notamment les cours supérieures. Observer ce phénomène offre des clefs pour comprendre leur situation présente et fournit des pistes pour préparer leur adaptation à l’avenir. C’est pourquoi la lettre de mission instituant notre com- mission nous a invités à « ne pas considérer la Cour de cassation de façon isolée mais [à] la placer dans un ensemble de phénomènes reliés entre eux et interdépendants ». A cette fin, il nous a été demandé « d’abord, d’examiner les grandes tendances qui se dessinent dans l’en- vironnement juridique, institutionnel et international de la Cour de cassation ». A cette demande la première partie du rapport apporte une réponse qui permettra de mieux com- prendre les principaux défis auxquels la Cour de cassation sera confrontée au XXIème siècle (partie 1). Les trois parties suivantes, plus programmatiques, développent les analyses et re- commandations proposées par la commission pour permettre à la Cour1 de relever ces différents défis. Pour assurer la prééminence des valeurs démocratiques, la légitimité de la Cour et l’adhésion à son autorité devront être renforcées (partie 2). Afin de faire face à la complexité du droit, la Cour devra s’enrichir par l’intelligence collective, gagner en excellence et optimiser l’usage des nouvelles technologies (partie 3). Enfin, la Cour devra réussir sa révolution communicationnelle pour devenir plus visible, lisible et accessible (partie 4).

1 Conformément à l’usage, le terme « la Cour », écrit avec une majuscule, désigne nécessairement la Cour de cassation.

(19)

Première partie

Le renforcement des valeurs en

réponse à l’intensification des défis

(20)

Multidimensionnel, espace de diversité et de relations coopératives ou conflictuelles, chan- geant au rythme du temps, l’environnement, ou plus exactement « les » environnements, de la Cour de cassation sont marqués par une complexité et une instabilité porteuse de multiples défis pour celles et ceux qui ont mission de « rendre la justice ».

1.1. Un monde sous tensions

1.1.1. L’empreinte de la globalisation C’est sans doute cette contraction du temps

et de l’espace, que l’on a coutume de dési- gner par le mot de « globalisation »2, qui marque immédiatement celui qui observe notre environnement. Ce phénomène est en relation avec celui, proche mais différent, de la « mondialisation » avec laquelle on pour- rait le confondre. Cette dernière recouvre essentiellement une ouverture progressive du monde aux échanges de toutes natures. « La mondialisation est un processus histo- rique de diffusion spatiale de l’information à travers les frontières nationales, fruit de l’ou- verture des mentalités, du progrès technique et des échanges culturels et économiques »3. La globalisation, pour sa part, est définie comme issue de la conjonction d’une doc- trine, le « néolibéralisme »4, et de fortes mutations technologiques. Si le néolibéra- lisme n’est plus revendiqué ouvertement comme il l’était dans les années quatre- vingts, il conserve encore une forte influence dans certaines sphères économiques et poli- tiques. Cette doctrine se caractérise par « la soumission de l’action individuelle et pu- blique à la rationalité économique (l’individu calculant, l’État entrepreneur), la promotion unilatérale de la ‘concurrence’ dans toutes les sphères de la société, un étatisme renforcé mis au service du marché et un horizon d’« égale inégalité pour tous »5. Le dévelop- pement vertigineux des techniques de

2 Sur l’idée que la globalisation dont il est question ici n’est pas la première dans l’histoire moderne : D. Kennedy, Three Globalizations of Law and Legal Thought: 1850–2000, in D.M. Trubek & A. Santos (eds), The New Law And Economic Development 19 (2006), 25–71.

3M. Bruley, « Système d'Information Décisionnel » (https://www.decideo.fr/bruley/Definition-de-la-globalisation-ne-pas- confondre-mondialisation-et-globalisation_a159.html)

4Le néolibéralisme se distingue nettement du libéralisme, auquel il s’oppose même sous certains aspects. Cf. M. Fœssel

« Néolibéralisme versus libéralisme ? » (https://esprit.presse.fr/article/michael-foessel/neoliberalisme-versus-liberalisme- 14660)

5 M. Fœssel ibidem

traitement et de transmission des informa- tions ainsi que la baisse des coûts et le gigantisme des moyens de transport, notam- ment maritimes, ont favorisé une concurrence s’exerçant d’autant plus facile- ment sur des marchés immenses que les autorités politiques ont procédé à l’élimina- tion des obstacles au commerce et à l’investissement par une politique de mise en compétition active. L’interaction entre néo- libéralisme et révolution technologique a conduit à l’intégration des marchés à l’échelle globale, à la dématérialisation des échanges et à la financiarisation des activités.

La structuration de l’économie globale s’en trouve à son tour profondément modifiée : un réseau complexe de chaînes de valeurs imbrique désormais les économies natio- nales dans des processus transfrontières sophistiqués, mêlant la coopération, l’inter- dépendance et la concurrence. Dans ce contexte ont surgi des entreprises multina- tionales, grandes banques, principaux constructeurs automobiles ou « GAFA », dont la puissance dépasse souvent celle des États.

Même si les diverses crises qui se sont suc- cédé ont conduit à mettre en cause la place centrale concédée à « l’entreprise de soi », que promeut la globalisation, celle-ci, indis- sociable des avancées des nouvelles

(21)

technologies, est un phénomène pérenne, dont l’influence sur le droit et la justice, en particulier dans le champ économique, ne peut être ignorée. Quelques observations, nécessairement lacunaires, méritent d’être gardées à l’esprit. Dans la logique néolibé- rale, le droit n’est porteur d’aucun projet collectif ; il ne constitue qu’un ensemble d’informations qui, comme les prix, permet aux particuliers de déterminer la stratégie qui leur paraitra la plus adaptée pour satisfaire leurs intérêts personnels. Au surplus, « en permettant de rompre avec l’unité de temps, de lieu et d’action qui caractérise l’organisa- tion traditionnelle du travail (Perin, 1998 ; Lallé, 1999), les TIC [technologies de l’infor- mation et de la communication] permettent le développement de nouvelles formes de travail déspatialisé (…)6 » C’est pourquoi, fonctionnellement et intellectuellement, la globalisation porte un puissant mouvement de privatisation de l’ensemble du droit : ce sont essentiellement les individus qui règlent par le contrat la multiplicité de leurs relations et les États sont incités à intégrer la valeur d’efficience au service d’une concurrence aussi libre que possible7. En conséquence, tandis que les juridictions administratives

6 L. Taskin, « La déspatialisation, enjeu de gestion », - Revue française de gestion, 2010/3 (n° 202), pages 61 à 76

7 Cet aspect peut être rapproché des propos d’Alain Supiot tenus lors de son audition par la commission, le 18 décembre 2021 : « [la révolution informatique] pousse à voir dans les individus des particules communicantes et contractantes et la société comme une poussière d’individus qui s’ajustent mutuellement par des calculs. Ces individus étant armés des mêmes droits, la règle est « que le meilleur gagne ». L’horizon d’une telle représentation est une contractualisation intégrale des rapports sociaux. L’Etat lui-même est conçu comme une entreprise. On oublie que ce qui fait une société, telle que définie déjà dans le Digeste, c’est un projet commun, c’est-à-dire une troisième dimension, qui transcende les relations bilatérales entre individus. Or la notion dominante aujourd’hui, qui a du reste été consacrée par la Cour européenne des droits de l'Homme, est celle du « vivre ensemble », c’est-à-dire d’une juxtaposition d’individus » Annexe n° 2.14.

8 Outre le mouvement de privatisation d’entreprises qui relevaient du domaine du droit administratif, la manifestation la plus symbolique de cette évolution est la loi n° 874-99 du 6 juillet 1987 transférant le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence à la juridiction judiciaire.

9 A. Garapon, « Le monde, un défi pour le juge français du XXIe siècle », Les Cahiers de la Justice, 2013/3

10 Idem.

11 Ibidem.

ont vu leur champ de compétence partielle- ment réduit8, les juridictions judiciaires sont confrontées, dans le domaine des relations privées, à une puissante concurrence de la part des organismes d’arbitrage mais aussi par des modes alternatifs de résolution voire d’évitement des conflits. En outre, la mon- dialisation, au sens rappelé ci-dessus, irrigue l’ensemble des contentieux, même ceux qui ne comportent pas de dimension internatio- nale car elle « opère une mise en présence de cultures, d’idées et de concepts qui imprè- gnent tous les secteurs, et donc également le droit et la justice »9 et « le ‘monde qui nous entoure’ dans ce sens-là est comme un envi- ronnement (c’est la métaphore qu’employait Foucault), qui exerce une pression de ma- nière diffuse, latérale et enveloppante »10. A la fois partenaire des cours supérieures des principaux pays et guide des juridictions ju- diciaires internes, la Cour de cassation est mise au défi de connaître, comprendre et maîtriser ce vaste mouvement d’idées, de dé- bats et d’influences qui anime perpétuellement l’espace judiciaire mondial :

« Le juge français sera plus reconnu par le monde à mesure de ce qu’il reconnaîtra le monde dans ses propres jugements »11.

(22)

1.1.2. L’impact de la géopolitique12 Pour beaucoup de juristes, il n’est peut-être

pas évident que la situation géopolitique soit pertinente pour envisager l’avenir de la Cour de cassation. Pourtant, à maints égards, l’ac- tion de celle-ci peut être influencée, voire conditionnée, par des tensions ou des con- flits de cet ordre. Il suffit de penser, à titre d’illustration, à la nature de certains conten- tieux contractuels spécifiques, via le contrôle des sentences arbitrales, à la situation juri- dique de migrants fuyant des zones de guerre, à des procédures pénales anti-terro- ristes dérogatoires, aux conséquences de la gestation pour autrui

pratiquée licitement à l’étranger sur les actes de l’état civil d’un Etat qui l’interdit, etc. De même, la coopération judiciaire, qu’il s’agisse de vérifier la validité de mécanismes d’entraide

ou de nouer des relations intellectuelles avec des juridictions d’autres États, est en réson- nance avec cette dimension internationale.

Par ailleurs, la mise en œuvre des normes in- ternationales comporte des enjeux de souveraineté qui doivent être connus d’une juridiction du niveau de la Cour de cassation.

Sans entrer dans une analyse détaillée des évolutions en cours, certaines d’entre elles méritent d’être soulignées. Tout d’abord, les luttes pour l’hégémonie mondiale ou régio- nale, dans un monde où le leadership américain est devenu à la fois relatif et con- testé, conduisent à des tensions répétées, qui affaiblissent les structures multilatérales et fragmentent le droit international public.

Ensuite, la multiplication et la superposition

12 Désignant au sens strict une rivalité de pouvoirs sur ou pour du territoire, le terme de « géopolitique » est utilisé ici dans l’acception plus large qui lui est fréquemment donnée de rivalités entre des pouvoirs étatiques ou paraétatiques portant sur des espaces d’influence, en y incluant les crises qui influent sur ces rivalités. (cf. Y. Lacoste, « Définir la géopolitique » (https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277002-definir-la-geopolitique-par-yves-lacoste)

13 Construits en vue de prévenir l’usage de la force par les échanges économiques, ces mécanismes sont aussi destinés désormais à protéger les citoyens européens, ce qui rend préoccupant leur dysfonctionnement : en témoignent les hésita- tions des juges de certains États membres à mettre en œuvre le mandat d’arrêt européen à la demande d’un autre État membre contre lequel la Commission européenne invoque l’existence d’un risque clair de violation grave de l’état de droit (cf. pour la Pologne : https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2018-07/cp180113fr.pdf)

des crises graves de toutes natures (finan- cière, budgétaire, migratoire, terroriste, environnementale et climatique, sanitaire) désorientent les gouvernements, constituent des épreuves pour la solidarité des États au détriment des plus faibles, suscitent parmi les populations inquiétude et contestation.

Au surplus, la zone de stabilité et de richesse progressivement construite par l’intégration européenne est elle-même fragilisée. La dif- ficulté à décider ensemble d’une politique commune en matière de migration, la re- cherche d’un équilibre entre l’obligation de

protéger les populations contre les agres- sions terroristes et celle de respecter les droits fondamentaux, la crise financière tra- versée par la Grèce en 2008, la sécession chaotique du Royaume-Uni, la distance prise par certains pays d’Europe centrale avec les valeurs fondatrices de l'Union européenne ont créé des clivages dangereux entre les États membres. Les forces centrifuges qui s’exercent dans de telles occasions mettent en cause le principe moteur de « confiance légitime » entre les États membres et sont susceptibles de paralyser le fonctionnement des instruments de coopération et de régula- tion très intégrés institués par l'Union européenne13. Dans ce contexte, le néces- saire dynamisme du dialogue entre les cours

" Ainsi, la Cour de cassation doit penser

son proche avenir dans un environnement

géopolitique européen et international

complexe et troublé. "

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supérieures nationales et les deux cours eu- ropéennes doit être conduit en ayant à l’esprit l’importance du dispositif juridic- tionnel européen et sa relative fragilité.

Ainsi, la Cour de cassation doit penser son proche avenir dans un environnement géo- politique européen et international complexe et troublé.

1.1.3. La fragilisation des modèles de gouvernance14 démocratique

Bénéficiant de la réorganisation et de la re- lance économique mises en œuvre à l’issue de la Seconde guerre mondiale, soudées par la bipolarisation instituée par la « guerre froide » et par le dynamisme économique et social des « Trente glorieuses », les démocra- ties libérales occidentales ont eu un bref sentiment d’accomplissement et de pérenni- sation de leur modèle lors de l’effondrement du bloc soviétique15. Depuis lors, les crises économiques et financières, les guerres, les migrations, le terrorisme, la menace environ- nementale et la pandémie changent la donne pour les démocraties libérales, assaillies par le doute sur elles-mêmes et des contestations multiples. Elles coexistent dans le monde avec des zones de profond chaos et de mi- sère extrême, ainsi qu’avec des régimes autoritaires, dont certains manifestent des réminiscences impériales.

Les démocraties libérales font face à une double menace. A l’intérieur, leur modèle est mis en cause du fait de la convergence de ressentiments suscités par de multiples fac- teurs : défiance des citoyens à l’égard des responsables politiques, perçus comme loin- tains et dépassés ; accroissement des inégalités16 sous l’effet de la concurrence mondiale et des technologies destructrices d’emplois ; fragmentation d’une population

14 Sur le concept de « gouvernance », préféré ici à celui de « gouvernement », v. P. Kjaer, Between Governing and Governance. On the Emergence, Function and Form of Europe's Post-National Constellation, Hart publishing, Oxford, 2010.

15 « De son côté, Francis Fukuyama rencontrait une audience mondiale en affirmant que l’histoire, elle aussi, touchait à sa fin. Ce par quoi il fallait comprendre non pas qu’il n’y aurait plus d’événements ni de conflits, mais qu’on ne pourrait désormais plus imaginer d’autre forme d’organisation politique plausible que celle reposant sur le couplage de l’économie de marché et d’un système de démocratie parlementaire » : A. Caillé, P. Chanial, et F. Gauthier, « Présentation », Revue du MAUSS, vol. 49, no. 1, 2017, pp. 5-26.

16 T. Piketty, Capital et idéologie, Le Seuil, p. 36 et s. Pour la France, le constat peut être plus nuancé, compte tenu notamment du maintien du système de protection sociale (voir, à cet égard, H. Le Bras, Se sentir mal dans une France qui va bien. La société paradoxale, L’Aube, 2019).

17 N. Baverez, « Les démocratures contre la démocratie », Pouvoirs, 2019/2, n° 169.

que ne soude plus une culture commune et que divisent des discriminations encore chroniques. S’est ainsi installé ce que l’histo- rien belge David Van Reybrouck qualifie de syndrome de « fatigue démocratique ». A l’extérieur, un modèle concurrent a surgi, in- carné par plusieurs grandes puissances, « qui se revendique comme plus stable, plus effi- cace et plus apte à répondre aux attentes du peuple que la démocratie, qu’il s’agisse de prospérité, de cohésion sociale ou de sécu- rité […] [Ce modèle] se caractérise par un mode de gouvernement autoritaire organisé autour du culte d’un homme fort et de l’exa- cerbation des passions identitaires, nationales et religieuses »17. Au cœur même de l’Europe, une version atténuée de ces ré- gimes s’est progressivement affirmée dans des pays qui avaient connu la démocratie avant d’être intégrés dans le bloc soviétique.

Désignés par le politologue américain Fa- reed Zakaria comme des « démocraties

(24)

illibérales », ces modes de gouvernance qu’il- lustrent notamment la Hongrie et la Pologne, ont réduit considérable-

ment les libertés, s’appliquant prioritairement à prendre le con- trôle de la justice, des médias et des universités et à limiter strictement toutes les formes d’opposition.

Dans les pays démocratiques, une dangereuse conjonction s’opère entre, d’une part, la rareté et la pré-

carité des emplois, dont la rémunération est utilisée comme variable d’ajustement dans un environnement de concurrence sévère, et, d’autre part, l’accroissement des inégalités entre ceux capables de s’adapter à des muta- tions économiques incessantes et les autres.

Se forme ainsi une « société du déclasse- ment »18. La fragilisation de l’Etat- providence et l’inégal accès au progrès social développent des ressentiments que capte ai- sément un populisme dont les thèmes simplificateurs séduisent ceux qui se sentent laissés pour compte. La tentation est alors forte de rechercher des suffrages en instru- mentalisant des thèmes aussi éruptifs que celui de l’identité ou de la laïcité dans des po- pulations marquées par les diversités multiples et par des menaces aussi radicales que la grande pauvreté et le terrorisme. Ce risque est accru par le fait qu’à la

jonction du géopolitique, du politique et du privé, il est manifeste que « loin que les

croyances et les passions religieuses se re- trouvent toujours plus confinées dans l’espace privé, elles font en réalité de plus en plus irruption dans l’espace public, jusqu’à se retrouver au cœur des débats politique les plus centraux et les plus chauds d’au- jourd’hui »19.

Ce mélange de doute, de déception et de contestation marque les contentieux soumis à la justice. Il suscite également, à côté de cri- tiques légitimes, des réactions aussi irrationnelles que violentes aux arrêts que rend la Cour de cassation dans des domaines où le droit tangente la politique. Il appartient à la Cour de développer des pratiques propres à susciter la confiance dans l’action des juges. C’est notamment à la recherche de telles pratiques que le présent rapport en- tend contribuer.

1.1.4. La réduction des espaces de débat démocratique Confrontés à la complexité et aux incerti-

tudes d’une organisation sociale qui ne satisfait pleinement ni le besoin de sécurité ni l’exigence de liberté, ne disposant plus de repères idéologiques ou religieux, isolés par la disparition des collectivités familiales, pro- fessionnelles ou de proximité sociale, que ne pallient pas les relations virtuelles qu’offre Internet, beaucoup d’individus se sentent désorientés dans ce que le sociologue Zygmunt Bauman a qualifié, par une méta- phore fameuse, de « modernité liquide ». Ils

18 O. Nachtwey, La société du déclassement : la contestation à l'ère de la modernité régressive, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2020.

19 A. Caillé, P. Chanial, et F. Gauthier, « Présentation » précitée.

sont alors exposés à des tentations régres- sives pouvant prendre de multiples formes : repli majoritaire et violence minoritaire, fer- meture nationaliste, fondamentalismes religieux, refus de la réalité, etc.

Étudiant les mécanismes d’adhésion aux idéologies totalitaires, le sociologue et psy- chanalyste allemand Erich Fromm a montré comment le sentiment d’impuissance et de dévalorisation pousse les individus à la vio- lence : « Je peux échapper aux sentiments de

" Il appartient à la Cour de

développer des pratiques

propres à susciter la confiance

dans l’action des juges. "

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ma propre impuissance vis-à-vis du monde qui m’est extérieur en le détruisant » 20 .

Nombreux sont ceux qui, face à une réalité dont ils peinent à accepter les contraintes et les frustrations, s’engagent dans une relativi- sation systématique de l’objectivité factuelle, que les réseaux sociaux amplifient au-delà de toute limite. Au mieux, l’advocacy (le plai- doyer, la sensibilisation) remplace l’accuracy (l’exactitude, la précision). Mais bien sou- vent, l’idée même d’une vérité objective est niée. Pour utiliser des expressions améri- caines devenues courantes, les efforts de fact checking (vérification factuelle) ne peuvent désactiver les flots de fake news (informations fallacieuses ou « infox »). Entretenu par de puissants groupes de pression et par des per- sonnalités politiques en charge des plus hautes responsabilités, le déni s’installe face à de graves menaces collectives, telles que la crise climatique, l’épuisement des ressources naturelles et la fracture sociale. Les mesures radicales et simplificatrices, comme l’ac- croissement massif de la répression, la fermeture des frontières, le contrôle social

généralisé éclipsent les options élaborées dans un dialogue réfléchi.

Or le cœur de la démocratie se situe dans le débat qu’il convient d’instaurer à tous les niveaux de la vie sociale, dès lors que s’y déploie ce que le philosophe Karl Pop- per appelait le « pluralisme critique », c’est-à-dire une ouverture à la différence d’opinions et de comporte- ments, à la condition que ces différences puisent être sou- mises à discussion et réfutation, le tout dans une acceptation partagée de la vérité au moins factuelle21. C’est ce débat que les fac- teurs actuels de crispation sociale tarissent, risquant de stériliser ainsi la démocratie elle- même. Il appartient aux institutions structu- rant la société de travailler à le revivifier. Si le devoir des responsables politiques à cet égard est essentiel, la justice, et donc la Cour de cassation, doit être un acteur de premier plan. Elle dispose pour cela de puissants atouts car il lui revient de traiter les situations conflictuelles au moyen d’outils procédu- raux exprimant des valeurs de loyauté, de respect et d’écoute, sous le regard de l’opi- nion publique. Elle constitue donc un laboratoire et une vitrine de « sociabilité dé-

mocratique ». Elle détient

institutionnellement une puissante autorité qu’il lui faut mettre en œuvre avec attention, ouverture et mesure, en faisant de l’élabora- tion de la justice un espace vivant de dialogue démocratique.

20 Dans un livre fameux, La peur de la liberté, publié en 1941, Erich Fromm a étudié les mécanismes socio-psychologiques qui expliquent l'adhésion à des idéologies autoritaires comme le nazisme ou le fascisme.

21 Cette réflexion sur la démocratie, que Karl Popper a transposée de sa pensée scientifique vers la science politique, a été élaborée dans plusieurs ouvrages et conférences et notamment, The Open Society and its ennemies, Londres, Routledge & Kegan, 1945.

" Elle détient institutionnellement

une puissante autorité qu’il lui faut

mettre en œuvre avec attention,

ouverture et mesure, en faisant de

l’élaboration de la justice un espace

vivant de dialogue démocratique. "

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1.2. Affirmation des valeurs démocratiques et accroissement de la complexité du droit

Le droit français, et notamment ses branches civile et pénale qu’applique la Cour de cassa- tion, traverse depuis plus d’un demi-siècle une période de profonde et rapide mutation qui, même si elle est bien connue, mérite d’être rappelée car elle oriente une partie des

choix pour l’avenir. En un mot, ses sources normatives se sont multipliées, entraînant à la fois un rehaussement du statut juridique des droits fondamentaux et une complexité croissante de la mise en œuvre du droit in- terne.

1.2.1. Enracinement des valeurs démocratiques par la densification des sources supra-législatives22

1.2.1.1. De la loi au droit

Historiquement organisé autour du légicentrisme et de la souveraineté nationale, le droit français est désormais un ensemble composite de normes d’origines diverses, faisant une large place aux droits fondamentaux.

1.2.1.1.1. Internationalisation croissante et eu- ropéanisation du droit

Le développement de la mondialisation et la multiplication des échanges de toute nature qui en est résulté ont accru la nécessité de disposer d’instruments juridiques permet- tant d’ordonner ces relations toujours plus denses entre des ensembles juridiques, poli- tiques et culturels

différents. Les mé- canismes

classiques du droit international privé et les règles de droit pénal inter- national ont élaboré progressi- vement, selon des schémas très so- phistiqués, des

22 Une étude plus approfondie que ne le permet le présent rapport devrait également faire une place aux sources infra- législatives et notamment à la soft-law : cf. sur ce point M. Ailincai (dir.), Soft Law et droits fondamentaux, Pedone, 2017.

23 Parmi celles qu’utilisent fréquemment les magistrats, on peut mentionner à titre d’illustration : la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 ; la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ; les conventions de l'Organisation internationale du travail ; de

répartitions de souveraineté concernant la loi applicable, le juge compétent et l’exécu- tion des décisions de justice. Sur certains sujets qui s’y prêtaient, notamment en raison de leur internationalité, des réseaux de con- ventions internationales toujours plus denses se sont développés, offrant des règles substantielles unifiées ou des mécanismes améliorant la coopération interétatique23.

" Historiquement organisé autour du

légicentrisme et de la souveraineté

nationale, le droit français est

désormais un ensemble composite de

normes d’origines diverses, faisant une

large place aux droits fondamentaux. "

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La construction européenne a produit une accélération spectaculaire dans le rapproche- ment de nombreux États du continent. Ceux qui sont parties à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la Conven- tion européenne des droits de l'homme ou la CEDH) ont intégré des standards minimaux communs des droits et libertés énoncés par cet instrument international et ceux d’entre ces pays qui sont également membres de l'Union européenne sont entrés dans un im- portant processus d’unification économique et juridique toujours en cours.

1.2.1.1.2. Centralité de la Constitution La Constitution de 1958 et ses évolutions successives donnent une place centrale à la Constitution, que traduit la montée progres- sive du rôle du Conseil constitutionnel, et relativisent corrélativement la loi tradition- nellement conçue comme expression de la volonté générale. Comme le relève Pierre Brunet, en énonçant que « la loi votée... n’ex- prime la volonté générale que dans le respect de la Constitution24 », le Conseil constitu- tionnel a opéré un glissement en vertu duquel « parce que la loi doit être conforme à la Constitution, elle doit être contrôlée conformément à la Constitution ; parce que la volonté générale réside dans la Constitu- tion, ceux qui en assurent le respect apparaissent à certains comme des représen- tants »25.

1.2.1.2. Primauté des valeurs démocratiques 1.2.1.2.1. Le renouveau universel des droits de

l'homme

La puissance destructrice de la Seconde guerre mondiale et le naufrage humanitaire qui l’avait précédée et accompagnée ont conduit à une réaction collective de grande portée. Sont ainsi apparus les premiers pi- liers d’une véritable justice pénale internationale : l’Accord de Londres du 8 août 1945 instituant le Tribunal militaire in- ternational de Nuremberg chargé de juger « les grands criminels de guerre des pays euro- péens de l’Axe » et la Convention pour la prévention et la répression du crime de gé- nocide de 1948, inspirée par l’action de Raphael Lemkin26. Au-delà de cet objectif de répression justifié par l’ampleur des crimes commis, les droits de l'homme trouvèrent un puissant appui au sein de l’Organisation

nombreuses conventions bilatérales en matière d’entraide pénale internationale conclues avec des pays non membres de l'Union européenne, etc.

24 Décision 85-197 DC, 23 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie.

25 P. Brunet, « Que reste-t-il de la volonté générale ? Sur les nouvelles fictions du droit constitutionnel français », Pouvoirs, vol. 114, no. 3, 2005, pp. 5-19.

26 R. Badinter « De Nuremberg à la Haye », Revue internationale de droit pénal, 2004/3-4 (Vol. 75), pp. 699-707. Voir également sur cette période le très beau livre de Philippe Sands, Retour à Lemberg, Albin Michel, 2017.

des Nations Unies, fondée en 1945 pour as- surer la paix en tirant les leçons de l’échec de la Société des Nations (SDN). En 1948 fut adoptée la Déclaration universelle des droits de l’homme proclamant les valeurs huma- nistes et leur nécessaire protection par le droit. Cette déclaration, véritable matrice des droits fondamentaux, comporte un préam- bule solennel dans lequel on peut notamment lire ces deux affirmations cé- lèbres : « Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la ré- volte contre la tyrannie et l'oppression, (…) Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Or- ganisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales, (…) ». Malgré sa

(28)

grande autorité morale, ce texte n’a pas de force normative. C’est en 1966 que l’Assem- blée générale des Nations Unies a adopté deux traités qui en concrétisent le contenu : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, même s’ils ont été rati- fiés par de nombreux États, l’application effective de ces textes rencontre de multiples obstacles. Dans les faits, pour ce qui con- cerne le continent européen, la mise en œuvre tangible des droits les plus importants qu’ils consacrent s’est effectuée par les deux grands traités qui ont structuré la construc- tion européenne.

1.2.1.2.2. La primauté conventionnelle au ser- vice des valeurs

Le noyau dur de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été repris dans la Convention européenne des droits de l'homme, signée à

Rome en 1950. Plu- sieurs facteurs expliquent l’em- preinte profonde et dynamique de cette dernière sur l’ordre juridique français : politiquement, elle

établit un lien explicite dans son préambule entre les libertés fondamentales et « un ré- gime politique véritablement démocratique » ; juridiquement, en vertu de l'article 55 de la Constitution, elle dispose d’une autorité normative supra-législative ; fonctionnellement, elle apporte une nou- veauté décisive, en instituant une juridiction chargée d’en assurer le respect et l’interpré- tation, qui peut être saisie, après épuisement des voies de recours internes, par toutes les personnes qui se prétendent victimes d’une violation des droits qu’elle protège ; en outre, elle bénéficie devant les juridictions

27 Cf. notamment dans le domaine social : A. Bailleux, « La Cour de justice, la Charte des droits fondamentaux et l’intensité normative des droits sociaux », Revue de droit social, 2014/3, pp. 284- 308 (https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A166471/datastream/PDF_01/view).

internes d’une invocabilité directe qui en as- sure largement la diffusion dans les rapports de droit.

Cette révolution normative et axiologique est puissamment soutenue par l'Union euro- péenne, pilier central de la construction européenne, issue après métamorphoses successives du Traité instituant la Commu- nauté économique européenne, signé à Rome en 1957. Initialement orientée vers les domaines économiques, cette organisation dispose d’un pouvoir intégrateur particuliè- rement efficace. Développant progressivement ses compétences au-delà de son champ économique d’origine, elle a d’abord accueilli l’essentiel des droits proté- gés par la CEDH, avant d’être elle-même dotée d’une « Charte des droits fondamen- taux », reflet modernisé de la CEDH.

Toutefois, consacrant à la fois des droits et des principes, l’intensité normative de ses dispositions fait l’objet d’une jurisprudence

complexe de la Cour de justice27. Ce mouve- ment conventionnel de promotion des droits de l'homme a été encore renforcé par le phénomène interne de « constitutionnali- sation » du droit.

1.2.1.2.3. La « constitutionnalisation du droit »

Une fois passé le bouillonnement révolu- tionnaire, les textes constitutionnels français ont été essentiellement consacrés aux règles d’organisation et de fonctionnement de l’Etat. Comme pour le développement con- ventionnel des droits de l'homme, c’est le naufrage des valeurs fondamentales ayant abouti à la Seconde guerre mondiale qui a

" Cette révolution normative et

axiologique est puissamment soutenue

par l'Union européenne, pilier central

de la construction européenne. "

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