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View of Sarah Sepulchre, dir. Décoder les séries télévisées.

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Academic year: 2021

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137 Image & Narrative, Vol 12, No 3 (2011)

Sarah Sepulchre, dir. Décoder les séries télévisées.

Bruxelles: De Boeck, coll. InfoCom, 2011-06-22 ISBN 978-2-8041-6375-4

Jan Baetens

Dans l'excellente collection "InfoCom", animée chez De Boek par l'équipe de l'Observatoire du Récit Médiatique à l'UCL, vient de paraître un volume remarquable, dirigé par Sarah Sepulchre et réunissant des auteurs confirmés et débutants, qui combine les qualités et mérites de plusieurs catégories. C'est, comme manuel mais aussi comme livre de recherche, un vrai modèle du genre ou plutôt des genres, qui tous s'épaulent et se renforcent utilement ici.

Dans son introduction, Éric Maigret évoque les deux extrêmes entre lesquelles oscille notre fascination pour le petit écran: téléphobie (oui, nous sommes tous des enfants d'Adorno) et sériephilie (oui, nous sommes accros à ce format dont nous pensons sincèrement qu'il est en train, sinon de sauver, du moins de modifier radicalement la télévision). Décoder les séries télévisées est une contribution essentielle à ce débat et les éléments qu'il apporte offrent un bel échantillon des savoirs et des méthodes qu'il est possible de mobiliser pour aboutir à une vue plus fondée, plus fouillée, et finalement plus juste aussi, d'un phénomène de médias et de société dont l'importance est encore loin d'être reconnue à sa véritable valeur.

Décoder les séries télévisées offre au lecteur quatre types d'outils. Tout d'abord, une vue d'ensemble des séries télévisées, aussi bien du point de vue de la production et de la réception que du point de vue de la série comme objet, c'est-à-dire comme récit télévisuel inscrit au cœur de structures médiatiques en évolution permanente. C'est du reste un plaisir de constater que tous les participants au volume attachent beaucoup d'importance à la dimension historique de la notion de série, qui se voit analysée aussi au-delà des seules frontières de la télévision. Ensuite, des études détaillées de sept aspects clé des séries, dont par exemple la construction des personnages ou le rapport au réel. Sur ce point, on ne peut qu'admirer le travail réalisé par Sarah Sepulchre, qui est parvenue à diriger le travail des participants de manière à obtenir un ensemble homogène mais varié, et vice versa, qui évite les redoublements inutiles tout en donnant une place à chaque sujet essentiel . Après lecture du livre, on a vraiment l'impression d'avoir fait le tour du sujet, sans avoir jamais été gêné ou embarrassé par des redites gênantes ou inutiles. Troisièmement, Décoder les séries télévisées est aussi un livre dont les chapitres

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dépassent le descriptif: on trouve certes partout un état de la question et une présentation très claire et didactique des problèmes et enjeux de chaque aspect ou dimension, mais très régulièrement les participants, qui interviennent tous sur des sujets dont ils sont spécialistes, nous font profiter aussi de leurs interrogations personnelles et des questions actuelles qui orientent et déterminent leurs propres recherches de pointe. En quatrième lieu et enfin, le volume contient également une panoplie impressionnante d'adjuvants proprement pédagogiques, qui son en plus d'une facilité d'emploi étonnante. Les textes alternent avec des encadrés qui permettent de creuser telle ou telle dimension du sujet. Ils se terminent par des synthèses dont on apprécie fortement la présence et qui ajoutent fortement à l'unité du livre. Les auteurs définissent judicieusement un grand nombre de concepts, notamment ceux qu'on peut avoir tendance à confondre avec un brin de paresse intellectuelle, soit en expliquant les différences entre termes proches (série et feuilleton, par exemple), soit encore en définissant les nombreux néologismes anglo-saxons que l'on utilise parfois sans trop les comprendre ou sans en comprendre les significations complexes et variables (comme sweep et spin-off), soit enfin en partant de la définition d'un concept pour traiter par là de petits points de théorie (comme dans le cas du cliffhanger, que le public réduit trop vite à un mécanisme unique). De même, le volume se termine par un très riche appareil critique: bibliographie, webliographie, lexique, index, bref tout ce qu'on est en droit d'attendre d'un ouvrage de ce type, mais qu'il donne infiniment mieux que la plupart de ses concurrents.

Il va sans dire, comme ce livre est beaucoup plus qu'un simple manuel, que les textes réunis dans Décoder les séries télévisées prennent aussi position dans un large éventail de questions qui agitent les études infocom, tant sur le plan méthodologique que sur les plans pratiques et théoriques. En ce qui concerne la méthodologie, il importe de souligner avec force la rencontre heureuse de perspectives différentes, qui ne sont pas simplement additionnées ou empilées, mais tressées les unes aux autres dans chacun des chapitres du livre. Aucune contribution ne peut être dite "mono-méthodologique". Cependant, mieux vaut exprimer cette observation de façon positive et louer la réussite de l'interdisciplinarité. La série télévisée est un objet trop complexe pour qu'on puisse l'analyser d'un seul angle, et l'approche multiple prônée par Sarah Sepulchre, qui intègre par exemple sans faille de bien des idées et des questions venant du monde des cultural studies, devrait aider à montrer l'efficacité d'une telle ouverture. Théoriquement aussi, Décoder les séries télévisées excède les limites de certaines interprétations des études infocom, trop séduites par moments par les prestiges de l'approche quantitative. Les études de la télévision sont une science humaine, qui ne doivent pas avoir peur de donner droit de cité à l'analyse qualitative, y compris quand elle touche à l'expérience individuelle de spectateurs uniques. Enfin, sur le plan pratique, ce manuel (mais j'ai déjà dit que le

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terme de "manuel" est trop restrictif pour désigner ce manuel d'un type nouveau), aborde aussi des questions qu'il serait dommage d'abandonner à des spécialistes seulement, par exemple les questions d'éthique (ou, en d'autres disciplines, de marketing ou de narratologie). Sarah Sepulchre et ses auteurs procèdent à un décloisonnement systématique des savoirs, qui est ce qu'on peut faire de plus sain en ces domaines.

Dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française (Grasset, 2005), Charles Dantzig note: "TÉLÉVISION: L'homme est si vaniteux qu'il croit à chaque génération qu'il vient d'inventer la vulgarité. Au XXIe siècle, il peste contre la télévision. Il avait pesté contre le cinéma. Avant cela, contre le roman. Etc." Mais Dantzig n'est pas Bourdieu, ni pour ce qui est de l'humour, ni pour ce qui est de la confiance, malgré tout, en le genre humain, qui est, nous le savons, un genre "médiatique", médié, médiologique, trouve solution, sinon à tout, du moins à beaucoup. La télévision, écrit-il encore plus loin, finira bien par devenir de l'art, à l'instar du roman (à l'origine, un passe-temps dangereux pour femmes oiseuses) ou du cinéma (le fameux divertissement pour ilotes). Décoder les séries télévisées est en ce sens un livre qui donne confiance, et partant un livre d'avenir.

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