G ERGONNE
Arithmétique. Sur divers moyens d’abréger la multiplication
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 7 (1816-1817), p. 157-166
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I57
ARITHMÉTIQUE.
Sur divers moyens d’abréger la multiplication ;
Par M. G E R G O N N E.
ABREVIATION DES CALCULS.
ON s’est occupe)
dans tous lestemps ,
de larecherche
desmoyens
lesplus
propres àabréger
lamultiplication
desgrands
nombres.Parmi
ces moyens,l’usage
deslogarithmes
agénéralement prévalu
et conservera
probablement toujours
lepremier
rang. Il est , eneffet,
peu de méthodesabrégées qui
soient aussiexpéditives ;
et cen’est pas seulement les-
multiplications qu’elle âbrège,
mais encore trois autresopérations ,
dont deux enparticulier
sont bien d’une’autre difficulté. Les
logarithmes
d’ailleurs ne sontpoint
seulementutiles ,
comme moyensd’abréviation;
mais leur usage est tout-à- faitindispensable
dans une multitude de recherchesmathématiques.
On ne doit donc- pas être
surpris
que cetteingénieuse
Inventionait presque fait entièrement oublier d’autres inventions
plus anciennes,
telles que les
baguettes
deNéper ,
la machineanithmétique
dePascal ,
etc.Cependant,
sous lepoint de vue théorique,
on nesaurait douter que ces divers
moyens
d’économiser letemps
et d’éviterune
trop
forte contentiond’esprit,
dans lapratique
ducalcul,
nedoivent continuer à offrir un véritable intérêt aux
géomètres
deprofession.
On
peut
remarquer d’ailleurs que,excepté dans
lesrecherches approximatives,
cequi
est, il estvrai ,
le cas leplus fréquent, le
calcul
parlogarithmes
nepeut guère
êtreappliqué qu’à
depetits
Tom.
VII, n.° VI,
I.erdécembre I8I6. 22
I58
ABRÉVIATION
nombres , c’est-à-dire,
aux. seuls nombres àF égard desquels
onconsentirait très-volontiers à se passer d’un
semblable intermédiaire.
On
peut
remarquer, en outre,que
les tableslogarithmiques ,
d’uneconstruction
compliquée ,
sont par la même assez difficiles à vé-rifier,
qne lesinterpolations
que leur usage nécessite sifréquem-
ment , sont on
laborieuses
ou peu exactes ; etqu’en
un motremploi
de ces
logarithmes, qui
ne sont à peuprès
tous que des nombresapprochés,
sembles’écarter,
enquelque
sorte , de cetterigueur
si
précieuse
aux yeux des véritablesgéomètres. Ajoutons
enfin que pour se servir sûrement et avec célérité des tables delogarithmes
il est presque
indispensable d’avoir ,
sur ces sortes defonctions,
des connaissances
théoriques qu’on
neparviendra jamais que diffi.
cilement à mettre à la
portée
de tout lemonde ;
cequi fait qu’on
De
peut guère
sepromettre
d’étendregénéralement l’usage
de cestables-
aux calculsvulgaires.
,
C’est
sans doute dans cette vuequ’on
a cherché à étendre la tablede Pythagore ;
et on trouve en effet des tables de ce genrequi
sont poussées jusqu’au quarré
de25 ;
mais on sentqu’en
lespoussant
même
jusqu’au quarré
de IOO, le secoursqu’elles
offriraient serait loin encore d’être enproportion
avec les usages lesplus ordinaires;
et ,
qu’en
voulant les étendreau delà,
leur excessif volume lesfendrait à
la fois d’unprix élevé,
et d’un usage incommode.La table de
Pythagore
est une table àdouble entrée ;
etM.
Laplace
aobservé (*)
que souvent , au moyen d’un. calculpréalable
assez
facile ,
une telle tablepeut
êtresuppléée par
unesimple
série, c’est-à-dire,
par une table àsimple entrée,
ou à unseul
argument.
Cetillustre géomètre
en donneplusieurs exemples qu’il
déduit
d’une analise de nature à en fournirbeaucoup d’autres encore.
Notre
but ici estbeaucoup
moinsélève;
et nous nousproposons
seulement de- faire
voir ,
par lesrègles
élémentaires del’algèbre ,
qu’on peut obtenir,
par des tables àsimple entrée,
nonseulement
(*) Journal de l’école
polytechnique,
XV.ecahier
, page 258.DES CALCULS. I59
le
produit
de deuxfacteurs,
mais même leproduit
de tant defacteurs
qu’on
voudra.1.
On
a , par lespremières règles
del’algèbre ;
ce
qui
veutdire.,
enfrançais,
que, si duquarré
de la somme Jedeux nombres on reiranche le
quarré
de leurdifférence ,
onob-
tiendra pour reste , le
quadruple
de leurproduit.
Il suit de là que, si l’on avait une table suffisamment étendue des
quarrés
de tous les nombres de la suitenaturelle,
onpourrait :1
par son moyen , obtenir exactement le
produit
de deuxnombres qui
n’excéderait pas seslimites,
sans avoir autre chose à fairequ’une addition ,
deux soustractions et une divisionpar 4.
Exemple.
On propose de trouver leproduit
de 53 1 par479 ?
Quart
de cettedifférence,
ouproduit... 254349.
Or,
il existe une semblable ’table : elle a étépubliée
chez F.Didot,
en
I8oI,
sous le nom de C. SÉGUINl’aîné ,
mais dans toute autre(*)
Si,
dans cetteéquation ,
onchaange a
en r et b enA2+B2+C2+D2+...;
eUe
deviendra ,
en renversant,(I+A2+B2+C2+....)22013(I-A2-B2-C2-....)2= (2A)2+(2B)2+(2C)2+....
Cette
remarque
est due à M.Frégier,
ancien élève de l’écolepolytechnique.
I60
ABRÉVIATION
vue
que
cellequi
1 nous occupeici.
Elle estprécédée
d’âne intro...duction
très-détaillée, qui indique
tout leparti qu’on
enpeut
tirer.on a donc lieu d’être
surpris
que l’auteurqui ,
dans cette latro-duction,
semontre géomètre, n’ait
passongé
àl’usage
que nousvenons de faire de sa table.
Malheureuse ment cette table ne donne les
quarrés
des nombres qu.ejusqu’à
10000seulement ;
mais il serait facile de laprolonger
au-delà ;
et l’onconçoit que si,
parexemple ,
ou voulait la pousserjusque
100000 , ilsuffirait,
comme dans les tables delogarithmes,
de
la fairecommencer 9
IOOOO; attendu que tout Cjequ’on pourrait
mettre
auparavant ferait double emploi.
Cette table
serait d’aut3nt plus facile à prolonger
que lesséries
de chiffres desdifférens ordres
yforment
constamment des suitespériodiques ;
de .sorteque,
pour laconstruire,
onn’a,
pour ainsidire
,que
lapeine d’écrire. Ainsi,
parexemple
pourles
unîtes lapériode, qui
a dix termes , estO, I, 4, 9, 6, 5, 6, 9, 4, I;
pour
les dixaines, le période qui
aquarante-sept
termes estO,O,O,O,I,2,3,4,6,8,O,2,4,6,9,2,5,8,2,6,O,4,8,2,7, 2,7,2,8,4,O,6,2,8,5,2,9,6,4,2,O,8,6,4,3,2,I ;
et ainsi de
suite;
onpourrait
mêmeréduire
cespériodes a moitié,
en
observant
que chacune se compose de deux autresqui
ne sontque le renversement l’une .de l’autre.
Voilà
doncdeux avantages incontestables
destables
dont il estquestion
ici :c’est ,
d’unepart ,
leur facile construction que l’on,
pourrait
enquelque
sorte mettre enfabrique ,
comme celle desindiennes et
papiers Imprimas ; c’est,
d’une autre , la facile vérifi- cationqui
enrésulte,
etqui
est tellequ’il
est presqueimpossible . qu’il s’y glisse
unefaute,
sansqu’aussitôt
ellesoit
aperçue(*).
(*)
Onpourrait également
former ces tablespar des
additions successives, etje
ne saispas même si ce ne serait pas là le
moyen 4
la fois leplus
court jet leplus
commode.DES CALCULS. I6I
Un autre
avantage
queprésentent
ces sortes detables c’est
que ,si
l’interpolation
y est un peuplus laborieuse
que dans les tables delogarithmes,
elle a sur celle-làl’avantage
depouvoir toujours
être
rigoureuse , puisque
la suite desquarrés
des nombres naturelsest une suite aux secondes différences constantes et
égales
à deux.La formule
générale
del’interpolation ,
pour les suites aux se-condes différences
constantes est , comme l’onsait,
a et x étant
respectivement
les indices de b et y ; mais ici où03942b=2,
on aurasimplement
Supposons
doncqu’avec
les tables de M.Séguin
on ait besoin duquarré
de543627 ;
oncherchera
celui de5436,27
tombantentre
5436
et5437,
dont lesquarrés
sontrespectivement 2955oo96
et
2956o969
dont ladifférence
estIo873;
on aura donc icidonc
ou bien
donc
enfin
Au moyen d’un semblable
calcul, la
tablede M. Séguin pourra
servir pour les nombressupérieurs
à ceuxpour lesquels
elle a étécalculée,
ainsi que pour les nombresfractionnaires ;
et elledonnera,
dans
tous les cas , desrésultats rigoureusement
exacts. Il seraitI62 ABREVIATION
seulement à désirer qu’elle
contint les différences desquarrés
con-sécutifs.
L’impression
en est d’ailleurstrès-soigné
et très correcte.Un
homme qui paraît
êtrebeaucoup
moinsgéomètre
queM.
Séguin,
maisqui
pour cela même n’en apeut-être
queplus de
mérite
M. ANTOINEVOISIN,
a suapercevoir ,
par ses propres-réflexions, du moins
à cequ’il paraît,
leparti qu’on pourrait
tirerd’une table des
quarrés
des nombres naturels pourabréger
lesmultiplications,
et il vient depublier,
sous ladénomination ,
im-propre
d’ailleurs,
de tables delogarithmes ,
une table desquarrés
des nombres
naturels,
étenduejusque
20000(*). Mais,
dans lavue d’éviter au calculateur la
peine légère
d’une divisionpar 4 ,
l’auteur n’a inscrit dans sa table que le
quart de chaque quarré,
en
rejetant l’unite
desurplus
-pour les-quarrés Impairs.
En consé-quence ,
lorsque ,
des deux facteurs àmultiplier,
fun estpair
etl’autre
impair,
lerésultat
se trouve fautif enmoins
d’une unitéqu’il faut
luirestitue,r.
Pour lamême raison , lorsqu’on
veutavoir,
au
moyen
de cettetable, le quarré
d’unnombre impair ;
ilfaut
non seulement
multiplier
le nombrequ’on
trouve dans la tablepar 4,
mais encoreajouter
une unité ahproduit.
L’auteur
annonce qu’il
a le desseinç1e prolonger
satable jus- qu’à IOOOOO; mais,
s’ill’exécute,
nous pensonsqu’il
fera biend’y
inscrire toutsimplement
lesquarrés
des nombresnaturels,
àpartir
de IOOOOseulement,
-et deplacer
dans une colonne à droite les différences consécutives de° cesquarrés.
Il aura ainsi une tablequi
pourra servir àbeaucoup
.d’autres usages que celuiqu’il
a euspécialement
en vue , en dressant cellequ’il
vient depublier.
Lorsqu’on
veutobtenir ,
au moyen depareilles tables ,
leproduit
de trois
facteurs,
il seprésente
toutnaturellement
dechercher
d’abord
leproduit des deux premiers ,
et ensuite leproduit du
résultat
obtenupar
letroisième.
Onpourrait aussi construire ,
pour(*)
Cettetable in-I2 , qui renferme
I50 pagesd’impression,
se trouve chezM.me
veuve’Courcier,
a Pans.t
DES
CALCULS. I63
cet
effet ,
unetable
àtriple entrée ;
mais nousallons
voir quecette
table ,
comme la table à doubleentrée , peut
êtresuppléée,
avec
avantage ,
par une table à un seulargument.
II. On a, par les
premières règles
del’algèbre,
d’où l’on voit
qu’avec
unesimple table
des cubes des nombres na-turels,
onpeut obtenir,
toutd’un
coup, leproduit
de troisfacteurs, -
au
moyen de quelques
additions etsoustractions
et d’une division par24, laquelle
se réduit à deux divisions consécutives par 6 etpar 4. Or l’ouvrage
de M.Séguin,
quej’ai
citéplus haut, outre
les
quarrés
des nombresnaturels renferme
aussi leurscubes ;
onpeut
donc s’enservir,
avecavantage
,pour déterminer immédiatement
le
produit
de troisfacteurs,
en se conduisant commedans l’exemple
suivant,
Exemple.
On proposede déterminer le produit des trois fa -c te ur
731 ; 47I , 317-
Ici encore les
interpolation pourront
êtrefaites rigoureusement;
mais
elles seront un peuplus laborieuses que
dans latable
desquarrés ; puisque ,
dansla
suite descubes, ce sont
seulement lestroisièmes
différencesqui
sont constantes.I64 ABRÉVIATION
III. On
peut pousser plus
loin encore, et, si l’on veutdéterminer
immédiatement
leproduit
dequatre facteur3
: un aurapour
celala formule
Il
faudrait donc ici
une tab!e desquatrièmes puissances
desnombres naturels; mais ,
comme cespuissances
sont desquarrés
de quarrés , ta
table deM. Séguin
suffiraencore.
Si l’on
avait
une tabledes cinquièmes puissances
desnombre
na-turels,
onpourrait également
endéduire immédiatement
leproduit-
de cinq fàct-eurs,;-on aurait pour cela
laformule
La
DES CALCULS. I65
La loi de ces formules est
facile’à
saisir. Si le nombre des fac-teurs dans le
premier
membre est m, son coefficientsera (I.2.3...m)2m-I.
Le second membre contiendra des m.mes
puissances
depolynômes,
de m termes
chacun ,
formés de tous les facteurs dont ils’agit ;
ces
polynômes
seront au nombre de 2m-l. Il y en aura un et unseul où tous les termes seront
positifs ;
m oùchaque
terme seraa son tour
négatif; m I· m-I 2 ou deux
termes seront tour-a-tour né-gatifs
et ainsi desuite , jusqu’à
cequ’on
soit parvenu à rendre la moitié des termesnégatifs
si m estpair,
ou la moitié de m-I,si in est
impair.
Cespuissances
depolynômes
ont d’ailleurs lesigne
+ ou lesigne
-, suivant quele
nombre de leurs termesnégatifs
estpair
ouirnpaira
IV.
Dans le mémoire citéplus haut ,
M.Laplace rappelle qu’en-
viron un siècle avant l’invention des
logarithmes ,
on avaitdéjà
eu l’idée
ingénieuse
de faire servir les tables de sinus naturels àabréger
lesmultiplications,
et cela au moyen de la formuleEn
séparant ,
eneffet ,
sur la droite des deux facteurs un nombre de chiffres décimaux suffisant pour les rendre l’une et l’autre moindres quel’unité ,
on pourra les considérer comme les cosinus tabulaires des deux arcsa, b,
que l’on trouvera dans les tables. Cherchantdonc ,
dans les mêmestables ,
les cosinus dea+b
et dea-b ,
leur
demi-somme ,
en y rétablissant lavirgule
où ilconvient,
serale
produit
cherché.Rien n’est
plus
facile que d’étendre cette méthode à larecherche
immédiate duproduit
de trois ou d’unplus grand
nombre defac-
teurs ; on a , en
effet ,
Tam. VII.
23
I66 ABRÉVIATION DES CALCULS.
et ainsi de suite.
La loi de ces formules ne
diffère de celle
desprécédentes que
dans les
seulspoints
quevoici :
si m est le nombre desfacteurs, le coefficient du premier
membre serasimplement 2.m-I ;
ilfaudra,
dans
ce même premier membre, substituer
les cosinus dea, b, c, ...,
à ces lettres
elles-mêmes ;
ilfaudra finalement ,
dans le secondmembre, changer
lèsm.mes puissances
encosinus,
et affecter in-distinctement
tous ces cosinus dusigne +.
Nous
pensonsqu’en voilà
assez pourfaire
voirque
ce ne sontpoint
seulementles tables à
double entrée quel’on peut remplacer
par
des tables àun seul argument. On voit ,
eueffet
, par cequi
précède , qu’il
enest absolument
de mêmepour
lesproduits de facteurs variables ,
enquelque
nombrequ’ils
soientd’ailleurs.
On voit en
même temps
queles tables des puissances
desnombres
naturels ont