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IV. LA PLACE D’UN CONCEPT DE CONVIVIALITÉ AU NIVEAU DES ÉTATS-NATIONS

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IV. LA PLACE D’UN CONCEPT DE CONVIVIALITÉ AU NIVEAU DES ÉTATS-NATIONS

IV. – 1. Prolégomènes

IV – 1 – 1. De l’amitié d’Aristote à un concept de convivialité aujourd’hui.

Nous avons vu que le concept d’amitié cher à Aristote, dans les limites de la cité-Etat d’Athènes

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, fut un moment quasiment unique de démocratie politique. Alexandre, plus ambitieux et moins raisonnable que son maître, privilégiait des ensembles plus vastes et on dit qu’il « rêvait en fait de fraternité universelle, de réconciliation, des grecs et des barbares ».

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Aristote disait explicitement : « L’amitié est une égalité »

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et parmi les différents types d’amitié qu’il distinguait, il voyait « une place considérable pour l’amitié dans les démocraties où beaucoup de choses sont mises en commun et où les citoyens sont égaux. » A l’opposé, il voyait peu de place, pour l’amitié dans les royautés et les timocraties. Quoiqu’il en soit, la mort d’Alexandre avant même d’avoir atteint les 33 ans, vit s’envoler les rêves grecs et l’humanité n’eut guère l’occasion de renouveler l’équilibre de cette démocratie attachée à ce concept politique d’amitié. Benoit- Méchin dans « Alexandre Le Grand ou le rêve dépassé »

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décrit bien le rêve évanoui à la mort soudaine d’Alexandre. « Si vives que fussent les ambitions de chacun, des Macédoniens ne pouvaient songer à détruire l’œuvre de la Macédoine. Par ailleurs, le loyalisme à l’égard de la famille royale était fort, sinon chez les généraux, du moins chez les soldats. » Les rêves grecs de l’époque ne devaient ressurgir que lorsque deux mille ans plus tard, les conditions à remplir pour leur éclosion se sont présentées à nouveau !

Il fallait un tissu politique où la répartition du pouvoir soit telle que les équilibres entre les citoyens-électeurs se rapprochent à nouveau des conditions assez particulières décrites par Aristote, à savoir : une démocratie, où le pouvoir est partagé entre un nombre élevé, mais limité, de citoyens, condition pour que les représentants du pouvoir puissent concrétiser leur propension à l’amitié ; mais pas trop nombreux cependant, car « on ne peut pas avoir beaucoup de vrais amis. »

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Un bref survol de l’évolution de la démocratie, en parallèle avec celle de la conscience

politique et de la liberté d’expression dans tous les domaines de celle-ci, apporte la

confirmation quant à la faible probabilité dans l’histoire, que des conditions similaires

à celles de l’amitié grecque viennent à se réaliser à nouveau. Aujourd’hui, deux mille

ans plus tard, des balbutiements démocratiques, coupés de retour à des régimes

autocratiques ou à des révolutions violentes ont marqué un nouveau départ pour des

comportements démocratiques . Et enfin depuis quelques trente années à peine, une

majorité de démocraties dans le monde vient de faire passer le régime de l’Etat-nation

à un statut de niveau sociologique de référence dans le monde. La mise en œuvre aux

6 niveaux de sociétés, devenues interactives, comme nous l’avons vu au chapitre III,

des caractéristiques principales de l’Etat-nation, permet de comparer, point par point,

les différents secteurs d’une organisation politico-administrative complète. Parmi ces

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6 niveaux, il semble bien pouvoir être constaté que c’est au niveau des Etats-nations que se situe en ce moment un maximum de pouvoir . Comme le développe S. Strange, par exemple, dans un chapitre de The Retreat of the State

(6),

le pouvoir de l’Etat se rétrécit mais il lui reste encore beaucoup de prérogatives du pouvoir.

Pour résumer notre point de vue quant à la situation actuelle des répartitions du pouvoir politique, nous prenons en considération l’existence des six niveaux sociologiques de sociétés déjà abordés au chapitre II, depuis le niveau de la famille jusqu’à celui de la planète, considérée dans sa globalité. Le niveau de la famille lui- même, peut varier entre noyau familial le plus élémentaire et la famille africaine qui compte couramment une centaine de membres. Le niveau sociologique suivant, intitulé généralement « tribu » regroupe, lui, un ensemble de familles et est décrit anthropologiquement comme un niveau important car il représente encore aujourd’hui un pourcentage élevé de l’organisation de nos sociétés dans l’ensemble de la planète.

A l’autre extrémité de l’échelle, nous pouvons adapter comme niveau de référence le niveau de l’Etat-nation parce que celui-ci est organisé par les Nations-Unies. Bien entendu, il s’agit d’unités administratives, où la Chine comme le Luxembourg sont tous les deux repris comme une seule unité sans tenir compte de l’écart de population.

Cependant, une justification simple de cette façon d’aligner comparativement ces 190 pays, est de constater que leur organisation interne présente de grandes similitudes.

Sous nombres de facettes de comparaison, les Etats-nations se présentent avec des caractéristiques similaires ; si nous entreprenons de les comparer entre eux quant aux développements respectifs de leurs pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires ; ou bien sous l’approche monopolistique de « sièges de la violence légitime de l’Etat » ; ou bien encore, sous l’angle de multiples statistiques reprises dans un ouvrage tel que le PNUD 2004

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; ou bien à de multiples autres aspects de l’organisation interne des Etats-nations. Sous ces multiples aspects différents, les comparaisons entre ceux-ci peuvent présenter l’intérêt de déceler chez chacun des points forts et des points faibles, ce qui ouvre des champs vers des progrès pour tous.

Lorsque nous quittons le domaine factuel des données sociologiques et abordons celui des valeurs qualitatives d’appréciations, au niveau des Etats-nations, nous retrouvons de nombreuses similitudes entre eux dans la détermination de priorités et de gradations de valeurs, telles que la priorité absolue donnée à la sécurité, puis à la liberté, l’égalité ou la qualité de vie telle qu’évaluée au PNUD 2004 sous l’approche du « IDH » (indicateur du développement humain).

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Si nous examinons, dans un autre registre, comment les différents Etats-nations accordent leurs priorités relativement à plusieurs domaines différents de droits, nous constatons une grande variété dans la pondération des droits de l’homme, par rapport aux droits civils ou aux droits sociaux.

Nous avons choisi de privilégier l’avis de B. Kriegel

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car son cours de philosophie

politique, destiné à des étudiants russes, demande clairement un ordre de priorité

quant à la réponse possible à la question : « Peut-on concilier le droit des Etats, les

droits de l’homme et le droit des peuples ? ». Elle convient que les droits de l’homme

soient placés au plus haut de la hiérarchie, parce qu’ils sont à la fois à la hauteur de

l’humanité et à l’échelle des individus ; ils s’inscrivent à la fois au plus haut et au plus

petit. Ensuite, nous inscririons les droits des peuples, parce qu’ils sont à la hauteur du

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principe démocratique (l’origine de toute souveraineté réside expressément dans la nation). Enfin, nous expliciterions le droit des Etats, parce que ceux-ci sont un acquis venu, comme le droit civil, de la constitutionnalisation historique des sociétés.

IV – 1 – 2. Au départ, il n’y avait, sauf exception, ni convivialité, ni Etat-nations, ni démocraties.

Nous avons pu constater que mise à part l’exception athénienne, pendant une brève partie de son histoire, la convivialité n’existait pas : la réalité du pouvoir, à la tête d’une société politique organisée, reposait sur l’autorité du « despote » grec ou son homologue, dans l’appellation locale du « chef » absolu.

En effet, l’exemple d’Athènes, de Solon à Alexandre, apparaît comme un « moment démocratique exceptionnel » pour reprendre la classification d’Aristote entre royauté, aristocratie et république

(10).

Et le seul énoncé de l’existence de 158 constitutions différentes, que l’on n’a malheureusement pas retrouvées, à peu d’exceptions près, montre que la variété était grande dans les différentes constitutions évoquées. Mais en dehors de cette période très limitée dans le temps, et dans la généralité des provinces connues de l’antiquité, ce moment démocratique ne se retrouve pas avant des siècles.

La notion du « despote grec » à la fois maître absolu de la maison et maître d’esclaves, est connue également dans tout l’Orient, de même que sa forme plus politique de

« tyran absolu ».

(11)

Cette situation de fait, que l’on peut retrouver dans les diverses civilisations les plus développées de l’époque, était parfaitement antithétique par rapport à un concept de convivialité. Elle le restera d’ailleurs jusqu’à Duplessis- Mornay en 1576, comme le cite Jean Bodin.

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L’exercice du pouvoir du chef (imperator) pouvait être convivial, mais ce n’était pas par consentement mutuel entre égaux, mais bien « sur ordre » entre suzerain et vassal.

Les relations au sein d’une société étaient donc autocratiques de nature. Mais, comme le montra Machiavel, bien des années plus tard, dans « Le Prince »

(13),

ce Prince avait, comme préoccupation dominante, celle de réussir à le rester, grâce à sa « virtu » ou l’art d’exercer et de garder le pouvoir.

Le Prince (imperator) n’étant pas assuré de son avenir, avait au moins, en général, des descendants pour prolonger ses actions et assurer sa lignée. N. Elias a étudié dans le détail, dans « La dynamique de L’Occident », l’évolution dans le temps d’une lignée de rois qui, plongés dans un environnement hostile et inorganisé, ont cherché à prospérer, à développer leur pouvoir autocratique et à assurer l’avenir de leur lignée malgré les obstacles sans limites que constituaient des voisins tout aussi autocratiques et non-conviviaux qu’eux-mêmes.

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A cette époque, il n’y avait pas encore d’Etat-nation.

Il y eut bien, depuis le Moyen-Age, des Etats modernes qui avait à cœur de s’auto- définir comme l’expression politique d’une entité préexistante, baptisée « peuple » ou

« ethnie ». Chaque « peuple » était, dans le meilleur des cas, défini en termes d’histoire ou de culture, et, dans le pire, en termes biologiques ou « raciaux ».

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L’émergence de ces « ethnocentrismes » entraîna comme effet secondaire du

processus d’auto-définition, un « patriotisme de clocher » où la haine de l’autre se

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développa en même temps que ce patriotisme. Historiquement, les juifs en Europe, étaient tout désignés pour faire les frais de leur différence d’ailleurs voulue par eux, de se distinguer des non-juifs.

En psychologie sociale, des expériences scientifiques peuvent être aujourd’hui menées pour mettre en exergue ce phénomène d’auto-distinction sociale qui aboutit immanquablement à la « tête de turc » et hélas pour ceux qui ne prennent pas suffisamment de précautions positives pour éviter le phénomène, à la limite, à la Shoah tristement récente. Les juifs ne furent pas les seules victimes de l’histoire dans cette auto-exclusion, comme effet pervers de la construction d’une grande communauté sociale : le racisme anti-noir, universellement répandu dans tout l’Occident chrétien est un exemple qui s’est généralisé et ce n’est qu’en 1929 que l’esclavage fut finalement et, espérons-le, définitivement supprimé. Nous remarquons en passant que cette suppression correspond à la mise au point industrielle des moteurs électriques, qui remplacent l’esclave traditionnel de l’histoire.

C. Delacampagne cite le phénomène de la mise à l’écart, depuis des siècles, des

« cagots », population du Nord de l’Espagne et du Sud-Ouest de la France, qui ont été traditionnellement victimes d’une forme de discrimination qu’ils ne semblent pas avoir revendiquée.

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La conclusion de ce cas particulier, encore présent aujourd’hui, serait d’après nous que la recherche d’avantages particuliers, tels que connaissance d’une langue ou d’un patois local, ou encore l’appartenance à des pratiques religieuses discriminatoires, doivent être mises en équilibre avec les risques de mise à l’écart de la société dominante de l’espace social concerné. Dans le monde actuel, où il a été biologiquement démontré l’appartenance de tous les humains à un unique patrimoine génétique, il devient prioritaire de favoriser les non-discriminations sur base linguistique et de favoriser le multilinguisme, au détriment des initiatives inverses vers l’autarcie locale.

L’époque où vécut Machiavel (1469-1527) fut marquée par de multiples conflits violents. Les causes multiples et enchevêtrés de ces conflits sont particulièrement détaillées et analysées dans « Le Prince »

(13)

. Des siècles plus tard, N. Elias de son côté

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a consacré une grande partie de sa vie de sociologue à suivre la lente évolution dans le temps, des mœurs et des mentalités des seigneurs de l’époque féodale. En particulier, à la recherche des causes lointaines et proches de la création d’un pouvoir de plus en plus organisé et centralisé, il étudia les entreprises des rois de France successifs, depuis Louis VI jusqu’à Louis XIV. La France fut un des premiers grand Etats de l’Europe occidentale, tant par ses ressources que par sa population. Très préoccupé par l’extension permanente de son domaine, Louis XIV passa la plus grande partie de sa vie à guerroyer et il confia à des ministres les tâches spécialisées qui devenaient progressivement de plus en plus ardues à maîtriser.

N. Elias décrit en détails

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le schéma de « la différenciation de plus en plus poussée des fonctions sociales sous la pression accrue de la compétition. Il va jusqu’à affirmer

« la diffusion de l’auto-contrainte » et dit « qu’on ne trouve pas dans toute l’humanité

des monopoles policiers et fiscaux si stables, sur de si vastes espaces ; et cela suite au

fait que l’on a procédé à une division des fonctions si poussée depuis des siècles. Il

fallait en fait des siècles pour que le comportement des individus s’intègre à un réseau

d’interdépendance aussi étendu et diversifié. Une autre conséquence de cette évolution

séculaire est aujourd’hui la capacité acquise de l’intégration d’individus capables

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d’une maîtrise de soi permanente, assortie de la modération des émotions et de l’auto- régulation des pulsions, rendue nécessaire par la vie dans les centres de ce réseau d’interdépendance »

Comme le constate de son côté Norberto Bobbio

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, c’est Thomas Hobbes, le premier, qui a formulé avec une clarté incisive, la question cardinale des « origines de l’Etat moderne » et en a donné la première construction théorique, en procédant par reconstruction des concepts de l’école du droit naturel, comparés à la « tradition aristotélicienne ». Aristote, au début de sa « Politique »

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constate que « la communauté naturelle, constituée en vue de la vie de tous les jours, est la famille (…).

D’autre part, la communauté première formée de plusieurs familles en vue de relations qui ne soient plus seulement celles de la vie quotidienne, c’est le village (…). Et la communauté achevée, formée de plusieurs villages, est une cité dès lors qu ‘elle a atteint le niveau de l’autarcie pour ainsi dire complète ; s’étant donc constituée pour permettre de vivre, elle permet, une fois qu’elle existe, de mener une vie heureuse. »

Démocratie et autocraties.

Une des caractéristiques de la démocratie est de limiter dans le temps le pouvoir du souverain (ou de la classe ou de l’équipe au pouvoir). A cette notion s’oppose l’autocratie, dont le premier soin est de veiller à sa pérennité. Au seuil du nouveau millénaire où la démocratie est devenue majoritaire dans le monde, il reste de nombreux îlots non démocratiques. :

a. Les véritables autocrates à la tête d’Etats (Fidel Castro, etc.)

b. Les religieux génocidaires, dont le pouvoir n’est soumis à nul vote démocratique, mais résulte de la tradition, appliquée avec menaces en cas de non-conformisme.

c. Les sociétés secrètes à agissements violents dont le but est d’assurer le pouvoir autrement (mafia-ETA- etc.. )

La soudaine explosion socio-politique vers une majorité de « vraies » démocraties (par opposition aux démocraties populaires qui ne constituaient que des parodies de démocraties) ne doit pas nous permettre d’oublier ces nombreuses exceptions.

IV. 1 – 3. Naissance de l’Etat-nation

Nous venons de voir que l’époque de Machiavel fut fertile en luttes pour le pouvoir entre les diverses principautés italiennes. Une génération plus tard, après le pessimisme réaliste de Machiavel, fut élaboré en France par Jean Bodin un vaste traité de philosophie politique.

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Il analysa au sein de l’Etat les cadres institutionnels permettant de mettre au point et de développer le statut de la citoyenneté et des magistratures.

Bodin souligne en résumé que « la loi est la loi » ; il appartient au souverain de la faire ; mais « comme par elle-même, la loi est muette, l’office du magistrat est de la faire entendre en lui donnant vie. Les magistrats de la république sont la vive loi. » A ce titre, le rôle des magistrats est de participer, comme officiers de la république.

Bodin souligne que les magistrats détiennent « une parcelle de l’autorité publique ».

Chaque magistrat dans sa charge a puissance de commandement à son rang propre

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sous le magistrat suprême qu’est le Prince (car il faut qu’existe une hiérarchie des magistratures). Ce faisant, Bodin « problèmatise et déjà cisèle les structures institutionnelles d’un modèle étatique, de telle sorte que les penseurs politiques des siècles à venir, à commencer par Grotius et Hobbes, les transcriront en une épure juridique dont s’affirment, aujourd’hui encore, les lignes rectrices ».

Un demi-siècle plus tard, Thomas Hobbes

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construisit, à partir d’une vaste conception philosophique du monde, un modèle mécaniste basé sur le « désir » insatiable de l’homme. Pour Hobbes, qui ne croit ni en Dieu, ni à un autre monde, mais est influencé par la « nouvelle » physique de Galilée, par un matérialisme que résume la formule « homo homini lupus ». Hobbes, dont la longue vie fut tout entière consacrée à l’étude et à la méditation, et qui entretint une relation plutôt hargneuse avec Descartes, partit du mécanisme rigoureux de la recherche systématique du désir, pour aboutir à la conclusion que la guerre était inévitable entre les hommes. Hobbes se concentre sur le problème de physique qu’il définit, pour l’homme, par le

« mouvement animal » qu’il désigne par le « conatus », désir se développant en passions et volonté, c’est-à-dire ultime désir passant à l’acte ; et d’autre part, les réactions des parties internes du corps mues par des mouvements issus de corps extérieurs, sensations puis pensées.

A partir de l’état de nature ainsi « mécanisé », Hobbes élabore une science de la morale et de la politique, comme Galilée fit pour la physique. La constatation de l’égalité dans la crainte continuelle d’être tué et dans le fait que l’homme le plus faible a toujours assez de force pour tuer le plus fort, amène Hobbes à déduire qu’une égale menace pèse sur tous à ce point de misère et de malheur. La crainte de la mort suffit à déterminer chacun à s’imposer n’importe quel sacrifice, pourvu que sa vie soit sauve et sûre. Le seul moyen d’y parvenir est d’ériger un pouvoir commun tout-puissant, qui imposera sa loi à tous dans la communauté politique et, du même coup, assurera un ordre et une paix, en établissant ainsi un souverain, qui disposera d’un pouvoir absolu, dont la légitimité ne tient qu’à sa toute-puissance et qui a une seule fonction, celle de maintenir un ordre pacifique et sûr dans l’Etat. Le « Léviathan », ouvrage-résumé de l’œuvre de Hobbes, parut en 1651. Loin de justifier le tyran ou le chef totalitaire, le Léviathan, reconnaît par contrat avec les hommes, un droit inaliénable et imprescriptible à résister individuellement devant le péril de mort. C’était une première expression de la doctrine des droits inaliénables de l’homme. Il s’agit là d’une première approche vers la convivialité au niveau des Etats-nations.

Presque un demi-siècle après Th.Hobbes, John Locke avait lui aussi été victime des spectres de la guerre civile et saisi par l’angoisse de la violence déchaînée. Mais, moins directement touché par elle, et moins féru de mathématiques et de physique, il s’orienta vers d’autres priorités de son époque, la liberté des échanges et le droit à la propriété privée

. (23)

Face à Hobbes, J. Locke insiste longuement sur la nécessité de ne pas confondre « état de nature » et « état de guerre ». L’état de nature peut être considéré comme « un état de paix » de bienveillance, d’assistance et de conservation mutuelle, dont rien n’oblige à sortir. D’autre part, le contrat cité par Hobbes ne produit pas forcément un

« souverain » extérieur à ses mandataires, délié de toute obligation. « Le contrat

lockéen crée, au contraire, un gouvernement qui demeure sous le contrôle, ou la

dépendance, de ceux qui lui ont confié la mission de gouverner ».

(23)

Locke apparaît

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donc aux yeux de la postérité, comme le premier théoricien d’un gouvernement

« parlementaire », susceptible de s’accommoder d’une forme monarchique aussi bien que d’une forme démocratique de gouvernement. Locke peut ainsi être considéré comme le père du libéralisme classique. De plus, il convient de signaler qu’un concept de convivialité, au degré des définitions que nous avions eu l’occasion d’énoncer, se manifeste pour la première fois dans l’évolution historique du concept d’Etat-nation, quoique encore sous une forme très lacunaire.

Locke, père du libéralisme classique, serait également dans la tradition démocratique, connue depuis Aristote. C’est plutôt chez Rousseau, avec son « contrat social » devenu si célèbre, qu’il faut chercher le lien entre l’état de nature de départ et une solution qui ne se réalise pleinement que dans l’état social de la société. Comment « trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune, la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant, contrairement à la délégation définitive du Leviathan »? La solution de ce problème, « du contrat social, livre I, chapitre 6 » se réduit à une seule clause, savoir, l’aliénation totale, de chaque associé avec tous ses droits, à toute la communauté ». En d’autres termes, la communauté politique ne doit former qu’une « seule personne publique », un seul

« corps » lequel est appelé « Etat quand il est passif » et « souverain » quand il est actif. La forme idéale d’un tel gouvernement ne saurait être que la démocratie. La démocratie directe, telle que l’envisageait Rousseau, est vite apparue comme une utopie. Les excès dus aux développements que Fichte

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continua à approfondir dans la problématique du contrat social, aboutirent à d’autres excès. Le « Fondement du droit naturel selon les principes de la doctrine de la science » écrit par Fichte, fut fortement critiqué par nombre de philosophes européens. Kant, Spinoza et Hume (en 1748) critiquèrent la notion même de contrat social. Il fallut attendre John Rawls avec sa « Théorie de la justice » parue en 1971 pour que cette notion égalitaire du contrat social revienne à l’ordre du jour.

(25)

Aujourd’hui, après les carnages où sombrèrent les empires de nombreux tenants de la nation-Etat (La France en 1940, l’Autriche, la Turquie et la Russie en 1914, l’Allemagne, enflammée par Fichte depuis Sadowa en 1866 et bien d’autres), il n’est plus autant question de la nation-Etat, source de passions nationalistes mais plutôt d’Etats-nation, où un caractère administratif et « raisonnable », permet de modérer plus facilement les passions politiques. La prolifération soudaine des Etats-nations aujourd’hui rend envisageable une approche mondiale et une solution mondiale d’une foule majoritaire d’Etats-nations. S’il se confirme que des assemblées où travaillent ensemble 190 représentants des 190 Etats-nations du monde, peuvent aboutir à des consensus mondiaux ou presque, le statut d’Etat-nation se verra renforcé. Nous resterions cependant prudents car les nations-Etats privilégient les arguments passionnels et la nature humaine nous paraît avant tout de nature passionnelle !

IV. 1 – 4 Naissance de la démocratie

Aujourd’hui, probablement plus que jamais dans l’histoire, le mot de démocratie et le

concept socio-politique que celui-ci recouvre, ont eu une grande résonance dans la

réalité des idées. Simone Goyard-Fabre

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a publié, en 1998, un ouvrage entier

consacré à « Qu’est-ce que la démocratie ? » alors que J.-F. Revel

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avait consacré

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en 1983 un livre à « Comment les démocraties finissent » ! L’intérêt pour la démocratie est devenu un idéal quasi mythique et nombreux sont ceux qui y découvrent une « loi de la Terre » (Nomos der Erde).

Aristote, dans son étude sur les différentes formes de gouvernement, cherchait des analogies avec l’organisation des familles et écrivait que « la forme démocratique semble se retrouver surtout dans les familles qui n’ont pas de chef (les membres y sont égaux), et dans celles où le chef est faible ; chacun vit, alors, dans la licence et au gré de son caprice. »

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Savoir concilier, au sein d’un Etat-nation, la liberté individuelle d’action et d’expression avec la rigueur et l’efficacité des multiples institutions spécialisées que comporte un Etat-nation contemporain, est probablement l’idéal secret vers lequel tendent les gouvernements. Les écueils sont de plus en plus nombreux dans les tâches des responsables politiques car, outre les missions de protection et de sécurisation des administrés, se sont multipliées au fil du temps les fonctions sociales. La gestion financière publique au niveau d’un Etat d’aujourd’hui représente pratiquement la moitié du total des ressources (PIB) des citoyens membres de la communauté à gérer. Les problèmes de santé publique, d’éducation des jeunes comme des recyclages devenus permanents de l’ensemble de la population, sont quelques unes des fonctions des membres du personnel de l’Etat et de la collectivité.

Nous n’allons pas entreprendre de résumer ici le livre de S. Goyard-Fabre, car notre propos n’est pas d’analyser les multiples avatars de la naissance de la démocratie depuis Aristote, ni de décrire les conditions d’existence du bon fonctionnement actuel d’une démocratie. Par contre, reprenant notre préoccupation d’évolution d’un concept de convivialité au niveau des Etats-nations, nous devons constater que c’est à ce niveau que s’opposent les aspects conviviaux et non-conviviaux d’une société.

Citant Hobbes, nous relevons que le concept de l’Etat-Léviathan confiait à celui-ci le pouvoir absolu de prendre toute décision assurant nla sécurité de la communauté concernée. L’axiome sur lequel repose la génération de la Res-publica, dit Hobbes, répond à une logique contractualiste qui s’exprime en ces termes : il faut que chacun

« consente, quand les autres y consentent aussi, à se dessaisir, dans toute la mesure où l’on pensera que cela est nécessaire à la paix et à sa propre défense, du droit qu’on a sur toute choses »

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Le résultat est le combat de tous, unis contre l’ennemi. La conclusion est qu’un concept de convivialité est contractuellement exclu, pour tout le domaine concerné par la délégation à l’Etat-Léviathan.

Rousseau lui, cherche ailleurs l’acte d’association « par lequel un peuple est un peuple ». Loin de tout naturalisme mais aussi dans un autre registre philosophique que celui de Hobbes. Rousseau pense le contrat comme la structure principielle, c’est-à- dire fondationnelle, de la société politique. Un concept de convivialité est exclu de ce rationalisme constructiviste car le citoyen y est soumis et perd donc sa liberté indépendante. Par contre, dans la structure d’un Etat-nation actuel, les lois en vigueur prévoient qu’un citoyen peut librement agir tant que sa liberté n’est pas limitée. Dans cette mesure, chacun et chacune peut donc agir librement et son comportement peut ou non être convivial.

Le livre de S. Goyard-Fabre conclut par le constat de la fragilité humaine où

coexistent raison et passion

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Il nous paraît nécessaire d’ajouter une limitation

fondamentale de nature psychologique à la capacité de décision au niveau de l’Etat-

nation : En effet, depuis que la démocratie directe n’est plus possible par suite de

(9)

l’accroissement du nombre de citoyens, le principe de la séparation des pouvoirs s’est imposé, avec l’instauration d’un corollaire auquel il n’est guère fait allusion, mais qui s’impose chaque fois un peu plus, celui de l’incompétence généralisée des intervenants. La seule solution pratique serait d’accroître le morcellement du pouvoir mais celle-ci s’oppose à l’illusion d’omni-compétence qui est le premier privilège de l’ignorant ! Les décisions sont prises à quelque niveau que ce soit, en suivant la règle du consensus ou de la majorité, simple ou complexe. C’est une méthode permettant de dégager des possibilités de décision, en traitant chacun de façon égale, puisque chacun compte pour une unité. Mais l’écart de compétence dans nos sociétés contemporaines est si grand entre celui dont c’est la spécialité professionnelle et celui qui n’y comprend rien, - et reconnaît d’ailleurs en général qu’il n’y comprend rien -, qu’il suffit d’un orateur compétent (ou incompétent) pour faire basculer des majorités entières.

L’impossibilité pratique de mettre au point un système, acceptable pour l’ensemble des intervenants, entraîne une désaffection par manque d’intérêt pour la chose publique au niveau des Etats-nations, que nous examinons en ce moment. Ce phénomène, en développement aujourd’hui, est pernicieux car il donne des moyens au noyau des anti-démocratiques actifs. La seule solution réside bien entendu, puisque la démocratie repose sur les opinions de chaque citoyen, dans l’effort d’intéresser tous les citoyens à la chose publique et de les stimuler à accroître leur compétence dans les différents domaines, objets des décisions par vote. Nous retrouvons ici l’importance du développement des médias modernes, qui sont un outil illimité d’acquisition des compétences.

Nous butons psychologiquement sur une autre limite à la compétence des citoyens appelés à s’exprimer par vote : celle de la capacité de décentrement. On constate expérimentalement que cette capacité de décentrement évolue selon une progression des limites d’acquisition en connaissances nouvelles et suppose l’assimilation préalable d’une variété suffisante de connaissances de base nécessaires. Et, circonstance aggravante, il est difficile de sauter des étapes car les enseignants, dans la plupart des domaines, doivent eux-mêmes progresser par étapes successives. Quelle est la conclusion de tout cela ? Que l’effort d’assimilation est une tâche difficile et qu’il est indispensable de chercher obstinément à simplifier et déléguer l’acquisition des connaissances indispensables.

Une autre approche est bien sûr de subdiviser les problèmes de décision à prendre, en

transférant la solution des problèmes à un échelon plus limité : ce processus de

décentralisation et de subsidiarisation est en cours dans de grandes unités politiques,

comme nous le verrons plus loin.

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IV. 2 – 1. Qu’est-ce qu’une démocratie aujourd’hui ?

Après les expériences démocratiques débutant en Angleterre, puis aux Etats-Unis (1776) et en France (1789), ce n’est que vers 1970 qu’une majorité d’Etats dans le monde, bascula vers la forme de constitution démocratique. Il nous paraît que cette dernière donne une chance supplémentaire au concept de convivialité, car nous nous rapprochons d’une participation de tous comme citoyens de notre communauté. Citant à nouveau l’Ethique à Nicomaque

(1)

: « L’amitié semble être le lien qui unit les cités et les législateurs paraissent lui accorder encore plus de prix qu’à la justice. Ils cherchent, en effet, à maintenir la concorde et à bannir, à l’inverse, la discorde comme voyant en celle-ci le fléau le plus redoutable des communautés politiques. »

Nous vivons, depuis quelques décennies, une époque très particulière : en 1989, après 40 ans de guerre froide, une vingtaine d’Etats-nations, où dominaient des

« démocraties populaires », sous l’égide de l’URSS, vit soudain s’écrouler cette construction géo-politique, qui n’avait de démocratique que le nom. Face à celle-ci, une alliance de démocraties dites « représentatives », sous le chapeau des USA, puissance hégémonique depuis 1945 et dotée de l’arme thermo-nucléaire, se retrouva en tête de l’OTAN

(2)

et isolée parmi un grand nombre d’Etats-nations à puissance militaire limitée et dites « en développement ». L’assemblée des Nations-Unies, créée en 1945 à l’issue de la seconde guerre mondiale, sortit alors d’une longue période d’immobilité due au blocage entre les deux super-puissances qui se retrouvaient en opposition sur presque tous les points.

Comme pour donner raison à Hobbes, chaque fois que les problèmes de sécurité n’étaient plus, pour un temps directement en cause, il apparut que le concept de

« liberté » apparaissait en tête de toutes les préoccupations. Nous pouvons, par exemple, citer C. Delacampagne

(3)

qui reprend cette priorité de la liberté dans le cadre des régimes politiques actuels. Dans son livre « la philosophie politique aujourd’hui », il expose cette priorité : « Il n’existe pas de problème politique de la liberté.

Pourquoi ? Parce que à partir du moment où l’on se situe dans une perspective démocratique, à partir du moment où l’on pose que l’autonomie (individuelle ou collective) doit être un mythe ou un mystère, elle devient, tout simplement, une manière d’être, un style, l’étoffe de l’existence. »

(4)

D’autre part, Delacampagne met en exergue, parmi les libertés en démocratie, un problème spécifique lié à la réglementation du droit à la liberté d’expression. En effet, ce droit particulier est en quelque sorte « la liberté des libertés ». Celle qui ne souffre ni règlement, ni exception. Une « valeur » surchargée de connotations affectives.

L’une des seules, sans doute, pour lesquelles un homme soit disposé à mourir. En pratique ce droit, ou plus exactement la possibilité pratique de l’exercer, est devenu, depuis qu’on parle de liberté individuelle en Occident, l’objet des débats les plus vifs.

Et, en particulier, comment faire pour que cette possibilité soit également accordée à

tous les citoyens. C’est là une des conditions pour que, dans la pratique de la vie

quotidienne, une démocratie soit effective.

(11)

La liberté d’expression se présente comme le premier pilier de toute démocratie, et la plus importante des « libertés politiques de base ».

(5)

Elle est celle en tous cas, dont toutes les autres découlent : là où la liberté de s’exprimer est reconnue, celles de se réunir, de circuler, de s’associer ne peuvent être entravées bien longtemps. Mais cette liberté de base n’est pas suffisante en soi : il faut que le fonctionnement d’un Etat démocratique obéisse à un principe spécifique, susceptible de protéger le citoyen contre toute forme d’arbitraire. En d’autres termes, que le pouvoir de faire des lois – le pouvoir législatif -, celui de les faire appliquer – pouvoir exécutif – et celui de punir les infractions aux lois – pouvoir judiciaire – soient exercés par des personnes ou des institutions séparées et de surcroît indépendantes les unes des autres. Si ce principe n’est pas respecté au sein d’une démocratie, les protections internes contre des

disfonctionnements pouvant aller jusqu'à l’instauration du totalitarisme à la place d’un fonctionnement démocratique, sont menacées. C. Delacampagne explique en détails comment avec l’aide d’Aristote, puis de Montesquieu et de Locke

(6)

, le principe démocratique de la division des pouvoirs, après la séparation de ceux-ci, protège le citoyen d’un Etat démocratique contre les abus des deux autres pouvoirs. En France, en particulier, l’histoire des relations d’indépendance entre l’exécutif et le législatif, ou encore entre l’exécutif et le judiciaire, témoigne de nombreuses tentatives de sujétion plus ou moins occultes

(7)

.

Les deux principes que nous venons d’esquisser pour définir de façon positive une démocratie aujourd’hui, ne sont pas les seuls en cause, loin s’en faut. Mais la plupart des autres principes de base d’une démocratie peuvent être modifiés, au sein d’un Etat- nation, grâce aux dispositions réglementaires de la constitution du pays et de tous les règlements et jurisprudences qui ont pu être collationnés au cours de la durée de vie passée de cet Etat-nation. Il n’y a que peu de démocraties multicentenaires. Les autres doivent exercer leur sagacité politique, juridique et réglementaire par l’expérience.

Nous devons constater qu’un grand nombre de réglementations collectées et

collationnées ne garantissent nullement que l’expérience passée privilégie la capacité de résoudre les problèmes nouveaux qui se présentent constamment. Il y a des

critiques au contraire, qui considèrent qu’un excès de lois et de dispositions acquises du passé, concourt à bloquer les institutions et privilégie les arguties des spécialistes dont le seul but est de résoudre le nouveau problème qui se pose et non l’ancien problème, déjà partiellement dépassé.

Au moment où les désordres et les massacres de notre passé proche, venaient apporter a contrario le témoignage des conséquences de l’adoption, souvent forcée, d’autres façons de gouverner que celle de la démocratie, cette dernière apparut comme la meilleure solution. Aujourd’hui pratiquement toutes les formes de gouvernement ont été rejetées, à l’exception du projet démocratique de gouvernance d’un Etat-nation.

Mise à part des formes extrêmes de gouvernement que quelques partisans adoptent au

moment des élections législatives, les partisans de la liberté n’ont pas (encore) oublié

l’expérience vécue au cours des deux guerres mondiales. Mais la mémoire sensible est

courte et les raisonnements sans support de bon sens d’expérience peuvent facilement

apparaître sous leur facettes les plus séduisantes. Les démocraties resteront donc

fragiles et à la merci des discours démagogiques. La conclusion sur ce point, proposée

par C. Delacampagne, se résume à ceci : « s’il n’est pas faux que la démocratie soit,

actuellement, le moins mauvais des régimes réalisables, c’est parce que, toute

imparfaite qu’elle soit, elle n’en demeure pas moins le seul type de régime qui

s’efforce d’instaurer la justice sans sacrifier la liberté.

(8)

(12)

IV. 2 – 2 Qu’est-ce qu’une démocratie conviviale aujourd’hui ?

En bref, le nouvel Etat de droit rompt avec la forme impériale du pouvoir. Par ailleurs, dans la mesure où il remplace le régime de la puissance en propriété par une société où les hommes ne sont plus des choses, l’Etat de droit sépare la politique de l’économie et congédie la forme seigneuriale (domaniale) du pouvoir. C’est, à notre avis, à partir de cette évolution vers l’Etat de doit, qu’il devient possible de parler de convivialité, parce que le résultat d’une négociation à caractère juridique, peut avoir des caractéristiques de divergence entre participants, comme des caractéristiques de

consensus partiels ; et c’est sur la notion de consensus total ou partiel, que peut reposer la notion de convivialité.

Revenant au survol des évolutions d’un concept de démocratie, depuis la Grèce

ancienne, berceau traditionnel de la démocratie, puis, pendant le millénaire de régimes politiques monarchiques ou aristocratiques, quand ils n’étaient pas franchement

corrompus, lorsque la notion d’Etat-nation émergea, en Europe occidentale, il lui fallut résoudre les problèmes de sécurité interne et de guerres externes incessantes.

Beaucoup plus près de nous, l’idéal de liberté enflamma les esprits, puis les notions d’égalité et de luttes sociales prirent le pas sur les autres préoccupations. Un concept de convivialité naquit au niveau d’une bonne table avec Brillat-Savarin. Yvan Illitch de son côté, adopta le terme de convivialité dans le sens limité d’entraide sociale.

Cependant les passions des nations-Etats déchaînèrent plus tard les sociétés soumises aux injustices sociales criantes. Les colonies créèrent de nouvelles passions

dominatrices. Il y eut des conflits et des émigrations de masse. Comme l’explique bien J.-L. Bruch dans un commentaire au thème de l’amitié dans l’histoire de la philosophie

(2)

, l’amitié a cessé d’être un objet privilégié des méditations

philosophiques ; Descartes, Kant et Nietsche l’ont tous trois reléguée au rang d’une passion ordinaire, loin de la haute estime d’Aristote pour la « Philia ».

Ce n’est que très récemment qu’un concept de convivialité a reçu à nouveau, une chance d’éclore, grâce aux progrès sociaux, aux conditions de travail améliorées, grâce à une vie plus riche et humaine pourrait-on dire ; tous ces facteurs ont eu comme conséquence que l’on a commencé à s’intéresser à autrui, puis à l’accepter. La

suppression officielle de l’esclavage en 1929 est également à signaler comme un jalon essentiel vers une convivialité humaine digne de ce nom.

Nous venons de voir que l’évolution des Etats-nations s’est récemment accélérée vers des institutions politiques démocratiques. Pourtant que d’équivoques et que de

contradictions soigneusement entretenues au sein de l’espace public globalement délimité ! Nous avons vu que le principe de la séparation des pouvoirs, dans chacun des Etat-nation existant aujourd’hui s’est traduit par des institutions politiques et administratives réparties entre les différentes instances représentatives et légitimées à disposer d’une partie du pouvoir global de l’Etat. Parmi celle-ci, le pouvoir législatif travaille en général en vue de dégager des majorités qualifiées à propos de chaque sujet précis en discussion. Il nous paraît donc possible de considérer comme

conviviale une conclusion de débats publics, lorsque des conclusions valables ont été

tirées ; et cela, après confirmation et/ou modifications éventuelles discutées par

d’autres instances de l’Etat, habilitées dans ce sens. Le pouvoir législatif est prévu

(13)

pour discuter et trancher, à intervalles réguliers les multiples questions, objets de précisions politiques. Par contre, c’est en général le pouvoir exécutif qui gère de façon permanente, dans les limites convenues, les questions d’ordre politique au niveau de chaque Etat. Chacun des 190 Etats-nations possède ses lois et habitudes propres ; la très large variété des dispositions particulières à chaque Etat rend impossible une comparaison détaillée entre eux ; d’où la tendance à rechercher des regroupements, similitudes et compromis entre Etats, sur des sujets précis, afin, au moins de contredire la tendance illimitée à réglementer, normaliser et mieux définir, les conclusions de chaque Etat particulier sur un nombre de points précis toujours croissants.

Quelles pourraient être les conditions d’efficacité pour un fonctionnement démocratique convivial ?

Le droit de vote, en Belgique par exemple, était limité, au XIX° siècle aux

« bourgeois ». Il faut reconnaître que si un asile de fous était dirigé à partir d’une direction élue démocratiquement, le résultat pourrait être curieux ! Mais de là à supposer que la majorité des électeurs soient débiles ! Pourtant c’est bien ainsi que raisonnaient les régimes élitistes ou aristocratiques.

L’extension du droit de vote à tous les citoyens majeurs suppose une majorité

d’électeurs « raisonnables ». N’oublions pas que Hitler a été élu démocratiquement en 1935 en Allemagne !

Aujourd’hui, le pouvoir concentrateur des médias est un nouveau danger, sauf s’il a sa contrepartie dans la multiplication des sources de l’opinion publique (par exemple Internet) et en supposant que toutes ses sources d’information gardent la « tête froide » et ne se laissent pas entraînées par les courant sentimentaux et passionnels du moment.

En bref, une démocratie pour être efficace doit être une organisation répondant de façon positive aux critères qualificatifs suivants :

- être une organisation cohérente (appuyée sur un ensemble de normes ;

- être une organisation respectée (appuyée sur un système de sécurité lui-même convivial) au sein du territoire concerné ;

- être une organisation acceptée par un consensus de tous les citoyens concernés, ou au moins, une majorité nette et stable d’entre eux ;

- être une organisation raccordée au maillage de l’organisation politique du monde (pas la partie Nord de Chypre par exemple).

Nous sommes arrivés jusqu’ici à la constatation que la démocratie est un régime qui a toutes les chances d’être plutôt plus convivial que d’autres, parce que :

- Tous ou presque ont accès au droit de voter librement

- Les élus, en régime démocratique, le sont en général à mandat limitatif dans le temps ; ce qui limite le risque de comportements non-conviviaux, en cas de dérapage politique ou de montages pouvant devenir illégaux.

- Les risques d’entreprises extérieures non-conviviales sont relativement réduits par la structure interne propre d’une démocratie bien organisée (ré-élections partielles, décalages dans le temps des principaux centres de décision politique)

- Lors de nouvelles élections, le nombre de candidats potentiels rend malaisés les

arrangements non-conviviaux en circuits fermés.

(14)

- Il y a des règles précises pré-établies sur la durée des mandats politiques et des règles du jeu pour les sélections du prochain parti ou assemblages de partis au pouvoir.

- Les démocrates partent plus difficilement en guerre contre d’autres pays démocratiques.

- En général, emporte le pouvoir le parti qui obtient une voix de plus. Le jeu démocratique est donc convivial dans la mesure où les 49,99 % d’opposants à ce parti majoritaire suivent et acceptent la « décision des urnes ».

IV. 2 – 3 Pourquoi une tendance aujourd’hui vers des Etats conviviaux ?

La tendance actuelle, depuis quelques décennies à peine, à évoluer vers des Etats démocratiques et plus conviviaux est un phénomène qui n’a pas échappé aux politologues et aux sociologues. Comme nous examinerons avec un peu plus de détails plus loin, cette tendance a fait l’objet de nombreuses publications. Nous citerons à titre exemplatif l’ouvrage de S. Huntington sur « la troisième vague de démocratisation à la fin du 20° siècle »

(1)

. Cette étude constate que nous en sommes dans le monde à la troisième vague de démocratisation. La première vague commença vers 1660, dans les villes de Hartford et dans diverses villes du Connecticut. Il s’agissait d’initiatives des puritains ; mais, aussi bien en Angleterre qu’à l’Est des USA, ces tendances devinrent plutôt souterraines. Vers 1750, il n’y avait pas d’institutions démocratiques au niveau national en Occident. Une première longue vague de démocratisation se produisit en conséquence des révolutions américaines et française. Deux faits marquants, d’après Jonathan Sunshine

(2)

ont caractérisé un développement vers la démocratisation au cours du XIX° siècle : d’une part, 50 % des adultes masculin deviennent appelés à voter ; d’autre part, un dirigeant responsable, doit être choisi dans le cadre d’élections périodiques ou doit prouver qu’il est choisi par un nombre significatif de citoyens, dans un parlement élu démocratiquement. Mais, vers les années 1920 à 1930, il y eut un reflux dans cette tendance vers la démocratie.

(3)

Sur les 17 pays ayant adopté des institutions démocratiques entre 1910 et 1911, quatre seulement survécurent à ce premier reflux : les causes furent le développement anti-démocratique des idéologies communistes, fascistes ou militaristes. Une deuxième vague vers la démocratie se produisit à la fin de la seconde guerre mondiale. Mais cette tendance fut rapidement stoppée au profit de régime populistes ou militaristes. Cependant, la fin de la période coloniale occidentale contribua à créer de nouveaux Etats-nations. Nous citerons la Colombie, le Venezuela, le Pakistan, l’Inde, la Malaisie, l’Indonésie, le Sri Lanka, les Philippines ou le Nigeria.

Mais au début des années 1960, la deuxième vague de démocratie était épuisée.

L’ensemble des pays latino-américains, le Pakistan, la Corée, le Grèce sont quelques exemples de retour à des régimes autoritaires de diverses tendances. Il fallut attendre 1975 pour qu’une troisième vague de démocratisation se produise. Nous en sommes là aujourd’hui, mais on a pu constater une relation plus importante entre ordre et anarchie qu’entre démocratie et autocratie.

Pourquoi une tendance globale des Etats à évoluer vers la convivialité aujourd’hui ?

Après 50 ans de bipolarisation non conviviale, avec les USA et l’organisation sécuritaire de l’OTAN d’un côté, et l’URSS et tous ses Etats « satellites » à

« démocratie populaire » de l’autre, le réveil inattendu et brutal d’une volonté de

(15)

démocraties « autres » a plongé les observateurs de la vie politique dans un regain de réflexions et de questions sans réponses claires. Une des caractéristiques des résultats électoraux dans les pays d’Europe de l’Est était des votes à 99% des participants en faveur de l’équipe au pouvoir. Depuis 1989, la diversité des résultats et le nombre élevé des candidats au pouvoir ont apporté un indice clair quant à la malformation des anciennes règles de vote dans ces pays à « démocratie populaire ».

Aujourd’hui des résultats électoraux de cette nature continuent à se manifester par exemple en Tunisie. Les mêmes causes entraînent-elles les mêmes effets ? Comme le décrit Pierre Rosanvallon dans « La démocratie inachevée »

(4)

plus la démocratie représentative s’impose aujourd’hui dans son principe, plus elle apparaît, en France en tous cas, comme fragilisée dans ses modes de fonctionnement.

Que dit Rosanvallon dans le chapitre « Les voies nouvelles de la souveraineté du peuple » ? Dans ces pages conclusives de sa recherche sur l’évolution de la souveraineté du peuple de France, il aboutit à un constat :

« L’interprétation des formes d’émancipation conduit à reformuler l’objet même du politique. Dorénavant, il n’est pas seulement de mettre en puissance le peuple ; mais, plus radicalement, de l’instituer en une collectivité cohérente. Le concept politique central n’est plus celui de la volonté, mais celui de la justice. On passe ainsi d’une démocratie de la volonté à une démocratie de l’institution, dont le but est d’organiser la vie commune par le règlement de la distribution des droits et des biens entre les hommes et les femmes.

La discussion de normes de justice et leur administration est en son cœur. Cette perspective va, bien sûr, à contre-courant de toutes les approches souverainistes pour lesquelles le peuple existe comme un donné immédiatement cohérent, à l’identité évidente, suffisamment déterminé par la confrontation à un « extérieur ». Elle considère , en effet, que la volonté du peuple est un problème à résoudre autant qu’une solution à mettre en œuvre. »

Une généralisation des constitutions de type démocratique dans la majorité des Etats- nations d’aujourd’hui, aboutit à concentrer à ce niveau sociologique, les centres de décision du pouvoir. Chaque Etat-nation est parvenu à un certain équilibre et à une certaine répartition entre les aspects exécutifs, législatifs et sécuritaires de ses pouvoirs internes. L’organisation réglementaire de la répartition entre ces différents aspects, fait l’objet, dans notre siècle nouveau en rapide évolution, d’une réévaluation permanente.

Comme nous l’avons constaté dès l’introduction de notre étude, le développement accéléré des capacités d’information et d’interaction, à tous les niveaux de la société, participe activement à cette ré-évaluation permanente. Il en résulte un intérêt croissant pour les buts primordiaux composant le « eu zen » des anciens mais ces composantes ne sont pas considérés dans le même ordre décroissant pour tous, ni à tous les niveaux.

Il en résulte des tensions permanentes et la nécessité de faire intervenir simultanément de plus en plus de disciplines de la connaissance. Hamish Mc Rae dans « The world in 2050 »

(5)

propose très sommairement comment on pourrait tenter de classer dans un ordre décroissant les principales composantes de ce « eu zen » :

- assurer la survie matérielle individuelle et familiale - vivre en paix (sécurité)

- maximiser sa liberté - s’enrichir

Mais on s’aperçoit rapidement que ces 4 objectifs ne sont pas simultanément

atteignables pour tous, au sein d’une société fermée.

(16)

Par exemple :

- il n’y a pas de terres cultivables suffisantes pour tous ; d’où des carences alimentaires pour certains

- « on ne bâtit pas un paradis social sur un désert économique »

- la liberté pour tous risque d’entraîner une anarchie ne garantissant plus la sécurité pour tous.

- Si une catégorie de citoyens s’enrichit, c’est souvent au détriment d’une autre. D’où antagonisme riches-pauvres.

Nous conclurons ce survol en constatant que ces généralités jointes à de multiples autres priorités pour notre planète témoignent en tous cas d’un souci nouveau des

« autres ». En atteignant ce nouveau degré de convivialité que nous avons intitulé

« 4

ème

degré », les Etats peuvent devenir « moteurs ». Mais l’étape suivante serait au niveau des Etats-nations celle d’un début d’exécution. Nous verrons que certains des nouveaux objectifs posés, se retrouvent à des niveaux de sociétés plus généraux et qu’ils ne seront donc plus traités au niveau des Etats-nations mais plutôt regroupés au niveau global de la planète ou au niveau des régionalismes politiques.

La complexité de ces préoccupations créées par la recherche du « mieux vivre », aboutit à devoir les traiter par différentes disciplines spécialisées. La multiplication de nouvelles sociétés « transnationales », les « TNC » (transnational corporation), concentre les intérêts de beaucoup de disciplines différentes au sein des sciences humaines. Il en résulte que nous devons tenter d’organiser les réponses possibles à notre recherche, en tenant compte de différentes disciplines :

- il y a l’approche sociologique, volontairement axiologiquement neutre, car c’est ainsi que nous avons défini ce concept de convivialité

- il y a l’approche politique, à partir du « polis » grec ou de ses équivalent dans d’autres civilisations.

- il y a l’approche du droit international, car c’est sur les principes de droit que s’est construit l’organisation des Nations-Unies depuis 1945

- il y a enfin l’approche pratique découlant des nouvelles synergies en philosophie politique, vers lesquels semblent converger les concepts de pragmatisme chez Peirce, d’éthique de discussion chez J. Habermas ou de justice politique chez J.

Rawls. Comme dit J. Habermas « dans la mesure où j’admire ce projet de théorie de la justice de J. Rawls, j’en partage l’intention de base et considère les résultats les plus importants comme justes, le désaccord, qu’on m’invite à formuler, reste dans le cadre étroit d’une querelle de famille. »

(6)

IV. 2 - 4 Il y a-t-il (encore) aujourd’hui des Etats conviviaux non-démocratiques ?

Les quelques 190 Etats-nations inscrits aujourd’hui à l’assemblée des Nations-Unies pourraient théoriquement tous prétendre aux conditions mises au point par l’Union Européenne pour pouvoir être admis à celle-ci. En réalité, les mécanismes d’admission pour donner le feu vert à un candidat nouveau à l’EU sont contraignants quant aux modalités politiques et économiques requises. Après un demi-siècle d’efforts, l’Union Européenne a mis au point un véritable cahier des charges des conditions d’admission.

Mais le problème de la convivialité interne d’un Etat-nation, reste avant tout

(17)

sécuritaire. Nous examinerons sommairement quelques cas d’Etats dits aujourd’hui

« défaillants » parce qu’incapables de se présenter en Etat sécuritaire, politique, économique et administratif suffisants pour avoir accès aux instances internationales spécialisées pour leur venir en aide (voir IV 2 – 2 ci-dessus). Mais il est d’autres Etats dont le comportement, jugé inacceptable par l’assemblée des Nations-Unies, fait l’objet d’un ostracisme. Le résultat est souvent très dommageable pour les populations de cet Etat, mais le droit d’intervention dans les affaires d’autrui, le « devoir d’ingérence », reste très sensible et critique. (voir les Etats dits hors la loi).

Mais sans aucunement chercher à être exhaustif sur ce vaste sujet, il nous paraît approprié de citer des Etats conviviaux mais non-démocratiques exception à la règle que nous avions avancée. Il s’agit d’Etats jouissant en général de richesses locales ou de privilèges particuliers, tels qu’une situation géographique exceptionnelle et qui sont gérés à la satisfaction de la majorité de leur population tout en échappant à la tendance actuelle vers la démocratie. Aristote prévoyait déjà les « monarques conviviaux » (1) où « l’amitié règne dans le cœur du monarque dans la mesure où il allie, à sa supériorité, la bienfaisance. S’il est bon, il veille au bien de ses sujets, se soucie sans cesse de leur bonheur, ressemble à un berger attentif aux soins de son troupeau. » Dans le monde d’aujourd’hui, nous avons trouvé des cas similaires.

Par exemple, au sultanat d’Oman le pouvoir autocratique dirigeant a négocié avec des sociétés étrangères, européennes et indiennes, la mise à disposition de villages, nouvellement construits ; le gaz du pétrole appartenant au sultan, est brûlé dans des centrales fournissant l’électricité. Avec les revenus de la location des maisons de ces villages, l’ensemble des infrastructures est remboursé par des prêts à long terme. Le rachat final des installations permet de démarrer le financement de nouveaux villages.

Une variante à cette solution est celle des solutions financières à remboursement de capital à très longue échéance et à bail emphythéotique. Ces variantes sont une solution plus conviviale, mais supposent l’intervention à des niveaux qui dépassent l’Etat-nation et sont d’ailleurs soumis à d’autres critères plus ou moins contraignants, tels que les conditions du FMI (Fond monétaire international).

Parmi les Etats-nations hors normes, nous pourrions citer : - Cuba

- L’Arabie Saoudite, pays dirigé par un prince aristocratique à la tête d’une famille de 7.000 ou quelques membres et est dirigé en fait sans obligation de consensus.

- La Colombie - La Corée du Nord

- La partie turque de l’île de Chypre

La convivialité suppose des relations stables et bilatérales entre Etats. Mais chaque cas

est particulier et à la limite concerne chaque Etat-nation considéré. Il y a aujourd’hui

encore beaucoup de place pour la diplomatie !

(18)

IV. 3 – 1 Quelle légitimité conviviale pour les démocraties ?

Le seul cas où se dégage une légitimité indiscutable est celui où les participants se mettent d’accord sous une forme de consensus à propos du point abordé dans la discussion.

Dans le cas des décisions à prendre dans un Etat-nation de nature démocratique, il est toujours par définition, malaisé de trouver des solutions acceptables pour des partenaires politiques d’opinions diverses, sinon opposées. Cependant, il est des cas où un consensus politique peut être dégagé. Une pareille décision renforce fortement la légitimité du gouvernement concerné.

Comme tous les intéressés connaissent les difficultés à surmonter, il est souvent de bonne politique de scinder la décision globale à prendre, en des décisions partielles où un consensus limité peut être atteint. A l’issue des débats, il restera à entreprendre un marchandage final où tous apparaîtront comme gagnants et le résultat sera donc finalement un consensus.

Dans tous les autres cas, des discussions entre pairs dans un climat de convivialité sont l’approche la plus utile et la plus constructive pour trouver une solution. L’alternative est un retour à des attitudes moins conviviales, bien connues des historiens mais dont les conséquences (politiques de la chaise vide, recherche de position de force, etc.) ne sont en général pas plus efficaces, surtout si une dégradation des degrés de convivialité entre discutants est un risque à envisager.

A partir du moment où le principe de la séparation des pouvoirs est instauré de façon officielle dans les institutions normatives d’un Etat-nation, le problème des limites de pouvoir légitime de chacun des titulaires de ces pouvoirs institués devint crucial.

Avant tout, il est nécessaire que les relations entre chacun de ces pouvoirs délimités soit conviviales vis-à-vis des autres composantes, en particulier dans les domaines relevant du pouvoir exécutif, où l’élément « temps » peut être essentiel et les conséquences irréversibles.

Quelles peuvent être les limites de convivialité entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans un Etat-nation « convivial » ?

Dans la constitution française de la 5

ème

république, le président de la République, élu au suffrage universel direct, possède une légitimité populaire qui lui confère une autorité considérable. Si le premier ministre, chef du gouvernement et de la majorité parlementaire, est du même parti que le président, il en résulte un exécutif tout- puissant. D’autant qu’il existe en outre des prérogatives « régaliennes » du président, dont la conduite de la diplomatie et celle de la politique de défense.

(1)

Dans la constitution des USA, l’équilibre des pouvoirs semble mieux garanti par la constitution américaine et le Congres est très puissant, dans l’équilibre des pouvoirs.

Dans chacune des autres constitution nationales des différents Etats-nations, c’est celle-ci qui détermine les limites.

Il y a également des limites entre exécutif et pouvoir judiciaire. Là encore, la parfaite connaissance des aspects des différents départements concernés, est la solution d’une convivialité efficace entre ces départements. A défaut, les relations entre exécutif et judiciaire « bloquent ». Un faible degré de convivialité au sein des administrations d’un Etat-nation sont une source fréquente de fonctionnement déficient.

Pour rappel, le débat sur la légitimité du pouvoir politique, fut historiquement un point

essentiel en Europe car les traditions autocratiques ou aristocratiques étaient profondes

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