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Les réponses de peur chez la caille japonaise : approches neurobiologique et comportementale

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Academic year: 2021

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Submitted on 6 Jun 2020

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Les réponses de peur chez la caille japonaise : approches neurobiologique et comportementale

Hélène Saint-Dizier

To cite this version:

Hélène Saint-Dizier. Les réponses de peur chez la caille japonaise : approches neurobiologique et comportementale. Sciences du Vivant [q-bio]. Université François Rabelais (Tours), 2008. Français.

�tel-02816964�

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UNIVERSITÉ FRANÇOIS - RABELAIS DE TOURS

ÉCOLE DOCTORALE « Santé, Sciences, Technologies » INRA Station de Recherches avicoles

THÈSE

présentée par :

Hélène SAINT-DIZIER

soutenue le : 19 Mars 2008

pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François – Rabelais de Tours Discipline/ Spécialité : Sciences de la vie

Les réponses de peur chez la caille japonaise :

approches neurobiologique et comportementale

THÈSE dirigée par :

Mme RICHARD Sabine Chargée de Recherches, INRA de Tours Mme LETERRIER Christine Chargée de Recherches, INRA de Tours RAPPORTEURS :

M. BALTHAZART Jacques Professeur, Université de Liège (Belgique) M. CHICHERY Raymond Professeur Émérite, Université de Caen

JURY :

M. BALTHAZART Jacques Professeur, Université de Liège (Belgique)

M. BOISSY Alain Directeur de Recherches, INRA de Clermont-Ferrand M. CHICHERY Raymond Professeur Émérite, Université de Caen

M. LEMAN Samuel Maître de Conférences, Université de Tours Mme LETERRIER Christine Chargée de Recherches, INRA de Tours Mme RICHARD Sabine Chargée de Recherches, INRA de Tours

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Remerciements

La thèse a été pour moi une expérience riche en émotions où j’ai fréquemment partagé rires et larmes. Toutes les personnes que j’ai rencontrées durant ces trois années m’ont aidée à

m’épanouir, et mener à bien des projets à la fois scientifiques et personnels. Cette thèse n’aurait pu aboutir sans la participation de ces personnes. Pour ces raisons je tiens à

remercier chaleureusement et sincèrement :

Sabine Richard, pour son encadrement exceptionnel à toutes les étapes de cette thèse. J’ai bénéficié de conseils, de connaissances théoriques, de corrections constructives et d’aides pratiques sur le plan scientifique. J’ai aussi reçu des encouragements, un soutien et une écoute attentive sur le plan moral et personnel. Cette thèse est le fruit de ce partage et de ces échanges qui m’ont permis d’évoluer. Un grand merci donc !

Christine Leterrier et Frédéric Lévy pour avoir co-encadré cette thèse avec complémentarité. Merci à tous les deux pour votre soutien, la transmission de vos connaissances, les encouragements, le partage d’émotions, les discussions parfois philosophiques voire même teintées de psychologie. Je dois avouer que j’ai adoré avoir la possibilité de rentrer dans l’un de vos bureaux aussi bien pour analyser mes nouveaux résultats que pour digresser sur les valeurs de la vie, mon avenir et bien d’autres sujets.

J’espère ne rien oublier de ces conversations qui m’ont permis de construire ce projet et de préparer mon avenir. Une dédicace particulière à Christine pour son aide admirable avec mes bestioles et sa force qu’elle transmet si bien.

Philippe Chemineau, Chef de département (département PHASE), pour m’avoir apportée d’excellentes conditions de travail jusque dans les derniers mois et avoir suivi avec intérêt l’évolution de cette thèse.

Benoît Malpaux et Yves Nys, respectivement Directeur de l’unité de Physiologie de la Reproduction et des Comportements et Directeur de l’Unité de Recherches Avicoles, pour m’avoir accueillie dans leurs unités.

Messieurs Jacques Balthazart, Alain Boissy, Raymond Chichery et Samuel Leman qui me font l’honneur d’examiner mes travaux de thèse et d’en discuter lors de la soutenance. Un merci particulier à Jacques Balthazart pour m’avoir accueillie dans son laboratoire et m’avoir offert d’excellentes recommandations.

Madame Catherine Belzung et Messieurs Yves Tillet et Henrique Sequeira, pour leur participation active lors des réunions du comité de thèse. Un merci particulier à Yves pour avoir suivi la thèse depuis ces débuts et pour y avoir apporté ses conseils judicieux.

Paul Constantin pour son savoir-faire dans la plupart des expériences de la thèse, ses compétences graphiques pour les figures, ses talents de dessinateur, sa bonne humeur quotidienne, son humour, et ses jeux de mots (mon préféré : la contrepèterie de groupe de cailles).

Nathaële Wacrenier-Ceré, pour toutes les heures passées auprès des cerveaux (sans toi les cerveaux seraient encore congelés !), pour son aide incommensurable en immuno, sa joie de vivre et sa gentillesse.

Ceri Davies, pour avoir partagé ses opinions sur l’ensemble des travaux, ses connaissances innombrables sur le cerveau d’oiseau, son aide précieuse dans la manip lésion, ses corrections fabuleuses sur l’article.

Jean-Claude Thiery, pour son aide dynamique, la transmission de ses connaissances pratiques et théoriques et son intérêt au cours de l’étude lésionnelle.

L’ensemble de l’équipe "Comportement, Neurobiologie et Adaptation" qui m’a accueillie pour la première fois il y a plus de 5 ans, pour l’excellente formation que

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j’ai reçue auprès d’elle. Soit Guillaume Ferreira, pour son enthousiasme, ses connaissances en neurobiologie, sa passion pour la science qu’il m’a communiquée en maîtrise et en DEA. Guigui, j’espère t’avoir déjà remercié en DEA de la possibilité que tu m’as offerte de devenir "une grande dame doctoresse". Matthieu Keller, pour sa sympathie, son expérience de jeune chercheur, son point de vue sur le monde de la recherche et quelques fois sur l’univers. Cécile Arnoud, pour ses connaissances du monde des poulettes.

Raymond Nowak, pour sa sagesse de grand chef. Elodie Chaillou et Léa Lansade, pour leurs connaissances, leurs expériences et les échanges ; Maryse Meurisse et Nicole Jouaneau pour leur aide pratique sur les cerveaux et leur gentillesse ; Pascal Poindron, pour ses compétences en statistiques et ses connaissances innombrables ; sous oublier les anciens, Dick Porter et Pierre Orgeur avec qui j’ai de bons souvenirs.

Jean-Marie Brigant et Jean-Marie Hervouet, pour leur aide et leur savoir faire dans l’élevage des cailles.

L’ensemble des thésards avec qui j’ai pu échanger analyses de résultats, connaissances scientifiques, fous rires et coups de blues. Du côté URA : Microseb pour les moments de délire (j’en garde une belle preuve en film), la réflexion sur le monde de la recherche, les potins, les balades à cheval ; Manuela, Dorothée, Dom, Vincent et Iz, pour l’ambiance fabuleuse qui règne dans le bureau thésard. Du côté PRC : Jessica, en souvenir du soutien mutuel pendant quatre années vécues en parallèle ; Cécile, la petite dernière de l’équipe, pour les conversations dans le bureau, les points de vue que nous partageons et ces qualités humaines ; Astrid et Céline, tout simplement parce que ce sont deux personnes extraordinaires avec qui j’adore faire des pauses cafés-clopes et aller boire des verres ! Du côté de l’Université : Julio, avec qui j’ai pu (presque) tout partager et comparer, du DEA à la fin de la thèse. Des instants simples qui nous ont liés avec une certaine force ! Christelle awanawanawé, pour tous les fous rires, sa passion pour la recherche et parce que c’est une personne fabuleuse qui me donne l’exemple de ce que devrait être une chercheuse aujourd’hui. Sans oublier Alessandro qui même loin sera toujours présent dans les merveilleux souvenirs de ce quatuor du DEA ! Guada et Elsa (la relève), pour leurs qualités humaines qui sautent aux yeux !

Tous mes colocataires (la plupart, thésards de l’équipe) qui se sont succédés pour me supporter au quotidien (à la fois au bureau et à la maison). Pour la coloc’ de Nouzilly : Un immense merci à Gaëlle et Fredo, pour leur aide inégalable (entre autres avec mes bourriques malades), pour les moments de réflexions sur nos vies, pour les moments de bonheur partagé, pour leur soutien moral, et plus particulièrement pour le dynamisme et l’enthousiasme de Fredo ainsi que la sagesse et les conseils de Gaëlle. Je remercie aussi Séverine, pour son humour, les moments entre filles et son exemple de chercheuse en devenir. Je ne pourrai oublier les instants de vie que nous avons vécus à quatre : les discussions sur le coin de la cuisine, le voyage en Australie, les randos ... Je n’oublie pas non plus, les "remplaçantes de Sév" avec qui j’ai vécu des moments forts bien que leur passage fut parfois court : Aurélie, Pauline et Mathilde. Pour la coloc’ à Tours : encore un gigantesque merci à Bertrand (monsieur "je suis petit, ca vous pose un problème ?"), pour sa joie de vivre, son tempérament, ses qualités humaines, ses talents de cuisinier et j’en passe et des meilleurs. Bertrand, je dois avouer que j’adore vivre à tes côtés, je m’y sens détendue. Thomas (monsieur "je squatte chez des potes et je le vis bien !") pour sa culture, sa gentillesse, son humanisme et son dévouement pour le rangement et le ménage. Nous avons créé un trio qui fonctionne bien, je crois, grâce aux petits bonheurs de la vie de tous les jours : l’heure de l’apéro, les moments de philosophie du soir, les blagues du matin, les week-ends sorties/vautrage de canapé et parce que vous supportez admirablement

"madame je suis en 3ème année de thèse et j’embête tout le monde" !

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Juliette Cognié, qui incarne la bonne humeur, l’intelligence, la force d’une belle femme et l’humour. C’est avec Juliette que j’ai le plus ri à l’INRA, partagé un maximum de grand n’importe quoi, mais aussi de conversations sur la vie, sur mon avenir, sur mes amours. Un ensemble de petits bonheurs qui rendent le quotidien joyeux ! C’est sûr sans mon coach de vie, je n’en serais pas à ce stade de développement personnel !

Françoise Prades Chauvière, qui m’a apporté bien-être et grâce à qui j’ai évolué rapidement ! Cette rencontre m’a permis de ressentir une personnalité dynamique et joyeuse. J’ai appris à accepter certains événements sans chercher à les modifier ou à les contrôler. Cette thèse ne serait pas la même sans sa participation.

Ma famille, qui m’a toujours soutenue quels que soient mes rêves, mes folies, mes joies, mes larmes. Mes parents savent à quel point je leur suis redevable et à quel point je les trouve formidables non seulement dans leur rôle de parents mais aussi dans leur rôle d’homme et de femme de cette société. Les trois frangines, qui ne doivent pas se douter à quel point je les admire, et pourtant elles ont été un modèle dans toutes les étapes de ma vie, chacune à leur façon. Les beaufs, pour les conseils qui m’ont apporté la vision de grands frères que je n’avais pas eue. Je suis très fière d’être la petite dernière de cette famille de dingues et je souhaite que nous restions soudés.

Les amis de longues dates : Alice, pour notre enfance partagée, parce que tu es comme une sœur, que tu es une fille formidable et que ta simple présence m’apaise ; Norman, pour notre vision d’anges looseurs, parce que quand on est tous les deux, tout est si cohérent ; Manue, pour son ivresse envers la vie que je partage avec elle et nos conversations de psychologie de comptoir qui me font tant de bien ; Steph de Paris, pour sa bonté, sa douceur, parce qu’il est en quelque sorte mon prince charmant, celui qui a éveillé mon romantisme ; et Stef de Tours, pour nos théories, parce que certaines fois j’ai la sensation qu’on se fait grandir ensemble quand nos visions raisonnées et passionnées se mélangent.

Jean-Luc, pour son soutien merveilleux dans cette dernière année de thèse et pour notre idylle inoubliable que nous sommes seuls à connaître. J’espère continuer à partager ce bonheur avec toi mon loupiot.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

A / Peut on énoncer une définition des émotions ? 4

B / Qu’est ce que la peur ? 6

C / Comment appréhender la peur chez les oiseaux ? 7

1 / Situations génératrices de peur chez les oiseaux 7

2 / Réactions comportementales et physiologiques indicatrices d’un état de peur chez l’oiseau 9

a) Les réactions comportementales 9

b) Les réactions physiologiques 11

3 / Apports des sélections génétiques pour étudier la peur chez les animaux 12

D / Comment le cerveau « contrôle-t-il » la peur ? 15

1 / Connaissances générales sur la neurobiologie des comportements de peur chez les mammifères 15

a) L’amygdale 16

b) Le noyau du lit de la strie terminale 17

c) L’hippocampe 18

d) Le cortex préfrontal 18

e) Le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus 19

2 / Etat actuel des connaissances sur la neurobiologie des comportements de peur chez les oiseaux 20

a) La structure générale du cerveau d’oiseau 20

b) Les structures centrales potentiellement impliquées dans l’expression des comportements de peur chez l’oiseau 21

Arcopallium et amygdale palliale postérieure 22

Autres structures cérébrales potentiellement impliquées dans l’expression des comportements de peur chez les oiseaux 24

OBJECTIFS 26

(7)

MODELE ANIMAL 28

1 / Mise en place de la sélection de cailles japonaises sur leur durée d’immobilité tonique 28

2 / Conséquences comportementales, génétiques, physiologiques et neurobiologiques de la sélection 31

a) Données comportementales 31

b) Données génétiques 32

c) Données physiologiques 32

d) Données neurobiologiques 33

CHAPITRE 1 35

Implication différentielle de sous-régions de l’arcopallium / amygdale palliale postérieure dans le contrôle des comportements de peur chez l’oiseau Introduction 35

Etude préliminaire 37

Article soumis dans Behavioral Neuroscience : Subdivisions of the arcopallium / posterior pallial amygdala complex are differentially involved in the control of fear behavior in the Japanese quail 40

Commentaires 59

CHAPITRE 2 62

Identification de structures cérébrales susceptibles d’être impliquées dans l’expression des comportements de peur des oiseaux, par une étude d’activation neuronale Introduction 62

Etude préliminaire 64

Article en préparation : Fearfulness influences Fos expression in the paraventricular hypothalamic nucleus, bed nucleus of the stria terminalis and arcopallium / posterior pallial amygdala in japanese quail 66

Résultats annexes 90

Commentaires 91

CHAPITRE 3 94

Introduction 94

Article accepté dans Applied Animal Behaviour Science : Selection for tonic immobility duration does not affect the response to novelty in quail 95

Commentaires 105

(8)

DISCUSSION 107 Rappels des principaux résultats 107 A / L’arcoppalium / PoA, une région au rôle majeur dans le contrôle des

comportements de peur chez l’oiseau 109 1) L’arcopallium antérieur 109 2) La partie postérieure de l’arcopallium / PoA 110 3) L’arcopallium / PoA, un homologue partiel de l’amygdale des mammifères ? 114 B / Le rôle du noyau du lit de la strie terminale dans le contrôle des comportements

de peur chez les oiseaux 116 C / Le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus et son rôle dans le contrôle des

réponses de peur chez les oiseaux 117 D / Peut-on établir un réseau de régions cérébrales contrôlant les réponses de peur

chez les oiseaux ? 119 E / Peut-on considérer la peur comme une émotion unique ou possède-t-elle un

caractère multidimensionnel ? 121 1) La peur, une émotion unique ? 121 2) Des données en faveur de la reconnaisse du caractère multidimensionnel

de la peur 121 3) Plusieurs circuits neuronaux pour plusieurs réponses de peur ? 123 F / Les modèles (animal et expérimental) utilisés au sein de la thèse sont-ils adaptés à

l’étude neurobiologique des réponses de peur chez les oiseaux ? 125 1) L’intérêt des lignées de cailles STI et LTI dans l’étude des mécanismes

neurobiologiques des réponses de peur chez les oiseaux 125 2) L’intérêt du test d’objet nouveau pour l’étude des mécanismes neurobiologiques

des réponses de peur chez les oiseaux 128 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 131 LISTE DE PUBLICATIONS 147

(9)

INTRODUCTION

(10)

Introduction

1 Introduction

« Au commencement était l’émotion » (Louis-Ferdinand Céline)

L’une des premières études scientifiques portant sur les émotions des animaux date de 1872 lorsque Charles Darwin propose l’existence d’une continuité dans l’expression des émotions chez les mammifères. La démarche de Darwin, motivée par une approche évolutionniste, a consisté à cataloguer avec rigueur, puis à comparer, une variété d’expressions émotionnelles chez diverses espèces animales et chez l’homme. Pour Darwin (1872), les expressions émotionnelles de l’humain trouvent leurs origines au sein de l’histoire évolutive des espèces. De plus, comme le remarque Dawkins (2006), il tient pour acquis que non seulement l’animal se comporte émotionnellement mais il éprouve aussi ces émotions, au même titre que l’homme. Pourtant, en France, les animaux ne sont légalement considérés comme des êtres sensibles et donc capables de percevoir des émotions qu’en 1976 (Loi « nature », Journal officiel du 13/7/1976). Les questions relatives à la nature des émotions perçues par les animaux ont ainsi occupé l’esprit de nombreux biologistes tout au long du 20ème siècle, car les preuves solides de l’attribution d’états affectifs chez l’animal s’avèrent difficiles à mettre en évidence. Chez l’homme, l’expérience émotionnelle a été estimée à partir du langage mais elle n’est pas directement accessible chez l’animal. Il serait pourtant dommage de considérer que l’expérience émotionnelle se limite à l’homme, par la seule preuve du langage. Des démarches scientifiques ont consisté à faire des analogies entre les réponses émotionnelles chez l’homme et celles des autres animaux. Mais elles peuvent se révéler peu convaincantes si la communauté scientifique ne peut désigner des éléments essentiels des émotions comparables entre espèces. Ainsi, c’est en déterminant les mécanismes sous-jacents permettant de caractériser les émotions que la biologie peut réduire la résistance à accepter l’attribution d’une expérience émotionnelle chez l’animal (LeDoux, 1996 ; 2000 ; Panksepp, 2005 ; Paul et al., 2005 ; Dawkins, 2006 ; Burgdorf et Panksepp, 2006). Nous verrons au cours de cette introduction que l’investigation des mécanismes neurobiologiques apporte des connaissances nécessaires à l’étude des émotions chez l’animal. En outre, les circuits neuronaux qui sont à la base de l’expression des émotions chez l’homme, existent également chez l’animal (LeDoux, 1996 ; Panksepp, 2005 ; Burgdorf et Panksepp, 2006).

(11)

Introduction

2

« Le cerveau est mon second organe préféré » (Woody Allen)

Depuis les travaux de Darwin, on n’a de cesse de chercher l’existence d’une continuité phylogénétique des composantes des émotions. Comme le suggère très simplement Dawkins (2006), « nous avons tous l’intuition, depuis longtemps déjà, que les émotions ont quelque chose à voir avec le cerveau ». De même, LeDoux dans Le cerveau des émotions (1996), introduit très clairement la question : « Les solutions trouvées par l’évolution aux problèmes communs à de nombreuses espèces différentes proviennent certainement de fonctions sous-jacentes communes. La question évidente soulevée par cette discussion est de savoir comment une équivalence fonctionnelle du comportement peut être maintenue entre les espèces, notamment entre celles pour lesquelles cette fonction s’exprime par des comportements radicalement différents. La réponse, pour faire bref, à ce problème très complexe est que les systèmes cérébraux requis par ces fonctions sont les mêmes chez les différentes espèces » (p.121). En effet, aujourd’hui, la comparaison des mécanismes neurobiologiques sous-jacents aux comportements émotionnels entre différentes espèces permet d’établir des homologies (équivalences structurales) et des analogies (équivalences fonctionnelles) au niveau du système nerveux central (Burgdorf et Panksepp, 2006). Par exemple, l’amygdale, structure cérébrale jouant un rôle central dans l’expression émotionnelle, semble posséder des caractéristiques anatomiques et fonctionnelles similaires entre différentes espèces. En effet, il a été observé que des lésions de l’amygdale diminuaient les réponses émotionnelles chez différentes espèces de mammifères telles que le rat, le lapin, le chat, le chien, le singe (LeDoux, 1996). Chez les oiseaux et les lézards, on recense beaucoup moins d’études que chez les mammifères mais il a été montré que des lésions des homologues aviaire et reptilien de l’amygdale des mammifères provoquent une diminution des réponses émotionnelles (oiseaux : Cohen, 1975 ; Lowndes et Davies, 1995 ; lézards : Davies et al., 2002). De récentes études neuroanatomiques suggèrent aussi des similitudes structurales entre l’amygdale et certains noyaux du cerveau des amphibiens (Laberge et al., 2006 ; Moreno et Gonzalez, 2007).

Ainsi, les données neurobiologiques semblent conforter l’existence d’une continuité phylogénétique des mécanismes émotionnels chez les vertébrés. Cependant, les neurosciences comportementales se sont particulièrement intéressées aux mécanismes des émotions chez les mammifères mais les connaissances chez les autres vertébrés restent encore limitées. Or, pour améliorer la compréhension de la continuité phylogénétique des émotions, les connaissances au sein de différentes classes sont indispensables. L’étude des mécanismes neurobiologiques chez les oiseaux constitue donc une étape fondamentale

(12)

Introduction

3 pour la compréhension des émotions chez les vertébrés. Au cours de cette thèse, nous nous sommes penchés sur l’étude des mécanismes neurobiologiques associés aux comportements, chez les oiseaux, pour appréhender les mécanismes d’une émotion particulière : la peur.

« Ce n‘est pas nécessaire d’avoir des raisons pour avoir peur » (Romain Gary)

La plupart des études concernant les émotions, et en particulier celles de la neurobiologie des émotions, ont porté sur une émotion particulière, la peur. La raison principale de cette orientation vient du fait que la peur engendre des réponses plus faciles à mesurer chez l’animal, telles que la fuite ou l’évitement, que d’autres émotions comme la joie par exemple. De plus, d’un point de vue évolutif, la peur est très conservée au niveau comportemental au sein du règne animal. En effet, la peur, responsable des comportements de fuite face à un danger, est nécessaire à la survie d’un individu. On retrouve ainsi des réponses de peur similaires chez de nombreuses espèces animales (Russel, 1979 ; Boissy, 1995 ; LeDoux, 1996), comme l’avait déjà observé Darwin (1872). De plus, l’élevage des animaux fournit une seconde raison d’étudier les réponses de peur chez ces derniers car la peur peut engendrer des comportements inadaptés, au sein d’environnements artificiels. De nombreuses situations en condition d’élevage, telles que les manipulations par l’homme ou des changements brutaux d’environnement peuvent être à l’origine d’atteintes sérieuses au bien-être des animaux, en particulier chez les oiseaux (Jones, 1996). Par exemple, un stimulus soudain, intense et inhabituel peut déclencher un mouvement de panique chez le poulet de chair, conduisant les animaux à se jeter sur les obstacles ou les murs du bâtiment et à s’entasser les uns sur les autres, provoquant des blessures, voire la mort par suffocation de certains individus (Mills et Faure, 1990). Or, le respect du bien-être animal implique la recherche de conditions d’élevage minimisant les émotions négatives. Ces problèmes ont motivé des travaux visant à comprendre les mécanismes d’expression des comportements de peur chez les oiseaux, entre autres au niveau neurobiologique (Boissy et al., 2007).

Ainsi, notre objectif a été d’étudier les mécanismes neurobiologiques de la peur chez les oiseaux et de les mettre en relation avec les comportements de peur. A la suite de cette brève introduction, nous commencerons par définir les émotions puis cette émotion négative qu’est la peur. Nous verrons ensuite comment est étudiée la peur chez les oiseaux et quelles sont les principales connaissances sur la neurobiologie des comportements de peur chez les mammifères et chez les oiseaux.

(13)

Introduction

4 A / Peut on énoncer une définition des émotions ?

« L’une des choses les plus pertinentes qui aient été dites au sujet de l’émotion pourrait être que tout le monde sait ce dont il s’agit jusqu’au moment où on demande de la définir » (LeDoux, 1996). En effet, la principale difficulté concernant l’analyse des émotions tient à l’absence de définition consensuelle entre les théoriciens, ou d’une théorie dominante permettant d’expliquer le phénomène émotionnel (Christophe, 1998). Les psychologues ont reconnu l’étendue des facettes que recouvre l’étude des émotions et ont proposé plusieurs classifications. Ainsi, les théories varient selon que l’on s’intéresse aux composantes de l’émotion, aux mécanismes déclenchants, aux effets de l’émotion sur les comportements ou aux fonctions de l’émotion. Les premières théories des émotions sont essentiellement fondées sur le rôle supposé de l’activation physiologique dans le déclenchement et le déroulement de l’émotion. Selon la théorie périphérique de James (1884, cité par Christophe, 1998), tout à fait révolutionnaire à l’époque, l’émotion résulte de la perception des changements physiologiques déclenchés par la perception d’un stimulus. Cette théorie suppose l’existence d’une activation physiologique spécifique à chaque émotion. La théorie centrale des émotions de Cannon (1927, cité par Christophe, 1998) s’oppose à la vision de James et propose que la différenciation des émotions se fasse au niveau du système nerveux central. La perspective centraliste de Cannon ne considère plus les changements physiologiques comme cause de l’émotion mais plutôt comme conséquence de l’expérience émotionnelle. Par la suite, des théories dites cognitives ont apporté un regard nouveau en soulignant l’importance de l’évaluation subjective du stimulus dans la genèse des émotions. Selon ces théories, les processus cognitifs sont reliés au déclenchement et au déroulement de l’émotion. Ainsi, le résultat de l’évaluation cognitive de la situation est à l’origine de l’émotion ressentie et de sa différentiation (Leventhal et Scherer, 1987). D’autres théories, dites néo-darwiniennes, se sont focalisées sur l’histoire évolutive des expressions émotionnelles, en distinguant des émotions de base (telles que la peur, la joie ou la tristesse) et des émotions plus complexes qui correspondent à des interactions entre différentes émotions de base. Dans ce modèle, des fonctions adaptatives peuvent être attribuées à chaque émotion de base (Plutchik, 1984, cité par Christophe, 1998; Ekman, 1992). Ces théories sont, par exemple, à l’origine de travaux qui ont permis d’identifier des circuits neuronaux différenciés pour les émotions de base (Panksepp, 1982 ; LeDoux, 1996). Néanmoins, le concept d’émotions de base, probablement trop simpliste, fait aujourd’hui l’objet de critiques. L’existence d’émotions de bases est remise en question par la reconnaissance des aspects multidimensionnels au

(14)

Figure introduction 1: Manifestations objectivables d’un état émotionnel chez les oiseaux.

Expérience

subjective Réponses

Comportementales

Réponses Physiologiques Réponses

Neurobiologiques Stimulations de

l’environnement

Critères indicateurs de l’état émotionnel

(15)

Introduction

5 sein de chaque émotion. Chaque émotion serait constituée de dimensions discrètes indépendantes et spécifiquement associées à des situations précises (Russell, 2003). Bien que la liste des théories mentionnées ci-dessus ne soit pas exhaustive, elle constitue un bref historique des discussions centrées sur la conceptualisation de l’émotion. Ainsi, les différentes théories abordent les émotions d’un point de vue qui leur est propre et y intègrent une définition spécifique (les différentes théories proposées n’étant pas toujours incompatibles). Devant cette diversité, nous avons initialement choisi de nous placer dans un cadre conceptuel adapté à l’étude des émotions chez l’animal, c'est-à-dire intégrant la notion d’une continuité phylogénétique des expressions émotionnelles dans le règne animal. De plus, au cours de la thèse, nous tenterons d’aborder les émotions en tant que processus multidimensionnel. Ainsi, nous utiliserons une définition de l’émotion largement acceptée par de nombreux biologistes travaillant sur les émotions des animaux : une émotion est une réponse affective, intense et de courte durée caractérisée par trois composantes : une composante subjective qui est l’expérience émotionnelle proprement dite (le sentiment éprouvé), une composante somato-motrice (une posture ou une activité) et une composante neuroviscérale (Dantzer, 1988). Cette définition est opérationnelle pour étudier les émotions des animaux car, si la composante subjective reste supposée et inaccessible, l’observation du comportement et de la physiologie des animaux peut nous renseigner sur leur état émotionnel. Pour que des réponses émotionnelles, comportementales et physiologiques, se produisent après une modification de l’environnement, il est nécessaire que le cerveau de l’animal perçoive les informations en provenance de l’environnement et les intègre. Cette intégration se traduit par un ensemble de réponses neurobiologiques qui sont aussi des manifestations objectivables d’un état émotionnel (voir figure introduction 1).

(16)

Introduction

6 B / Qu’est-ce que la peur ?

La peur est l’une des émotions les plus étudiées et de nombreuses définitions ont été offertes par divers auteurs pour décrire un phénomène dont chacun a fait l’expérience.

Le concept de « peur » est couramment utilisé pour désigner au moins 3 phénomènes : l’émotion ressentie par l’individu, les réponses comportementales ou physiologiques associées à cette émotion et l’exposition à la situation qui provoque les réactions de peur (Murphy, 1978, Jones, 1996). Dans la présente étude, le terme « peur » employé seul est réservé à un état émotionnel ponctuel se traduisant par des réactions comportementales et neuroviscérales et ainsi défini : la peur est une émotion adaptative visant à protéger l’animal lors de la perception d’un stimulus dangereux ou identifié comme tel (Boissy, 1995 ; Jones, 1996).

Par ailleurs, on distingue deux types de peur selon le stimulus déclenchant : la peur dite spontanée ou innée qui est induite par un stimulus spécifique en relation avec l’histoire évolutive de l’espèce, tel qu’un prédateur, l’obscurité ou la nouveauté ; et la peur conditionnée qui résulte d’une expérience passée au cours de laquelle s’est produit une association entre un stimulus a priori neutre et un événement effrayant (Gray, 1987).

Dans la littérature, l’utilisation de concepts proches de la peur tels que l’anxiété, le stress et/ou l’émotivité ont été à l’origine de fréquentes ambiguïtés. L’anxiété est certainement le phénomène émotionnel le plus difficile à dissocier de la peur. Alors que la peur est un état ponctuel répondant à un danger réel et identifié, l’anxiété est souvent définie comme un état plus durable de tension ou d’appréhension répondant à l’anticipation d’un danger potentiel et/ou imaginé (Boissy, 1995 ; Jones, 1996). La réaction de stress, est caractérisée par un ensemble de réponses physiologiques non spécifiques permettant à l’organisme de résister à des stimuli environnementaux et de retrouver un équilibre initial (homéostasie) (Ramos et Mormède, 1998 ; Veissier et Boissy, 2007). Le stress n’est pas en lui même une émotion mais il est parfois associé à une ou plusieurs émotions telles que l’anxiété ou la peur. Enfin, l’émotivité se distingue de la peur puisqu’elle désigne la propension d’un individu à exprimer des réactions émotionnelles (Savage, 1964). Dans le cadre d’une situation effrayante, l’émotivité (traduction de « fearfulness ») se définit alors comme la propension d’un individu à exprimer des réactions de peur (Boissy, 1995, Jones, 1996). Face à une situation légèrement effrayante, des individus très émotifs sont susceptibles d’exprimer des réponses de peur marquées, là où des individus peu émotifs ne montreront pas ou peu de réponses de peur. Le seuil de déclenchement des réactions de

(17)

Introduction

7 peur est donc plus bas chez les individus émotifs que chez les individus peu émotifs, mais une grande émotivité n’implique pas un état de peur permanent.

C/ Comment appréhender la peur chez les oiseaux ?

Nous avons vu plus haut que la composante subjective de la peur, comme pour toutes les émotions, n’est pas objectivable chez les animaux. En expérimentation animale, la peur est donc évaluée à partir d’un ensemble de réponses comportementales et neuroviscérales reconnues comme manifestations objectivables d’un état de peur, initié par une situation effrayante. Nous verrons ici les situations génératrices de peur utilisées en expérimentation animale chez l’oiseau. Ensuite, nous détaillerons les réponses associées à ces situations qui sont utilisées comme indicateurs d’un état de peur. Enfin, nous verrons comment l’utilisation d’un modèle génétique sélectionné sur un comportement de peur peut apporter une aide à l’étude de cette émotion.

1/ Situations génératrices de peur chez les oiseaux.

De nombreux critères de classification de situations provoquant la peur ont été proposés (Hebb, 1953 ; Gray, 1987 ; Jones, 1996), mais il est nécessaire de garder à l’esprit que l’extrême diversité des situations peut complexifier indéfiniment toute tentative de généralisation (Russel, 1979). De nombreuses situations peuvent être effrayantes par leur caractère nouveau ou soudain, alors que d’autres sont intrinsèquement effrayantes (la silhouette de certains prédateurs par exemple), d’autres encore peuvent devenir effrayantes après association avec un stimulus nocif (Russel, 1979 ; Boissy, 1995). Jones (1996) ne cite, par exemple, pas moins de 11 situations pouvant provoquer la peur chez les volailles en élevage, telles que la nouveauté, la soudaineté, le changement d’environnement, l’exposition à de grands espaces découverts ou encore la présence d’un prédateur (dont l’homme). La plupart des tests de peur utilisés chez l’oiseau présentent au moins une des ces composantes. On citera par exemple, le test d’open-field qui consiste à observer les réactions de l’animal placé dans un espace souvent plus grand et plus éclairé que la cage d’élevage, nouveau et vide (Candland et Nagy, 1969 ; Jones, 1996). Dans ce test, l’animal subit donc un changement d’environnement associé à une manipulation par l’homme. De plus, l’expérimentateur peut ajouter des événements supplémentaires au cours du test, telle que, par exemple, la présentation soudaine d’un objet nouveau. On peut ainsi générer différentes situations de peur en fonction des composantes présentes dans le test utilisé.

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Figure introduction 2: Stimuli inducteurs d’un état de peurdans les principaux tests de peur utilisés chez les oiseaux

Tests Stimuli inducteurs de l’état de peur Test d’open field

- Manipulation par l’hommeManipulation par l homme - Nouveauté de l’environnement - Espace « ouvert » (=sans abri potentiel, vide et très éclairé) Test d’émergence

i l i l’h

- Manipulation par l’homme - Nouveauté de l’environnement - Espace « ouvert » / Espace fermé Test d’immobilité tonique

- Manipulation par l’homme - Nouveauté de l’environnement - Contention

- « Prédation » Test de contention

Test de l’objet nouveau

d l d’él

- Manipulation par l’homme - Nouveauté de l’environnement - Contention

dans la cage d’élevage

- Nouveauté - Soudaineté

Test de présentation d’un leurre de prédateur dans

la cage d’élevage

- Nouveauté - Soudaineté - Prédation

(19)

Introduction

8 Chez l’oiseau, les tests de peur les plus fréquemment utilisés sont, outre le test d’open- field : la présentation d’un leurre de prédateur ; la présentation d’un objet nouveau ; le test d’approche de l’homme ; le test d’émergence (ou « hole-in-the-wall test ») qui consiste à placer l’animal isolé dans une enceinte obscure dont l’unique sortie donne sur une enceinte plus vaste et plus éclairée (Jones, 1996) ; le test de contention qui consiste à contenir les mouvements de l’animal dans une boîte étroite (Satterlee & Johnson, 1988 ; Jones et al., 2000) ; et le test d’immobilité tonique qui consiste à induire un comportement inné d’inhibition motrice par contention manuelle de l’oiseau placé sur le dos (Jones, 1996). Les stimuli inducteurs de peur dans ces tests sont énoncés dans la figure introduction 2 avec des illustrations des tests.

Les situations de peur citées ci-dessus, provoquent chez l’oiseau une peur spontanée, dans le sens où elles ne requièrent aucun conditionnement de la part de l’oiseau, mais il existe aussi des tests qui s’inscrivent dans un paradigme de peur conditionnée. Dans ce cas, l’expérimentateur présente à l’animal un stimulus neutre appelé stimulus conditionné (un son, un objet ou un contexte par exemple) en association avec un stimulus nocif appelé stimulus inconditionné (choc électrique par exemple). Après une ou plusieurs présentations associant ces deux stimuli, l’animal exprime des réponses de peur à la seule présentation du stimulus neutre, sans qu’il soit nécessaire de présenter le stimulus nocif à l’animal (Domjan, 1996) (voir figure introduction 3). Les tests de peur conditionnée sont très souvent utilisés chez les rongeurs notamment pour étudier les mécanismes neurobiologiques des réponses de peur. Le paradigme de peur conditionnée établi par LeDoux a ainsi permis de dégager des circuits cérébraux, centrés sur l’amygdale, impliqués dans les réponses de peur chez le rat (LeDoux, 1996 ; 2000). Bien que de récentes études de neurosciences comportementales ont utilisé de tels paradigmes de conditionnement chez le pigeon (Lissek et Güntürkün, 2003 ; Brito et al., 2006), les tests de peur conditionnée ont été peu employés par le passé chez les oiseaux. Ainsi, les connaissances concernant les réponses de peur spontanée chez les oiseaux, sont bien plus fournies que celles concernant les réponses de peur conditionnée.

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Figure introduction 3 : Exemples de tests de peur conditionnée au son (à gauche) et au contexte (à droite).

SC / SI : Stimulus Conditionné / Inconditionné

Séance de conditionnement: association Son-Chocs électriques

Son (SC)

Chocs électriques

(SI)

Test de rappel du son Test de rappel du contexte (SI)

Nouveau contexte Même contexte

Son seul Pas de son

Peur conditionnée au contexte Peur conditionnée au son

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Introduction

9 2/ Réactions comportementales et physiologiques indicatrices d’un état de peur chez l’oiseau.

a) Les réactions comportementales

En milieu naturel, selon une théorie formulée initialement par Ratner (1967, cité par Gallup, 1974), les comportements de peur des oiseaux s’inscrivent selon une chaîne de réponses qui est fonction de la distance au prédateur. Si l’oiseau identifie un prédateur à grande distance, il s’immobilise, cette immobilisation pouvant être totale (« freezing »), ce qui peut lui éviter d’être repéré par le prédateur. Si la distance avec le prédateur se réduit, l’animal peut tenter de fuir ou entamer un combat avec son prédateur (flight or fight).

Enfin, s’il est capturé par son prédateur, l’oiseau peut exprimer un comportement d’inhibition motrice appelé immobilité tonique. On parle d’immobilité « tonique » car dans cette situation de nombreux muscles de l’animal sont mis en tension (Gentle et al., 1989).

Cette absence totale de mouvement de la part de la proie a été décrite comme une simulation de mort par certains auteurs (Rovee et al., 1976) et semble provoquer un désintérêt du prédateur pour la proie. En effet, il a été montré que la mortalité de cailles présentant l’immobilité tonique face à l’attaque d’un chat est plus faible que celle de cailles ne présentant pas ce comportement (Thompson et al., 1981). Ce résultat conforte des hypothèses antérieures concernant le caractère adaptatif de l’immobilité tonique (Ratner 1967, cité par Gallup, 1974).

Jones (1987a), quant à lui, classifie les réponses de peur chez les oiseaux en fonction de leur intensité, théorie qui n’est pas incompatible avec celle de Ratner. Ainsi, selon Jones, plus l’animal est effrayé par la situation ou le stimulus, plus il s’immobilise : la fuite correspondrait alors à une réponse de peur de faible intensité, alors que le freezing puis l’immobilité tonique correspondraient à des réponses de plus forte intensité.

En condition expérimentale, le « freezing », la fuite, l’évitement et l’immobilité tonique sont les principaux comportements utilisés comme indicateurs de peur, différentes réponses s’exprimant selon le test utilisé. Dans un test de peur qui consiste à introduire un stimulus nouveau dans l’environnement familier de l’oiseau, tel qu’un leurre de prédateur, un objet nouveau ou encore si un humain s’approche, on peut observer des comportements de fuite et d’évitement, qui peuvent être mesurés par la distance entre le stimulus et l’oiseau, des comportements de « freezing », et/ou des tentatives de menace ou de combat envers le stimulus (Sefton, 1976 ; Hemsworth et al., 1994 ; Jones, 1996 ; Richard-Yris et al., 2005). Dans le test d’open-field, on considère généralement (en se basant sur les

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Introduction

10 observations de Jones) que les animaux les plus inactifs, immobiles et silencieux, sont plus effrayés que ceux qui émettent des vocalisations, se déplacent ou explorent l’environnement (Jones, 1989 ; 1996). Dans le test d’émergence, le temps de sortie de l’enceinte obscure est un bon indicateur de peur. Ainsi, plus l’animal sort rapidement de l’enceinte obscure pour se diriger vers l’espace ouvert et inconnu, moins il est considéré comme effrayé (Russell, 1979 ; Jones, 1996). Dans le test de contention, on considère que plus l’animal se débat, moins il est effrayé par la situation (Jones et Satterlee, 1996 ; Jones et al., 2000). Dans le test d’immobilité tonique, la durée de maintien de ce comportement d’immobilité est considérée comme corrélée positivement à la peur de l’oiseau (Gallup, 1979 ; Jones, 1986 ; 1996). En effet, ces auteurs montrent que plus l’oiseau a été effrayé avant l’induction de l’immobilité tonique, plus la durée de ce comportement dans le test sera longue. En situation expérimentale, ce comportement n’est observé que dans le test d’immobilité tonique, car il ne peut pas se mettre en place spontanément en réponse à un stimulus tel que, par exemple la présentation d’un objet nouveau (la confrontation directe entre proie et prédateur est rare en milieu expérimental car elle pose de nombreux problèmes, notamment d’ordre éthique).

Par ailleurs, il est intéressant de noter que ces réponses individuelles peuvent varier qualitativement ou quantitativement, au sein d’une même espèce, en fonction de divers facteurs tels que le patrimoine génétique, le sexe, l’âge ou l’expérience antérieure de l’individu (Murphy, 1978). L’influence de tels facteurs donnera lieu à une variabilité entre les individus de la population considérée et peut, dans certains cas, compliquer l’analyse.

De plus, l’interprétation d’un comportement par son observateur peut être sujette à controverse. On considère, par exemple, que la peur est le principal système de motivation activé par la nouveauté, mais l’exploration est également susceptible de diriger le comportement de l’oiseau dans une situation nouvelle (Murphy, 1978 ; Faure et al., 1983 ; Jones, 1989). Pour appréhender un état émotionnel chez l’animal, il est donc utile de prendre en compte non seulement les réponses comportementales mais aussi d’autres facteurs tels que les caractéristiques de la situation ainsi que d’autres réponses de l’animal, comme les réponses physiologiques.

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Figure introduction 4 : Réactions du système nerveux autonome et de l’axe corticotropelors d’une situation effrayante.

Hypothalamus

Hypophyse CRF

ACTH Axe

corticotrope Système

nerveux autonome

Glandes surrénales

Système nerveux sympathique

Système nerveux parasympathique

Corticostérone

Catécholamines

Glucose

Foie

Coeur Poumon

Muscle

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Introduction

11 b) Les réactions physiologiques

Parallèlement aux réponses comportementales, l’occurrence et l’intensité des réponses physiologiques peuvent renseigner sur l’état de peur d’un individu. Les réactions physiologiques sont cependant rarement utilisées comme seuls indicateurs de peur, dans la mesure où une même réponse physiologique de stress peut être déclenchée par diverses atteintes à l’intégrité de l’organisme (Jones, 1987a). Par contre, en association avec d’autres critères comme la caractérisation de la situation, associée aux comportements exprimés, les réponses physiologiques permettent de fournir des informations complémentaires intéressantes, notamment sur le niveau de réponse engagé et sur sa cinétique (Jones, 1987a). D’un point de vue général, au niveau périphérique, l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ou axe corticotrope) et le système nerveux autonome sont considérés comme les deux systèmes majeurs impliqués dans les réponses émotionnelles chez les oiseaux, au même titre que chez les mammifères (Siegel, 1980 ; Boissy, 1995). L’activation de ces deux systèmes physiologiques va se traduire par des modifications au niveau nerveux et au niveau humoral. Bien que la fonctionnalité de l’axe corticotrope et du système nerveux autonome ait fait l’objet de beaucoup moins d’attention chez les oiseaux que chez les mammifères, l’organisation générale et les rôles biologiques de ces deux systèmes restent comparables entre les deux classes (Hill, 1983 ; Kuenzel, 1999 ; Hazard, 2005 ; Valance, 2006).

Le système nerveux autonome agit sur tous les organes et tissus innervés chez les vertébrés, à l’exception des fibres musculaires squelettiques. Il s’organise en deux branches : le système nerveux parasympathique et le système nerveux sympathique, ce dernier étant celui qui est activé en situation de stress. L’activation du système nerveux sympathique provoque la libération de catécholamines, essentiellement adrénaline et noradrénaline, par le tissu surrénalien, et engendre un ensemble de réponses physiologiques telles qu’une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la pression artérielle, une augmentation du rythme respiratoire (Hill, 1983 ; Kuenzel, 1999), (voir Figure introduction 4). Le suivi des rythmes cardiaque et respiratoire peut ainsi être utilisé, en association avec les réponses comportementales, comme indicateur de peur chez les oiseaux. Par exemple, de récentes études montrent que la présentation d’un bruit nouveau et soudain chez la caille entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque associée à des réponses comportementales de peur telles que le « freezing » (Valance, 2006 ; Valance et al., 2007).

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Introduction

12 L’activation émotionnelle induite par un stimulus effrayant constitue une des situations capables de déclencher une activation de l’axe corticotrope. Elle conduit à la libération en cascades successives de peptides hypothalamiques (CRF i.e. Corticotropin Releasing Factor et/ou AVT i.e. Arginine VasoTocin) par le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (PVN), puis hypophysaires (ACTH i.e. AdenoCorticoTropic Hormone) et enfin de glucocorticoïdes par les surrénales. La forme prépondérante des glucocorticoïdes circulants chez l’oiseau est la corticostérone dont le taux plasmatique peut être utilisé comme indicateur de peur (Hill, 1983; Silverin, 1998). Par exemple, la présentation d’un objet nouveau chez la caille, induit une augmentation du taux de corticostérone ainsi que des réponses comportementales de peur telles que des tentatives de fuite et un évitement de l’objet (Richard et al., 2007b). Comme leur nom l’indique, les glucocorticoïdes jouent un rôle important dans la régulation du métabolisme glucidique. L’augmentation généralisée du métabolisme glucidique prédispose l’organisme à une réponse comportementale en situation de stress en augmentant la libération de glucose par le foie via la néoglucogenèse.

Le glucose ainsi libéré permet notamment de fournir l’énergie nécessaire aux muscles pour mettre rapidement en œuvre cette réponse (voir figure introduction 4).

Ainsi, pour évaluer la peur chez les oiseaux, différents paramètres physiologiques tels que les rythmes cardiaques et respiratoires, les concentrations sanguines de catécholamines et de corticostérone ou une mesure de l’expression du CRF au niveau hypothalamique, peuvent être mesurés en complément de l’analyse comportementale.

3/ Apports des sélections génétiques pour étudier la peur chez les animaux.

Chez les oiseaux comme chez les mammifères, l’utilisation de lignées génétiquement sélectionnées sur un comportement ou une réponse physiologique, constitue une approche scientifique développée pour appréhender les émotions chez l’animal. En effet, la comparaison d’animaux aux réponses extrêmes et divergentes dans une situation donnée, facilite la compréhension des mécanismes liés à ces réponses (Landgraf et Wigger, 2002). Ainsi, on trouve de nombreux exemples de sélections génétiques sur diverses réponses comportementales ou physiologiques émotionnelles dans différentes espèces. Nous commencerons par donner un exemple chez les rongeurs qui démontre bien l’intérêt que peuvent avoir de telles sélections pour l’étude des mécanismes de peur.

Une sélection génétique sur les réponses comportementales dans un test d’anxiété (le test de « labyrinthe » en croix surélevée, contenant deux bras « ouverts » et deux bras

« fermés ») a permis d’établir deux lignées de rats Wistar : les rats HAB pour High

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Introduction

13 Anxiety-related Behaviour et les rats LAB pour Low Anxiety-related Behaviour. Par la suite, diverses études ont démontré l’existence d’une différence de réponses d’anxiété chez ces deux lignées de rats HAB et LAB, non seulement au niveau comportemental, mais aussi au niveau physiologique et neurobiologique (pour revue voir Landgraf et Wigger, 2002). En effet, les rats de la lignée HAB expriment davantage de comportements anxieux que les rats de la lignée LAB dans diverses situations anxiogènes : ils explorent moins et sont plus immobiles dans les test d’open field et d’open arm (correspondant au test en croix surélevé sans les bras « fermés »), et se débattent moins dans le test de nage forcée, (Landgraf et al., 1999 ; Salomé et al., 2002 ; Landgraf et Wigger, 2002). De plus, les rats HAB montrent une hyperactivité de l’axe corticotrope que ne montrent pas les rats de la lignée LAB. En effet, après 5 min d’exposition dans le test d’open arm, les rats HAB montrent une augmentation des concentrations d’ACTH et de corticostérone plasmatiques plus importantes que chez les rats LAB (Landgraf et al., 1999). De plus, un marquage immunohistochimique de la protéine Fos après exposition aux tests d’open field et d’open arm, a permis de visualiser des différences d’activation neuronale entre les rats HAB et LAB dans des structures potentiellement impliquées dans l’expression des réponses émotionnelles telles que le PVN, la formation hippocampale et le cortex cingulaire (Salomé et al., 2004). L’ensemble des particularités qu’expriment les rats des deux lignées, a été mis en parallèle avec certains symptômes de patients souffrant de maladies psychiatriques liées à l’anxiété chez l’homme et les rats HAB/LAB ont été largement utilisés dans des paradigmes portant sur la compréhension des mécanismes biologiques de l’anxiété (Landgraf & Wigger, 2002). Ainsi, le modèle des lignées HAB et LAB constitue un parfait exemple d’approche utilisée en neurogénétique du comportement pour étudier les mécanismes d’une émotion chez l’animal.

Chez les oiseaux, il existe deux principaux modèles de sélection génétique sur des réponses de peur ; le premier concerne une sélection sur un paramètre physiologique et le second, une sélection sur un paramètre comportemental. Ainsi, deux lignées de cailles japonaises ont été sélectionnées sur leur taux de corticostérone plasmatique en réponse à une contention dans un environnement nouveau (Satterlee et Johnson, 1988) : les cailles HS (pour High Stress) à fort taux de corticostérone après contention et les cailles LS (pour Low Stress) à faible taux de corticostérone après contention. Par ailleurs, les cailles de la lignée HS présentent aussi une longue durée d’immobilité tonique dans le test d’immobilité tonique, alors que les cailles de la lignée LS montrent une faible durée d’immobilité tonique (Jones et al., 1992). Cette sélection réalisée sur une réponse physiologique de peur

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Introduction

14 a donc entraîné une modification des réponses comportementales de peur des animaux sélectionnés. Ainsi, l’utilisation des deux lignées de cailles HS et LS contribue à mieux comprendre la relation qui existe entre la réponse de l’axe corticotrope et les réponses comportementales de peur chez les oiseaux (Jones et al., 1992 ; Satterlee et Martin, 2006).

D’autre part, deux lignées de cailles japonaises ont été sélectionnées génétiquement sur leurs réponses comportementales dans le test d’immobilité tonique. Cette sélection, initiée à la fin des années 80 par Mills et Faure (1991) a permis de générer deux lignées de cailles divergeant par leur durée d’immobilité tonique : les cailles de la lignée LTI (pour Long Tonic Immobility), à longue durée d’immobilité tonique et les cailles de la lignée STI (pour Short Tonic Immobility), à courte durée d’immobilité tonique. Ces deux lignées de cailles diffèrent par leur propension à exprimer des comportements de peur dans diverses situations génératrices de peur : les cailles de la lignée LTI présentent des comportements de peur exacerbés alors que les cailles de la lignée STI montrent des comportements de peur réduits. Ces deux lignées montrent également des différences au niveau physiologique. Par exemple, en condition basale, les cailles LTI montrent une fréquence cardiaque plus élevée que les cailles STI (Valance, 2006 ; Valance et al., 2007). Lors de la présentation d’un son nouveau, l’activité du système nerveux sympathique augmente chez les deux lignées mais chez les cailles STI, le système nerveux parasympathique est également activé (Valance, 2006 ; Valance et al., 2007). De plus, en réponse au test de contention, les cailles STI montrent une augmentation de la corticostéronémie plus marquée que les cailles LTI (Hazard et al., 2007). Le sens de cette différence, a priori étonnant, pourrait s’expliquer par le fait que les cailles STI se débattent plus que les cailles LTI dans le test de contention, le taux de corticostérone plasmatique étant corrélée à l’activité physique chez les oiseaux (Rees et al., 1985). Enfin, des lésions d’une région cérébrale (l’arcopallium et l’amygdale palliale postérieure) connue pour être impliquée dans l’expression des comportements de peur chez les oiseaux entraîne une diminution de la durée d’immobilité tonique uniquement des cailleteaux de la lignée LTI (Davies et al., 1997b). Ainsi, les lignées STI/LTI montrant, à l’instar des modèles utilisés chez les rongeurs, un large éventail de différences, à la fois comportementales, physiologiques et neurobiologiques, constituent un modèle adéquat pour l’étude des mécanismes neurobiologiques associés aux comportements de peur chez les oiseaux. De plus, l’accumulation de données obtenues au laboratoire sur ces lignées représente un apport non négligeable dans cette investigation. Comme ces lignées ont été utilisées au cours de cette

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Figure introduction 5 : Structures impliquées dans le système limbique selon MacLean.

Cortex cingulaire Aire septale Hypothalamus

Hippocampe Amygdale

Cortex préfrontal Septum

Amygdale

(29)

Introduction

15 thèse, les données les concernant seront davantage détaillées dans le chapitre dédié au modèle expérimental.

D/ Comment le cerveau « contrôle-t-il » la peur ?

L’expression d’un comportement de peur après une stimulation effrayante nécessite un traitement de cette stimulation au niveau du système nerveux central. Ainsi les réponses neurobiologiques associées aux comportements peuvent aussi être indicatrices d’un état de peur (Figure introduction 1).

Bien que l’organisation générale du cerveau d’oiseau soit assez différente de celle des mammifères (notablement en ce qui concerne le cerveau antérieur), les études portant sur les oiseaux se sont largement appuyées sur les informations disponibles chez les mammifères. Par conséquent, avant d’exposer l’état actuel des connaissances sur la neurobiologie des comportements de peur chez les oiseaux, nous rapporterons dans les grandes lignes, les informations connues chez les mammifères qui seront nécessaires à la compréhension des études portant sur l’oiseau.

1) Connaissances générales sur la neurobiologie des comportements de peur chez les mammifères

Chez les mammifères, les structures centrales spécifiquement impliquées dans le contrôle des émotions ont été qualifiées de limbiques depuis le début du 20ième siècle. Le terme

« limbique » trouve son origine dans la définition proposée par Paul Broca (1878, cité par Morgane et al., 2005) d’un lobe limbique constitué par les régions corticales formant une limite annulaire (en latin limbus, la limite) autour du bord médian des hémisphères cérébraux et contenant l’amygdale et le cortex cingulaire. L’hypothèse selon laquelle ce lobe limbique constituerait le berceau de la genèse des émotions a été formulé par Papez en 1937 (cité par Morgane et al., 2005) et propose un circuit contenant le thalamus, l’hypothalamus, la formation hippocampale et le cortex cingulaire. En 1954, Mac Lean (cité par Morgane et al., 2005) complexifie le modèle de Papez en y introduisant le concept de système limbique qui n’est autre que le circuit de Papez, augmenté de l’amygdale (fortement connectée à l’hypothalamus), du septum et du cortex préfrontal (voir figure introduction 5). Aujourd’hui cette théorie du système limbique, centre des émotions, apparaît cependant trop simplificatrice. En effet, les émotions interagissent avec des fonctions variées (alimentation, reproduction, liens sociaux …) et les circuits des émotions

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Figure introduction 6 : Les deux voies de traitement de la peur selon LeDoux.

Cortex

Hippocampe Route

longue

Thalamus

sensoriel Amygdale

Contexte

Route courte

Stimulation émotionnelle

Réponse émotionnelle

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Introduction

16 sont intimement liés à de nombreux autres circuits. Il est donc impossible de dessiner les limites d’un éventuel centre des émotions au sein du cerveau. On sait désormais que les structures dites « limbiques » citées ci-dessus n’en sont pas moins impliquées, mais elles participent chacune à plusieurs réseaux et ne sont pas les seules structures à être concernées (LeDoux, 1996). Il semblerait donc que les émotions n’impliquent pas un seul système, mais il reste pratique d’utiliser le terme de structure « limbique » pour désigner une région du cerveau participant majoritairement au contrôle des émotions.

Nous présenterons ici quelques structures du cerveau de mammifère connues pour leur implication dans le contrôle de la peur et qui seront utiles à la comparaison avec les oiseaux.

a) L’amygdale

La plus connue des structures dites « limbiques » est certainement l’amygdale : une région en forme d’amande (amygdale signifie amande en grec) dans la partie médiane du lobe temporal chez les mammifères. Cette structure est hétérogène car organisée en plusieurs noyaux dont l’organisation structurale et l’origine embryologique diffèrent (Swanson et Petrovich, 1998). C’est à l’aide d’un paradigme de conditionnement de peur chez le rat, associant un son neutre et des chocs électriques, que Joseph LeDoux a décrit et démontré le rôle clé de l’amygdale dans l’élaboration des réponses comportementales et neurovégétatives de peur chez le mammifère (pour revue voir LeDoux, 2000). Sa théorie propose deux voies distinctes de traitement lorsqu’un stimulus potentiellement dangereux est perçu par l’animal (Phelps et Ledoux, 2005 ; figure introduction 6). La première voie permet de traiter le stimulus rapidement mais de façon peu précise, en déclenchant automatiquement des réponses de peur permettant éventuellement de faire face au danger.

Cette voie est appelée rapide et grossière car dans cette situation, une stimulation potentiellement dangereuse envoie un message directement au thalamus qui projette vers l’amygdale pour une activation rapide de réactions comportementales et physiologiques.

La deuxième voie permet un traitement plus fin, mais plus lent du stimulus, qui se traduit par l’établissement de comportements adaptés : maintien des comportements de peur s’il s’agit d’un danger réel, ou au contraire inhibition de cette émotion superflue s’il n’y a pas de danger. Cette voie est plus lente et l’analyse de la situation y est plus précise car la stimulation dangereuse active, après passage par le thalamus, le cortex qui enverra son message à l’amygdale (voir figure introduction 6).

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Figure introduction 7 : Illustration du positionnement de l’amygdaleau cœur du circuit de peur conditionnée au son (modifié d’après Phelps & LeDoux, 2005)

SC = son SI = choc aux pattes

Amygdale

Thalamus somatosensoriel

Cortex somatosensoriel LA

Ce Thalamus

auditif

Cortex auditif

PAG HL PVN NC NB NPB

Immobilité de peur

Pression sanguine

Glucocorti- coïdes

Sursaut de peur

Éveil Fréquence respiratoire

Ce = Noyau central de l’amygdale;

HL= hypothalamus latéral;

HL hypothalamus latéral;

LA= Noyau latéral de l’amygdale;

NB= Noyau basalis;

NC= Noyau caudé du pont;

NPB= Noyau parabrachial;

PAG= Substance grise périaqueducale;

PVN= Noyau paraventriculaire de l’hypothalamus;

SC / SI= Stimulus Conditionné / Inconditionné

(33)

Introduction

17 Dans le paradigme décrit par LeDoux, il a été montré que les afférences sonores provoquées par le stimulus se font majoritairement au niveau du noyau latéral de l’amygdale, soit directement via le thalamus auditif, soit indirectement via le cortex auditif primaire. Alors que le noyau latéral de l’amygdale semble être un lieu d’intégration des informations, le noyau central semble être celui par lequel l’information quitte l’amygdale.

En effet, il est la cible principale des projections du noyau latéral et projette à son tour vers de nombreuses structures impliquées dans la genèse des réponses comportementales et physiologiques, telles que, par exemple, la substance grise périaqueducale pour l’expression d’immobilité, le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus pour la libération d’hormones corticotropes, ou encore le noyau caudé du pont pour la régulation des réflexes de sursaut de peur (Swanson et Petrovich, 1998, LeDoux, 2000 ; Phelps et LeDoux, 2005 ; voir figure introduction 7).

La description de ces circuits simples nous offre une bonne idée de la place que peut prendre l’amygdale dans les systèmes de contrôle des comportements de peur en général, mais ces réseaux se compliquent très rapidement avec la complexité des stimuli mis en jeu (LeDoux, 2000). Ainsi, le rôle de l’amygdale dans un contexte de peur non conditionnée tel que par exemple, l’exposition à une odeur de prédateur, reste encore controversé (Muller et Fendt, 2006 ; Rosen et Donley, 2006).

b) Le noyau du lit de la strie terminale (BNST)

Parallèlement aux études portant sur l’amygdale, le rôle du BNST a aussi été largement examiné, notamment car cette structure constitue un relais majeur entre certains noyaux de l’amygdale et le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus, qui contrôle l’axe corticotrope. Du fait de cette position stratégique du BNST et de ses relations neurochimiques et embryologiques avec l’amygdale (Alheid et al., 1995), il était logique de penser que le BNST montrerait des similarités fonctionnelles avec l’amygdale (pour revue voir Walker et al., 2003). Cependant, des lésions du BNST chez le rat, contrairement à des lésions de l’amygdale, ne modifient pas le comportement de peur de rats dans un paradigme de peur conditionnée associant un son à un stimulus nocif (Sullivan et al., 2004). Les études portant sur le BNST se sont alors dirigées sur son implication dans le contrôle des réactions de peur spontanée (face à une odeur de prédateur par exemple) et des réactions d’anxiété. Il était alors supposé que là où l’amygdale jouait un rôle de structure clé dans le contrôle des réactions de peur dans un contexte de peur conditionnée, le BNST serait à l’origine de la mise en place de réponses de peur non conditionnée et des

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