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Paroi rocheuse, paroi osseuse de la préhistoire. Le support dans l'image.

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Paroi rocheuse, p aro i oss

Le support da

Denis Vialou (Muséum National d’Histoire Naturelle, USM 103-UMR 5198 CNRS)

Pas de support, pas d 'a rt !

C ette affirm ation c a té g o riq u e est sans doute insupportable à un musicien, un conteur ou encore un danseur... Pourtant, elle fo n d e en totalité c e qui est appelé , dans sa généralité universelle, l'a rt préhistorique. L'a cte créateur d e l'art, venu de la profondeur des temps, fu t d e fondre l'im ag e dans sa matière. La matière dure e t durable, celle qui donne du temps à l'im ag e en la conservant d e génération en génération, dans la mémoire des hommes, et sans fin ou presque dans la nature. Supports rocheux et supports osseux sont d e c e tte matière-tem ps qui révèle e t reflète le génie artistique d e l'Homme, mais ava n t to u t génie techniqu e d e l'Homme, créateur d'outils.

L’homme né de la matière

C'est bien dans c e tte relation génératrice de formes, à m anipuler e t utiliser, systém atiquem ent recherchées e t normées dans la pierre to u t d 'a b o rd puis dans les matériaux osseux, os proprem ent dits, dents (ivoire et émail), ramures d e cervidés, que l'Hom m e est né. Le travail d e m atériaux bruts est à l'origine de la différenciation phylétique progressive du genre Homo, voici plus d e 2,5 millions d'années, par rapport aux différents ram eaux d'Hominidés sur une large partie du continent africain, rapportés à des Australopithèques d o n t la fam euse Lucy (G aranger 1992, Grim aud 2002, O tte e t al. 1999, Vialou 2004). C 'est fo n d a m e n ta le m e n t dans la pierre que s'est d é velop pée continûm ent la pré-histoire des hommes, jusqu'à quelques millénaires en arrière pour diverses sociétés e t à peine plus d e deux ou trois siècles pour d'autres. Dans e t d e la main d e l'hom me, la m atière rocheuse a pris une m ultitude d e formes, d e plus en plus organisées e t systématiques au fil des évolutions techniques : des armes e t des outils, définis

e t ordonnés en types par les préhistoriens et rassemblés sous le c o n c e p t d'industrie, pris com m e synonyme d e culture matérielle. Le travail des os est sans d o u te très ancien, mais la conservation d e ces tissus organiques plus ou moins durs n'est guère favorable ou c o m p a ra b le à celle des roches. La conservation des bois e t fibres est encore beau co u p plus précaire, c e qui rend exceptionnels des objets en bois très anciens, tels quelques épieux rapportés à l'A cheuléen en Europe, vieux de plus de 150-200 000 ans.

Les industries osseuses ne se sont véritablem ent développées q u 'a v e c l'Hom m e anatom iqu em ent m oderne d e la Préhistoire, précisém ent le créateur des systèmes d e représentations graphiques et plastiques ou l'a rt préhistorique pour reprendre le v o c a b le habituel. Dans c e tte a p p a re n te c o n c o m ita n c e entre art e t industrie, il est intéressant d e noter une différence globale dans le traitem ent des supports osseux selon qu'ils ont é té travaillés dans des o b je ctifs techniqu es ou des objectifs symboliques : les outils e t instruments en os épousent bien souvent les formes anatom iques des supports osseux : par exem ple des poinçons taillés dans des m étapode s, des propulseurs calibrés dans des merrains d e ramures... Les supports osseux gravés (parfois peints — problèm e d e conservation), com m e des diaphyses d'o s longs ou des om oplates ne sont pas ou très peu transformés par des tailles ; com m e si la form e du support avait suffit à son choix. Les supports osseux sculptés, par exem ple l'ivoire, sont eux le plus généralem ent transformés com plètem en t ou en large p a rtie co m m e en té m o ig n e n t m agnifiquem ent la statuaire hum aine e t anim ale réalisée par des Paléolithiques en Europe (entre environ 33 000 e t 12 000 ans BP). Ces objets artistiques sont les parfaits équivalents des objets techniques en pierre : la m atière initiale, le support est totalem ent

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transformé. En d'autres termes l'élé m ent naturel élu support est m étamorphosé. Sa form e est devenue purem ent (voire exclusivement) culturelle : elle reflète l'intelligence, c'est-à-dire l'esprit transmis par la main de l'artis(te)(an).

Modernité de l’art et de son auteur

Pour naître dans la m atière, rocheuse e t osseuse, l'a rt est né sym boliquem ent d e l'esprit, b io lo g iq u e m e n t du ce rve a u . Naissance incroyablem ent récente, à peine une quarantaine d e milliers d'années ; presque rien au regard de l'a n cie n n e té des premiers outils d e pierre ! Entre eux e t l'a vè n e m e n t des premières formes graphiques et plastiques, l'évolution majeure e t déterm inante est bien celle du cerveau. Sur le plan paléontologique, seule révolution du squelette crânien reflète celle du ce rve a u . Entre Hom o habilis, ré p u té c o m m e le premier créateur d'outils, et Homo sapiens sapiens, ré p u té c o m m e le prem ier c ré a te u r de représentations matérialisées, l'évolution du squelette crânien est sans com m une mesure a v e c celle du squelette post-crânien. C om m e les autres Hominidés, les plus anciens Hommes é taient déjà totalem ent bipèdes. Au niveau du genre Homo, l'évolution du squelette post-crânien, rachis, ceintures e t membres c o n c e rn e essentiellem ent les proportions e t les dimensions. C elle du squelette crânien est structurelle : m odification anatom iqu e d e la boîte crânienne e t vertlcalisation de la fa c e parachevé e p a r la fo rm a tio n d e la symphyse m andibula ire (m enton) e t celle du front redressé au-dessus d 'u n torus sus-orbitaire réduit. Le d é ve lo p p e m e n t du lobe frontal est directem ent lié à c e tte élévation frontale.

Sur c e t axe évolutif, le cerveau est devenu un outil plus p e rfo rm a n t que jamais. La prod u ctio n de systèmes d e représentations, d o n t le langag e e t l'a rt fo n d a m e n ta le m e n t reliés aux m odes de com m unications entre individus, prennent un essor a ccé lé ré incom parable par rapport à la m aturation cérébrale des précédentes formes humaines. Les co m p o rte m e n ts techniqu es e t sociaux les plus com plexes égalem ent, telles la chasse-pêche et les acquisitions d e m atières premières, pierres, coquilles.., (Vialou 1996).

À l'a v è n e m e n t é vo lu tif d e l'H om m e an a tom iqu em ent m oderne de la Préhistoire, Homo sapiens sapiens, correspond l'apparition des systèmes de représentations, c e qui m ontre leurs liens directs.

Les images, au sens le plus large, apparaissent d 'e n tré e c o m m e des supports relationnels de c o m m u n ic a tio n e t d o n c c o m m e les supports identitaires privilégiés des co m m u n a u té s qui les engendrent, les com prennent, les échangent. Les

images sont la source d e la m odernité sociale des chasseurs paléolithiques.

Au centre du symbole, le corps

Les plus anciens tém oins artistiques actuellem en t connus e t les seuls à avoir conservé toutes leurs formes jusqu'à nos jours sont les parures : perles, p e n d e lo q u e s e t pendentifs, diadèm es, bracelets... (Vialou 1991, 1996). Ce sont notam m ent d 'a b o n d a n te s petites perles en ivoire taillées et calibrées par des Aurignaciens. Ces objets d e parure attestent que le corps fu t a v a n t to u te autre paroi osseuse ou rocheuse le support préférentiel des représentations, d e la relation symbolique e t sociale à l'autre. Le corps, vecteur vivant d e toute relation à l'autre, fut ainsi p la c é au centre de toute relation symbolique, co m m e il semble l'avoir progressivement e t s p o ra d iq u e m e n t é té a u p a ra v a n t dans des sociétés d'a nciens Sapiens. En effet, les plus anciens com portem ents symboliques enregistrés sont donnés par les sépultures opérées par des Sapiens (moins évolués que les Sapiens modernes). Celles fouillées dans des abris-grottes du M ont Carmel en Palestine, sont datées entre 90 000 e t 100 000 ans. Les quelques offrandes associées aux cadavres qui y furent mis au jour, des pièces osseuses fauniques, o n t dû concrétiser des dém arches rituelles, e t d o n c des liens établis entre le corps du défunt et les membres encore vivants d e son groupe. Le corps é ta it d o n c d é jà au ce n tre d e représentations symboliques ém inem m ent sociales.

Dans to u t l'a rt g ra p h iq u e e t plastique du Paléolithique, les représentations corporelles, les parures, ainsi qu e les représentations humaines, dessins, peintures e t superbem ent les sculptures, o c c u p e n t une p la c e d é te rm in a n te dans la symbolique, soit en rapport a ve c les représentations anim ales e t abstraites (les signes, formes g éom étriques non-figuratives), soit isolém ent (en particulier la statuaire au coeur d 'h a b ita ts (p a r exemple, ceux d e chasseurs gravettiens en Europe centrale e t orientale — vers 25-20 000 ans). Le corps, fut d o n c simultaném ent le support vivant e t mort de représentations corporelles matérialisées e t le support créé d 'u n e symbolique situant l'hom m e au coeur de son univers imaginaire, sur des parois rocheuses et osseuses.

La matière faite forme

Les parures p euven t être investies de formes très élaborées. On pourrait prendre pour exem ple des diadèm es (des sortes d e serre-têtes) gravettiens : des baguettes plates e t minces (< ? cm ) couvertes de

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motifs géom étriques com plexes finem ent incisés. Ou encore des pende loques à formes anim ales ou humaines, en ivoire ou pierre. C e p e n d a n t, les éléments d e parure en pierre, ivoire, os, coquille, offrent généralem ent des formes minimales. À la limite, souvent vérifiée, un élém ent d e parure est tout juste un o b je t p e rfo ré fa it pour être enfilé ou suspendu. La p e rfo ra tio n p e u t être la seule transform ation a p p o rté e à un matériau naturel ; une transform ation m inim ale mais en fa it une m étam orphose radicale d e la m atière brute : les parures sont des supports élémentaires dans lesquels peuvent s'investir des significations liées à l'histoire, personnelle e t collective des individus qui les portent.

Les parures offrent une matérialisation primordiale du sens, en symbiose a ve c le corps e t ses multiples relations sociales.

La transfiguration de la m atière se déploie quand le support initial est sculpté ou largem ent taillé e t incisé. Sur c e plan, les supports organiques supplantent les supports lithiques. Cela est sûrement en partie lié aux difficultés techniques, mais pas to ta le m e n t ou inévitablement. En effet, des rondes- bosses taillées dans des pierres ne sont pas rares. Des roches tendres co m m e des calcaires (« vénus » de Willendorf), mais aussi plus dures com m e des calcites (« vénus » d e Sireuil) des stéatites (« vénus » de G rim aldi). Parallèlem ent, les supports en ivoire, m ontrent que des supports organiques peuvent être aussi difficiles à travailler. La statuaire en ivoire des Gravettiens e t Epigravettiens en Europe centrale et orientale révèlent les com pétence s techniques et esthétiques d e leurs artis(tes)-(ans), Il en fut d e m êm e pour des M a gdalén iens en Europe o c c id e n ta le c o m m e en té m o ig n e b e lle m e n t la « Vénus im pudique », trouvée e t ainsi appelée, dans les années 1860 lors des fouilles du grand abri-sous-roche d e Laugerie-Basse, en bordure d e la Vézère (D ordogne) : une b a g u e tte en ivoire taillée pour silhouetter élégam m en t une jeune fille.

De fa ço n générale, la statuaire paléolithique est si a ch e vé e que le support naturel choisi est to ta le m e n t éclipsé par la form e réalisée. Le rapport m atière-form e est seul perceptible et pertinent. Dans c e tte relation ultime e t sublimée, la m atière peut encore révéler ses qualités propres, rareté, texture, esthétique... (Leroi-Gourhan 1965-1995, Vialou 1991).

C e tte réduction du support à sa matière, to ta le pour la statuaire — c e qui ouvre sur le c o n c e p t d'o b je t d 'a r t — est e n g a g é e dans la sculpture p artielle d'instrum ents, c o m m e les fam eux propulseurs e t bâtons percés m agdaléniens. Les supports de ces objets utilitaires sont des ramures de

Renne (parfois de Cerf). Leur d é c o u p e suffit à en faire les instruments recherchés. C ependant, bien souvent les Paléolithiques ont transformé tota le m e n t une ou plus d e leurs extrémités en les sculptant, incisant : animaux, tel le bison à tê te retourné sur un propulseur d e l'abri de la M adeleine (Dordogne), ou encore de surprenants phallus sur un b â to n percé de Gorge d'Enfer (Dordogne).

Les parois rocheuses, irréductibles aux œuvres À l'opposé des supports mobiliers, de pierre ou d'os peu importe, susceptibles d 'ê tre totalem ent mués en œuvres finies, les parois de rochers, d'abris et d e porches d e cavités, celles d e grottes plongées dans l'ob scurité g a rd e n t tous leurs cara ctè re s généraux. Sauf d e rares exceptions, elles ne prêtent à une éventuelle transformation ou intégration dans une représentation que des parties réduites de leurs extensions.

L 'id ée b a n a le selon la quelle des parois rocheuses suggèrent des formes figuratives, com m e des nuages le font aux yeux d e rêveurs indolents, n'est pas vraim ent fondée. L'imaginaire des hommes préhistoriques s'est simplement parfois contenté de construire des représentations en les fo n d a n t partiellem ent dans des formes pariétales. Un des exem ples les plus merveilleux d e c e tte intrusion recherchée d 'u n e d é c o u p e rocheuse naturelle dans un profil d 'a nim al est celui du « cheval pom m elé » de la grotte du Pech Merle (Lot) : la petite tê te de l'anim al e t son encolure peinte se déroben t dans une tê te et une encolure expressivement formées par la paroi rocheuse, en bonnes proportions a ve c le corps presque grandeur naturelle (Leroi-Gourhan

1965-1995).

Dans l'a rt pariétal paléolithique, to u t com m e dans l'a rt rupestre p a rto u t dans le m onde (Lorblanchet 1999, Vialou 1991), les seules intégrations courantes des supports rocheux dans les représentations sont en quelque sorte partielles et/ou périphériques : il s'agit d 'u n e part des caractères morphologiques des parois, remarqués e t soulignés par les auteurs des représentations, d 'a u tre part du phénom ène d e c a d ra g e d 'u n e représentation ou d 'u n ensem ble d e représentations. Les bosses accusées du p la fo n d d 'A lta m ira (Espagne) sur lesquelles des peintres m agdalén iens ont astucieusement p la c é des bisons rouges e t noirs (Leroi-Gourhan 1965-1995) sont exemplaires de la fusion de reliefs pariétaux dans les représentations. En fait, convexités et concavités, crevasses et fissures, angles saillants... ont été souvent mis à profit par les Préhistoriques pour am plifier les dimensions

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expressives d e leurs représentations, plutôt que pour en co m p lé te r les contours ou volumes figuratifs, Le phénom ène d e c a d ra g e est égalem ent universel dans l'a rt préhistorique, mais pas aussi général qu'il l'est devenu dans les arts historiques — graphiques, plastiques e t arch ite ctu ra u x, Le c a d ra g e d 'u n e représentation, figurative ou moins fréquem m ent abstraite, entre un jeu d e fissures, dans une d é c o u p e rocheuse naturelle..., est une form e a c tiv e d'inscription pariétale. On parle de panneaux quand un ensemble d e représentations est constitué dans des limites naturellem ent définies par des propriétés m orphologiques d e la paroi rocheuse choisie, par exem ple des bande aux rocheux com m e ceux de Font-de-Gaum e (Dordogne) rassemblant des bisons (Leroi-Gourhan 1965-1995),

Dans tous ces cas d'in tégration expressive de données pariétales dans les représentations, se manifeste clairem ent une intimité d 'é ch a n g e s entre les oeuvres e t leurs supports, mais pas davanta ge. Les unes e t les autres continuent à exister dans leurs c a ra c tè re s propres, co n jo in te m e n t mais distinctement.

De la paroi rocheuse à l’espace tridimensionnel La m onum entalité d e l'a rt rupestre fonde sa plus p a rfa ite originalité e t sa spécificité spectaculaire par rapport aux autres formes d e l'art préhistorique.

Elle n 'a d 'é q u iv a le n t en Histoire qu e dans l'arch itecture e t l'urbanisme.

Une paroi rocheuse n'est jamais assimilable à un support p la t e t uniforme, bien au contraire. La réduction à deux dimensions, photos e t dessins, est incontournable pour la publication, dans le form at to ta le m e n t abstrait du réel de pages d 'u n ouvrage.

Pas d a va n ta g e , une paroi rocheuse ne renvoie à une

« toile », un tableau. Une relation avec une fresque murale pe u t être suggérée quand, précisément, la com paraison se fait, non pas au niveau des parois- supports mais à celui des volumes e t espaces architecturaux (Vialou 1998).

Dans des abris-sous-roche, l'e s p a c e tridimensionnel d e l'a rt rupestre est celui du vécu des personnes qui y ont e ffe ctu é des représentations o u /e t y o n t vécu. Les représentations matérialisent un horizon im aginaire qui se déploie sur un espace rocheux en volum e : les reliefs, les creux, les dièdres e t les recoins d e la paroi e t du site. Plus ou moins linéaire, ou creusée en entrée d e cavité, élevée en porche..., la paroi d 'u n abri rocheux est toujours un obstacle, une limitation aux déplacem ents des personnes et à leurs regards. L'espace naturel du vécu, physique e t

symbolique, est coupé, borné par la paroi rocheuse, quelles q u 'e n soient la form e e t les dimensions, La paroi est partie prenante dans l'horizon du vécu des hommes qui s'y confrontent. L'art rupestre, par son positionnem ent sur des parois monumentales, est inscrit dans la vie com m e il l'est dans la nature.

Les grottes ornées p aléolith iques — une exception culturelle co m p a ré e à l'universalité e t la densité des sites rupestres à l'air libre — offrent des espaces tridimensionnels particuliers. Une grotte, de quelques dimensions q u 'e lle soit, est un espace to ta le m e n t contraint e t orienté : une entrée (ou plusieurs), une galerie (ou plusieurs) un fond (ou plusieurs). On y rentre e t on en ressort, c'est-à-dire que l'on parcourt un espace p e n d a n t une durée définie, limitée (par les conditions d 'é c la ira g e et fo n d a m e n ta le m e n t par les conditions d e vie). En grotte, les représentations se distribuent selon une construction symbolique et dynam ique d e l'espace ainsi naturellem ent orienté e t a rch ite ctu ra le m e n t structuré : proximité de l'entrée ou du fond, passages bas e t étroits, vastes ou petites salles, galeries rectilignes ou coudées, etc. Les représentations sont disposées en fonction des données m orphologiques des parois e t selon les propriétés architecturales to pograp hiques. La g ro tte d e Lascaux illustre à merveille à quel point la construction symbolique du dispositif pariétal des représentations répond à ces deux axes com plém entaires, celui des morphologies pariétales e t celui des architectures topographiques des cavités (Leroi-Gourhan 1965-1995, Vialou 2003) : Les grandes peintures d e « taureaux » e t chevaux sur le b a n d e a u rocheux spectaculaire d e la Rotonde, les anim aux e t signes plus petits peints dans l'étroit Diverticule axial, passant d 'u n e paroi à l'au tre par le plafond, les fines gravures dans l'étroit Passage bas qui co n d u it à la seconde partie d e la ca vité ; e t dans ce lle -ci une a c c u m u la tio n d e gravures e t de peintures sur les parois e t le plafond d e « l'Abside », petife salle basse, un défilé d e peintures e t gravures aisém ent lisibles à distance dans la « Nef », haute et large galerie suivi enfin par des gravures discrètes dans la galerie des Félins, étroit diverticule final.

La grotte co n çu e dans sa totalité co m m e un support d 'o rg a n is a tio n sym bolique p a r les Paléolithiques offre une continuité spatiale, l'unité de lieu, e t une discontinuité pariétale correspondant à la distribution toujours é c la té e des représentations. Dans c e typ e d e dispositif pariétal, la m ém oire enregistre le vu e t fa it le lien symbolique entre des représentations qui ne p euven t être visibles sim ultaném ent d 'u n m êm e lieu. Il en est souvent d e m êm e dans les vastes abris ou ceux qui offrent une m orphologie pariétale com plexe, non linéaire. Ainsi, s'opère un glissement

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d e la paroi rocheuse à la paroi mémorielle qui rend possible la compréhension d 'u n to u t au-delà d e ses discontinuités matérielles.

Parvenu à c e stade d e l'analyse, il est devenu clair que le support dans l'icon ographie préhistorique n'existe pas pour lui-même, à moins qu'il ne soit im pliqué co m m e m atière dans l'e sth é tiq u e d e l'œ uvre ; tel l'ivoire de m am m outh pour la statuaire hum aine des Gravettiens. De fait, l'intégration du support, minéral ou organique, est la condition m êm e d e l'existence d e l'im age. Par son support, l'im ag e g a g n e sa tem poralité, c'est-à-dire que le sens qu'elle revêt est inscrit dans la matière. Il en aura la durée, celle de la conservation, mais ne se m aintiendra lisible, intelligible que sur un autre support, celui d e la mémoire, celle de la culture d o n t il ém ane. L'im age préhistorique est fo n d am en talem ent matérielle, c'e st pour cela qu'elle a g a g n é le temps, dans sa création, e t qu'e lle nous est parvenue, dans sa conservation.

L'im age préhistorique est irrém édiablem ent virtuelle dans sa sémantique : elle a cessé d e dire c e qu'elle représente, érodée par le temps culturel.

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