• Aucun résultat trouvé

La politisation du thème de l'absentéisme (

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La politisation du thème de l'absentéisme ("

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

1

Stage syndical SNES CPE - janvier 2012

Un stage national regroupant des CPE de toutes les académies s'est tenu les 18 et 19 janvier.

La thématique générale en était les « nouveaux textes réglementaires et leurs conséquences sur l'exercice du métier de CPE ». En voici le compte-rendu sur le thème de l'absentéisme.

La politisation du thème de l'absentéisme (

Valérie Héraut)

La question de l’absentéisme nourrie beaucoup de discours depuis une décennie, il permet sans doute de ne pas parler d’autre chose, des questions, comme celles des inégalités scolaires bien plus complexes à traiter. C’est un marronnier qui meuble à faible coût les discours ministériels.

En juillet 2002, Xavier Darcos, ministre délégué de l’époque, dressait un tableau sans nuance du problème de l’A en évoquant la tolérance parentale, certains quartiers difficiles, la nécessité de rappeler les devoirs en suspendant ou en supprimant les allocations familiales. Le 1er octobre de la même année, il annonce un Groupe de Travail sur l’A scolaire.

Il rappelle que les manquements à l’obligation scolaire sont sanctionnés de manière progressive et graduée. La loi du 28/03/1882 puis celle du 11/087/1936 prévoient des motifs d’absence réputés légitimes : la maladie de l’enfant, ou celle contagieuse d’un membre de la famille, un empêchement résultant d’un problème de

communication, une absence temporaire des personnes responsables, une indigence insuffisamment secourue.

Aujourd’hui : Les seuls motifs réputés légitimes sont les suivants : maladie de l'enfant, maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille, réunion solennelle de famille, empêchement résultant de la difficulté accidentelle des

communications, absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent. Les autres motifs sont appréciés par l'inspecteur d'académie. Celui-ci peut consulter les assistantes sociales agréées par lui, et les charger de conduire une enquête, en ce qui concerne les enfants en cause.

Darcos, après cette présentation, explique que les autorités scolaires sont au cœur du contrôle de la légitimité des motifs évoqués par les familles, les CPE établissent la liste des absentéistes, la transmet au chef d’établissement qui la communique à l’IA dans le but d’engager un dialogue avec les familles. C’est l’IA qui invite à la

confrontation à la loi et qui le cas échéant, saisit le procureur des faits constitutifs de l’infraction. Ecole et famille participe à la co-construction de l’assiduité par l’aide et par le dialogue.

C’est ensuite au tour de Christian Jacob de s’exprimer, ministre délégué à la famille.

Il interroge : « comment répondre à l’absentéisme ? » Sa réponse : « en

(2)

2

responsabilisant les parents, en les alertant, en les faisant réagir ». Ce GT sur l’A sera donc piloté par la délégation à la famille.

Il pose le problème des jeunes dans « la rue », qui laissent désemparés familles et professionnels. Pour responsabiliser les familles, il faut un dialogue, une médiation.

Depuis 1959, un système de suspension des allocations est en place mais, selon Chr Jacob, il n'est pas adapté, il propose plutôt une amende parentale prononcée par un juge car dit-il « il n'y a pas de lien entre allocation familiale et assiduité scolaire ».

Luc Ferry, ministre en chef, conclut par une approche historique : « dans le pacte entre la nation et son école, l'obligation scolaire a accompagné la gratuité ». Il y a 130 ans dit-il, (nous sommes toujours le 1er octobre 2002 lorsqu'il prononce ce discours), les causes de l'absentéisme sont bien différentes. Alors que l'école

permettait d'échapper aux déterminismes sociaux et apportait la liberté, aujourd'hui, on assiste à un changement du regard des parents et des élèves qui la considèrent parfois comme un enfermement. Ainsi se développent les phénomènes de zapping scolaires, de forme de droit à l'absence mais aussi des problèmes liés aux difficultés familiales, à la précarité et aux erreurs d'orientation. C'est un problème banal qu'il faut traiter par le contrôle, le dialogue et aussi en luttant contre le désintérêt. Il remarque l'indigence de données fiables dans ce domaine.

Deux ans plus tard, en 2004, il est interviewé par Elkabbach sur la tournée du ministre de l'intérieur de l'époque, un certain Nicolas Sarkozy, dans les 23 quartiers les « plus difficiles » avec l'objectif de lutter contre l'absentéisme, en lien avec la lutte contre la délinquance. Réaction de Luc Ferry embarrassé : « no comment ». Il finit par lâcher qu'il évalue de 100 à 150 000 le nombre d'absentéistes chroniques.

Que les CPE sont là pour ça avec les chefs d’établissement. Il commente négativement l'idée d'un référent policier par établissement.

Le virage sécuritaire s'affirme, esquissé par X. Darcos, il est mis en musique par N. Sarkozy.

Encore deux ans plus tard en 2006, c'est D. De Villepin qui s'exprime sur le Contrat de Responsabilité Parental qui peut permettre la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire. Le discours est vibrant : « la nation, c'est aussi une grande famille » ... Le CRP est là quand des parents ont des difficultés à assumer leurs responsabilités et le développement équilibré de leur enfant. C'est une source importante d'inégalités des chances. La loi date du 2/03/2006. Elle propose un CRP aux parents en cas d'absentéisme grave ou de troubles au fonctionnement d'un établissement scolaire et de toutes difficultés liées aux carences de l'autorité

parentale. C'est un rappel des droits et des devoirs, une aide et un accompagnement social. Son refus entraînera la suspension temporaire des allocations familiales

placées sur un compte bloqué.

(3)

3

En 2010, le 28 septembre est votée la loi Ciotti visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.

Les débats à l‘assemblée sont éclairant sur les discours autour du problème et leurs amalgames.

Ciotti introduit son sujet au motif de l’aggravation de l’absentéisme et son lien avec la violence scolaires. Cette loi vise plusieurs objectifs :

• Pour restaurer l’autorité parentale, il faut faire fonctionner les CRP et impliquer les conseils généraux. L’approche contractuelle est confortée par la loi relative à la prévention de la délinquance (n°2007-297 du 5/03/2007) qui crée les conseils des droits et des devoirs des familles.

• Renforcer le lien école/famille à l’exemple de l’expérimentation de la mallette des parents dans l’académie de Créteil qui sera étendue à l’ensemble des académies.

• La mise en place des 500 médiateurs de réussite scolaire en appui aux autres personnels.

Le dispositif est proportionné et gradué. Il n’y aura pas de signalement au préfet car il faut garder le problème à l’interne du système éducatif (contrairement au premier projet).

Yves Durand, député PS relativise le phénomène : 5 à 7 % des élèves touchés en moyenne, 10 % des établissements dont beaucoup en LP avec des taux supérieurs à 30 %. C’est souvent le cas d’orientations subies dans des filières de relégation. Il faut une revalorisation de l’enseignement technique et professionnel. C’est une stigmatisation de familles déjà fragiles, des familles nombreuses sanctionnées alors qu’un seul enfant est concerné. Le problème scolaire est individuel et ne doit pas avoir un remède répressif et collectif. Cette politique a été un échec en Grande Bretagne. C’est un rideau de fumée qui assimile A et délinquance. Les véritables causes sont l’orientation subie, les classes surchargées, l’impossibilité d’individualiser les parcours par manque de moyens. A l’école de trouver les moyens et les remèdes et de restaurer le désir d’école.

Marie Hélène Amiable, députée PC : fait remarquer qu’en 2003, le gouvernement dont Sarkozy était le ministre de l’Intérieur a fait abroger le dispositif administratif de suppression ou de suspension des allocations familiales. De plus, en s’appuyant sur les indicateurs des projets de performance de la loi de finance, elle rectifie les chiffres de l’A :

2004 2.2 en clg 4.9 en lyc 10.8 en LP 2008 3.1 en clg 5.8 en lyc 15.2 en LP

Augmentation qui s’explique notamment par la mobilisation lycéenne. C’est aussi l’effet de la baisse des moyens, des situations faites au CPE, aux COPSY, AS et médecins scolaires. C’est aussi le faible niveau de bourse qui entraîne le travail des lycéens, l’orientation subie, les établissements éloignés du domicile, les mauvais emplois du temps, un manque de sens des enseignements.

(4)

4

C’est aussi la crise économique et morales et ses conséquences. C’est une

pénalisation du reste de la fratrie et une fragilisation économique des familles. Les propositions de l’EN sont insuffisantes. Donc remettre à plat les procédures d’alerte, les aides aux parents, créer des relais quand la relation parent/enfant est impossible.

J C Lagarde, député Nouveau Centre réconcilie les points de vue en affirmant qu’il ne faut pas se priver de cette possibilité de suspendre les allocations quand le contact avec la famille est rompu. C’est un moyen de renouer le dialogue avec des familles défaillantes. C’est le décrochage qui est stigmatisant.

M. Ciotti répond : en 2001/2002, c’est 6700 familles qui ont été concernés par des décisions de suppression des Allocations Familiales. Le processus proposé permet l’individualisation de chaque situation.

Ce texte est à mettre en lien avec la circulaire sur la lutte contre le décrochage scolaire (bo n°6 du 10/02/2011) qui met en place des plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs dans chaque département. Coordination des acteurs locaux de la formation, de l’orientation, et de l’insertion des jeunes, repérage, obligation nouvelle de suivi pour les 16/18 ans, rôle des préfets

C’est toujours la même optique de contrôle social.

L’étude de Maryse Esterlé-Hedibel, sociologue de Lille, sur la typologie des élèves décrocheurs, permet de contester le lien supposé entre décrochage et absentéisme.

Et entre absentéisme et délinquance.

Intervention d’Agnès Huleux :

Responsable du service social du Val de Marne (expérience de la cellule absentéisme à l’IA).

Département représentatif car « dans ce département, on colle à la loi ».

Avant la loi Ciotti, le département disposait d’un accueil des familles à l’IA 3 jours par semaine par des Assistantes sociales et des COP (pas de CPE car soucis d’organisation et de moyens). Il y avait une convocation des parents des élèves signalés et des élèves par courrier doublé d’un appel téléphonique des deux parents. Il y avait une personnalisation, une adaptation des rendez-vous aux possibilités des parents, des contacts avec les CPE. Il y avait un rappel à la loi au nom de l’IA, valeur symbolique et 90 % des rendez-vous étaient honorés.

Ensuite, l’entretien avec la famille et l’enfant portait sur ce qui avait été fait à l’école, pourquoi ça n’avait pas marché. Puis des courriers étaient adressés aux familles avec copies aux établissements.

Les élèves qui étaient reçus étaient de grands absentéistes, l’idée était de les remobiliser sur un projet. Il n’y avait pas toujours d’incidences directes sur leur absentéisme (300 entretiens par an) mais des contacts très personnalisés et des familles ont pu être remobilisées. Des pères

(5)

5

soi-disant « disparus » sont venus aux rendez-vous, parfois de loin. L’absentéisme peut être un passage et n’est pas inéluctable malgré ce qui est souvent véhiculé. L’idée est d’aider les familles à passer un moment difficile.

Il faut toujours aussi interroger l’échec de l’Ecole avant d’interroger l’échec des parents (actuellement, autre dynamique et tendance à faire reposer la responsabilité sur les parents seulement).

Ce n’est pas qu’un problème de parents, ni seulement un problème d’école, problème de quartier, problème de logement, etc.

Il faut réinvestir le sport, le soutien scolaire à l’extérieur. C’est du bricolage au sens noble du terme pour personnaliser au maximum les réponses.

Il y avait encore à ce moment-là une intervention possible du parquet (juge des enfants), un lien entre absentéisme et protection de l’enfance. Une sociologue a pu faire une observation de ces pratiques grâce au financement par la Fondation de France et l’ONED qui va être publiée prochainement.

Nouvelle loi « Ciotti », nouvel IA, proposition de supprimer cette cellule, de remettre le chef d’établissement au centre de la procédure.

A. Huleux a refusé de participer au nouveau dispositif en expliquant sa position (en partie contre la suppression des Allocations familiales qui ne marche pas).

Maintenant, il y a convocation au niveau du district après des échecs successifs des actions menées dans l’établissement ; 20 à 30 familles sont reçues par jour, un quart d’heure par famille. Il y a demandes de suspensions dans la moitié des cas. Les Allocations Familiales sont redonnées au retour de l’enfant à l’école avec effet rétroactif. Pour l’instant, aucune suppression n’a eu lieu.

A. Huleux qui est avant tout AS, fait le maximum pour que les familles retrouvent les AF.

Dans 80 % des cas, il n’y a pas de retour à l’école. Dans beaucoup de cas, il n’y a pas non plus d’AF.

Ce qui est assez représentatif, c’est le nombre de femmes seules touchées par ce problème. Le nouveau dispositif n’apporte pas de résultat positif si ce n’est à la périphérie de permettre aux professionnels qui participent au dispositif (CE, CPE, AS, COP) de mieux connaître le travail de l’autre.

Avec cette loi, pour qu’un juge des enfants soit saisi, il faut apporter tout un tas de preuves de sa nécessité. Il y a chevauchement avec la loi Benisti de prévention de la délinquance (sortie le même jour que la loi Ciotti). On assiste aussi à un déplacement des compétences des juges des enfants vers les conseils généraux et les maires qui peuvent convoquer les parents, pénaliser les jeunes.

DEBAT

Après une précision sur une autre vision, voisine, celle d’un CPE du 94, .la question est posée d’une typologie des élèves absentéistes (type d’établissement, choix d’orientation…)

Pour A. Huleux, la problématique de l’orientation est importante (échec scolaire...) Il n’y a pas toujours une difficulté familiale ou sociale à l’origine de l’absentéisme. Il faut insister sur

(6)

6

ce point, l’absentéisme n’est pas toujours de la responsabilité des parents et les absentéistes ne sont pas toujours dans la rue, ils restent souvent enfermés chez eux.

On aborde dans un deuxième temps la négation du rôle du CPE, absorbé par la chronophagie des procédures de signalement. Des circulaires départementales (93) nient même toute expertise au CPE. Ailleurs, la loi Ciotti est déclinée différemment mais toujours dans des logiques comptables et une automaticité des procédures (des kits sont mêmes proposés comme dans le 63). Cette décentralisation est dangereuse, elle permet aux Conseils Généraux de prendre parfois des décisions délirantes.

Il y a accord sur la basculement idéologique intervenu à partir de 2002 : d’une vision de l’élève en danger à l’élève dangereux : l’absent, auparavant en danger, serait devenu lui- même un danger… (idem pour la justice des mineurs)

Il y a un traitement systématique des situations, sans aucune individualisation. Ces dispositifs nient nos qualifications et en même temps l’école ne s’interroge pas : comment se motiver pour venir à l’école si derrière il n’y a aucune perspective ? Problème de nos fonctionnements qui parfois génèrent de l’absentéisme (ex ; du retour en classe, refuser un élève en retard et lui faire rater encore plus d’heures de cours…).

Bien faire la différence entre le registre de l’école et celui du social. Syndicalement il serait intéressant de demander des comptes aux IA, et le faire au niveau fédéral.

Conclusion d’ Agnès Huleux Le problème de la systématisation : les quatre demi-journées ne veulent rien dire, de même que la « justification » car on sait bien que certaines familles justifient toutes les absences. Vouloir traiter ce problème de façon arithmétique n’a pas de sens. Se poser la question de comptabiliser les absences au lieu de gérer les problèmes. De même, la question se pose de la pertinence du traitement extérieur à l’école de l’absentéisme…

Références

Documents relatifs

Ainsi, c’est grâce à cette activité de rétrospection que le lecteur va découvrir des épisodes dont il n'a pas eu connaissance jusqu’à ce moment de lecture (Rachid révèle

Ce travail à la main présente une étude du phénomène des migrations internationales pour l'emploi et son impact sur les marchés du travail locaux, d'une part, et l'impact du

De chaque côté de cette anse, sont attachées deux autres ficelles représentant les branches d’une bride, de façon qu’il suffit d’une traction même légère, à droite ou

L’étudiant bénéficie d’un tuteur dans l’établissement d’accueil (cadre ou enseignant en APA-S) et d’un tuteur universitaire pour chaque stage réalisé, qu’il

Les jeunes ont la possibilité de renouer avec le système scolaire pour y suivre une formation diplômante (RFI : Retour en formation initiale), une formation en

 Les mots qui ont un radical commun appartiennent à la même famille , ils font tous penser à la même chose ou à la même idée.. Ex : lire - lisible - relire -

 Les mots qui ont un radical commun appartiennent à la même famille, ils font tous penser à la même chose ou à la

Et ils auraient voulu sourire tous les deux, et ils ne purent pas, comme si ce mot avait été d’une justesse trop parfaite, que les jugements humains n’ont pas d’ordinaire, et