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Les Français de Londres, pas tous expatriés

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59 | 2022

Les Français à l'étranger

Les Français de Londres, pas tous expatriés

Le modèle français de citoyenneté à l’épreuve de la démocratisation de l’expatriation

Diane Le Luyer

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/echogeo/23088 DOI : 10.4000/echogeo.23088

ISSN : 1963-1197 Éditeur

Pôle de recherche pour l'organisation et la diffusion de l'information géographique (CNRS UMR 8586) Référence électronique

Diane Le Luyer, « Les Français de Londres, pas tous expatriés », EchoGéo [En ligne], 59 | 2022, mis en ligne le 10 mai 2022, consulté le 10 mai 2022. URL : http://journals.openedition.org/echogeo/23088 ; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.23088

Ce document a été généré automatiquement le 10 mai 2022.

EchoGéo est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International (CC BY-NC-ND)

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Les Français de Londres, pas tous expatriés

Le modèle français de citoyenneté à l’épreuve de la démocratisation de l’expatriation

Diane Le Luyer

Introduction

1 En 2019, la population française de l’étranger s’élève officiellement à 1,8 million de personnes1. Cette donnée, la plus couramment évoquée dans le débat public, ne constitue qu’une information partielle pour aborder la question de l’expatriation, en- deçà de la population réelle. L’inscription au registre consulaire, libre et facultative, occulte l’ensemble des Français qui ne souhaitent pas avoir affaire aux autorités consulaires. L’étendue de la population française de l’étranger est donc sujette aux estimations et aucun recensement systématique n’atteste du volume ni même la composition de la population totale. Ces modalités de recensement de l’expatriation française sous-tendent des implications géopolitiques singulières au cas français.

2 Entre accompagnement et influence, l’encadrement des Français de l’étranger repose sur des bases institutionnelles uniques, compte tenu du volume relativement faible que représente la population établie hors de France. Au fil de la mondialisation, l’émigration française s’est démocratisée et ses origines aristocratiques puis élitaires ont été réinterrogées, notamment à l’aune de l’âge ou des parcours de vie variés de ceux qui partent : retraités, jeunes, itinérants et hivernants se projettent aujourd’hui durablement hors du territoire (Le Bigot, 2016 et 2017 ; Benson et O’Reilly, 2009 ; Casado-Diaz, 2006). Dans le cas d’une ville mondiale et globale comme Londres (Sassen, 1991), la motivation professionnelle est majoritaire dans les projets d’expatriation2 et concerne aujourd’hui une diversité de situations sociales, des plus privilégiées aux plus précaires, où les extrêmes bénéficient ou pâtissent de l’encadrement proposé par l’État français. Le dispositif d’État responsable de l’encadrement public de ces citoyens – se revendiquant d’un universalisme caractéristique de la modernité dont il se fait

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l’emblème – assure ses fonctions par le déploiement d’un éventail de pratiques citoyennes codifiées et ordinaires (Carrel et Neveu, 2014). Dans les faits, la pratique du vote hors de France et la fréquentation du réseau scolaire d’Enseignement Français à l’Étranger (EFE) ou de cercles sociaux et culturels français traduisent ces inégalités que l’institution française tait. L’appareil d’État ne semblant s’adresser qu’à ceux susceptibles de relayer son influence hors des frontières nationales, les possibles d’une citoyenneté extraterritoriale se dessinent, inspirés des approches postmodernes (Isin, 2013 ; Beck, 2006). Notre approche s’intéresse à la façon dont les citoyens qui ne s’emparent pas de ces pratiques prévues développent, hors du parcours institutionnel, des pratiques que nous caractérisons alors d’émergentes, pour répondre à des besoins qui leurs sont propres, à distance (Lamblin, 2015) et par le biais de leurs pratiques courantes (Carrel et Neveu, 2014).

3 Cette recherche s’appuie sur les données d’une enquête constituée de 31 entretiens semi-directifs auprès de Français résidant à Londres3, complétée d’une analyse mixte basée sur un corpus documentaire composé d’un éventail de sources : médias sociaux, blogs, publications associatives, discours d’élus, littérature institutionnelle (Le Luyer, 20204). La grille d’entretien conçue pour l’enquête aborde les pratiques courantes des enquêtés sous plusieurs angles afin de saisir, parmi leur diversité, celles qui – résultant parfois d’un impensé – sont susceptibles de traduire des représentations citoyennes singulières. Certaines réponses, significatives d’une expression émergente de la citoyenneté, sont mobilisée au fil de ce texte à des fins illustratives. Elles correspondent notamment aux questions suivantes :

- « Si je vous demande de penser au principal organisme français à l’étranger, lequel ou lesquels vous viennent en tête en premier ?

- « Quelle activité exercez-vous ? Pouvez-vous me parler de votre parcours ? » - « Fréquentez-vous des Français ? Dans quel cadre ? »

4 Le choix du terrain londonien a permis de mettre en valeur les inégalités qui traversent ainsi une population française appréhendée comme un ensemble homogène par les pouvoirs publics et les médias, et la situation paradoxale que vivent ceux qui, bien que résidant et travaillant dans une ville mondiale et globale, bien que relevant de ce que l’on considère une migration privilégiée (Lundström, 2014 ; Brahic et Lallement, 2018 ; Favell, 2011) sont pourtant aux marges de politiques publiques destinées à les accompagner, d’autant plus depuis le referendum sur le Brexit. Cette étude des pratiques et des représentations citoyennes au sens large s’appuie sur un échantillon diversifié sur le plan socio-professionnel et exploite cette diversité dans un but comparatif (tableau 1).

Tableau 1 – Caractéristiques sociologiques et résidentielles des individus rencontrés en Londres en 2016

ID Profession / Occupation Âge Genre Lieu de résidence (à Londres)

0002GC Ingénieur 35

ans M Tower Hamlets

0007QD Directrice de société 55

ans F Notting Hill

(4)

0022JM Libraire 38

ans F Clapham

0025CN Entrepreneuse 40

ans F Fulham

0016KH Retraitée (bibliothécaire de l’Institut Français)

71

ans F South Kensington

0014BH Analyste financier 28

ans M Camden

004WD Professeur particulier 37

ans F Fulham

0006MD Consultante en design 26

ans F « Ouest »

0009ND Consultante en politiques publiques 34

ans F Hackney

0012NFG Doctorante 24

ans F Kenington

0013NG Enseignante 26

ans F Brixton

0015EH Manager (VIE) 26

ans F Notting Hill

0017CH Livreur auto-entrepreneur 34

ans M Tottenham

0018BH Barman 28

ans M White Chapel

0019GK Cuisinier 28

ans M Fulham

0020BL Chercheuse 30

ans F Archway

0021DM Graphiste 32

ans F King’s Cross

0023WN Gestionnaire de crédit 30

ans F Twickenham

0024WN Au pair 25

ans F Balham

0026FO Gestionnaire de comptes (publicité) 24

ans F « Nord-Ouest, zone 2 »

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0027BDQ Agent d’entretien 30

ans F Tottenham

0030BS Enseignante 30

ans F Clapham

0031DW Employé (dératisation, entretien) 34

ans M King’s Cross

Source : D. Le Luyer, 2020.

5 Quelle place les politiques publiques françaises à l’étranger accordent-elle aux individus rassemblés sous la coupe d'appellations englobantes ? Les disparités sociales et professionnelles qui traversent la population leur permettent-elles le même accès aux services de l’État et à l’exercice de leur citoyenneté, hors du territoire national et loin du service public classique ? Par le biais de leurs pratiques sociales, entrepreneurs, salariés de droit local, travailleurs indépendants, bénéficient-ils tous du même accès aux dispositifs sur lesquels l’État appuie la cohésion nationale des Français à l’étranger et qui symbolise un atout géopolitique ? Ce texte s’attachera dans un premier temps à définir la place que tient généralement l’expatriation dans la doctrine française et les dispositifs publics qui s’en font l’emblème. Puis interviendront deux parties, focalisées sur le cas londonien, à la fois exceptionnel par ses perturbations géopolitiques, et emblématique d’une migration française diverse, jeune, nombreuse. Ce cas d’étude permettra d’examiner en miroir les réseaux d’acteurs et les pratiques propres à deux groupes de Français de l’étranger : ceux qui répondent favorablement au rôle géopolitique que l’État leur attribue et relaient sa puissance, et ceux qui ne se sentent ni accompagnés, ni concernés par les discours universalistes qui les désignent en tant que Français de l’étranger.

6 De l’exil des Huguenots à une image magnifiée de la résistance, la population française de Londres bénéficie d’héritages glorieux, encore vivaces dans les murs du Lycée Charles de Gaulle. Elle incarne à la fois la permanence séculaire et la recomposition d’un modèle : entre valorisation politique, emblème historique des relations franco- britanniques (Crouzet, 2004) et défiance envers le pouvoir français, elle est entourée d’une aura politique que la mondialisation questionne. Essentiellement professionnelle, l’émigration française vers le Royaume-Uni s’est développée puis démocratisée depuis les années 1990 (Le Luyer, 2020 ; Ministère des Affaires Etrangères, 2019), ce qui contribue aujourd’hui, dans le contexte néolibéral britannique, à remettre en question l’adéquation du modèle français, universaliste et élitaire, aux réalités auxquelles il s’adresse.

Encadrer l'expatriation : des services publics sélectifs qui privilégient l’influence sur l’accompagnement

7 Plus que d’émigration française au sens strict, les pouvoirs publics français parlent de

« Français de l’étranger » ou encore de « Français établis hors de France », insistant sur l’aspect situationnel d’une partie de la population, passant sous silence le motif migratoire qui les a menés à l’étranger5. Le choix des termes associés

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institutionnellement aux Français de l'étranger est porteur de sens et traduit la perception politique associée au phénomène et à la population qu'il entend désigner (Verquin, 1995). Le terme d’expatriation se positionne comme une exception migratoire socialement marquée et incontestablement valorisée (Beck, 2018). Le flou qui entoure ces termes est partie prenante de l’appareil d’encadrement de cet enjeu géopolitique. L’agrégation des ressortissants français sans distinction de statut6 s’inscrit dans une optique moderne et masque un pan de la réalité que vivent les populations concernées, ce qui permet à l’État de ne pas réinterroger les politiques publiques qu’il déploie à leur égard, et dont seule une partie bénéficie en réalité, que ce soit par le vote ou par l’accès au système scolaire.

Représentation électorale

8 Les politiques publiques d’encadrement répondent à un double enjeu politique fondant les liens institutionnels entre l’État et les ressortissants : la valorisation du capital humain et le lobbying politique auprès des pays d’accueil (Bauböck, 2003). En plus d’une politique d’accompagnement liée à la défense des intérêts des Français de l’étranger par leurs élus, leur encadrement relève d’une stratégie d’influence (Martel, 2013) appuyée sur les relais que constituent les citoyens français autour du monde et dont la citoyenneté est encouragée et entretenue par la pratique du vote à intervalles réguliers, au rythme des différents scrutins qui leurs sont ouverts. Pratique citoyenne dont l’acquittement par les citoyens est attendu par l’État (Neveu, 2013), le vote à l’étranger est pourtant une pratique plus clivante qu’il n’y paraît.

9 Le profil des candidats et élus aux plus fins niveaux de représentation – les conseils consulaires créés en 2013 par la Ministre Hélène Conway Mouret – illustre le rôle crucial que jouent, par leurs liens avec les partis politiques français, les associations de représentation des Français de l’étranger dans l’investiture des candidats et dans le recrutement des électeurs, eux-mêmes futurs candidats potentiels au fil des échelons de représentation (Le Luyer, 2020). Viviers de candidats et d’électeurs, les associations œuvrent à la défense de la citoyenneté des Français de l’étranger, mais aussi à l’homogénéité sociale des corps électoraux et de leurs représentants issus de mêmes territoires. Par le modèle qu’elles véhiculent et les valeurs politiques qu’elles portent, les associations telles que l’ADFE et l’UFE7 attirent dans leur giron des membres à la recherche d’affirmation de leur identité nationale (Thiesse, 2014), en quête d’insertion dans un tissu social, d’implication citoyenne et répondant à certaines normes sociologiques dont de nombreux Français de l’étranger sont exclus. Trop jeunes, plus intéressés par l’immersion locale que par les soirées entre compatriotes, trop isolés socialement ou géographiquement, tous ne se reconnaissent pas dans ces structures et, ne les fréquentant pas, ne profitent pas de l’accès facilité à la citoyenneté électorale qu’elles matérialisent.

Enseignement français à l’étranger

10 L’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE) répond à deux objectifs : elle accompagne les familles françaises à l’étranger et relaie l’influence linguistique et culturelle française dans le monde par le biais des populations locales scolarisant leurs enfants dans ces établissements. Les élèves des établissements français à travers le monde sont nombreux et pourtant seule une minorité d’entre eux est française (40 % de

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la population totale des établissements), et seuls 25 % des enfants français résidant à l’étranger bénéficient de ce type de scolarisation8.

11 Le déséquilibre démographique des publics auxquels sont liées ces missions invite à considérer la mission de diffusion culturelle et linguistique (à destination d’un public non français ou international) prioritaire sur la mission d’accompagnement de l’EFE (destinée aux élèves français en continuité scolaire), ce à quoi les politiques publiques de modernisation et de financement de l’EFE ont contribué depuis les années 1990 (Le Luyer, 2020). Les mesures de gratuité, de subventionnement ou d’étoffement du réseau, sous couvert d’amélioration de son accessibilité, n’ont fait que renforcer les clivages qui séparent les familles françaises autour de leur capacité à y scolariser leurs enfants. C’est notamment le cas de la Prise En Charge (PEC) des frais de scolarité, instaurée par Nicolas Sarkozy et ayant favorisé un mécanisme de privatisation de l’EFE, de concurrence entre établissements et de tri social entre les publics : aujourd’hui les familles cosmopolites et locales les plus aisées inscrivent leurs enfants dans les établissements privés les plus dotés en capacité d’influence et dispensant un enseignement international ; les familles françaises bourgeoises inscrivent les leurs dans les établissements apparentés au service public à moindre coût9, et les familles les plus modestes, intégrées au système local, se chargent elles-mêmes de la transmission du français à leurs enfants de façon périscolaire, parfois sans aide, parfois appuyées par le CNED, moyennant le paiement de frais de scolarité.

12 La mission d’accompagnement que poursuit l’enseignement s’assortit d’un objectif de transmission citoyenne républicaine et d’un objectif sous-jacent de reproduction sociale à l’égard de cette population expatriée que l’État perçoit comme un atout à pérenniser dans la mondialisation, ce qui rappelle la position soutenue par les sociologues et les géographes au sujet des implications sociales de l’enseignement et de sa diffusion territoriale (Caro et Hillau, 1997). Cet exemple souligne l’entrelacement des deux objectifs portés par les établissements : l’EFE est un outil de service public servant un enjeu géopolitique, par l’accompagnement de certains ressortissants et par l’internationalisation de son réseau, portée par la scolarisation de publics internationaux et locaux élitaires. Il s’agit à ce titre de l’exemple le plus éloquent qu’offre l’encadrement des Français de l’étranger pour illustrer la hiérarchisation des enjeux qu’il soutient, et la priorisation de la puissance par rapport à l’accompagnement et des publics qui y sont associés par la force de leurs moyens financiers.

13 Sur la base de cette analyse du système d’EFE, le cas britannique constitue un exemple singulier. Au Royaume-Uni, on recense 14 établissements répartis sur trois villes dont 12 dans la seule ville de Londres, ce qui en termes démographiques représente plus de 6 321 élèves dont 80 % de Français. Londres semble illustrer à l’échelle infranationale un cas particulier où s’exprime de toute évidence une forte demande à laquelle les établissements scolaires n’ont d’autre choix que de répondre en accueillant une majorité d’élèves français, conformément à la hiérarchie des objectifs de l’AEFE au regard de la loi. Les autres établissements scolaires situés sur le territoire britannique ne sont que de toutes petites structures (80 élèves à l’école d’Aberdeen et 22 à Bristol), ce qui renforce d’autant plus le poids de Londres à l’échelle nationale. Aucune école n’est implantée à Manchester, Liverpool, Edimbourg, en dépit du poids démographique et politique de ces villes dans le pays et en dépit des effectifs de Français susceptibles d’y résider si l’on considère la population inscrite aux listes électorales consulaires dans ces bureaux de vote lors des derniers scrutins10.

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Londres, un cas emblématique et particulier

14 Ville globale, Londres bénéficie, à la mesure du monde, d’un rayonnement qui dépasse celui d’une capitale vis-à-vis de son pays (Bailoni et al ., 2009 ; Sassen, 1991). Le principal critère différenciant les modèles britannique et français repose sur leurs politiques d’intégration culturelle, qui s’illustrent d’autant plus différemment dans les capitales concernées, Paris et Londres (Neveu, 1993). Londres est marquée par un phénomène communautaire accru par son cosmopolitisme, plus important que dans le reste du pays, justement par la place culturelle et économique qu’elle occupe dans le monde. La résidence sur le sol britannique ouvre la voie à un ensemble de droits civiques11 qui ne trouvent pas d’équivalent en France. C’est à ce titre, et par le multiculturalisme qui le caractérise, que l’exemple londonien constitue un terrain d’étude privilégié pour aborder la question de la citoyenneté des émigrés Français. Le prolongement de la citoyenneté française hors de France que permettent nos institutions d’une part, conjugué à l’implication citoyenne qu’offre à son tour le modèle britannique, nous permet de considérer les citoyens comme soumis à deux influences institutionnelles dans un contexte cosmopolite leur permettant d’exprimer de part et d’autre leur(s) citoyenneté(s), localement et à distance.

15 La population française établie dans le pays est réputée particulièrement nombreuse et ancienne. Si son volume réel ne peut être qu’évalué par les autorités consulaires, il l’est toutefois à hauteur de 300 000 personnes en 2019, pour une population officielle de 147  548 inscrits12. Si aucune statistique officielle ne permet de chiffrer précisément la répartition infranationale de la population française, des indices – comme la répartition des bureaux de vote à l’occasion de la période électorale française de 2017 (illustration 1) – pointent son déséquilibre entre Londres et le reste du pays, y compris dans les villes principales.

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Illustration 1 - Implantation des bureaux de vote pour la période électorale de 2017

Pour l’élection législative, le nombre de bureaux londoniens était inférieur : 18 à South Kensington (centre) et 14 à Wembley (nord ouest).

Source : Légifrance, arrêté du 18/05/2017.

16 Aujourd’hui, en contexte de Brexit, les Français de Londres et du Royaume-Uni ont vu leur statut changer, de celui d’expatriés en celui d’immigrants variablement désirables, selon les atouts qu’ils sont susceptibles de représenter pour le pays d’accueil (Brahic et Lallement, 2018). Compte tenu de la diversité des profils sociaux des Français résidant à Londres, et des critères favorisant l’acceptation de l’immigration par les pouvoirs publics britanniques, il est probable que les moins favorisés de ces migrants privilégiés pâtissent d’une double déconsidération par les autorité, à la fois françaises et britanniques.

L’entrepreneuriat, un enjeu qui s’appuie sur un réseau d’acteurs institutionnels

17 Afin de saisir les termes dans lesquels se construit l’influence française internationale en appui des pratiques des Français, nous avons rencontré, à Londres, des chefs d’entreprise bénéficiant d’une solide intégration au dispositif institutionnel français.

Nous leur avons demandé de relater leur expérience personnelle et professionnelle, et d’évoquer les partenariats mobilisés dans le cadre de leur activité. Les acteurs cités sont d’importants maillons de la stratégie internationale française, au-delà même de l’encadrement des Français de l’étranger.

18 L’un de ces témoignages illustre avec une acuité particulière le soutien dont peuvent faire l’objet les entrepreneurs français à l’étranger de la part des pouvoirs publics.

L’enquêtée a procédé à la création de son entreprise dans le domaine de la joaillerie et de la création de bijoux artisanaux au Royaume-Uni sous le régime local avant de créer une filiale française, située à Paris et relevant du droit français. Issue d’une grande

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école de commerce, elle s’est établie à Londres suite à l’expatriation de son mari, ingénieur dans la finance. Sa création d’entreprise s’appuie sur les compétences professionnelles que lui confère sa formation, et sur le parti qu’elle a tiré de sa situation personnelle, profitant de sa qualité d’expatriée à titre familial pour entamer ce processus entrepreneurial. Les pratiques dont elle témoigne révèlent un réseau professionnel et institutionnel au sein duquel l’ambassade tient un rôle important voire central. Alors que certains individus mentionnent l’ambassade par abus de langage, désignant en réalité le consulat, cette enquêtée s’avère coutumière des événements organisés par l’ambassadrice et la députée de l’époque, Axelle Lemaire. Elle bénéficie donc d’une profonde intégration dans le système des acteurs du développement français à l’étranger. Elle mentionne d’ailleurs la force des liens qui la rattachent à la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) et le rôle qu’a joué l’organisme dans la promotion de son entreprise et son développement en France. Les liens qu’elle entretient avec son ancienne école de commerce traduisent également une capacité à la mobilisation de partenariats et de liens stratégiques. Peu après notre entretien, elle s’était vue remettre en 2017 un Queen’s Award for Enterprises des mains de la Reine Elizabeth II dans la catégorie Commerce International13.

19 Le parcours de cette entrepreneuse traduit une intégration multiple aux différents réseaux de soutien dont peuvent bénéficier les entreprises françaises à l’étranger, à la fois dans le système local et dans le système consulaire et diplomatique français. Elle fait référence à des réseaux divers et stratégiques, mis à la disposition des entrepreneurs français à l’étranger, pour autant que ceux-ci sont en mesure de les mobiliser (tableau 2).

Tableau 2 – Liste des acteurs mobilisés par une enquêtée française de Londres dans son processus entrepreneurial

Acteurs cités Rôle dans le développement de l’entreprise

Réseau des

« Mompreneuses »

Réseau amical de mères au foyer qui se lancent dans l’entrepreneuriat, aide au démarrage de l’activité, organisation de ventes, marchés de créateurs, etc.

K. Middleton

La Duchesse de Cambridge est photographiée avec un bijou de la marque qui lui a été directement offert par l’entreprise : publicité, renommée nationale, développement de l’activité locale, rayonnement

CCI

Recommandation pour un reportage sur France 2, puis développement du site internet, et d’une clientèle en France. A débouché sur l’ouverture de la filiale française. Création d’emplois en France. Dimension internationale de l’entreprise (inscription “London–Paris” sur le logo). Prix de l’entrepreneur de l’année : sceau de qualité, gain en visibilité

EDHEC

Mise en relation avec Business France, remise du prix de l’entrepreneuriat, parrainage de la promotion de 3ème cycle Entreprendre, organisation de voyages d’étudiants chaque année à Londres pour des rencontres avec les entrepreneurs français

Business France

Mise à disposition des locaux de l’agence pour l’organisation de la journée d’échange, aide au lancement de la filiale française, mise en relation avec Paris

& Co

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Paris & Co Incubateur de start-ups sur le territoire parisien et francilien

French Connect

Club d’entrepreneurs dans le domaine de la tech, organisation d’événements entre entrepreneurs, intégration du hub de start-ups londoniennes au label French Tech, organisation d’événements autour d’Axelle Lemaire (Secrétaire d’État au Numérique, ancienne députée de la 3ème circonscription législative

« Europe du Nord », dont fait partie le Royaume Uni), mise en relations avec d’autres entreprises similaires et des acteurs du rayonnement français à l’étranger (think tank, start-ups, footballeurs)

Axelle Lemaire Contacts réguliers avec les entrepreneurs français à Londres en tant que Secrétaire d’État au Numérique

Ambassade Organisation de conférences et d’événements sociaux d’entrepreneuses au sein de l’Ambassade

Source : D. Le Luyer, 2020

20 Témoignant d’un profil à certains égards similaire, la directrice de la principale librairie française de Londres bénéficie elle aussi d’un solide soutien institutionnel.

Devenue directrice de l’établissement La Page après y avoir été employée, la cheffe d’entreprise se déclare intégrée au réseau professionnel des libraires francophones incarné par l’Association Internationale des Libraires Français (AILF) et le Centre National du Livre (CNL). Elle rapporte y être clairement identifiée comme étant la directrice de la plus ancienne librairie française de Londres. À ce titre, elle précise avoir conscience d’occuper une place primordiale dans le réseau francophone local et dans le rayonnement français à l’étranger. La librairie est située à South Kensington, en face de l’Institut Français dans une rue voisine de celles de l’ambassade, du consulat et du Lycée Charles de Gaulle (illustration 2). Dans ce périmètre restreint se côtoient les principaux acteurs de l’action culturelle française, incarnée par des institutions publiques et privées interagissant dans un objectif commun. Intrinsèquement liée au Lycée Français et à la communauté qui s’y réunit, l’entreprise joue un véritable rôle social (ci-dessous).

« Considérez-vous que votre entreprise joue un rôle dans le système français de Londres ?

– Énorme, énorme. C’est le café du commerce. [il y a] une vraie communauté de gens dans la librairie, il y a un truc très communautaire. Et même familial. Quand je dis « café du commerce »... on partage beaucoup de trucs dans une librairie [...] Ça génère vachement de lien social. »

0022 JM

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Illustration 2 - Concentration institutionnelle, commerciale et associative française dans le quartier de South Kensington

Source : D. Le Luyer, 2020

21 Ces deux profils d’enquêtées ont des similitudes : d’âges comparables, expatriées pour des raisons similaires depuis des périodes équivalentes, et ayant toutes deux suivi une formation supérieure en commerce et communication. Elles manifestent une aptitude à la mobilisation des atouts que représente le dispositif d’encadrement des Français de l’étranger pour le développement de leur activité à l’international, une fine connaissance des outils qui leur sont proposés, et un ancrage, tant au sein de leurs cercles socio-professionnels qu’au sein de la société locale. Ces facultés sont indéniablement des clés de leurs parcours entrepreneuriaux. D’autres profils, marqués par des caractéristiques professionnelles différentes, témoignent d’un ancrage institutionnel bien plus faible.

Les précaires de l’étranger s’organisent aux marges du dispositif public

22 Dans le périmètre et aux confins du cadre stato-national moderne, nous avons entrepris de mesurer le rayonnement des institutions françaises de l’étranger à l’adresse de citoyens français, pas uniquement par les pratiques effectives de ces derniers mais par l’automatisme que manifeste la représentation qu’ils en ont.

L’administration consulaire occupe une place centrale au sein de la population française de l’étranger et est profondément ancrée dans les esprits, pourtant son rôle n’est pas toujours clairement défini par les citoyens. Au-delà de ce cadre institutionnel officiel et incontournable, on constate l’émergence d’acteurs moins centraux dans le

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dispositif institutionnel qu’ils ne le sont dans les représentations et les pratiques citoyennes.

Se soigner

23 À la question portant sur le principal organisme français venant en tête des interviewés, l’une des réponses les plus fréquentes évoque la Société Français de Bienfaisance14 (SFB-DF), désignant un organisme associatif proposant un suivi médical en français, à titre gratuit.

24 Ce « dispensaire français » est cité par des individus de profils socio-professionnels divers : une graphiste free-lance, une doctorante, une jeune femme au pair – psychologue de métier – et un livreur autoentrepreneur (ci-dessous) qui, lors des entretiens, résident à Londres depuis trois mois à six ans.

« Au tout début, quand j’ai commencé à vivre ici, je m’étais rendue au Dispensaire français [...] j’étais allée chez eux pour savoir ce qui est offert sur Londres, de manière abordable, en aide de soins, parce que le système de santé anglais, c’est une horreur [...] C’est difficile la vie à Londres parce que tu as tous les avantages du fait que c’est une grosse ville. Économiquement c’est hyper avantageux, socialement, et culturellement c’est hyper avantageux. Mais en termes de vie, par exemple le système bancaire et le système médical, si j’avais pas le reste, ça pourrait me faire rentrer en France, parce que c’est juste pas possible comment ça fonctionne ici, c’est pas possible. »

0006 MD

« J’ai eu une difficulté quand je suis venue à Londres, c’est au niveau de mon suivi médical. Voilà, et je voulais consulter une gynécologue à Londres, et au vu des prix exorbitants, je me suis tournée vers le Dispensaire français parce que j’avais vu que c’était gratuit. »

0012 NFG

« Je me suis tordu la cheville [...] je savais pas quoi faire, au tout début [...] Donc j’ai téléphoné et ils m’ont dit qu’il valait mieux aller à l’hôpital. En France je serais allé chez un docteur, parce qu’un docteur il est moins cher qu’en Angleterre ! Ici c’est pas remboursable, et voilà, quand on y pense ça fait presque 100 euros. »

0017 CH

« Par exemple si je devais aller voir un médecin, je pense que j’aurais envie d’aller au dispensaire français, parce qu’il y a la langue, et j’aurais envie de parler de ce que je ressens avec un Français. »

0024 WN

25 La mention du dispensaire indique une demande prégnante de suivi et surtout d’encadrement dans le domaine de la santé. Elle semble exprimer à la fois une défiance à l’égard du système local – les enquêtés évoquent une peur d’être mal pris en charge, mal diagnostiqués, mal soignés ou d’avoir à payer des soins et des examens – et une confiance persistante envers le système français. Le paramètre linguistique est aussi déterminant dans la recherche d’un praticien de santé, compte tenu de la probable difficulté à exprimer des maux et à comprendre un diagnostic dans une langue autre que la sienne. La carte des environs de South Kensington recense d’ailleurs un certain nombre de praticiens de santé s’affichant comme francophones ou français (illustration 2).

26 Au-delà de l’argument financier, cette pratique traduit la persistance et l’automatisme du recours aux institutions françaises, même à l’étranger. Les individus concernés n’étaient pas en difficulté linguistique ou financière majeure. Il s’agit de personnes

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jeunes, en mesure de s’exprimer en anglais15 et de subvenir aux frais d’une consultation de routine. Interrogés sur leurs habitudes, aucun d’entre eux n’a signalé s’être déjà rendu en France dans un établissement de type médico-social.

27 En tant qu’organisme de bienfaisance, les objectifs de la SFB-DF sont tournés vers les populations en difficulté, tant sur le plan financier que linguistique. Ceux qui ont mentionné s’y être adressés signalent également avoir été redirigés vers le système local et les praticiens de quartier, notamment pour cause de saturation. Les missions de cet établissement caritatif s’adressent à la population francophone selon des termes qui tranchent avec le discours public qui s’y adresse et la désigne, en soulignant les difficultés qu’elle est susceptible de rencontrer sur place, la notion de « besoin » et d’ « aide », et même de « pauvreté » (illustration 3).

Illustration 3 – Le « Dispensaire Français », un acteur social à l’étranger

Source : Site de la SFB-DF, URL : https://www.df-sfb.org.uk/fr/

28 Alors que les Français de Londres sont couramment perçus comme de jeunes actifs de la finance et des start-ups, bilingues, cosmopolites et expatriés, le rôle affiché par cet organisme en révèle un visage plus complexe et traversé de disparités demeurant invisibles dans le discours public. Parmi les répondants ayant mentionné cet organisme, plusieurs témoignages illustrent le fait que des Français de la jeune génération sont confrontés à l’étranger à des conditions sociales absentes du discours public (ci-dessous).

« Quand je suis arrivé j’ai travaillé à Hertz, je travaillais 45, 50 h par semaine, c’était la folie, j’en pouvais plus [...] Là en ce moment avec ma copine on est en train de changer d’avis, moi surtout. Parce que pour elle, pour moi... c’est pas terrible. On va peut-être revenir en France [...] Y’a pas d’avenir ici, c’est de plus en plus cher, c’est pas vivable [...] Dès que j’ai fait mon permis ici, on partira. Je fais transférer mon permis en France, et après je peux bosser. »

0017CH

« Ça a pas été si facile que ça, parce que moi qui pensais que j’allais trouver un travail en quinze jours ... j’en rigole encore aujourd’hui... j’ai mis un an, j’ai travaillé quasiment un an dans la vente avant de trouver un travail dans ma propre branche, et puis ensuite j’ai travaillé dans plusieurs entreprises [...] j’ai pas eu de chance, je suis tombée dans des entreprises qui correspondaient pas à ce que j’attendais dans mon travail. »

0006MD

« J’ai travaillé dans la restauration, mais au niveau des horaires et de la paye c’était pas terrible, parce que je faisais 8h-23h tous les jours, sur quatre jours par semaine, trois jours off, mais bon, quand tu fais presque 60h... en fait tes trois jours off tu les passes à dormir [...] j’ai fait ça pendant un mois et demi et j’ai démissionné. » 0018BH

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29 Parmi eux, l’un des enquêtés (0017 CH), livreur cycliste relevant d’un statut d’autoentrepreneur, manifeste sa déception vis-à-vis de l’expatriation et du contexte londonien. Inspiré par le discours médiatique qui entoure l’expatriation et par l’imaginaire qu’il dessine, il s’attendait à trouver un emploi rapidement et à en tirer une rémunération conséquente. Résidant sur place depuis quelques mois lors de l’entretien, il projetait pourtant déjà son retour, confronté à une difficulté inattendue à gagner sa vie et à s’établir durablement et aussi confortablement qu’il l’espérait.

S’insérer professionnellement

30 Les expatriations vers le Royaume-Uni sont majoritairement à vocation professionnelle (Biacabe, 2015), dans un contexte de crise financière où le néolibéralisme britannique semble offrir la perspective d’opportunités professionnelles et la promesse d’une certaine fluidité à l’embauche. La problématique de recherche d’emploi est donc courante parmi les nouveaux arrivants les plus jeunes qui – séduits par les opportunités attribuées à l’expatriation et libres de contraintes familiales – rejoignent le Royaume- Uni sans préparation préalable. Comme le précise le sénateur Olivier Cadic sur son blog, ces jeunes expatriés ne bénéficient d’aucun encadrement (ci-dessous).

« Qui sont-ils ces oubliés ? Bien souvent, des jeunes emplis d’espérance qui débarquent de l’Eurostar avec un sac à dos en gare de St Pancras. Aussitôt arrivés à Londres, ils se rendent très souvent au centre Charles-Péguy. Cet institut les aide à trouver un emploi, un logement, des cours d’anglais et leur offre des conseils pratiques d’adaptation. Vivant leur expatriation comme une aventure, ils pensent très rarement à s’immatriculer auprès des services consulaires. Ces oubliés de l’Administration constituent la “seconde communauté française”. »

Olivier Cadic, Un premier pas vers les « oubliés de St Pancras », 28/01/2010

31 Le centre Charles Péguy qu’évoque le sénateur fait partie des réponses recueillies fréquemment lors de l’enquête (ci-dessous). Les individus qui déclarent y avoir eu recours font partie des plus jeunes parmi l’éventail de répondants, et sont aussi ceux qui sont arrivés à Londres indépendamment du moindre encadrement institutionnel.

« Le centre Charles Péguy, je voulais m’inscrire, et puis je l’ai jamais fait, parce que je crois que l’adhésion à l’époque, c’était 75 livres, et j’étais au ras des pâquerettes, j’avais pas 75 livres à mettre là-dedans. »

0006MD

« – Je suis allé au centre Charles Péguy – Qu’est-ce que vous y recherchiez ?

– Comme ça, pour savoir. Quand on arrive, ils vous expliquent, ils vous accueillent un petit peu. Ils rassurent, ils encadrent, ils aident à trouver un travail, ils donnent des pistes [...] Le premier endroit où j’ai travaillé, le chef était français. Vu qu’il passait par le centre Charles Péguy, il était français. »

0019GK

« J’ai contacté des associations françaises, le centre Charles Péguy » 0024 WN

« N’importe quelle structure ? je vais penser au consulat de France, l’ambassade, même si je n’ai jamais eu affaire à eux, concrètement. Le centre Charles Péguy, aussi. »

0004 WD

32 Sans en dépendre, le centre bénéficie du soutien des autorités consulaires. Assimilé à un centre social, il bénéficie d’une image moins formelle que ne l’inspirent le consulat ou l’ambassade. La mission d’accompagnement qu’il affiche constitue une véritable

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ressource pour certains individus et son efficacité se traduit par les mentions récurrentes qui en ont été faites dans le cadre de cette enquête. L’utilité matérielle qu’il représente pour les individus qui y ont eu recours le place parfois devant les autorités consulaires en termes de référence institutionnelle. Le consulat exerce en effet un rôle que ne sont pas toujours capables de définir les individus rencontrés, malgré l’importance et la diversité de ses missions.

33 Le recours au centre n’est pas conditionné à l’inscription consulaire. En pratique, sa fréquentation n’exclut donc pas les demandeurs d’emploi faisant le choix de ne pas s’inscrire au consulat pour continuer à percevoir leur allocation française, comme on le constate dans les témoignages recueillis, mais aussi dans le contenu partagé par le biais des médias sociaux (Le Luyer, 2020). Cette tolérance par omission lui confère une image bienveillante auprès des individus les plus précaires. Il bénéficie surtout d’une image d’efficacité par l’aide qu’il apporte dans les démarches liées à l’installation. La représentation la plus courante à son égard est illustrée ainsi : « on arrive avec sa valise, on repart avec un job et un appartement » (ci-dessous).

« Les gens arrivent, ils ont encore leur valise, ils y vont et dans la journée ils ont un logement, un job et des cours. »

Patricia Connell, Déléguée Consulaire, circ. Londres

« Il y a plein d’offres d’emploi, j’ai postulé à une offre pour faire la plonge, le mec m’a rappelé l’après-midi, je suis venu le soir, et le lendemain je commençais. Voilà, ça a pris cinq jours pour trouver un travail. »

0019GK

34 À ce titre, il joue un rôle de ressource incontournable que les Français de Londres mobilisent et se transmettent de bouche à oreille, notamment par le biais des médias sociaux, dont la portée communautaire a été abondamment investiguée et confirmée par cette enquête de terrain (Boyd et Ellison, 2007 ; Le Luyer, 2020 ; Papacharissi, 2009).

S’auto-organiser aux marges de la légalité

35 Les pratiques sanitaires et sociales, centrales dans les discours des enquêtés les plus modestes, demeurent en marge du discours public sur l’expatriation. Par exemple, la reconnaissance dont bénéficie le centre Charles Péguy de la part des autorités consulaires n’en fait pourtant pas l’organe d’une stratégie politique à l’égard des jeunes expatriés exposés à la précarité. Les élus ne relaient que rarement les situations auxquelles ces citoyens font face, eux qui ne les sollicitent pratiquement jamais, ignorant parfois jusqu’à l’existence d’un système de représentation pour les Français de l’étranger.

36 L’exercice du vote par procuration accordée aux familles constitue une alternative au vote direct, et s’adapte particulièrement à un contexte d’expatriation courte, transitoire, n’ayant pas vocation à un quelconque ancrage local. C’est l’une des raisons qui explique la faiblesse de l’investissement électoral de cette catégorie de Français de l’étranger et leur méconnaissance de leur système de représentation. Les jeunes expatriés sont souvent résumés par une image de jeunes actifs incités à l’expatriation par les Grandes Écoles, notamment par le biais des VIE, comme en témoigne une partie de l’ensemble d’enquêtés. La mondialisation a pourtant permis, par la densification des transports et des échanges et communications, une recomposition sociale de l’expatriation française. Pour une génération s’estimant victime de la crise financière sur le plan professionnel, elle a ainsi favorisé l’ouverture à des alternatives

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économiques perçues comme porteuses d’opportunités, ceci au seul prix de l’expatriation. Ces représentations sont courantes dans la presse magazine et véhiculent un imaginaire idéalisé de l’expatriation comme source de possibilités, d’ascension sociale et d’enrichissement culturel (Brennetot, 2009). Dans les faits, ne pas s’inscrire au registre consulaire est parfois justifié au motif de la conservation de l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) française (ci-dessous).

« Entre nous j’ai un peu triché au début, parce que je touchais les Assedic, chômage, Pôle Emploi, ce qui m’a pas mal aidé, parce qu’au début j’ai pas mal galéré à trouver du boulot, la vie était chère. Ça m’a un peu aidé. Donc pour des raisons logiques qui font que si t’as le chômage et que tu te déclares vivre à l’étranger, ça complique les choses... enfin t’as droit à trois mois à l’étranger avec Pôle Emploi, mais que trois mois. Moi je voulais pas prendre le risque de me retrouver en culotte courte. Donc j’ai attendu un peu plus longtemps avant d’arrêter mes Assedic. De vivre à Londres depuis assez longtemps, d’avoir une paye convenable et de ne pas avoir besoin de Pôle Emploi. »

0018 BH

« À ce moment-là, j’étais pas encore trop stressée de trouver, parce que je savais que j’avais mes droits au chômage, derrière. »

0015 EH

« Je sais qu’il y a pas mal de Français à une époque, et j’en connais, qui venaient en touchant le chômage de France, et qui venaient travailler à Londres, donc ils se signalaient pas à l’ambassade. »

0021 DM

37 Sans prêter attention au caractère légal ou non de cette pratique, nous analysons ce qu’elle traduit : nombre de jeunes individus ont choisi de s’expatrier afin de trouver un emploi à l’étranger après une recherche infructueuse en France (ci-dessous). À l’échelle de l’échantillon, les plus jeunes expatriés sont nombreux à relier leur décision migratoire à une perspective d’insertion professionnelle.

« Il y a de plus en plus de jeunes qui arrivent. Ils savent que quand ils arrivent ici, le chômage est à 4,2 %, c’est presque le plein emploi. Ils savent que quand ils arrivent ils trouvent quelque chose. »

Patricia Connell, Déléguée Consulaire, circonscription de Londres

38 La question de l’ARE permet de mettre en lumière les paradoxes qui traversent la pratique de l’expatriation comme opportunité professionnelle : l’accès à l’emploi serait plus rapide et plus facile au Royaume-Uni qu’en France mais les licenciements le seraient autant, éveillant la conscience des bénéfices que représente le système français, notamment en termes de protection conférée par le droit du travail et le versement de l’ARE. Elle révèle également la conscience des inconvénients inhérents à la fluidité du marché du travail britannique, qui constitue par ailleurs un facteur d’attractivité pour un certain nombre d’individus.

Conclusion

39 Les pratiques qui émergent des usages actuels témoignent d’une recomposition voire d’une fragmentation de l’expatriation, qui se traduit dans sa répartition socio- professionnelle. Certaines de ces pratiques, directement permises par la mondialisation et le contexte néolibéral britannique, sont prises en compte, soutenues, encouragées et facilitées par les pouvoirs publics, comme le montre l’exemple des entreprises françaises intégrées au réseau institutionnel du développement de l’influence et du commerce français à l’étranger. Ces pratiques ne sont pas intrinsèquement émergentes

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mais s’appuient sur des outils qui accompagnent les évolutions récentes de l’émigration française. Les individus qui les rapportent témoignent parallèlement d’une relation positive avec la France, au sein de laquelle ils se sentent valorisés en tant que Français et en tant qu’expatriés, au sein d’un système qui leur accorde une place et auquel ils participent pleinement, que ce soit par leur activité professionnelle que par leur citoyenneté. En creux, les pratiques qui se traduisent dans l’espace numérique et auprès d’acteurs moins officiels (voire officieux) révèlent une image plus complexe de la population française de Londres. Demeurant dans les angles morts des pouvoirs publics, cette population ne bénéficie que d’un faible accompagnement sans pour autant manifester une pleine aisance dans son intégration au contexte local. Séduite par la flexibilité que promet le marché britannique du travail, elle se heurte par la précarité aux limites des politiques publiques françaises à l’étranger. Dans les prochaines années, les effets des politiques actuelles d’immigration britannique sont susceptibles de se faire sentir sur la fragmentation de cette population française en recherche d’ascension sociale. En contexte de Brexit, les conditions d’obtention de l’actuel permis d’immigration à points16 sont en effet à même de renforcer le poids des immigrants les plus dotés en capital social, au détriment de ceux qui ne s’inscrivent pas dans une démarche d’innovation ou d’excellence.

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NOTES

1. Source : Ministère des Affaires Étrangères (MAE). URL: https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/

2. Source : Assemblée Nationale, Genetet, A., 2018. La mobilité internationale des Français.

3. Cette enquête, réalisée en 2016, s’est déroulée juste après le referendum sur le Brexit. Pour cette raison, l’événement est présent dans les discours des enquêtés mais y revêt une représentation incertaine, attentiste et immature. Les pratiques rapportées font référence à une situation pré-Brexit, même si les représentations traduites dans les discours s’en nourrissent. Sur ce sujet et sur la résilience face à un tel bouleversement, Brahic et al. (2018) apportent un intéressant éclairage focalisé sur les Français de Manchester. Les encadrés qui émaillent ce texte contiennent des citations issues de cette enquête de terrain.

4. Le chapitre 3 de cette thèse de doctorat détaille la méthodologie d’acquisition et d’analyse des données sur lesquelles cette recherche s’appuie.

5. L’encadrement des Français de l’étranger ne concerne pas les départs. Tout individu de nationalité française résidant hors des frontières nationales est concerné par l’inscription consulaire. Tout Français n’ayant jamais vécu en France est donc en mesure d’y accéder. Cette démarche s’adresse invariablement aux multi-nationaux pour qui « hors de France » n’est pas

« l’étranger ».

6. Contrairement à la nomenclature indienne des Non Resident Indians (NRI) ou des People of Indian Origin (PIO), par exemple

7. ADFE : Association Démocratique des Français de l’Étranger – Français du Monde ; UFE : Union des Français de l’Étranger

8. Source : Assemblée Nationale, Cazebonne S., 2019. Rapport sur l’enseignement français à l’étranger.

9. Dans le cas britannique, en 2019, après abrogation de la PEC par F. Hollande, les frais de scolarité s’étendaient de 7 000 £ par an et par enfant au Lycée Charles de Gaulle à 24 000 £ dans un établissement privé.

10. Source : Légifrance, arrêté du 18/05/2017

11. Droits que Catherine Neveu conçoit plus comme des privilèges que comme des droits, au regard du principe de sujétion qui s’applique davantage que celui de citoyenneté tel que nous le concevons en français.

12. Source : MAE. URL : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/

13. Le prix du Commerce International est décerné « à une entreprise dont le chiffre d’affaires à l’exportation montre une progression constante pendant au moins trois ans. Ce chiffre d’affaires doit se situer à un niveau très supérieur à celui des entreprises de son secteur d’activité, à taille égale » (source : Wikipédia, Queen’s Awards for Enterprise, consulté le 15/11/2019).

14. La SFB-DF est nommée systématiquement « Dispensaire Français » par les enquêtés qui y font référence. URL: https://www.df-sfb.org.uk/fr/

15. Si tous déclarent parler anglais, la maîtrise linguistique déclarée est subjective et susceptible de constituer une grande différenciation parmi les vécus des Français à Londres, particulièrement en ce qui concerne leur utilisation des ressources locales ou leur insertion sociale et professionnelle.

16. Source : UK Government, 2020, Le système d’immigration à points du Royaume-Uni : introduction à l’intention des citoyens européens [En ligne]. URL: https://assets.publishing.service.gov.uk/

government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/975037/INTRO_-_French_guide.pdf

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RÉSUMÉS

La présence internationale qu’incarnent les Français établis à l’étranger représente un atout pour la France. En filigrane des mesures déployées à leur attention, les objectifs d’influence que poursuit l’État concurrencent parfois les objectifs d’accompagnement affichés. Pensé dans une optique moderne et universaliste, le dispositif d’encadrement aborde la population établie hors de France selon une image valorisable sur laquelle capitaliser pour la poursuite d’un objectif de soft power. L’émigration française à Londres, autrefois aristocratique ou bourgeoise s’est démocratisée et la recomposition sociale de l’expatriation qui se traduit aujourd’hui dans les parcours professionnels révèle le manquement des dispositifs institutionnels à leur mission d’encadrement des citoyens.

The international presence embodied by French nationals living abroad is an asset for France.

Underlying the measures deployed for them, the objectives of influence pursued by the nation- state sometimes compete with the objectives of support for the population. Designed from a modern and universalist perspective, the public policies are based on a valuable image of the population established abroad that can be used to capitalise on the pursuit of a soft power agenda. French emigration in London, once aristocratic or bourgeois, has become more democratic, and the social recomposition of expatriation, which reflects in professional careers, reveals the failure of institutional mechanisms to fulfill their mission of providing an inclusive support system for citizens.

INDEX

Keywords : expatriation, emigration, influence, citizenship, public service Mots-clés : expatriation, émigration, influence, citoyenneté, service public Thèmes : Sur le Champ

AUTEUR

DIANE LE LUYER

Diane Le Luyer, diane@leluyer.org, est docteur en géographie, membre de l’UMR 6266 (IDEES, CNRS).

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