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Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

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Déclaration des droits de la femme

et de la citoyenne

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OLYMPE DE GOUGES

Déclaration des droits de la femme

et de la citoyenne

PRÉSENTATION NOTES DOSSIER CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE

d’Élise Pavy-Guilbert

GF Flammarion

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Élise Pavy-Guilbert est maîtresse de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne, membre de CLARE (EA 4593) et de l’Institut universitaire de France (junior 2020). Ses recherches portent sur la langue et la littérature duXVIIIesiècle.

Affiche p. 82 : Domaine public. Conformément à la loi française no78-753 du 17 juillet 1978, la réutilisation non commerciale est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur

et du maintien de la mention source.

© Flammarion, Paris, 2021.

ISBN : 978-2-0802-5199-2

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P r é s e n t a t i o n

À mon Olympe.

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OUZE À

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LYMPE DE

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OUGES

FICTION DE SOI :LE NOM

Marie Gouze naît le 7 mai 1748 à Montauban, dans une famille de la petite bourgeoisie de province. Son acte de baptême indique qu’elle est la fille de Pierre Gouze, bou- cher, et d’Anne-Olympe Mouisset, fille d’une famille enri- chie dans l’industrie drapière. La « voix publique » savait qu’elle était en réalité l’enfant des amours adultères entre sa mère et le marquis Jean-Jacques Le Franc de Pompi- gnan. Ce « père naturel », issu de la noblesse, est président de la Cour des aides de Montauban, mais aussi poète et dramaturge. Il connaît le succès avec la représentation à la Comédie-Française de sa tragédie Didon et devient même membre de l’Académie française en 1759. Venue au monde, Marie Gouze est au centre de liens indéfectibles et contraires : attaches du cœur et du sang, librement enga- gées ; carcans contraints du mariage et des rangs, renforcés par la loi et l’institution.

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C’est là que s’origine son roman familial, lieu de créa- tion1. Elle prend un nom de plume, Marie-Olympe de Gouges puis Olympe de Gouges, opte pour une signa- ture proche du prénom de sa mère et s’octroie une parti- cule en profitant d’un flottement graphique de son patronyme. La particule de Gouges est d’abord le signe de la filiation, « la fille de », peut-être aussi celui d’une ambition littéraire et nobiliaire2. Le prénom Olympe renvoie à un imaginaire antique et céleste depuis le mont Olympe jusqu’au Panthéon de la montagne Sainte- Geneviève, comme une destinée fixée d’avance.

Une « correspondance que l’on regardera comme un roman », intitulée Mémoire de Mme de Valmont. Sur l’ingratitude et la cruauté de la famille des Flaucourt avec la sienne (1788), contient les clefs de cette fiction de soi.

Les Flaucourt ressemblent aux Pompignan, et son père se reconnaît sous les traits du noble marquis, homme catholique et poète tragique et lyrique. Le Franc de Pom- pignan fut membre du parti dévot opposé aux idées phi- losophiques des Lumières. Le marquis de la fiction confesse à demi-mot sa relation avec une nommée Olinde, mère de Mme de Valmont, et la lettre XXV révèle la filiation3. À la date de la publication de ce

1. M. Robert, Roman des origines et origines du roman, Grasset, 1972.

2. O. Blanc, Marie-Olympe de Gouges 1748-1793. Des droits de la femme à la guillotine, Tallandier, 2014, p. 33. Voltaire en son temps signe « de Voltaire ».

3. Mémoire de Mme de Valmont. Sur l’ingratitude et la cruauté de la famille des Flaucourt avec la sienne, dont les sieurs de Flaucourt ont reçu tant de services, Œuvres de Madame de Gouges, dédiées à Monseigneur le duc d’Orléans, Paris, Chez l’Auteur & Cailleau, t. I, 1788, p. 85-90, voir aussi les lettres V et XXVII. Encore en 1792, Olympe de Gouges écrit : « Je ne suis point la fille d’un roi, mais d’une tête couronnée de laurier ; je suis la fille d’un homme célèbre, tant par ses vertus que par

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roman, Pompignan est mort, mais sa famille est encore puissante. Malgré la tendresse, la ressemblance physique et morale, et en dépit de la nature qui « parle en vous », le marquis de Flaucourt ne concède pas le titre de pater- nité et n’assume pas les devoirs de bienfaisance associés.

Il abandonne la mère et la fille à la faveur d’un nouveau mariage. Le roman épistolaire est le genre idéal pour créer cet effet de réel qui mêle authenticité et facticité et mettre en partage, mais aussi à distance, un passé à la fois vécu et inventé1. Le XVIIIe siècle consacre ce genre qui s’apparente à un roman de « la destinée féminine » et à une « odyssée de la conscience sexuée2». Avec Rous- seau dans Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761) et Laclos dans Les Liaisons dangereuses (1782), la fiction est source d’affranchissement et de libération du moi féminin par la sublimation (Julie) ou la domination (Merteuil). Le roman de Gouges fait écho au protagoniste de Laclos, Valmont3. Imaginaires de la famille, du mariage et de la

« bâtarde » hanteront pour toujours les écrits de Gouges.

De son enfance occitane, la postérité ne sait que peu de chose. Dans ses écrits, Gouges brosse des tableaux d’elle-même « vive comme une Languedocienne ». Dans

ses talents littéraires », Écrits politiques 1792-1793, éd. d’Olivier Blanc, Indigo & Côté femmes Éditions, 1993, t. II, p. 175.

1. L. Versini, Le Roman épistolaire, PUF, 1979 ; J. Hermann, Le Men- songe romanesque : paramètres pour l’étude du roman épistolaire en France, Amsterdam, Rodopi, 1989, et V. Kaufmann, L’Équivoque épistolaire, Les Éditions de Minuit, 1990.

2. P. Fauchery, La Destinée féminine dans le roman européen du dix- huitième siècle, essai de gynécomythie romanesque, Armand Colin, 1972, et P. Hoffmann, La Femme dans la pensée des Lumières, Genève, Slatkine, 1977, 1995.

3. Aussi à un ouvrage alors en vogue de l’abbé Gérard, Le Comte de Valmont ou les Égarements de la raison (1774-1778).

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son écriture, elle aspire à donner chair et vie à une voix, rapport incarné et instantané au monde. Le 24 octobre 1765, à 17 ans, Marie Gouze épouse Louis Yves Aubry, cuisinier, et donne dix mois après naissance à leur fils, Pierre Aubry. Imposé, ce mariage est malheureux – d’autant plus qu’elle paraît aimer ailleurs, peut-être Siméon Valette, mathématicien et poète de Montauban.

Cette attache est une atteinte à sa liberté, une blessure à ses désirs et à ses rêves1. Veuve rapidement, elle ne se fait pas appeler « veuve Aubry » comme il est d’usage.

Elle rencontre à la fin des années 1760 Jacques Biétrix de Villars de Rozières, amant et protecteur, bientôt haut fonctionnaire de la Marine sous Louis XVI, qui l’aurait demandée en mariage et auquel elle se serait refusée.

Leur amour dure près de vingt ans et les sentiments se traduisent en gages de fidélité et de sécurité pour elle et son enfant.

PARIS EST UN THÉÂTRE, PARIS EST UNE FÊTE, PARIS EST UN ÉCHAFAUD

Elle « monte » à Paris avec lui au début des années 1770 pour rejoindre sa sœur aînée et son beau- frère. Marie Gouze fut sans doute enthousiaste à cette idée, éprise d’émulation. Les années 1780-1790 sont celles de la liberté. Elle écrit beaucoup et à la hâte, des drames bourgeois d’abord : la « théâtromanie » caracté- rise le siècle. Ses pièces nouent sur la scène des intrigues familiales composées de mariages empêchés ou contraints, d’enfants « naturels » reconnus, de femmes vertueuses infortunées. Ce sont des comédies sérieuses,

1. Mémoire de Mme de Valmont, op. cit., lettre XXV, p. 86-87.

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alors à la mode, qui développent une esthétique du tableau et du pathétique aptes à produire, par les affects, un effet moral chez le spectateur1, comme Le Mariage inattendu de Chérubin (1786), suite de celui de Figaro.

D’abord acceptée à la Comédie-Italienne, la pièce n’est finalement pas jouée, empêchée par Beaumarchais. Pire : ce dernier dédaigne Gouges et l’accuse de ne pas écrire ses pièces. Dans Le Philosophe corrigé ou le Cocu supposé (1788), elle célèbre la félicité conjugale et emprunte cette fois à Sedaine. La Bienfaisance récompensée, ou la Vertu couronnée (1790) est une autre variation sur ce même thème, mais l’hédonisme vertueux qui prône l’équiva- lence entre la vertu et le bonheur se détériore2.

Le théâtre de Gouges se moule dans le modèle du drame et glisse vers le politique3. Notamment dans Le Siècle des grands hommes, ou Molière chez Ninon (1788), Ninon de Lenclos représente l’amour, l’esprit et la liberté sentimentale des femmes, Molière les valeurs de la culture et de la création au service de la civilisation et de l’humanisme. Une certaine Olympe, fille « natu- relle » reconnue d’un marquis, est mariée à la fin au fils de Ninon. La pièce évoque la participation active des femmes à l’échange intellectuel, avant d’aborder les liens

1. P. Frantz, L’Esthétique du tableau dans le théâtre du XVIIIe siècle, PUF, 1998, et S. Marchand, Théâtre et pathétique auXVIIIe siècle : pour une esthétique de l’effet dramatique, Honoré Champion, 2009.

2. L. Crocker, Nature and Culture. Ethical Thought in the French Enlightenment, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1963, et P. Vernière, « La pensée morale auXVIIIesiècle, évolution et dialec- tique », Dix-Huitième Siècle, no6, 1964, p. 353-362.

3. G. Verdier, « From Reform to Revolution : The Social Theatre of Olympe de Gouges », in C. Montfort (dir.), Literate Women and the French Revolution of 1789, Birmingham, Summa Publications, 1994, p. 189-221.

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possibles entre les rangs. Les Curieux du Champ de Mars (1790) font se côtoyer officiers de la garde nationale, aristocrates et démocrates, soudés par le serment civique, en une apologie de la Révolution alliée à la Constitution.

Mais c’est avec Zamore et Mirza (pièce réécrite de 1784 à 1792, inscrite au répertoire de la Comédie-Fran- çaise en 1785), qui deviendra dans sa dernière version L’Esclavage des Noirs, ou l’Heureux naufrage, que Gouges connaît à la fois un succès et les désillusions. Les préfaces de la pièce et les archives de sa correspondance avec les comédiens prouvent les relations tendues avec la troupe1. En souvenir de ses déboires, elle réplique par une pièce-pamphlet : Les Comédiens démasqués ou Mme de Gouges ruinée par la Comédie-Française pour se faire jouer (1790). Certains comédiens refusent de jouer la pièce et dénoncent son sujet. Sans doute grâce à Mme de Montesson, épouse du duc d’Orléans, et à Michel de Cubières, lié aux comédiens royaux, Gouges évite de peu la lettre de cachet qui l’aurait envoyée à la Bastille. Son drame plaide l’humanité contre la barbarie au moment où les discussions sur les colonies se crispent dans l’actualité politique du temps. Gouges montre pourtant des personnages traditionnels et se défend de toute portée insurrectionnelle. Zamore et Mirza sont des esclaves dont la fonction principale dans l’intrigue est de réconcilier la famille française Saint-Frémont qui a fait naufrage sur une île de l’océan Indien. Mais la dernière version de la pièce (en 1792) est modifiée par l’actualité : Zamore tue l’intendant qui avait cherché à violer Mirza et les esclaves noirs aident à les cacher jusqu’à ce qu’ils

1. Voir les sites lagrange.comedie-francaise.fr et www.cfregisters.org/

fr.

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soient repris par les soldats coloniaux. À la fin, ils sont, comme dans la version précédente, sauvés et mariés, mais aussi émancipés par Saint-Frémont, gouverneur éclairé.

Avec cette pièce, Gouges se façonne une figure publique, ni marginale socialement ni dissidente intellectuelle- ment1. Mais la cabale est lancée : les colons font inter- dire la pièce, les attaques misogynes fusent contre la

« courtisane » ou la « libertine ». Gouges calomniée se jette alors de plus belle dans l’arène avec sa Réflexion sur les hommes nègres (1788) : elle affirme ses partis pris contre la traite et ouvertement proches de la « Société des Amis des Noirs ». En humaniste, elle affine ses positions, souvent courageuses et visionnaires, et s’invente en

« femme de lettres ».

C’est le moment d’une première bascule : une prise de conscience de l’engagement, au sens fort du terme, dans la politique et les lettres. Elle est reçue dans les salons et fréquente aussi bien les esprits influents du siècle, tels les Helvétius, Mirabeau, Fanny de Beauharnais, les Condor- cet, que la haute noblesse comme Mme de Montesson et le duc d’Orléans. Son nom gravite autour de personnes puissantes. Elle est une de leurs proches, parfois même leur voisine, mais pas tout à fait leur égale. Cartographie per- sonnelle et intellectuelle se croisent : Gouges déménage souvent et habite les rues des Saussaies, Ventadour et Pois- sonnière, Servandoni et Saint-Honoré, ou encore la rue du Buis dans le quartier d’Auteuil, des quartiers aisés de la capitale. Un amant et un ami reviennent sous sa plume :

1. G.S. Brown, « The Self-Fashionings of Olympe de Gouges, 1784- 1789 », Eighteenth-Century Studies, vol. 34, 2001, p. 383-401, et A. Lilti, Figures publiques : l’invention de la célébrité, 1750-1850, Fayard, 2014.

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Michel de Cubières-Palmézeaux, poète et dramaturge pro- lixe, et Louis-Sébastien Mercier, polygraphe de talent, par- tisan affiché des girondins et soutien et lecteur fidèle.

Gouges délaisse le théâtre pour la tribune et les textes politiques, en une impulsion nouvelle. Paris est alors une fête citoyenne et révolutionnaire1, centre des Lumières et presque du monde. En mouvement, en ébullition même, Gouges rédige sa Lettre au Peuple, ou le Projet d’une caisse patriotique, par une citoyenne (novembre 1788). Un an avant les états généraux, elle propose déjà un impôt volon- taire, proportionné aux revenus, pour régler la dette et en appelle au sens civique. Elle définit un vaste programme social, avec taxation du « luxe effréné », création de « mai- sons de charité » pour les femmes seules et souvent isolées avec leurs enfants, « les ouvriers sans travail, les vieillards sans force, les enfants sans appui », imagine des « ateliers publics » et ses « vœux » seront « remplis », peu de temps après2. Elle loue l’Action héroïque d’une Française, ou la France sauvée par les femmes (septembre 1789), offre le quart de son revenu annuel pour la France en faisant alors honneur aux femmes qui, conduites à l’Assemblée natio- nale, à l’exemple des Romaines, déposent leurs biens et leurs bijoux, dans l’espoir d’une participation active et d’une visibilité citoyenne. L’époque est influencée par les théories philosophiques et politiques de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs, de Rousseau sur le contrat et de tous les « emblèmes de la raison3». Gouges s’en fait

1. M. Ozouf, La Fête révolutionnaire 1789-1799, Gallimard, 1976.

2. Lettre au Peuple, ou le Projet d’une caisse patriotique (novembre 1788), Remarques patriotiques (décembre 1788), « Projet utile et salutaire » (avril 1789) et Mes vœux sont remplis, ou le Don patriotique, dédié aux États généraux (juin 1789), Écrits politiques 1788-1791, op. cit., t. I, p. 51-56, 70-71 et 88.

3. J. Starobinski, 1789, les emblèmes de la raison, Flammarion, 1973.

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l’écho, songe à une « révolution philosophique » douce et calme, sans désordre ni chaos, vœu pieux à l’instant où les dissensions s’accélèrent. En « royaliste patriote », elle soutient la monarchie constitutionnelle et incite à la médiation, à la modération et à la réconciliation.

Pour sauver la Patrie, il faut respecter les Trois ordres (juin 1789) – clergé, noblesse, tiers état – garants du

« bien général1», prescrit-elle, avant sa Lettre aux représen- tants de la Nation (septembre 1789) dans laquelle elle se justifie de ne pas trancher entre aristocratie et démocratie :

« les deux partis m’ont paru extrêmes : j’ai gardé un juste milieu2». Sa hantise suprême est la violence, devenue ordinaire en ces jours agités qui s’annoncent plus troubles encore. Car entre-temps, les états généraux se sont réunis en mai 1789, le serment du Jeu de Paume a scellé l’union de l’Assemblée nationale en juin ; la Bastille, symbole de l’autorité arbitraire de la monarchie absolue, a été prise en juillet ; l’Assemblée a aboli les privilèges et publié la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en août, les femmes ont marché en octobre vers Versailles pour exiger la baisse du prix du pain et le retour de la famille royale à Paris3. En cette année 1789, le temps, littéralement, s’accélère4. Dans Le Contre-poison, Avis aux Citoyens de Versailles (octobre 1789), Gouges applaudit « ce Dieu »

1. Pour sauver la Patrie, il faut respecter les Trois ordres (juin 1789), Écrits politiques 1788-1791, op. cit., t. I, p. 85.

2. Lettre aux représentants de la Nation (septembre 1789), ibid., t. I, p. 124.

3. Sur cette période historique complexe, voir G. Lefebvre, Études sur la Révolution française, PUF, 1963 ; F. Furet et M. Ozouf (dirs), Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, 1992, et J.-Cl. Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, Perrin, 2012.

4. M. Winock, 1789, l’année sans pareille, Hachette, 1989.

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La Fayette, chef de la garde nationale, contre les « mouve- ments impolitiques1», puis apostrophe Necker, ministre des Finances, alors congédié2.

Lors de la Fête de la Fédération, censée commémorer la prise de la Bastille tout en célébrant l’alliance entre le Roi, la Nation et la Loi, Gouges compose un Bouquet national, dédié à Henri IV, pour sa fête (juillet 1790), vaine esquisse pour substituer aux armes les fleurs et à Louis XVI, roi alors honni ou à tout le moins suspect, la figure tutélaire d’Henri IV, roi aimé et pacificateur. En avril 1791, la mort de Mirabeau, « père de la liberté3», naguère héros du Jeu de Paume et première dépouille à entrer au Panthéon4, l’afflige profondément comme elle attriste durablement le peuple. Mais les rumeurs de conspirations étrangères contre-révolutionnaires, les menaces d’une guerre civile, surtout après la fuite de la famille royale et son arrestation à Varennes (juin 1791), précipitent encore les faits. Dans les textes de Gouges, l’étau aussi se resserre. Elle sollicite désormais le duc d’Orléans et les « princes de sang », donc l’entourage le plus proche de la famille royale, et même le roi et la reine, en des adresses directes. Elle demande aux exilés de revenir en France, au roi et à la reine de rassurer et de calmer les Français, de « tout réparer » afin de « régé- nérer » la Nation.

Nous sommes en 1791, moment d’une deuxième bas- cule. Marie Gouze a déplacé le drame du nom par le choix

1. Le Contre-poison, Avis aux Citoyens de Versailles (octobre 1789), Écrits politiques 1788-1791, op. cit., t. I, p. 127-129.

2. Départ de M. Necker et de Mme de Gouges, ou les Adieux de Mme de Gouges aux Français et à M. Necker (avril 1790), ibid., t. I, p. 145-162.

3. Le Tombeau de Mirabeau (avril 1791), ibid., t. I, p. 172.

4. J.-Cl. Bonnet, Naissance du Panthéon, Fayard, 1998.

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de sa signature1. Elle est devenue Olympe de Gouges, avec la ferme résolution de se construire et de s’affranchir de certains carcans, à travers l’expression farouche d’un besoin de reconnaissance, de liberté et de perfectionne- ment. Grisée par la puissance des événements historiques qui se déroulent devant et avec elle, elle les rejoint dans

« l’empire des mots » qui les accompagnent et les créent.

La Révolution française se fonde sur les différentes puis- sances du Verbe, c’est-à-dire sur le mythe d’une « langue révolutionnaire » et d’une « parole fondatrice », toutes deux aptes à changer le réel2.

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ES TEXTES ET DEUX

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ÉCLARATIONS

Olympe de Gouges a 43 ans lorsqu’elle publie la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (sep- tembre 1791), écrit de la maturité révolutionnaire et son texte aujourd’hui le plus célèbre, passé néanmoins presque inaperçu à sa parution.

Le texte se lit au miroir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (août 1789), dont il est le double sans être le doublon. Or le silence de cette dernière sur les femmes a été interprété de différentes manières au fil du temps. Il est la marque d’une abstraction et d’un universalisme : « l’homme » au sens étymologique désigne

1. Sur l’importance de l’engagement nominal et la naissance de l’individu durant la Révolution, voir M. Delon, « Le nom, la signa- ture », in J.-Cl. Bonnet (dir.), La Carmagnole des Muses, Armand Colin, 1988, p. 277-293.

2. Ph. Roger, « Le débat sur la “langue révolutionnaire” », et J.- Cl. Bonnet « La “sainte masure”, sanctuaire de la parole fondatrice », ibid., p. 157-184 et 185-216.

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l’individu de l’espèce humaine. L’homme et le citoyen embrassent génériquement la femme et la citoyenne et désignent ensemble l’humanité. Le singulier témoigne d’une construction archétypale et rhétorique à dimension fictionnelle.

Mais le reproche inverse a été formulé. La Déclaration n’atteint pas l’universel car l’événement Révolution est une proclamation égalitaire chevillée à son contraire :

« l’exclusion des femmes1» de la sphère publique et leur relégation à l’univers domestique, avec l’idée que « les femmes font les mœurs et les hommes la loi ». Alors même qu’elles ont énergiquement participé à certains épisodes révolutionnaires déterminants, voire qu’elles les ont suscités2, la Révolution produit une régression du statut des femmes. Parée d’idéal, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen entérine des inégalités entre les citoyens « actifs » – qui paient l’impôt et ont le droit d’élire leurs représentants aux échelles locales, départe- mentales et nationales – et l’écrasante majorité des autres – les femmes, les pauvres, les Noirs et les étrangers –, contraints à la passivité. Comme toujours chez Gouges, les textes s’appellent les uns les autres et se répondent.

Ici les paratextes sont très majoritaires avec la dédicace, l’apostrophe, le Préambule, le Postambule, la « Forme du contrat social de l’homme et de la femme » et le P. S., preuve que la Déclaration, aussi décisive soit-elle dans son invention, est à saisir dans la cohérence intime de ce qui l’entoure et de l’œuvre de Gouges tout entière.

1. G. Fraisse, Muse de la raison : démocratie et exclusion des femmes en France, Gallimard, 1995.

2. J. Guilhaumou et M. Lapied, « L’action politique des femmes pendant la Révolution française », in Ch. Fauré (dir.), Nouvelle Ency- clopédie politique et historique des femmes, Les Belles Lettres, 2010, p. 208-246.

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