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PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES AU SÉNÉGAL DE 1960 À 2012

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PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES

AU SÉNÉGAL DE 1960 À 2012

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El Hadj Seydou Nourou Touré (Sous la direction de)

PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES

AU SÉNÉGAL DE 1960 À 2012

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Mise en page :

Ibou Diallo & service PAO de l’Harmattan Sénégal

© L’HARMATTAN-SÉNÉGAL, 2019

10 VDN, Sicap Amitié 3, Lotissement Cité Police, DAKAR http://www.harmattansenegal.com

senharmattan@gmail.com senlibrairie@gmail.com ISBN : 978-2-343-17324-5

EAN :9782343173245

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Politiques publiques et dynamiques territoriales de développement

local : 1960-2012

Sambou Ndiaye Enseignant-chercheur (Sociologie) UGB de Saint-Louis

Introduction

L’analyse du pilotage des politiques publiques peut être appréciée à di- vers niveaux. Si le niveau central et l’approche sectorielle peuvent bien per- mettre d’étudier les orientations stratégiques ainsi que la configuration de certaines instances décisionnelles, il reste qu’en contexte de transition ou de reconstruction du mode de régulation postcoloniale, d’autres espaces d’appréciation se révèlent tout aussi pertinents. À ce propos, interroger le pilotage des politiques publiques, à partir du champ du développement local, permet de questionner divers enjeux : la nature et la configuration de l’action publique territoriale, les relations entre l’État et les autres parties prenantes, les logiques des acteurs, les relations État/territoires, le degré de reconnais- sance des dynamiques territoriales par l’État, la nature des processus et des modes de réformes institutionnelles… C’est dire que l’accent mis sur la poli- tique de l’État, qui définit le cadre institutionnel de référence, permet en même temps d’embrasser d’autres parties prenantes du champ du dévelop- pement local. C’est pourquoi, au-delà de l’État, l’analyse interrogera les pratiques des acteurs, telles les collectivités locales et, plus généralement, les dynamiques territoriales. L’analyse s’appuie sur diverses variables : les changements intervenus dans l’orientation stratégique ainsi que dans les interventions et instruments de l’État, à l’aune des divers régimes politiques, la nature de l’action publique territoriale, les logiques des parties prenantes dans les territoires, la portée des réformes institutionnelles ainsi que diverses problématiques transversales du domaine.

Le développement local est ici analysé sous deux angles. Comme poli- tique publique, il traduit les interventions de l’État et des collectivités lo-

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cales, en vue de favoriser le développement socio-économique des terri- toires. Comme dynamique territoriale, il désigne un processus autopromo- tionnel, porté principalement par les acteurs locaux (acteurs institutionnels, communautaires et privés), dans le but de promouvoir la revitalisation du- rable et auto entretenue du territoire articulé à son environnement. La mise en œuvre d’un tel processus appelle, au moins, l’élaboration d’une vision, matérialisée par un plan local de développement économique ainsi que la construction d’une dynamique de gouvernance locale (Ndiaye 2013b).

Le présent chapitre est structuré autour de trois parties. La politique pu- blique de développement local, de Mamadou Dia-Senghor jusqu’à Macky Sall, sera interrogée, avant de dégager, dans une deuxième partie, quelques enseignements et défis. C’est dans cette partie que les innovations dans la politique de décentralisation et de développement local ainsi que les problé- matiques de financement du développement local et d’aménagement du ter- ritoire seront abordées, en vue d’étudier les mécanismes et instruments que l’État a mis en place pour promouvoir le développement local. Enfin, une troisième partie permettra de caractériser diverses dynamiques territoriales de développement telles que les dispositifs de gouvernance territoriale, les expériences de planification locale, la co-production de services publics locaux et enfin, le budget participatif.

I. Politique publique de développement local : 1960-2012

1.1. 1960-1979 : entre approche communautaire et approche administrative du développement local

Les premières années d’indépendance au Sénégal ont été marquées par la différence d’approches constatée entre Dia Mamadou et Senghor. C’est ce qui justifie les deux séquences retenues dans l’analyse de la politique pu- blique de développement local durant cette période.

1.1.1. L’approche communautaire de Dia Mamadou (1960-1962)

Dès l’accession à l’indépendance, l’État sénégalais avait pris l’option stratégique de faire de la politique de développement local le cadre d’application de la doctrine du socialisme africain, basée sur le

« communautarisme négro-africain », promue par Dia Mamadou et Léopold Sédar Senghor. Cette doctrine, qui servait de cadre de référence au nouvel État indépendant, avait mis l’accent sur des concepts tels l’animation rurale, l’expansion rurale, le développement communautaire, le mouvement coopé- ratif. Les éléments essentiels de cette doctrine peuvent être appréciés à tra- vers notamment la circulaire n° 032 du 21 mai 1962, signée par le Président du Conseil, ou encore son discours du 4 avril 1959. Les objectifs étaient multiples : corriger les extraversions, disparités et dysfonctionnements héri- tés de la période coloniale, démanteler l’économie de traite en libérant la

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paysannerie de l’élite maraboutique et économique à la base d’un système d’endettement usurier, assainir les circuits de commercialisation, mais éga- lement, mobiliser les populations dans l’œuvre de construction d’une Nation.

Prônant un modèle de développement fondé sur l’enracinement dans les valeurs africaines de solidarité et l’ouverture sur l’extérieur, la doctrine du socialisme africain cherchait à conscientiser les populations, à les organiser et, ensuite, à promouvoir un dialogue entre elles et l’Administration dans le cadre du « communalisme coopératif ». Tirant les leçons de l’expérience coloniale de coopératives, les dirigeants avaient prévu « une période transi- toire pré-coopérative » où les groupements de producteurs devaient d’abord se constituer à l’échelle du village en « associations d’intérêt rural » avant de se transformer durant deux ans en coopérative « avec la double assistance du Centre régional d’assistance pour le développement (CRAD) et des agents de la coopération (Laville et Belloncle 1962 : 67).

À terme, la coopérative ne devait pas rester coopérative de production ou de consommation, mais devait évoluer vers le statut d’une « coopérative de développement ». Cela devait se faire dans le cadre d’un coopératisme communal « dont la réalisation progressive sera liée à l’utilisation de la tra- ditionnelle solidarité du carré, des villages, à la multiplication des coopéra- tives à plusieurs fonctions, à l’intégration des structures nouvelles dans les nouveaux élans de la vie économique par une politique d’aménagement du territoire et une décentralisation régionale du Plan » (Laville et Belloncle 1962 : 69).

L’OCA, établissement public doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, organise le marché des produits agricoles et achète les produits aux producteurs à travers la coopérative. L’OCA1 a pour but l’assainissement des circuits de commercialisation des produits agricoles, dont il assure le contrôle, voire la prise en charge directe en cas de nécessité.

Les groupements coopératifs et pré-coopératifs existants et les « organismes stockeurs » (Laville et Belloncle 1962 : 69) qui sont des acheteurs indépen- dants agréés, assurent la collecte directe des produits agricoles locaux.

Le nombre de coopératives passera de 800 en 1960-1961 à 1400 en 1961-1962 (Laville et Belloncle 1962 : 71). L’adhésion à ce « contrat so- cial » sera facilitée par l’animation rurale qui va former en juin 1962, 3 000 animateurs ruraux à travers des stages d’une vingtaine de jours. Le but de ces stages était de faire de ces leaders paysans proposés par leur village, des animateurs ruraux dotés d’une personnalité coopérative reconnue.

Le système d’encadrement étatique construit autour des Centres d’expansion rurale (CER), portant sur l’organisation, le financement et le

1 Voir les développements sur les coopératives, l’OCA et le CRAD dans le chapitre sur « la gestion des politiques agricoles ».

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contrôle des coopératives agricoles, était censé s’atténuer, au fur et à mesure que les coopérateurs acquéraient les compétences d’autogestion nécessaires.

Selon Mbodj : « La structure de base est un village-centre polarisant un ter- roir autour d’équipements collectifs, d’une équipe d’animation polyvalente, d’une coopérative de commercialisation des arachides, et en fin d’un pro- gramme d’actions locales de développement. Tout devant être progressive- ment placé sous la responsabilité directe des paysans promus instruments de leur propre libération » (Mbodj 1992 : 99).

L’option de Dia était de bâtir un mouvement coopératif fort autour no- tamment de la Direction de la Coopération, censée promouvoir l’autogestion paysanne tout en évitant de devenir une excroissance des services techniques administratifs. Cette perspective populiste du rôle de la coopérative sera, d’une part, pervertie par les services d’encadrement paysan et, d’autre part, combattue par une certaine élite paysanne, féodale et maraboutique ainsi que par les firmes internationales liées à l’économie de traite (notamment fran- çaises et libano-syriennes). Toutefois, elle consacre une approche commu- nautaire du développement local, traduisant ainsi l’une des tentatives les plus avancées, en matière de responsabilisation et d’appui aux initiatives à la base, option nourrie par un souci d’équité, de justice sociale et de promotion d’un développement endogène auto-entretenu.

1.1.2. L’approche institutionnelle et administrative de Senghor (1963- 1979)

L’éviction de Mamadou Dia, suite aux événements de 1962, va avoir pour effet, un changement radical de politique avec la mise en place d’une approche plus institutionnelle voire administrative du développement local, consacrée par une politique interventionniste, technocratique et producti- viste. À ce propos, le compromis sociétal, autour d’un État dirigiste et cen- tralisé, « garant de l’unité nationale et de l’intérêt supérieur de la Nation » va sous-tendre la volonté d’étouffer « tous les centres de pouvoirs susceptibles de devenir autonomes et d’échapper ainsi à la tutelle de l’État » (Diop 2002 : 43). La reprise en main du territoire national, pour éviter tout risque d’éclatement territorial, ainsi que le souci de réaffirmer la toute-puissance du nouvel État, après la parenthèse du bicéphalisme, semblait justifier le mail- lage administratif et technocratique du territoire national ainsi qu’une ap- proche centralisée et tutélaire du développement.

Un ensemble de textes législatifs verra le jour avec, notamment, la loi n° 64-46, du 17 juin 1964, portant Loi sur le Domaine national, consacrant la toute-puissance de l’État dans le domaine du foncier ou encore, la loi n° 66- 64, du 30 juin 1966, portant Code de l’administration communale, destiné à corriger les disparités institutionnelles, héritées de l’histoire coloniale, avec les quatre communes. La tutelle administrative va être renforcée par la no- mination de chefs d’arrondissement et de préfets/sous-préfets comme véri-

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tables dépositaires du pouvoir, au niveau local, en tant qu’administrateurs du budget. En 1969, la loi n° 69-54, du 16 juillet 1969, va consacrer le statut général de la fonction publique communale. Les lois de 1972 marqueront, pour certains, l’acte I de la décentralisation ; la loi n° 72-02, du 1er février 1972, portant Réforme de l’administration territoriale et locale, sera la pre- mière à introduire les notions de déconcentration, de décentralisation et de participation responsable, tandis que la loi n° 72-25, du 25 avril 1972, insti- tuera les communautés rurales et les conseils ruraux. Ces deux lois, dans un contexte post Mai 1968 et de crise économique mondiale, ne manqueront pas d’avoir des effets sur le mouvement social remettant en cause la vision et la place de l’État.

Quant aux dispositifs d’encadrement, on notera la disparition des SMDR et le renforcement des Centres régionaux d’assistance au développement rural (CRAD) en vue de prendre en charge le financement des campagnes agricoles (production et commercialisation), mais également, la formation et l’encadrement du monde rural (mouvement coopératif). Toutefois, il de- meure impossible de caractériser la politique publique chez Senghor sans faire ressortir le cas de l’ONCAD (Caswell 1984 ; Mbodj 1992). Créé en juin 1966, l’Office national de coopération et d’assistance au développement (ONCAD) disposait d’une direction générale à Dakar et des démembrements dans chacune des régions du pays en vue d’assurer le financement des cam- pagnes agricoles et l’encadrement du mouvement coopératif. Ses missions tentaculaires couvraient le développement du mouvement coopératif, la commercialisation des récoltes des coopératives, le transport des produits agricoles et des moyens de production, l’importation, le stockage et la distri- bution du riz, l’exportation de l’arachide… L’ONCAD consacre l’approche jacobine, tentaculaire et technocratique de l’État, l’instrumentalisation de la politique de coopérative agricole et d’animation rurale réduite à un clienté- lisme politique, source de reproduction du régime, la confusion entre parti et État, la gestion gabégique des deniers publics... En réalité, plus qu’un office de commercialisation, l’ONCAD finira par inféoder les services de la coopé- ration.

La stratégie senghorienne de gestion publique et de développement a permis de jeter les bases de la construction d’un nouvel État et d’une Nation.

Elle rompt d’avec la perspective communautaire de Dia Mamadou, en con- sacrant un système d’encadrement dirigiste et centralisé, traduisant une ap- proche institutionnelle de développement local qui a fini par engendrer un malaise paysan. Toutefois, la politique de développement local de la pé- riode 1960-1979, qu’elle relève de l’approche communautaire de Dia Ma- madou ou de l’approche institutionnelle, voire administrative, de Senghor a positionné le local comme subordonné au national. Tel que le stipule la pla- nification nationale, les soucis de sécurisation, de cohérence et d’homogénéité, dans un contexte de construction d’une jeune Nation et d’un

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jeune État, prenaient le pas sur toute autre considération qui risquait de com- promettre la cohésion nationale.

1.2. Revanche de l’approche communautaire d’en bas et décentralisation : 1980-1999

L’échec de la politique de développement de la période post- indépendance a été rendu visible par les effets de la crise mondiale (chute vertigineuse des prix de l’arachide et des phosphates, les chocs pétroliers, etc.) ainsi que par le cycle de sécheresse. Un vaste mouvement de pression socio-politique, animé par les élites traditionnelles, les populations urbaines, le milieu scolaire et universitaire, les syndicats de travailleurs et surtout ceux des enseignants, va remettre en cause, à la fois, l’approche du développe- ment et des modes de gestion publique, voire de l’État (Fall et Diouf 2000).

La situation révèle un État faible, soumis à la pression extérieure et ayant perdu la situation de rente qui lui permettait d’entretenir sa clientèle socio- politique. Cette période reste marquée par la mise en œuvre des Programmes d’ajustement structurel (PAS) sous la houlette du Fonds monétaire interna- tional (FMI) et de la Banque mondiale (BM), au Sénégal, à partir de 1979, ainsi que par un changement politique, avec l’arrivée d’Abdou Diouf (1981) à la tête de l’État et qui prônait une libéralisation politique et économique, avec le slogan : « Moins d’État, mieux d’État ». L’accent mis sur le désen- gagement de l’État, en tant que garant et non plus gérant de l’activité éco- nomique, le besoin de libéraliser l’économie et de restaurer les équilibres macro-économiques contribuera à inhiber les enjeux liés au développement local.

Pourtant, la crise et les mesures préconisées, en termes de réformes insti- tutionnelles (désengagement de l’État, gouvernance, démocratie, État de droit, respect des droits et libertés…), vont contribuer à libérer un espace qu’occuperont rapidement des acteurs non étatiques. Il s’agit, en particulier, des organisations non gouvernementales dont la floraison, durant les an- nées 1970-1980, a permis d’engager des initiatives en faveur du développe- ment communautaire. À ce propos, en milieu rural, l’expansion associative des années 1980 va donner naissance aux foyers de jeunes, aux sections villageoises, aux organisations paysannes, aux associations villageoises de développement. En milieu urbain, on a noté la démultiplication des associa- tions sportives et culturelles, à la faveur du décret 76-0040, du 16 janvier 1976, des groupements de femmes (Mbootay, tontine, groupements de pro- motion féminine), des associations de ressortissants ou encore des groupe- ments d’intérêt économique, à partir de 1984.

L’une des dynamiques communautaires transversales à toutes ces organi- sations demeure, sans nul doute, les opérations « set-sétal ». Révélatrices du malaise urbain et du sous-emploi des jeunes, elles cherchaient, certes, à

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s’attaquer au problème d’insalubrité, mais étaient surtout porteuses d’une contestation populaire préfigurant ainsi l’émergence d’une société civile populaire, au niveau des quartiers (Ndiaye 2011). Si ces initiatives de déve- loppement communautaire local traduisaient une immersion de nouveaux acteurs, rompant ainsi avec la « ghettoïsation » institutionnelle du dévelop- pement local, il faut bien signaler que leur niveau d’organisation, leurs capa- cités d’intervention, leur logique d’action réactive ainsi que leurs ressources limitées étaient très en deçà de l’ampleur et de la complexité des problèmes liés à la crise des années 1980 (O’Brien 2002).

À ce mouvement social, émergeant de l’intérieur des communautés ur- baines et rurales et symbolisant la revanche des dynamiques communau- taires, il faudra y ajouter, dans les années 1990, un saut qualitatif du proces- sus de décentralisation initié par l’État sénégalais. En effet, déjà en 1990, la loi n° 90-37, du 8 octobre 1990, faisait des Maires et Présidents de Conseils ruraux, les administrateurs des collectivités locales et ordonnateurs du bud- get, en lieu et place, des représentants de l’État. Mais ce sera en 1996 que la politique de décentralisation- régionalisation sera consacrée au Sénégal, à travers ce qu’il est convenu d’appeler l’Acte II de la décentralisation. Trois ordres de collectivités locales d’égale dignité (conseil rural, commune et région) disposant d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière soumis au contrôle a posteriori et se voyant transférer neuf domaines de compétences vont marquer l’Acte II. L’État mettra à la disposition des col- lectivités locales des fonds (fonds de dotation, fonds d’équipement…), des structures d’appui technique (agences régionales de développement) ainsi que divers projets/ programmes (PSIDEL, PNIR, AFDS…).

1.3.. Le développement local sous Abdoulaye Wade : 2000-2012 1.3.1. Une prise en main fastidieuse et soumise au jeu partisan

Avec l’alternance, premier changement de régime politique, intervenu au Sénégal depuis l’indépendance, à la faveur de l’élection présidentielle de 2000, les nouvelles autorités de l’État ont confirmé l’option stratégique au- tour de la décentralisation et du développement local, à travers l’article 102 de la Constitution, adoptée en 2001. Toutefois, dès le début de son mandat, le régime libéral, issu de l’alternance s’est signalé par une logique de remise en cause, tous azimuts, avec la politique de décentralisation, telle que prônée par le régime socialiste. C’est ce qui permet d’expliquer l’empressement avec lequel des décisions hâtives ont été prises. C’est le cas notamment du projet de communalisation des communautés rurales et de provincialisation, la modification de certains textes institutionnels, notamment le Code des collectivités locales, à travers la loi n° 2002-14, du 15 avril 2002, qui va procéder à la levée de certaines incompatibilités. Il faut souligner que cer- taines dispositions gênantes qui étaient contenues dans le Code des collecti-

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vités locales de 1996 ont démontré leur caractère pernicieux du fait de cer- taines pratiques du régime libéral avec, notamment la possible révocation ou suspension des Maires, Présidents de conseils régionaux et ruraux ou encore, la possibilité offerte au pouvoir exécutif de dissoudre la collectivité locale lorsque son fonctionnement se révèle durablement impossible. Ce sont, cer- tainement, ces divers inconforts que les populations locales ont voulu sanc- tionner, en plus des résultats mitigés du régime en place, en élisant des élus locaux issus de l’opposition lors des élections locales de mars 2009, lançant ainsi une forte alerte au régime libéral.

1.3.2. Vers un arrimage décentralisation-développement local

Malgré ses débuts difficiles jetant le doute sur la politique publique en matière de décentralisation et de développement local, le régime libéral va opérer un certain ressaisissement, à partir de 2003, lorsque, notamment, il est parvenu à assurer sa mainmise sur tous les compartiments de l’architecture institutionnelle de l’État. C’est à partir de cette date que des mesures innova- trices vont commencer à être prises, soutenues par une option délibérée de parachèvement du processus de décentralisation et de développement local.

Il faut signaler que c’est sous le régime libéral qu’un ministère spécifi- quement chargé des questions de développement local a été promu et sa position dans l’architecture de l’État s’est même vue renforcer par moments.

C’est ainsi que, depuis juin 2007, le Sénégal dispose d’un ministère de la Décentralisation et des Collectivités locales. D’autres mesures courageuses concernent les actions visant à améliorer le fonctionnement des collectivités locales surtout rurales et plus généralement, le statut des élus locaux. C’est le cas de la construction d’hôtels communautaires, le recrutement de 320 assis- tants communautaires ou encore, la dotation de véhicules de fonction aux présidents de conseils ruraux, la décision d’accorder des salaires à tous les responsables de collectivités locales à la place des indemnités, le renforce- ment en personnel technique des agences régionales de développement. Ces efforts financiers de l’État, visant à renforcer l’institution publique locale, concernent également le lancement du Programme de renforcement et d’équipement des collectivités locales (PRECOL) d’un montant de plus de 86 milliards de FCFA et ciblant les 67 communes du pays sur la pé- riode 2006-2011. Sur un autre plan, le régime libéral s’est fait remarquer par des décisions de redécoupage fréquent du territoire. Même si de telles déci- sions participent de l’approfondissement de la décentralisation en misant sur la proximité entre élus et populations, elles n’ont pas manqué d’engendrer une fragmentation spatiale risquant de compromettre la viabilité économique des territoires ainsi que la fragmentation des échelons de gouvernance et de contrôle territorial (Diop 2012).

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1.4. Le développement local sous Macky Sall : l’Acte III de la décentralisation

Le régime actuel a initié une réforme institutionnelle majeure, dénommée Acte III de la décentralisation, lancée le 07 juin 2012, lors du conseil des ministres décentralisé de Saint-Louis. Les justificatifs avancés font état des impasses des programmes d’ajustement structurel, des résultats mitigés de la stratégie de réduction de la pauvreté et enfin, des limites du processus de décentralisation en termes de faiblesse du cadre organisationnel et fonction- nel, de manque de viabilité des territoires et de faible valorisation de leurs potentialités, de faiblesse de la politique d’aménagement du territoire, d’incohérence et d’inefficience des mécanismes de financement… (MATCL 2013)2. Selon la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant nouveau Code général des collectivités locales, l’objectif général de l’Acte III est

« d’organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable, à l’horizon 2022 », autour de quatre objectifs fon- damentaux :

 un ancrage de la cohérence territoriale pour une architecture ad- ministrative rénovée ;

 une clarification des compétences entre l’État et les collectivités locales ;

 un développement de la contractualisation entre ces deux niveaux décisionnels ;

 une modernisation de la gestion publique territoriale, avec une ré- forme des finances locales et une promotion soutenue de la quali- té des ressources humaines.

Même si le processus est encore jeune pour être évalué, plusieurs élé- ments d’analyse peuvent être relevés, portant sur les aspects majeurs du pro- jet : il s’agit de la suppression des régions et de l’érection de pôles territo- riaux de développement, de la transformation du département en collectivité locale, de la communalisation universelle et enfin, de la territorialisation des politiques publiques.

La suppression des régions et l’érection de pôles territoriaux de dévelop- pement devrait permettre de disposer de territoires plus viables et plus com- pétitifs, exploitant les opportunités d’économie d’échelle, mais également, de promouvoir une plus grande cohérence territoriale. L’érection des pôles territoriaux devrait permettre d’amoindrir les effets néfastes liés à la sup- pression des régions dans la mesure où ils promeuvent un niveau d’intervention intermédiaire entre l’échelle nationale et les collectivités de base d’une part, et, d’autre part, la mise en place d’une échelle de mise en cohérence entre ces dernières. Pour le moment, le statut et l’ancrage institu-

2 Ministère de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales.

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tionnel du pôle territorial restent problématiques et les tendances qui se des- sinent indiquent plutôt le renforcement de la déconcentration sur la décentra- lisation dans la mesure où le responsable du pôle n’est pas élu par les popu- lations, mais nommé par l’État. Les critères de délimitation des pôles restent encore à stabiliser dans un contexte où certains pôles se confondent aux ré- gions antérieures (pôle territorial Saint-Louis) alors que dans d’autres, il s’agit d’un nouveau découpage territorial (axe Matam-Louga-Bakel-Tamba).

En tout état de cause, le pôle territorial relève plutôt d’un processus de construction intraverti, déroulé par les acteurs territoriaux dans leur com- mune volonté de travailler autour de projets de territoire et non point d’un acte administratif, décrété par l’échelon central. En fait, la suppression des régions constitue un acte politique dont les fondements objectifs restent en- core à démontrer. Les raisons invoquées pour la justifier peuvent aussi se reproduire au niveau des conseils départementaux dont la création a engen- dré une démultiplication de la dépense publique dans la mesure où ces der- niers disposent sensiblement des mêmes traitements du point de vue budget de fonctionnement que les exécutifs régionaux. Si la question de la dévolu- tion du patrimoine des régions a démontré toute la complexité du change- ment institutionnel, le défi structurant demeure le transfert des projets de coopération hérités des régions sénégalaises, notamment, dans le cadre de la coopération décentralisée. Enfin, l’un des principaux socles du développe- ment local au Sénégal, à savoir les agences régionales de développement (ARD), risque d’être fragilisé par l’Acte III, du fait de la confusion entourant son avenir, sa configuration et sa position institutionnelle. Avec la territoria- lisation et la suppression des régions, il est prévu la mise en place d’agences territoriales et départementales de développement. Assistera-t-on à une dis- parition des ARD, à leur requalification ou à leur intégration dans la nou- velle architecture institutionnelle ? Tous ces questionnements, jusque-là sans réponse, démontrent, à souhait, le manque de stabilisation de la réflexion sous-tendant certains aspects du processus de mise en place de l’Acte III, alors que certaines décisions majeures, à effet immédiat, sont déjà mises en œuvre.

L’érection du département en collectivité locale permet d’avoir une échelle méso de cohérence territoriale, entre l’espace local de base et le ni- veau pôle territorial de développement. En plus de garantir un espace territo- rial viable, le département offre l’opportunité de disposer d’une échelle in- termédiaire pouvant permettre de corriger l’émiettement territorial et renfor- cer les initiatives d’intercommunalité. Il reste à construire une identité dépar- tementale entre les diverses composantes tout en évitant la reproduction des tares des conseils régionaux relatives surtout aux dysfonctionnements orga- nisationnels et à la faiblesse des ressources et du niveau de performance.

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Concernant la communalisation universelle qui engendre, de facto, la suppression des communautés rurales, les raisons invoquées font référence à la nécessité de réduire le clivage urbain/rural pour plus d’équité territoriale, notamment en matière de dépense publique, ainsi qu’aux opportunités of- fertes par la coopération décentralisée. En outre, en devenant commune, les territoires ruraux vont pouvoir disposer d’une administration locale à travers un personnel technique et administratif plus qualifié. Il reste que les mesures d’accompagnement pour favoriser les conditions d’une transition maîtrisée par les élus locaux sont loin d’être assurées. Les changements dans la no- menclature budgétaire, la maîtrise des compétences transférées et du mode de fonctionnement des organes sont autant de défis qui appellent la mise en œuvre d’un programme adapté d’accompagnement des nouvelles collectivi- tés locales. Quant au projet de territorialisation, qui peut concerner, à la fois, les politiques publiques et la gestion des services, il concernera la seconde phase de l’Acte III3.

II. Enseignements et défis de la politique de développement local

Les enseignements majeurs de la politique publique de développement local peuvent être systématisés, au moins, autour de quatre points : le pro- cessus de décentralisation, les innovations dans la politique de développe- ment local, la question du financement du développement local et enfin, l’enjeu de l’aménagement du territoire.

2.1. Un processus de décentralisation ancré, mais inachevé

Le Sénégal dispose désormais de collectivités locales reconnues dans l’architecture institutionnelle, disposant d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière et soumises aux principes de libre administration, de subsidiarité et de compensation. La maîtrise d’ouvrage locale est également reconnue et la marche vers la territorialisation des politiques pu- bliques entamée, au-delà de l’érection de pôles territoriaux de développe- ment. Les enjeux socio-économiques du développement local semblent au- jourd’hui supplanter, d’une part, les bases juridico-institutionnelles, dès lors que le processus de décentralisation a été ancré et, d’autre part, les préoccu- pations sociales, dès lors que les projets de lutte contre la pauvreté ont per- mis, ces dernières années, de relever les taux d’accès aux services sociaux de base, notamment, en milieu rural. C’est ce changement de contexte et d’enjeu qui commande le changement de paradigme du développement local au développement territorial.

Toutefois, malgré la tradition de décentralisation au Sénégal, le processus demeure encore inachevé. Les contraintes restent encore nombreuses : le

3 Se référer au point II, pour plus de précisions.

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déséquilibre entre la lourdeur des charges liées au transfert des compétences et la modicité des ressources compensatoires, la faible maîtrise des compé- tences transférées par les élus locaux, la faible performance des collectivités locales en matière de délivrance de services publics locaux, la question fon- cière. S’y ajoutent, la déficience des dispositifs de gestion publique locale avec des capacités techniques limitées, le déficit de rationalisation du service public local, la question de la Fonction publique locale. La logique adminis- trative, sous-tendant le processus de décentralisation, ne favorise pas les conditions d’une meilleure appréhension des spécificités socioculturelles territoriales, ni la construction d’économies territoriales viables.

En fin de compte, le processus de décentralisation semble plus s’inscrire dans une logique administrative de repositionnement d’un État essoufflé que dans une dynamique plus globale de refondation des modalités de gestion publique, du modèle de développement et de refondation des compromis sociétaux. Du reste, la culture institutionnelle des acteurs de la déconcentra- tion (services déconcentrés, administration territoriale) n’a pas foncièrement changé, en vue d’accompagner les réformes. Dans la mise en œuvre d’activités sectorielles, les services déconcentrés continuent à se référer au ministère d’appartenance, démontrant les résistances dans la culture de la décentralisation, mais également, les rigidités dans l’articulation déconcen- tration/décentralisation. Quant à l’administration territoriale, sa logique ad- ministrative tutélaire, les conflits de préséance avec les élus locaux conti- nuent de miner ses relations. Toutes ces contraintes ne remettent pas en cause la portée de la décentralisation qui reste un processus irréversible, mais elles indiquent les chantiers ouverts en vue de son parachèvement.

2.2. Quelques innovations majeures de la stratégie publique de développement local

Au moins, trois innovations peuvent être retenues dans la politique pu- blique de développement local, au Sénégal : la mise en place du Programme national de développement local, le renforcement des agences régionales de développement et, enfin, le projet de territorialisation des politiques pu- bliques.

2.2.1. Le Programme national de développement local (PNDL)

La mise en place du Programme national de développement local se justi- fiait par la nécessité, pour l’État, d’une part, de consolider les acquis de deux programmes arrivés à terme, en 2005, (l’Agence du fonds de développement social et le Programme national d’infrastructures rurales) et, d’autre part, de redéfinir un cadre de référence unique harmonisant les approches d’intervention des divers acteurs du champ. Le PNDL est appelé, à cet effet, à corriger les dysharmonies résultant de la faible concertation entre les pro- jets/programmes, intervenant en matière de développement local, à l’origine

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de redondances, de clivages sectoriels ou de disparités, entre les zones d’intervention ou entre les cibles. Capitalisant sur les atouts et faiblesses des programmes antérieurs, le PNDL s’est positionné comme un programme fédérateur, cherchant à arrimer les approches communautaire et institution- nelle. Son objectif principal est de contribuer à la réduction de la pauvreté, en misant sur l’action combinée de tous les acteurs, à travers la promotion efficace, efficiente et durable d’offre de services socio-économiques de base aux populations les plus pauvres. De manière spécifique, cet objectif se dé- cline en des activités d’amélioration de l’accès aux infrastructures et services sociaux de base ainsi qu’aux services de la microfinance, des activités de renforcement de capacités, à la fois, pour les acteurs locaux et pour les ser- vices de l’État et, enfin, des activités de mise à jour du cadre réglementaire, en vue d’appuyer l’arrimage entre décentralisation, déconcentration et déve- loppement local.

Prévue pour une durée de cinq ans et couvrant l’ensemble des commu- nautés rurales et quelques communes défavorisées, le PNDL inscrit sa lo- gique d’intervention dans les principes de co-production, de démocratie lo- cale et de subsidiarité. Le cadre d’intervention, le processus de sa mise en place ainsi que les résultats obtenus éclairent sur la politique publique de développement local. L’atout principal du PNDL a été d’avoir pu capitaliser sur l’ensemble des projets et programmes d’appui au développement local et à la décentralisation. C’est ce qui lui a permis de dégager un cadre de réfé- rence consensuel, dégageant des axes pertinents d’intervention. Il s’y ajoute le fait que la démarche de mise en place du programme s’est opérée de ma- nière concertée, en impliquant les acteurs significatifs du développement local et de la décentralisation. C’est en cela que le PNDL peut être considé- ré, à partir de son cadre de référence, comme un des programmes de déve- loppement les plus prometteurs du régime libéral de Wade.

L’option stratégique de réaffirmation de la position stratégique des col- lectivités locales, comme porte d’entrée pour toute intervention de dévelop- pement local, induisant ainsi un transfert intégral de la maîtrise d’ouvrage locale, a été largement promue, grâce à ce programme. Son option de réali- ser une plateforme minimale d’infrastructures de base (PMIB), constituée d’infrastructures et d’équipements sociaux de base (dans les domaines de la santé, de l’hydraulique et de l’éducation), a permis au Sénégal d’assurer la démocratisation de l’accès aux services sociaux de base et, ainsi, de réduire considérablement la ruralisation de la pauvreté. On peut également noter l’incidence du PNDL dans le renforcement des structures pérennes, telles que le Trésor, les centres d’expansion rurale polyvalents devenus Centres d’appui au développement local ou encore les agences régionales de déve- loppement.

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130 Le pilotage des Politiques publiques de 1960 à 2012

Si le cadre de référence du PNDL semble faire l’unanimité, des interroga- tions majeures subsistent concernant notamment son orientation stratégique ainsi que son cadre d’intervention. À cet effet, l’évaluation du PNDL (2011) fournit d’intéressantes analyses sur la répartition des investissements. Ainsi, 72 % des investissements du PNDL ont été consacrés à l’hydraulique, à l’éducation et à la santé tandis que les activités socio-économiques ne dépas- sent guère les 15 %.

Tableau n° 1 : Répartition des investissements du PNDL selon les secteurs Secteurs Hydraulique Éducation Socio-

économiques

Santé Montant

(milliards) 9,62 8,57 4,80 3,99

% 31, 20 % 27,88 % 15,68 % 13 %

Source : Évaluation du PNDL, au 30 juin 2011

Cette évaluation qui confirme l’atteinte des objectifs d’accès aux services sociaux de base, à hauteur de 90,13 % (PNDL 2011), informe sur l’orientation de lutte contre la pauvreté qui a beaucoup marqué la politique de développement local du régime libéral. Il faut signaler, à ce propos, que la prédominance de l’orientation sociale de la politique de développement lo- cal, cloisonnée autour d’une politique de lutte contre la pauvreté rurale, ne garantit pas les conditions d’une construction d’économies territoriales so- lides et durables, source de création de richesses et de revitalisation territo- riale. Reproduisant les tares de ce genre de politique sociale de gestion des conséquences, cette approche stratégique entretient la dépendance des col- lectivités locales au financement de l’État, étouffe les dynamiques d’auto promotion socio-économique territoriale et inhibe la prise en charge de cer- tains enjeux telles les dépenses d’entretien/réparation/réhabilitation des in- frastructures ou encore la question de l’accessibilité financière en complé- ment à l’accessibilité physique.

De tels questionnements renseignent sur le faible impact des politiques de décentralisation et de lutte contre la pauvreté sur le bien-être des popula- tions. Elles ont permis, certes, de donner plus de pouvoir à l’échelon local ou de faciliter l’accessibilité physique aux services sociaux, mais elles n’ont pu favoriser le renforcement des capacités d’autopromotion économique des communautés territoriales et des individus, ce qui aurait pu leur permettre de se positionner comme acteurs créateurs de richesses. Ces interrogations ap- pellent au virage économique de la politique de décentralisa- tion/développement local autour, notamment, des enjeux du développement économique local, en termes d’instruments de revitalisation territoriale, de promotion de pôles territoriaux de développement, de soutien aux filières porteuses ou encore d’espace de promotion d’une gouvernance économique

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locale inclusive. À ce propos, même si le PNDL dispose, en ancrage, d’un Programme d’appui au développement économique local (PADEL), les réa- lisations sont restées cantonnées, la plupart du temps, à des activités généra- trices de revenu ou à des activités mutualistes. Le PADEL n’a pas encore produit les résultats attendus, du fait de la faiblesse, voire du retard de ses résultats, au regard des ambitions affichées, du faible positionnement straté- gique du développement économique local dans les priorités du PNDL, des contraintes constatées, dans la mise en œuvre des dispositifs promus, telles la maison de développement local et l’agence de développement écono- mique local (Ndiaye et al. 2011)4.

Par ailleurs, la mise en place d’une Agence de développement local (ADL) à côté du PNDL, a suscité beaucoup d’interrogations sur le souci de cohérence et de rationalisation des pouvoirs publics. La mise en place d’une agence pour le champ du développement local, en lieu et place d’un pro- gramme à durée limitée, reste fort salutaire. Mais il a été incompréhensible de voir l’État sénégalais créer, à côté du PNDL, une agence aux missions redondantes dans un contexte de crise des finances publiques. C’est ce qui explique la sourde concurrence entre ces deux structures d’un même minis- tère et intervenant souvent sur les mêmes problématiques.

2.2.2. Le renforcement institutionnel et technique des Agences régionales de développement (ARD)

L’Agence régionale de développement (ARD) est un organe d’appui technique aux collectivités locales, notamment, dans les domaines de la pla- nification locale, de la mise en cohérence des interventions sur le territoire, de l’harmonisation entre les plans locaux de développement et les plans na- tionaux, de renforcement de capacités et, enfin, de suivi-évaluation des pro- grammes et plans de développement local. Les défis relatifs à l’harmonisation des projets/programmes dans l’espace régional, à un meil- leur équilibre régional des interventions et au renforcement des capacités techniques des collectivités locales justifiaient amplement leur mise en place. Prévue par la loi n° 96-06, du 22 mars 1996, celles-ci ne verront leurs modalités de création, d’organisation et de fonctionnement déterminées qu’en 1998, à travers le décret n° 98-399, du 5 mai 1998. Destinées à appor- ter une assistance gratuite dans tous les domaines d’activités liés au déve- loppement, les ARD étaient soumises au principe de droit commun de la comptabilité publique et du contrôle administratif. Toutefois, les contradic- tions et confusions, relatives au décret de 1998, ont inhibé leur portée et inspiré des réformes majeures. À cet effet, les décrets n° 2006-201, du 3 mars 2006, et surtout le n° 2008-517, du 20 mai 2008, ont permis d’enregistrer des avancées importantes. Des innovations contenues dans le

4 Dispositifs promus dans les trois départements de la région de Louga.

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décret de 2008, on peut retenir le recadrage de ses missions ainsi que le ren- forcement de l’autonomisation des ARD qui passent du statut d’agence à celui d’établissement public local à caractère administratif. Ce changement qui contribue à éclaircir son statut, la libère de la lourdeur bureaucratique et de la complexité du financement du Trésor. Au niveau financier, ce décret inscrit les contributions des collectivités locales au budget de l’ARD au sta- tut de dépenses obligatoires ainsi que l’appui budgétaire extérieur, dans les ressources constitutives de cette structure. Alors qu’il y avait une incompati- bilité entre la fonction de directeur de l’ARD et celle de membre du conseil d’administration, le décret de 2008 exclut les élus de cette fonction. Enfin, un nouveau décret concernant les ARD a été promulgué, durant les derniers jours du régime de Wade. Il s’agit du décret n° 2012-106, du 18 janvier 2012, qui a étendu ses missions à l’appui aux initiatives des collectivités locales en matière de coopération décentralisée, tout en fournissant des indi- cations sur un fonctionnement plus optimal du conseil d’administration.

Le renforcement institutionnel des ARD s’est accompagné d’un renfor- cement technique et logistique, avec l’appui du PNDL, à travers le recrute- ment d’un personnel cadre chef de divisions. Certains partenaires au déve- loppement utilisent également les ARD comme structure d’ancrage de leurs projets/programmes5. C’est l’effet conjugué de ces renforcements qui ex- plique le rôle majeur joué par les ARD dans l’accès aux services sociaux de base, dans le renforcement de la maîtrise d’ouvrage locale, dans l’intermédiation entre les collectivités locales et les partenaires au dévelop- pement, dans l’élaboration d’outils de plus en plus rationalisés de gestion du territoire.

Toutefois, la tendance est grande au niveau des ARD de s’imposer comme espace unique de promotion du développement local. La domination technique, logistique et informationnelle des ARD sur les autres acteurs territoriaux, notamment les élus locaux, reste une évidence6. Les perceptions de plusieurs catégories d’acteurs font état d’un sentiment d’étouffement exercé par les ARD, à la fois sur les collectivités locales (en assumant, de fait, la maîtrise d’ouvrage de beaucoup d’interventions), sur certaines ins- tances telles que la conférence régionale d’harmonisation ou encore sur cer-

5 C’est le cas de l’agence de coopération espagnole qui a plusieurs projets logés dans les ARD de Saint-Louis, de Kolda et de Ziguinchor, d’ART Gold, au niveau de l’ARD de Louga et de Ziguinchor…

6 Comment les élus locaux, dont une bonne partie reste encore analphabète, peuvent-ils faire des contre-propositions pertinentes, face aux indications émises par les techniciens des ARD ? Si le processus décisionnel ainsi que les modalités d’intervention sont dominés par les agents des ARD, la commande politique et le portage des initiatives territoriales relèvent de la responsabilité des élus locaux. Cette problématique qui autorise à questionner la position des ARD par rapport aux CL, fait ressortir la place prépondérante prise par les techniciens du développement local sur les élus qui sont toutefois redevables de décisions dont ils ne maîtrisent pas toujours les enjeux.

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Politiques publiques et dynamiques territoriales de développement local 133

tains services de l’État tel le service régional d’appui au développement local. La position de l’ARD, comme agence d’exécution locale de projets et/ou programmes, renseigne sur le risque, d’une part, d’alourdir les activités de ce dispositif déjà suffisamment débordé et, d’autre part, de voir les ARD se transformer en de simples antennes de programmes, mettant l’accent plus sur les zones et domaines d’intervention de ces derniers, au détriment de leur mission de promotion de l’équilibre régional des interventions. Malgré de tels questionnements, le renforcement institutionnel, technique et logistique des ARD a beaucoup influé sur le dynamisme des initiatives territoriales de développement.

2.2.3. La territorialisation des politiques publiques

La territorialisation des politiques publiques consacre l’essoufflement du modèle de l’État post indépendance pour reconnaître le fait que le dévelop- pement des territoires ainsi que la place stratégique conférée à ces derniers constituent désormais une priorité publique. Loin de se réduire à une logique de développement territorialisé, synonyme d’une simple application de poli- tiques définies par l’État sur les territoires, la territorialisation revendique une perspective de développement territorial qui valorise un État stratège positionné dans les fonctions de régulation, d’impulsion, d’animation et de coordination. Elle instruit le territoire comme lieu de co-construction de politiques publiques dans la mesure où elle le conçoit comme une échelle stratégique de planification du développement, de construction d’une dyna- mique de gouvernance territoriale et d’expérimentation de processus de dé- veloppement économique local (Abdelmalki et Courlet 1996). Concevant le territoire articulé à son hinterland, la territorialisation offre l’opportunité de créer des économies d’échelles (quatorze régions fondues autour de sept ou de huit pôles territoriaux) et de miser sur les interdépendances fonctionnelles corrigeant ainsi les logiques sectorielles souvent cloisonnées. Elle amène à différencier les projets de l’État sur les territoires d’avec les projets de terri- toires. C’est pour cela qu’elle peut être appréhendée comme un troisième levier stratégique dont disposent désormais les politiques publiques en vue de compléter les politiques macro-économiques et sectorielles.

Toutefois, le projet de territorialisation comporte des risques lorsque le processus qui préside à son expérimentation reste précipité, centralisé et peu négocié. D’autres défis mettent en relief la fragmentation des espaces de pouvoir et de l’autorité territoriale et, par voie de conséquence, l’augmentation du degré de complexification des instances de régulation publique en démultipliant les interlocuteurs. Au regard des risques de multi- plication des coûts de transaction, la territorialisation peut comporter, éga- lement, des effets pervers, en rendant inefficace et inefficiente l’action pu- blique. En outre, les risques de reproduction des inégalités territoriales res- tent réels, notamment, dans les territoires fortement attachés aux hiérarchies

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traditionnelles. Enfin, avec la territorialisation des politiques publiques, as- sistera-t-on subséquemment à une territorialisation des instances décision- nelles et des moyens de mise en œuvre des projets de territoire ? En tout état de cause, le projet de territorialisation implique une reconfiguration des rap- ports État/territoires et État/collectivités locales, un renouvellement de la place de l’État ainsi que de l’orientation des approches d’intervention.

En réalité, le projet d’Acte III de la décentralisation consacre un change- ment de paradigme au niveau de la politique publique de développement local. La substitution du concept de développement local par le concept de développement territorial semble témoigner de la volonté politique du ré- gime en place de corriger les insuffisances de la politique de décentralisation et de développement local en misant sur trois axes stratégiques : aménage- ment équilibré et rationalisé du territoire, décentralisation renforcée et déve- loppement économique local. L’absence d’un cadre stabilisé et consensuel de réflexion sur la réforme, le caractère encore flou de la vision et de la feuille de route, les logiques des parties prenantes, la vulnérabilité aux agen- das partisans, la prédominance de l’État sur les décisions majeures, consti- tuent, entre autres, autant de questions qui invitent à une plus grande maîtrise du processus de construction et de mise en œuvre des réformes institution- nelles au Sénégal.

2.3. Le financement du développement local

Les principales sources de financement du développement local tournent autour des ressources propres des collectivités locales, des transferts finan- ciers de l’État, de l’appui des partenaires au développement, particulière- ment, la coopération décentralisée ou encore des emprunts. L’insuffisance des ressources internes, l’étroitesse et l’inadaptation de la fiscalité locale, la faiblesse des fonds mobilisés par la coopération décentralisée et la faible mobilisation de l’emprunt constituent, entre autres, des éléments de constat établis (MATCL 2012)7.

Si les ressources fiscales et non fiscales des collectivités locales ont con- nu une progression significative ces dernières années, il reste que diverses contraintes inhibent le niveau de mobilisation des ressources (USAID et BM 1999). Entre autres, on notera l’emprise de l’État sur les impôts locaux, dé- notant une centralisation de la chaîne fiscale, la faible maîtrise de l’information fiscale et, par suite, la difficulté à déterminer l’assiette fiscale, les difficultés en termes de recouvrement et d’efficacité fiscale, l’étroitesse de l’assiette fiscale locale, du fait de nombreuses exemptions et exonérations que ne rembourse pas toujours l’État (MATCL 2012). Quant aux transferts financiers de l’État, ils concernent le fonds de dotation de la décentralisation

7 Ministère de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales.

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Politiques publiques et dynamiques territoriales de développement local 135

(FDD), le fonds d’équipement des collectivités locales (FECL), le budget consolidé d’investissement (BCI), le fonds national d’appui à l’éclairage public et enfin, le fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales.

L’augmentation sensible de l’enveloppe des fonds d’appui à la décentra- lisation (FDD et FECL) et ceci, malgré les questionnements qui entourent leur mise en œuvre8, a été déjà établie. Représentant les dépenses compensa- toires au transfert des neuf domaines de compétences, le Fonds de dotation de la décentralisation va être quadruplé par le régime de Wade entre 1997 et 2011-2013. Quant au Fonds d’équipement des collectivités locales, qui a pour objectif d’appuyer la capacité d’investissement des collectivités locales, il passera de 3,5 milliards, en 1997, à 12,5 milliards, en 2013 (même s’il n’a pas évolué depuis 2009).

Tableau n° 2 : Évolution des fonds publics d’appui à la décentralisation de 1997 à 2013 (en F.Cfa)

Années FDD FECL

1997 4 889 537 000 3 500 000 000

1998 4 889 537 000 3 500 000 000

1999 5 889 537 000 3 500 000 000

2000 6 589 537 000 3 500 000 000

2001 7 289 537 000 3 500 000 000

2002 7 289 537 000 4 000 000 000

2003 8 089 537 000 8 000 000 000

2004 9 089 537 000 4 000 000 000

2005 10 689 537 000 6 000 000 000

2006 12 369 537 000 7 000 000 000

2007 13 369 537 000 10 500 000 000

2008 16 600 000 000 11 500 000 000

2009 14 933 108 000 12 500 000 000

2010 16 233 108 000 12 500 000 000

2011 16 866 599 000 12 500 000 000 2013 18 123 301 000 12 550 000 000 Source : Ministère de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales

Quant au Budget consolidé d’investissement (BCI), institué, en 2006, dans les régions de Louga, Fatick, Diourbel et Kaolack, il consacre la décen- tralisation de la gestion financière et de l’exécution technique et financière des dépenses en capital, réalisées par l’État, au niveau des collectivités lo- cales. On signalera quelques défis liés à cette réforme, telles l’inexistence d’un cadre juridique spécifique ou encore la non-réalisation de certains préa- lables telle la révision de la nomenclature budgétaire. Enfin, les fonds

8 Questionnements en termes de modicité des fonds au regard des compétences considérées, de manque de sincérité et d’objectivité des critères d’affectation, de retard dans leur mise à disposition.

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136 Le pilotage des Politiques publiques de 1960 à 2012

d’appui à l’éclairage public et à la péréquation restent entre les mains de l’État et n’ont pas encore démontré un niveau de performance appréciable.

Sur un autre plan, malgré les opportunités qu’ils offrent, en termes d’accès aux marchés financiers national et international, les fonds d’emprunts restent peu utilisés par les collectivités locales.

Concernant la coopération décentralisée, elle constitue un acteur straté- gique des expériences de développement local, en termes de renforcement institutionnel des collectivités locales, de promotion du dialogue social local, d’appui à l’élaboration d’outils de planification locale, de structuration des acteurs sociaux et, enfin, d’appui au financement de micro-projets de déve- loppement communautaire. Toutefois, la modicité des fonds mobilisés et leur intervention limitée au social, conjuguées aux difficultés de mobilisation de la contrepartie locale, étouffent la pérennité de ces dispositifs de finance- ment. De manière plus générale, l’intervention de la coopération décentrali- sée dans les projets structurants ainsi que ses modalités d’intervention (con- fondant souvent appui à la maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’ouvrage) restent des défis à relever, dans un contexte de faible pilotage du développement local par les exécutifs locaux (Ndiaye 2013a). D’autres contraintes mettent en évidence la logique de labellisation à la base de conflits de positionne- ment et de déficit d’harmonisation entre les interventions, la volonté d’autonomie et parfois de défiance vis-à-vis des collectivités locales, les retards constatés dans la mise en œuvre d’opérations du fait de procédures lourdes et difficilement appropriables par les acteurs locaux, la mise en œuvre de normes d’intervention et des options soumises à des prérequis standardisés, peu flexibles. Enfin, les conditions de pérennité et de viabilité des infrastructures interpellent de telles interventions dans la mesure où la dynamique enclenchée et les réalisations promues ne survivent pas souvent à l’arrêt du projet d’appui. Les multiples défis qui interpellent le financement du développement local expliqueraient la faible capacité des collectivités locales à assurer la délivrance de fournitures et de services de qualité aux populations.

2.4. Aménagement du territoire et développement local

Le déséquilibre spatial et socio-économique du territoire sénégalais, avec une concentration des infrastructures et des établissements humains au Nord- Ouest du pays, la macrocéphalie urbaine autour de Dakar, l’attrait des villes, par ailleurs, peu préparées et du littoral et le dépeuplement des zones rurales est la résultante d’une politique d’aménagement du territoire, sans les terri- toires, parce que, souvent, bureaucratique et éloignée de l’espace vécu (Seck 1970 ; Seck et Mondjanagni 1975 ; Diakhaté 2011). Le Sénégal offre l’image d’un espace mal organisé, d’un territoire déséquilibré avec des dis- parités persistantes en termes d’infrastructures entre Dakar et le reste du pays et entre zones urbaines et zones rurales, avec des équipements insuffi-

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Politiques publiques et dynamiques territoriales de développement local 137

sants, inégalement répartis et souvent peu entretenus, une carence dans l’offre de services de qualité ou encore des ressources naturelles surexploi- tées ou dégradées… (PNAT 1999). Déjà, durant la colonisation, les préoc- cupations de mise en valeur des territoires ont amené le législateur à adopter une approche sélective et instrumentale de l’aménagement, en favorisant les zones à fort potentiel économique, notamment les zones côtières. Le souci d’équité et de cohérence du territoire national permettra de jeter les bases des premiers découpages administratifs au niveau régional. En 1961, un Bureau d’aménagement des terroirs et villages, chargé des problèmes d’aménagement et d’organisation de l’espace fut mis en place, suivi en 1967 de la Direction de l’aménagement du territoire (DAT) dont la mission pre- mière était de piloter l’élaboration et la mise en œuvre du plan national d’aménagement du territoire (PNAT). Mais, ce seront surtout Dakar, comme capitale et la Petite Côte, comme zone touristique, qui vont en profiter. En 1977, à l’issue d’un Conseil interministériel sur l’aménagement du territoire, le processus d’élaboration du Plan national d’aménagement du territoire fut entamé.

Le contexte de crise multiforme, d’ajustement structurel et de désenga- gement de l’État semble avoir éloigné les préoccupations d’aménagement du territoire, au début des années 1980, sous la présidence d’Abdou Diouf. On notera, à côté de la mise en œuvre de projets comme le barrage de Diama ou encore le programme « parcelles assainies » de la banlieue de Dakar, l’accentuation de l’exode rural avec l’occupation de zones non ædificandi.

En 1989, avec l’appui du PNUD, l’esquisse du Plan national d’aménagement du territoire fut réalisée. En 1997, des schémas régionaux d’aménagement du territoire commencent à être élaborés avec, comme mission, une meilleure prise en compte de la dimension locale et régionale. Malgré la portée de la politique de décentralisation-régionalisation, en 1996, et ses références à la restauration des équilibres territoriaux, elle n’a pas débouché sur des avan- cées majeures en termes d’aménagement du territoire. De même, divers ins- truments techniques, tant au niveau national, qu’au niveau territorial, sont mis en œuvre au Sénégal. Il s’agit du Plan national d’aménagement du terri- toire, des schémas régionaux d’aménagement du territoire, des Plans régio- naux de développement intégré et enfin, des Plans locaux de développement.

L’ère Wade reste marquée par les grands travaux du Chef de l’État : chantiers liés au Sommet de l’Organisation de la conférence islamique, chantiers des indépendances, comme ceux de la ville de Thiès, autoroute à péage, grand théâtre, nouvelle capitale, aéroport Blaise Diagne, monument de la Renaissance. Toutefois, au-delà du souci de rationalisation et d’efficience, les préoccupations de rééquilibrage ou d’équité territoriale semblaient faire défaut à ces projets. On notera, quand même, que c’est sous ce régime que le Sénégal résorbera une partie de son gap en infrastructures et en routes. Il faut signaler certaines avancées institutionnelles avec la Dé-

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138 Le pilotage des Politiques publiques de 1960 à 2012

claration de politique nationale d’aménagement du territoire (DEPONAT), adoptée, le 21 mars 2006, ainsi que le Programme national d’aménagement pour la promotion de la solidarité et la compétitivité territoriale (PNAS- COT), en tant que nouveau cadre de mise en œuvre du PNAT. En 2009, une Agence nationale d’aménagement du territoire (ANAT) a été créée et inté- grée au ministère de la Décentralisation.

Sur le plan institutionnel, le faible accent mis sur la prospective territo- riale, l’absence de fonds d’impulsion à l’aménagement du territoire, la faible prise en charge de cette problématique par les collectivités locales, la dis- jonction entre l’Aménagement du territoire, le Plan et la Décentralisation, le caractère obsolète du cadre juridique de l’aménagement du territoire, font que cette problématique attend un recadrage et un repositionnement institu- tionnel majeurs (MATCL 2012). S’y ajoute, la faible intégration de l’aménagement du territoire dans le dispositif de planification économique et sociale ainsi que la faible appropriation par les acteurs, de ses outils et indi- cations. Certes, beaucoup d’efforts sont entrepris, au niveau de l’État, dans l’arrimage aménagement du territoire et décentralisation. Toutefois, les élé- ments d’opérationnalisation de cette ambition politique restent bien minces dans la mesure où les réformes institutionnelles ont plutôt concerné les as- pects administratifs.

Par ailleurs, les conflits de territoires entre communautés rurales et com- munes et entre celles-ci et les communes d’arrondissement restent encore vivaces dans les mémoires : guerre de marché, « cantinisation » à outrance, volonté d’extension de certaines communes hors de leurs limites territo- riales. Un fait, qui a marqué récemment l’aménagement du territoire, con- cerne les nombreux redécoupages du territoire, effectués sous Wade. Même si de telles décisions participent de l’approfondissement de la décentralisa- tion, en misant sur la proximité entre élus et populations, elles n’ont pas manqué d’engendrer une fragmentation spatiale qui a fortement compromis la viabilité économique des territoires ainsi que la cohérence du pays, sans parler des risques de fragmentation des échelons de gouvernance et de con- trôle territorial. Le régime libéral s’est illustré dans la création de nouvelles régions, de nouveaux départements et de nouvelles communes et commu- nautés rurales sans, pour autant, que des études techniques préalables ne soient menées, des consultations publiques avec les communautés territo- riales concernées ne soient tenues ou que les fonds d’appui aux collectivités locales ne soient augmentés. Des villages ont été transformés en ville (Nian- dane), des départements en région (Sédhiou), des communes en départe- ments et des communautés rurales en communes, créant ainsi une confusion au niveau des délimitations territoriales. Non seulement l’objectivité des motivations présidant à ces redécoupages reste fort questionnable, mais éga- lement sur certains territoires, à la fois les collectivités locales et les popula- tions ont démontré une forte opposition par rapport à de telles décisions,

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