La paupérisation à la Sécurité Sociale, cadres compris
Quelques rappels de définitions Seuil de pauvreté :
En France et en Europe le seuil de pauvreté est fixé de façon relative. On considère comme pauvre une personne dont les revenus sont inférieurs à un certain pourcentage du revenu dit
"médian". Ce revenu médian est celui qui partage la population en deux, autant gagne moins, autant gagne davantage.
Ce pourcentage est fixé à 60 % du revenu médian pour l’Europe (en France jusqu’en 2008 c’est le seuil à 50 % qui était utilisé). A noter, aucun seuil n’est plus juste que l’autre, c’est uniquement une question de convention statistique.
En France, un individu peut être considéré comme "pauvre" quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 949 euros (données 2008 seuil à 60%) selon la définition de la pauvreté utilisée. Le revenu pris en compte est le revenu dit "disponible" : après impôts et prestations sociales.
RMPP
La RMPP est la « rémunération moyenne par personnel en place ». Elle a pour but de mesurer l'évolution de la fiche de paye moyenne des salariés présents d’une année sur l’autre. Elle intègre les facteurs suivants contribuant à la hausse des rémunérations :
- Les mesures générales
- Les mesures catégorielles (qui ne concernent que certains groupes de salariés)
- Les mesures individuelles (appelé GVT positif « glissement-vieillissement-technicité », qui correspondent aux avancements, aux promotions, et à l’ancienneté
1er Percentile : représente 1% des salariés ayant les salaires les plus bas 1er Décile : représente 10% des salariés ayant les salaires les plus bas Médiane : représente la première moitié des salaires
Évolution de la situation salariale à la Sécurité Sociale
Nous avons tracé les évolutions relatives des données suivantes :
• SMIC
• Inflation
• Valeur du point
• RMPP
• Seuil de pauvreté adulte seul (à 60%)
en donnant à chacun d’eux la valeur 100 pour l’année 2000.
100 105 110 115 120 125 130 135 140
2 000 2 001 2 002 2 003 2 004 2 005 2 006 2 007 2 008 2 009 2 010
Ce graphique est éloquent sur plusieurs points.
En 10 ans, la valeur du point a cru de 10% environ, alors que l’inflation a atteint 20% pendant que le SMIC, la RMPP et le seuil de pauvreté en sont à environ 38%.
On constate que le SMIC depuis 2003 a évolué plus vite que le seuil de pauvreté, mais ils se sont rejoints en 2010. Nous attendons les données chiffrées de l’INSEE qui devraient le confirmer.
On constate également une similitude remarquable de l’évolution de la RMPP par rapport au seuil de pauvreté.
La RMPP intégrant les avancements, les promotions (0,80%) et l’ancienneté (0,31% pour environ 50% du personnel) alors que cela ne bénéficie qu’à une partie du personnel, l’augmentation de la RMPP ne compense donc pas l’évolution par rapport au seuil de pauvreté. Ce qui démontre bien que :
• La RMPP ne couvre même pas la perte de pouvoir d’achat alors qu’elle devrait être supérieure pour rétribuer les promotions, les évolutions de carrière et l’efficience.
• Pour maintenir un pouvoir d’achat à peu près constant, la valeur du point devrait évoluer sur la base du SMIC et non sur celle de l’inflation, ce qui n’est déjà pas le cas et de beaucoup.
Le personnel en place s’appauvrit !
Quelle est la conséquence de la sous revalorisation de la valeur du point depuis l’année 2000 ?
Comment se positionnent les rémunérations à la Sécurité Sociale ?
Qu’en est-il du RSA (Revenu de Solidarité Active = complément de ressource attribué aux plus petits salaires proches du seuil de pauvreté) pour le personnel de la Sécurité Sociale ? C’est ce que nous avons voulu savoir et qui est illustré par le graphique suivant. Pour ce faire, nous avons considéré le seuil de pauvreté à 60% pour un adulte comme la valeur 100 réactualisé tous les ans. Toutes les autres données sont rapportées à ce seuil, les salaires étant des salaires annuels (sur 14 mois). Nous avons considéré que le seuil de pauvreté avait continué d’évoluer de 3% sur 2009 et 2010 (3,7% en 2007 et 4,5% en 2008).
SMIC 35h
Inflation
Valeur du point Seuil de pauvreté RMPP
75 100 125 150 175 200 225 250
2 000 2 001 2 002 2 003 2 004 2 005 2 006 2 007 2 008 2 009 2 010
Les courbes des niveaux correspondent aux salaires de base sans ancienneté (= salaires d’embauche).
Ce graphique se passe de commentaire tellement il est révélateur de la dégradation des conditions de rémunération du personnel de la sécurité Sociale. Il fait ressortir que les cadres ne sont pas mieux lotis que les employés : le salaire d’embauche d’un niveau 6 se situe au niveau du seuil de pauvreté pour un couple avec un enfant de plus de 14 ans. En 2000, c’était celui d’un niveau 5A !
Pour faire court, c’est
LA « DÉGRINGOLADE » DES RÉMUNÉRATIONS
!Oui, mais direz vous, cela ne concerne « que » les derniers embauchés. Détrompez vous, les données issues des rapports sur l’emploi élaborés par l’Ucanss confirment que même le personnel en place depuis de longues années est directement touché.
Pour mémoire, les effectifs 2009 par niveau sont :
Niveau 1 2 3 4 5A 5B 6
Effectif 880 5824 57161 37529 8298 11944 6476
1er percentile 572 375
1er décile 88 582 5716 3753 830 1194 648
Médiane 440 2912 28580 18764 4149 5972 3238
(Source rapport sur l’emploi 2010 Ucanss)
Niveau 6
Niveau 5B Seuil pauvreté couple
+ 1 enfant > 14 ans
Seuil pauvreté couple + 1 enfant < 14 ans Seuil pauvreté couple
Seuil pauvreté adulte + 1 enfant < 14 ans
Seuil pauvreté adulte seul RSA 1 personne RSA 2 personnes RSA 3 personnes
SMIC Niveau 2 Niveau 3
Coeff 195, salaire minimum à
l’embauche depuis 2009
Niveau 4 Niveau 5A
120 140 160 180 200 220 240
2 007 2 008 2 009 2 010
LES EMPLOYÉS
On constate qu’il y a près de 8 500 agents, dont 50% des niveaux 2, parmi lesquels ceux qui vivent en couple et sont les seuls à avoir un revenu, sont en dessous du seuil de pauvreté et peuvent prétendre au RSA ! Que dire pour ceux qui ont des enfants …
Parmi les niveaux 4, s’ils sont dans le premier décile (plus de 3750 agents), qu’ils sont les seuls à avoir un revenu dans leur foyer qui se compose d’au moins 3 personnes, ils peuvent prétendre au RSA. En extrapolant sur 2010, c’est la moitié des niveaux 4 (18750 agents) qui, dans les mêmes conditions, peut être au niveau du seuil de pauvreté si l’enfant a plus de 14 ans.
Mais pour prendre la mesure de la gravité de la situation, ils sont plus de 39 000, soit 25% du personnel ( !), à avoir une rémunération en 2010 qui, pour un couple avec un enfant et un seul salaire, celui de la Sécurité Sociale, ne permet même pas d’atteindre le seuil de pauvreté.
Quand on connaît le nombre de foyers éclatés, le nombre de foyers avec plus d’un enfant, le taux de chômage, pas la peine de se retrancher derrière le paravent de la vie privée pour faire semblant d’ignorer que de plus en plus d’agents de la Sécurité Sociale sont directement concernés par le RSA et les problèmes de surendettement.
Il y a tout lieu d’être très inquiet quand on voit le resserrement et la convergence rapide des rémunérations en dessous du seuil de pauvreté pour un couple.
Niveau 4 1er % 375 agents Niveau 3 Médiane
28580 agents
Niv 3 1er décile 5716 agents
Niveau 4 Médiane 18764 agents
Niv 4 1er décile 3753 agents
Niveau 2 Médiane 2912 agents
Niv 2 1er décile 582 agents
Seuil pauvreté adulte + 1 enfant < 14 ans RSA 3 personnes
RSA 2 personnes Seuil pauvreté couple
Seuil pauvreté couple + 1 enfant > 14 ans
Seuil pauvreté couple + 1 enfant < 14 ans
Niveau 3 1er % 572 agents
175 200 225 250 275 300
2 007 2 008 2 009 2 010
LES CADRES
La tendance générale liée à la sous-évaluation notable de la valeur du point et à une volonté d’égalitarisme d’un certain nombre, engendre des situations qui sont déjà sources de tension et qui vont encore s’amplifier, quand on constate que :
• les niveaux 5A et 5B débutent avec très peu d’écart, et cela s’est fait au détriment des 5B. Les salaires de début sont à peu près équivalents au salaire de la médiane des niveaux 3 !
• le premier décile des niveaux 6 et 7 qui correspond aux débutants ou aux promotions récentes, est sensiblement en dessous respectivement, des médianes des niveaux 5A et 5B
Comment peut-on penser avoir encore longtemps des volontaires qui gagneront pendant de nombreuses années moins que ceux qu’ils encadreront avec deux niveaux d’écart, sans parler de ceux du niveau immédiatement inférieur, mais avec toutes les contraintes liées à l’encadrement ?
A cela, il faut ajouter la tendance forte à la paupérisation des cadres, car si l’on prolonge les courbes, la rémunération du premier décile du niveau 6 atteindra le seuil de pauvreté pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans en 2011, et ce sera au tour du niveau 7 en 2013 !
Que penser d’un employeur qui ose afficher une volonté d’équilibrage de la parité homme/femme parmi le personnel alors que tous ces graphiques montrent qu’à la Sécurité Sociale, les salaires distribués diminuent à une telle vitesse, qu’ils ne sont plus que des
« compléments de salaire ».
Le personnel est de plus en plus soumis à des pressions de productivisme à outrance, à des conditions de travail déplorables, à des salaires de misère
pour ne pas dire de pauvreté,
on s’approche à grands pas des situations de travail qui ont conduit à des réactions extrêmes telles que celles à France Télécom
.Niv 5A 1er décile 830 agents
Niv 5B 1er décile 1194 agents
Niv 6 1er décile 648 agents Niv 7 1er décile 588 agents Niv 5B Médiane
5972 agents
Niv 5A Médiane 4149 agents
Seuil pauvreté couple + 1 enfant > 14 ans Niv 6 Médiane
3238 agents
Seuil pauvreté couple + 1 enfant < 14 ans
Toutes les courbes le montrent : on assiste à un écrasement rapide de la grille hiérarchique.
On peut tracer les courbes des niveaux supérieurs de cadres, elles sont identiques !
Au rythme actuel, en 2016, la médiane des niveaux 6 (la moitié quand même !) sera au niveau du seuil de pauvreté pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans.
L’employeur lors de la présentation du Baromètre Social Institutionnel de 2010 aux organisations syndicales a insisté sur le fait que la rémunération n’était pas la priorité du moment des salariés ! Or, ce baromètre précise :
« Comme en 2009, la rémunération est l’un des principaux points d’insatisfaction au sein de la Sécurité Sociale, avec seulement 24% de satisfaits, un score en retrait de 13 points par rapport au standard BVA. »
Cette présentation est déjà orientée. En effet, une autre lecture de ces chiffres montre que le rapport de 24%/37% n’atteint même pas 65%, soit 1/3 de mécontents en plus par rapport au standard BVA !
Dit autrement
