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Rapport sur la deuxième session de la conférence Tralogy I : le métier du traducteur

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02495549

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02495549

Submitted on 2 Mar 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Rapport sur la deuxième session de la conférence Tralogy I : le métier du traducteur

Sandrine Détienne

To cite this version:

Sandrine Détienne. Rapport sur la deuxième session de la conférence Tralogy I : le métier du traduc-

teur. Tralogy I. Métiers et technologies de la traduction : quelles convergences pour l’avenir ?, Mar

2011, Paris, France. 11p. �hal-02495549�

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HAL Id: hal-02495549

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02495549

Submitted on 2 Mar 2020

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Sandrine Détienne. Rapport sur la deuxième session de la conférence Tralogy I : le métier du traduc-

teur. Tralogy I. Métiers et technologies de la traduction : quelles convergences pour l’avenir ?, Mar

2011, Paris, France. 11p. �hal-02495549�

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Rapport sur la deuxième session de la conférence Tralogy I : le métier du traducteur

Sandrine Détienne

TRALOGY I - Session 2

Date d’intervention : 03 et 04/03/2011

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1. Aspects humains des technologies langagières dans l’organisation, A.-M. Taravella, A. O.

Villeneuve, Université de Sherbrooke

Anne-Marie Taravella : Cette présentation a lieu au début de mon travail doctoral qui porte sur la traduction comme objet de recherche du point de vue des sciences de la gestion, de l’organisation, et souhaite aborder en particulier le bien-être, le mieux-être de l’ensemble de la communauté langagière (traducteur, rédacteur, correcteur, coordonnateur, réviseur inclus).

Il s’agit d’une recherche exploratoire, il y aura donc davantage de questions posées que de réponses apportées et je lance un appel à contributions aux personnes qui disposeraient d’éléments susceptibles d’alimenter cette recherche.

Quelques mots-clés pour situer le contexte :

Organisation : elle est au cœur de toutes les problématiques des sciences de gestion (au sens large, organisation privée et publique), pour l’entreprise privée, comme l’agence gouvernementale, ou le Bureau de la traduction.

Technologies langagières : entendues au sens très large : Tout outil, toute technologie qui facilite le travail du langagier dans l’exercice de son activité principale. Dans les enquêtes qui ont été réalisées, le terme est souvent compris comme recouvrant les outils d’aide à la traduction.

Efficacité : terme riche et polysémique. Je voudrais à ce sujet citer des propos entendus au dernier congrès de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) : le gain d’efficacité qu’on peut attendre d’un processus de traduction avec outils (ex.

Trados) qui donnerait un nombre de correspondances exact de 30 %, par exemple, n’entraîne pas un gain d’efficacité de 30 %.

Ressources humaines : dans l’unité d’observation qu’est l’organisation, il s’agit de l’individu ; les particularités humaines de cette ressource sont à prendre en compte même si on lui accole une ressource technologique.

Systèmes d’information : 3 grands sous-domaines sont généralement repérés, dont l’un est constitué par les systèmes d’information langagiers, qui sont particulièrement axés sur l’humain, sur les besoins humains à combler, les interfaces hommes-machines, les formations.

Mon étude portera plus particulièrement sur les systèmes d’information langagiers.

Le cadre conceptuel sera celui de l’efficacité et de la satisfaction au travail. De nombreux auteurs issus notamment de la psychologie organisationnelle ont travaillé sur les facteurs de satisfaction au travail. Ils ont repéré les variables importantes suivantes : la variété des tâches, l’autonomie, la créativité, la motivation. La créativité peut être reliée au travail du traducteur ; elle est entendue ici comme la capacité du langagier à trouver rapidement une solution innovante, efficace, à une question non encore résolue dans les outils, non parfaitement résolue dans les ressources à sa disposition.

L’un des facteurs de créativité est la motivation intrinsèque, par opposition à la motivation

externe (rémunération, avantages), c’est le plaisir que l’on trouve à exercer son travail. C’est,

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TRALOGY I - ANTICIPER LES TECHNOLOGIES POUR LA TRADUCTION

d’après ces travaux, le facteur le plus puissant dans la performance individuelle et dans la satisfaction au travail de la personne qui accomplit sa tâche.

Ce sont des concepts du cadre théorique à explorer plus avant parce qu’il est important de prendre en compte les facteurs de bien-être du traducteur comme intervenant dans l’organisation qui l’emploie. Il serait dommage d’ignorer chaque profil que peut avoir chaque professionnel.

La question de recherche est la suivante : quels sont les liens mutuels entre performance de l’organisation et performances individuelles ? La recherche ne vise pas à juger de l’utilité conceptuelle d’un outil d’aide à la traduction ou de la légitimité d’y faire appel, mais entend souligner l’interaction entre performance de l’organisation que l’on cherche à maximiser en introduisant des systèmes d’information qui augmentent les exigences liées aux tâches et les ressources liées aux tâches, mais qui peuvent diminuer parfois la maîtrise des tâches par l’exécutant. On n’accroît pas la performance organisationnelle en accroissant le rendement individuel. L’accroissement du nombre de mots grâce à l’application d’un outil de traduction ne va pas contribuer directement à l’accroissement de la performance organisationnelle.

Quels sont les motifs qui poussent une organisation à adopter un système d’information langagier ?

1) Traiter un volume important. C’est l’exemple de Ford qui a adopté Systran pour tra- duire sans intervention humaine un volume important pour ses chaînes de montage dans le monde entier. Il est intéressant de noter que dans cet exemple la notion de coût n’est pas tranchée car le coût de mise à jour, de formation, d’assistance technique, conceptuelle, n’est pas négligeable.

2) Uniformisation de la phraséologie, de la terminologie.

3) Gain de productivité individuelle, gain de temps.

Quelques entrevues ont été réalisées sur le terrain. Les personnes ont été interrogées sur les effets de l’introduction des systèmes langagiers dans leur environnement de travail. Deux cas extrêmes ont été repérés : une organisation qui laisse énormément d’autonomie au traducteur, où le système langagier a été mis en place à l’initiative du service linguistique, et une grande autonomie est laissée dans le choix de la méthode et des outils, dont l’utilisation est collaborative.

À l’inverse, une agence de traduction privée dans laquelle le traducteur a une faible maîtrise des processus, le choix de l’outil étant dicté par le client ou par l’agence.

Les technologies de l’information ont ceci d’intéressant qu’elles ont plusieurs phases d’implantation. Deux grandes phases ont été étayées : intégration et assimilation (qui peut aller jusqu’à l’infusion : à ce moment-là, l’outil est quasiment endogène à la ressource, et le système d’information langagier pourrait être le prolongement de la compétence du traducteur). Les différences de témoignages pourraient être attribuées aux différences de stades d’assimilation.

Cette recherche exploratoire m’amène à vouloir étudier les rapports entre motivation

intrinsèque et productivité, l’importance des facteurs de bien-être professionnel dans la gestion

des ressources humaines en traduction afin de repositionner l’humain et son outil l’un par

rapport à l’autre, pas forcément en opposition. Étudier les limites de l’intégration de l’un à

l’autre. Souligner l’importance des conséquences sur le bien-être professionnel en fonction des

différentes phases d’intégration des technologies de l’information. Cela appelle à des études

longitudinales portant sur l’introduction d’un système et, quelques mois plus tard, sur les besoins

de formations.

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En conclusion, j’insiste sur l’intégration entre performances organisationnelles et bien- être professionnel pour appeler à étudier le phénomène performances organisationnelles/

performances individuelles de façon intégrée et non pas en opposition, de manière à ce que le mieux-être des traducteurs soit servi en même temps que l’accroissement de la performance organisationnelle.

Caroline Subra Itsutsuji : cette référence implicite à Leroi-Gourhan avec le prolongement du clavier du traducteur qui serait un outil d’aide à la traduction permet de faire la liaison avec l’intervention suivante, de Chris Durban.

2. La technologie au service de la traduction, C.

Durban, SFT, ATA, ITI

Je suis traductrice indépendante militante ; je ne fais pas de recherche, mais j’ai beaucoup apprécié l’intervention d’Anne-Marie Taravella, parce que la recherche est importante. Un chercheur rencontré récemment à Genève m’a parlé de travaux sur l’état émotionnel du traducteur : il paraît qu’un traducteur morose traduit de façon plus juste, et un traducteur heureux de façon plus créative.

Moi qui suis optimiste, sereine et contente tout le temps, j’espère que mes traductions sont justes. La notion de contraste m’interpelle parce que trop souvent dans les débats, « on est soit ceci, soit cela ». À ce propos, je représente le secteur privé. Je reconnais qu’il vaut mieux, si on le peut, se faire embaucher par la Commission européenne, mais mon expérience est que la plupart des étudiants passent d’abord du temps dans le secteur privé.

En novembre 2010, j’ai participé à la conférence de l’ATA, à Denvers, juste avant un congrès de l’AMTA. Il y avait surtout des hommes, tous des geeks, « branchés techno ». Tout le monde était acquis à la technologie à gogo. Moi, je suis traductrice financière, je travaille dans un domaine très pointu, et je n’utilise pas de mémoire de traduction. L’exercice de ma profession repose sur le fait que j’écris très bien et que je maîtrise entièrement mon sujet (et je gagne très bien ma vie – je suis américaine, je peux le dire).

À cette conférence, le débat était intéressant, mais frustrant pour moi : à peine ai-je commencé à dire qu’on pouvait faire sans toute sorte de techniques, que tous les garçons étaient d’accord avec moi. Là où il y a eu un écart, c’est quand il a été question des tarifs : les garçons

« branchés techno » partaient du principe que les tarifs étaient nettement plus bas que ceux que je préconise pour toute la profession. J’ai constaté une autre différence importante entre les traducteurs orientés traduction humaine et les traducteurs orientés techno : les ingénieurs et les geeks sont en principe infiniment plus optimistes et positifs que les traducteurs humains qui, eux, sont pessimistes.

J’ai remarqué que pour accrocher un journaliste qui veut faire un article sur la traduction, rien de tel que de lui parler de Star Trek, des merveilles de la technologie, etc.

Il y a d’un côté les traducteurs humains et de l’autre (même si je reconnais que ce n’est pas

si « simpliste »), les vendeurs de logiciels, de matériel informatique, les agences de traduction

qui trouvent très souvent leur compte dans l’investissement dans les logiciels parce que ça leur

permet de proposer un produit où le traducteur devient interchangeable (notion de fongibilité).

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TRALOGY I - ANTICIPER LES TECHNOLOGIES POUR LA TRADUCTION

Mais dans ces rapports, il y a une 3

e

personne, à savoir le client. La plupart des clients ne sont pas linguistes professionnels et ils sont crédules, aussi émerveillés par les technologies que les journalistes.

Citation d’une consultante en traduction : « les vendeurs veulent raconter une histoire que le client souhaite entendre, alors ils ont tendance à exagérer les capacités de leur produit. »

Citation d’un développeur de logiciel de traduction dans un article du Financial Times : le client « peut aussi avoir un plan d’affaires en japonais bien trop confidentiel d’un point de vue commercial pour être confié à un traducteur externe ». Quand je lis ça, je suis horrifiée parce que toute personne sérieuse sait que la traduction automatique ne marche en aucun cas pour un plan stratégique, et ça m’énerve qu’un vendeur de logiciel le prétende.

Là où ça peut déraper dans les discours commerciaux des vendeurs, c’est quand il est question de la notion de fongibilité entre fournisseurs (car c’est faux) ou de tarifs : « Pour beaucoup d’entre nous, la «post-édition» sous-entend en fait de trouver toutes les erreurs du système de traduction automatique et d’être payé des clopinettes pour les corriger, même si ça prend plus de temps que de traduire bien, tout de suite. » Nick Hartman, président de l’ATA.

Ce que je préconise : qu’on arrive à bien définir les domaines pour lesquels les TA et TAO ne marchent pas, tels que la littérature, la publicité, tout message dans lequel il y a un argumentaire.

On parle souvent de statistiques : « mon système est fiable à 95 % », etc. Voyez cet exemple où la traduction est fiable à 94 %, mais 100 % fausse : “we recommend that the patient now be admitted for a full frontal lobotomy.” / “we recommend that the patient not be admitted for a full frontal lobotomy”.

À trop s’appuyer sur la technologie, on perd le réflexe langagier. Et il est plus facile d’enseigner la technologie (et la terminologie) que la traduction et la rédaction...

Conseil aux traducteurs et aux « ingénieurs » : faites preuve de plus de transparence, et soyez plus honnêtes les uns avec les autres.

Deux propositions pour terminer :

• aux traducteurs humains : soyez un peu moins catégoriques et moins pessimistes (les systèmes dédiés sont plus performants que les systèmes disponibles gratuitement sur la toile), et travaillez les capacités qui vous distinguent de la machine (bien rédiger, bien saisir et rendre les éléments culturels, les images) ;

• aux « ingénieurs » : soyez moins exubérants sur ce que vous arrivez à faire, ne survendez pas vos produits aux traducteurs ni, surtout, aux clients.

Nous ne tenons pas aux corvées, ok pour les technologies qui évitent les tâches répétitives,

mais si elles sapent le cœur de métier, à savoir l’écriture, nous devons veiller à les utiliser avec

modération.

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3. The way CAT tools mold translations - Final re- sults of the TRACE project, Bartolome Mesa-Lao, Pilar Sánchez Gijón, Universitat Autònoma de Barcelona

Comment les outils d’aide à la traduction façonnent-ils le travail du traducteur ?

Bartolome Mesa-Lao : Ma présentation porte sur les résultats obtenus dans le cadre du Projet TRACE (dont l’acronyme correspond en espagnol à Computer assisted translation quality assessment), des travaux de recherche entamés il y a trois ans, avec pour objectif d’étudier l’incidence des outils de TAO sur les textes produits. Il y a déjà de nombreuses études sur la productivité, la cohérence, et chacun sait que les outils de traduction automatique aident en la matière, mais on ne sait pas quels effets ces outils ont sur les textes produits.

L’hypothèse de départ était la suivante : l’environnement de traduction n’aurait pas d’incidence sur la traduction produite (malgré la segmentation du texte, les différents niveaux de visualisation de la traduction, etc.).

Nous avons utilisé des variables dépendantes et indépendantes. Les traductions, d’anglais en espagnol, ont été réalisées par des traducteurs professionnels : trois textes différents dans trois contextes différents (traitement de texte ; traitement de texte + mémoire de traduction >

segmentation ; mémoire de traduction + Tag Editor > pas d’information sur la mise en page).

Quelques résultats : Il n’est pas plus rapide de travailler avec Tag Editor qu’avec Word. Il n’y a pas de différences selon le statut des traducteurs (freelance ou salarié). Pour ce qui est de la vitesse, les hommes semblent plus lents que les femmes.

Le corpus est en ligne et si vous souhaitez davantage d’informations, je vous invite à consulter le site : www.tradumatica.uab.cat/trace

4. On the Systematicity of Human Translation Processes, Michael Carl, B. Dragsted,

A. L. Jakobsen, Copenhagen Business School

Michael Carl : Les machines seraient systématiques, mais pas les êtres humains. Or, elles ne le sont pas tant que ça et ils le sont plus qu’on ne le croit.

L’étude vise une meilleure compréhension des processus humains à l’œuvre en matière de traduction, pour une meilleure interaction entre l’homme et la technologie. Elle se fonde sur une méthode empirique « Translog » qui observe les mouvements des yeux (oculométrie) et ceux des doigts sur le clavier.

La traduction se caractérise par 3 phases : lecture, rédaction, révision. Différents styles de

traducteurs ont été repérés, selon leurs comportements, qui peuvent évoluer dans le temps, ou

sous la pression par exemple.

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TRALOGY I - ANTICIPER LES TECHNOLOGIES POUR LA TRADUCTION

Pour ce qui est de la lecture initiale : certains traducteurs lisent tout le texte avant d’entamer la traduction, d’autres le survolent rapidement, d’autres ne lisent que quelques phrases avant de commencer à taper, d’autres encore tapent directement.

Lorsqu’ils dactylographient la traduction, certains traducteurs lisent plusieurs phrases avant, d’autres seulement quelques mots avant (traduction quasi mot à mot), en retournant ou pas sur les mots traduits. La tendance la plus générale est de lire quelques phrases avant et de retourner sur quelques mots qui ont été traduits.

Il y a également différents types de révisions : en cours de rédaction ou seulement à la fin, ou une combinaison des deux. La pratique la plus commune est de consacrer plus de temps aux corrections en cours de traduction plutôt que seulement à la fin.

Les différences suivantes ont été constatées entre les professionnels et les débutants : les professionnels ont plutôt tendance à démarrer tout de suite, lire les mots en cours de traduction plus quelques mots en avant et réviser à la fin de la traduction. Les étudiants lisent tout le texte, lisent plusieurs phrases pendant qu’ils tapent la traduction et la révisent en cours de frappe.

Les traducteurs expérimentés seraient moins enthousiastes à l’égard des outils de TAO que les étudiants.

Le développement des outils de traduction pourrait tirer parti des connaissances acquises en matière de comportements et de styles des traducteurs. Vu les différentes phases de traduction, il pourrait être utile de concevoir des outils distincts selon les phases pour répondre aux besoins spécifiques. Tous les outils ne sont pas utiles de la même façon pour tous les traducteurs ni dans toutes les phases.

5. La post-édition à la portée du traducteur, Sandrine Peraldi, CRATIL, ISIT, Paris

Le projet présenté concerne le développement et la mise en œuvre d’une interface de post- édition à forte dimension pédagogique (réalisée avec le concours d’étudiants en traduction de 5

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année), et fortement ancrée dans les domaines de la recherche et de l’innovation puisqu’elle a été élaborée sous l’impulsion et pour le compte d’un véritable commanditaire, une société de traduction automatique de renom.

Il a mobilisé des compétences de linguistes mais aussi d’ingénieurs en informatique issus de l’Institut supérieur d’électronique de Paris (ISEP).

Bref rappel de ce qu’est la post-édition ou post-traduction : apporter par une intervention humaine des améliorations au texte cible produit par des outils de traduction automatique.

Malgré les récents progrès en la matière (notamment avec la combinaison de méthodes syntaxiques et statistiques), les systèmes informatiques produisent toujours des traductions de qualité insuffisante (incohérences d’ordre lexical et syntaxique), nécessitant une révision plus ou moins grande de la part du traducteur, en fonction des domaines de spécialité traités et des combinaisons linguistiques.

L’enjeu était d’élaborer un outil permettant d’accélérer la phase de post-édition, à travers

l’intégration d’outils spécifiques (marquage des mots non traduits, proposition de synonymes,

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possibilité de déplacement de mots, boîtes de dialogue, listes de choix accessibles par simple clic, etc.).

Un corpus multilingue a été constitué (langues de travail : anglais, espagnol, allemand vers le français) à partir d’articles issus de Wikipédia, notamment pour leur disponibilité mais également pour leur relative technicité, dans les domaines de l’informatique et de la médecine.

Une typologie et une analyse des erreurs les plus récurrentes ont ensuite été réalisées et des solutions concrètes ont été proposées : des applications pratiques intégrées dans une interface entièrement conçue par les ingénieurs de l’ISEP, directement reliées au logiciel de traduction et destinées à être implémentées dans le système de traduction automatique.

Ces solutions ont pris la forme d’une boîte à outils, d’une liste déroulante pour choisir parmi une suite de pronoms, d’articles, de signes de ponctuation, etc.

L’efficacité et les fonctionnalités de l’interface ont été testées par des étudiants pendant une journée. Il est ressorti de ces tests que la révision manuelle prenait moins de temps que celle faite à l’aide de l’interface (qui n’était pas optimisée au moment des tests, et entraînait une manipulation accrue).

Une évaluation en termes de coûts a aussi été réalisée. Les chiffres, qui sont en défaveur du projet, s’expliquent par le nombre restreint de testeurs, ainsi que par le fait que la révision manuelle ait systématiquement été menée après la révision avec l’interface (les textes étaient donc déjà connus) et que le temps de familiarisation de l’interface a été comptabilisé dans le temps de révision.

Le projet doit encore faire l’objet d’améliorations mais il a constitué une expérience pédagogique importante pour les étudiants qui ont pu le mener de bout en bout. La collaboration entre linguistes et ingénieurs s’est avérée très fructueuse en permettant de concrétiser la réflexion sous la forme d’une interface viable et fonctionnelle bien que perfectible.

En conclusion, les logiciels ne sont pas encore en mesure de produire des traductions de qualité satisfaisante. Il s’agit d’outils d’aide à la traduction mais pas d’un système destiné à remplacer l’humain dont l’intervention est indispensable en phase de pré- et post-traduction.

6. Face à la nouvelle donne : l’émergence d’un traducteur leader, François Abraham, président de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ)

L’OTTIAQ est le plus important regroupement de traducteurs au Canada. Parmi ses mandats, figure celui d’aider ses membres à s’adapter à l’évolution de la société et de leurs métiers. Dans ce but, il a récemment mené une réflexion stratégique sur l’avenir de la traduction, en vue de dresser un état de la situation, faire des projections pour l’avenir et définir des solutions pour s’adapter.

On voit déjà l’émergence de nouveaux métiers et de nouveaux rôles pour le traducteur. Le

développement rapide d’outils d’aide à la traduction ces vingt dernières années a augmenté la

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TRALOGY I - ANTICIPER LES TECHNOLOGIES POUR LA TRADUCTION

productivité des traducteurs mais malgré cela, ceux-ci n’arrivent pas à répondre à la demande croissante. Ce problème sera accentué au Québec par le départ à la retraite des baby-boomers.

Il est probable que le recours à la traduction automatisée s’accroisse. Des sociétés ont commencé à proposer des services de traduction automatisée suivie d’une révision technique et linguistique, ce qui ouvre la voie à une nouvelle fonction, la post- traduction.

Autre solution possible au problème de main d’œuvre : fournir une aide humaine aux traducteurs. À cette fin, plusieurs lycées canadiens lanceront en septembre 2011 le premier programme scolaire de formation de paralangagiers, c’est-à-dire de personnes qui interviendront notamment au stade de la pré-production (recherche documentaire et terminologique) et de la post-production (editing et correction d’épreuves).

Une autre conséquence des changements technologico-économiques est l’externalisation de la fonction de traduction en même temps que l’externalisation de la documentation interne.

Le fournisseur doit alors acquérir des connaissances en gestion documentaire ainsi qu’en conservation et en protection des données.

Les progrès technologiques ont aussi un effet pernicieux sur la perception de l’utilité de la traduction. Avec toutes les applications de traduction gratuite, les gens ont la fausse impression que les machines peuvent se substituer facilement à l’être humain.

S’ils veulent faire valoir le caractère professionnel de leur métier, les traducteurs devront donc non plus se présenter seulement comme des spécialistes du transfert linguistique mais aussi de la communication. Ils doivent donc devenir des conseillers, chercher à informer leurs clients, leurs employeurs, leurs collègues non traducteurs, de ce qu’ils font, de leur formation, de leurs compétences ; intervenir dans la gestion de projet afin que la traduction ne soit pas reléguée aux oubliettes dans la production documentaire ; ne pas hésiter aussi à intervenir sur le texte de départ. Le traducteur est parfois le seul communicateur.

Il doit en outre fournir des conseils techniques : informer sur les outils (intérêts et limites), conseiller dans leur choix. Contrairement à la machine, il peut offrir en garantie une responsabilité professionnelle pour son travail, pour la protection et la confidentialité des données.

On peut se poser toute sorte de questions sur l’avenir de la traduction et de l’utilisation des technologies. Une des clés essentielles, c’est l’attitude des traducteurs eux-mêmes. Le traducteur de demain devra être un leader, participer à la prise de décision qui le touche, être le moteur de l’évolution de sa profession, dans l’intérêt de tous.

Le Canada compte un grand nombre d’entreprises de développement d’outils langagiers. Mais les traducteurs participent peu à ce développement.

Pour paraphraser un personnage connu, ne vous demandez pas ce que la technologie peut faire pour vous mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour que la technologie vous aide.

La hausse de la demande n’est pas accompagnée d’une augmentation des emplois. La charge

de travail sera sans doute absorbée par les travailleurs indépendants qui, au Canada, effectuent

déjà à peu près 85 % du travail. L’augmentation du volume et de la complexité des travaux de

traduction, le raccourcissement des échéances ouvrent la voie au recours accru à des entreprises

capables de répondre à un large éventail de besoins. Il est fort possible que les indépendants

perdent leur indépendance pour travailler comme simples pigistes pour les entreprises de

traduction. À moins qu’ils ne se regroupent au sein des associations professionnelles, et de

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regroupements commerciaux pour aplanir la charge de travail, partager les ressources, notamment en matière de formation.

L’adaptation reposera en grande partie sur la formation. Qui dit progrès technologiques dit vitesse. Les traducteurs devront acquérir des compétences de plus en plus poussées, et ce de plus en plus rapidement. Les programmes universitaires aussi devront s’adapter. La formation théorique demeurera toujours essentielle mais il faut également une formation pratique pour être prêt au marché du travail.

Les bouleversements technologiques transforment et transformeront radicalement le métier de traducteur, de traductrice (au Canada, il est accompli à 75 % par des femmes). La capacité du milieu de la traduction à relever ces défis pourrait bien être le facteur déterminant de l’avenir de cette profession. Cette capacité passe par une plus grande concertation entre les intervenants (universités, traducteurs, entreprises de traduction, chercheurs en industrie langagière), concertation au sein de pôles dont les associations professionnelles sont bien placées pour être les instigatrices. C’est en tout cas ce que l’OTTIAQ tente d’être.

Caroline Subra Itsutsuji : Notons l’introduction de l’humain, des compétences métiers, mais aussi de la notion d’ergonomie dans ces présentations, ainsi que cette triple invitation aux traducteurs, concepteurs et formateurs, à travailler ensemble.

Questions-réponses :

Discutant : Carmelo Cancio, traducteur, université de Toulouse, Cetim et SFT.

Stefanie Donatantonio, membre SFT : j’ai commencé comme linguiste, traductrice et j’ai été pendant 5 ans chef de projet en localisation en 33 langues ; je gère maintenant une agence de sorte que j’assure tous les rôles.

Les interventions ont porté essentiellement sur les performances, des chiffres, des statistiques, etc., quand parle-t-on de qualité ? Qu’est-ce qui pose problème dans la qualité ? la « quality assurance », vendue par les entreprises comme quelque chose qui fait partie du processus ? Pourquoi n’est-elle pas mise en avant ? Il ne faut pas confondre performances et qualité.

Anne-Marie Taravella : le terme « performances » est beaucoup plus large que le rendement financier. La performance organisationnelle et la performance individuelle englobent l’ensemble de l’atteinte des objectifs qui peuvent être fixés. Ce n’est que lorsque le niveau de qualité recherché est atteint que les performances sont atteintes.

Michael Carl : la vitesse est du côté de la machine, la qualité du côté de l’humain. La question est de comment lier les deux.

Chris Durban : une des caractéristiques de nos marchés c’est que souvent le client ne peut pas juger de la qualité du produit d’arrivée. La qualité est jugée à chaque mission acceptée. Les traducteurs devraient signer leur travail (ours, comme les crédits photos, les graphistes, etc.).

Gérard Guth, membre SFT : Un jour, la traduction automatique ne sera pas loin d’égaler

l’humain. L’humain travaillera moins et la machine plus. La vente des prestations se fait à des

gens qui n’y connaissent rien, les services achats des entreprises. Si la traduction n’est pas

considérée comme stratégique, elle est traitée par des acheteurs qui, de plus en plus, viennent

de la grande distribution, et ne raisonnent plus qu’en termes de coûts. Il faut trouver les moyens

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TRALOGY I - ANTICIPER LES TECHNOLOGIES POUR LA TRADUCTION

de s’adapter. Le regroupement entre traducteurs (ex. des coopératives) est sûrement une bonne idée.

François Abraham : le gros problème avec les traducteurs, c’est souvent ça, « il va falloir qu’on fasse avec ». Les traducteurs ne sont jamais là pour initier le mouvement. Le traducteur va devoir sortir de sa coquille pour influer. Il faut parler aux gens pour faire prendre conscience du rôle stratégique du traducteur.

Personne du public : À propos de l’enseignement de la TAO, la méthodologie est la priorité.

Les outils ne sont qu’une aide, ils ne remplacent pas la jugeote.

François Brown de Colstoun, Lingua et machina : en réponse au monsieur qui a dit que les services achats pressurent la traduction et baissent la qualité, je voudrais indiquer que le client commence à se rendre compte que ça pose problème et que les façons de sélectionner les agences de traduction changent.

Annie Lestrade, membre SFT : Lors d’une journée de la SFT « Traduire à quels prix ? », un acheteur a indiqué que face à un vendeur, il avait autant la trouille que le vendeur. Il faut peut- être arrêter de se contempler le nombril et de se dire qu’on est traducteur, on est aussi des chefs d’entreprise, il faut s’organiser pour trouver les bons clients.

Alain Wallon, Commission européenne : du point de vue de la Commission européenne, l’approche est celle du « fit for purpose » : tout dépend de ce qu’on veut à la sortie ; pour un compte-rendu de réunion, la TAO, complétée par un regard humain pour une lecture agréable, est appréciable. Le curseur en matière de qualité n’est pas le même selon la nature des textes.

Anne-Marie Taravella : j’aime bien que vous rappeliez le concept du « fit for purpose », il correspond à la performance organisationnelle que j’évoquais tout à l’heure, la performance au sens « atteinte des objectifs fixés par avance ». La coordination, la gestion de projet sont des concepts des sciences de la gestion.

Élisabeth Lavault, Université Stendhal de Grenoble, présidente de l’AFFUMT : je voulais souligner l’intérêt d’avoir le point de vue des sciences de la gestion et des ressources humaines.

Cela fait écho à un colloque organisé à Grenoble sur « Traduction et ergonomie », pas seulement l’ergonomie du clavier et de l’écran, mais aussi l’ergonomie cognitive et organisationnelle. Avez- vous prévu d’interroger les travaux des ergonomes ?

Anne-Marie Taravella : oui, pour explorer les concepts de fatigue cognitive, intellectuelle, intégrer ces apprentissages.

Carmelo Cancio : les interventions sont courtes, il n’est pas évident de tout cerner. Ce

colloque rassemble trois communautés qui sont inhabituellement ensemble et donne la parole

au public, que peut-on demander de plus ?

Références

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